Chapitre 8 - Cassiopée
Lors de mon retour, je n'avais pas de suite porté l'attention nécessaire à l'état de mon inconnue, et j'aurais peut-être dû parce qu'il s'avéra être plus inquiétant que ce que je le pensais ; sa blessure devait être grave.
J'étais arrivée en affichant un grand sourire, il était témoin de la fierté que j'éprouvais, et encore, c'était un euphémisme. Après tout, ce n'était pas tous les jours qu'on avait la chance de survivre à l'attaque de trois Téras avec pour seule arme une branche et de trouver autant de ressources - une notion de la " chance " bien relative. Je n'avais même pas pu m'empêcher de brandir mon sac de fortune à la manière d'un trophée, il était le témoin de ma réussite : celle de nous faire gagner quelques jours dans la course contre la Mort. Une course que nous courrions depuis toujours malgré nous. D'ailleurs, avant, je m'étais souvent posé la question du " pourquoi ? ". On s'obstine dans cette course alors qu'il n'y a qu'une seule issue possible à celle-ci : la défaite. Mais, maintenant, je l'ai ma réponse, je sais que ce sont l'espoir et l'instinct qui nous poussent à ne pas abandonner. Je trouve cela fou, je suis folle ; nous le sommes tous.
— Regarde ce que je nous ai ramené ! Tu ne vas pas y croire tes yeux quand je vais te raconter ce qu'il s'est passé.. mais chaque chose en son temps ! J'ai trouvé plein de trucs cools qui vont nous permettre de survivre : des conserves, des gâteaux, et même du chocolat ! Une tablette tout entière, j'te jure. Je crois que ça fait une éternité que j'en ai pas mangé, pas toi ? Je me retournais alors vers l'inconnue lorsque, de longues secondes après avoir posé ma question, je n'obtins toujours pas de réponse.
Lorsque j'avais pris la parole, je l'avais fait d'une traite, ne m'arrêtant qu'au moment de sa non-réponse. En temps normal - avant tout ça, je veux dire -, je n'étais pas le genre de personne à parler de manière abusive. J'étais de " bonne écoute ", comme on dit, et j'ouvrais ma bouche seulement lorsque je ressentais le besoin de dire quelque chose, comme maintenant. Avant, je n'avais pas besoin de prendre la parole pour qu'on me porte de l'attention, qu'elle soit positive ou négative, je ne faisais pas de différence. C'était nocif, je le sais. Mais, maintenant, les choses sont bien différentes. Il n'y a plus personne pour me porter de l'attention, sauf peut-être les Téras, mais je doute qu'ils soient intéressés par autre chose que ma mort. Et, comme une idiote, je me sentais obligée de me vanter auprès de l'inconnue ; je voulais l'impressionner. Cette peur de ne pas être à la hauteur, et qu'elle trace son chemin une fois rétablie me hantait. J'avais envie qu'elle me trouve assez bien pour vouloir de ma compagnie, nous pourrions même devenir des acolytes, ou des amies, qui sait ? Et, raconter mes récits idiots était tout ce que j'avais trouvé pour arriver à ce but - et calmer mes angoisses par la même occasion.
Je m'étais alors tournée vers elle, fronçant les sourcils : il y avait quelque chose qui n'allait vraiment pas chez elle. Cette simple pensée suffit à faire monter une bouffée de panique en moi, me faisant lâcher les provisions que je tenais pour pouvoir me précipiter à ses côtés. Les boîtes que j'avais dans les mains avaient heurté le sol dans un bruit sourd, mais je m'en fichais. Nos provisions pouvaient bien être abîmées, elles ne serviraient de toutes manières à rien si la fille devait en venir à mourir. Je me suis alors agenouillée près d'elle, comme je l'aurais fait si cela avait été un de mes proches. Ma main se posa instinctivement sur sa joue, et je tournais sa tête vers moi ; elle me semblait déconnectée de la réalité.
Son regard se perdait dans le vide, je n'étais même pas certaine qu'elle me voit réellement. Sa tête dodelinait, pareille à celle d'une poupée, et je sentais que je pouvais la bouger comme je le souhaitais sans qu'elle ne résiste ; elle n'en avait certainement pas la force. Elle n'esquissait même pas l'ombre d'un mouvement. Elle me semblait épuisée, mais j'avais que peur, si elle fermait les yeux avant que je n'aie pu lui apporter des soins, ce ne soit la dernière fois qu'elle batte des paupières. Je ne voulais pas qu'elle parte à jamais. Ma main quitta alors sa joue pour aller trouver son front : sa peau était encore plus chaude. Inquiétée, je changeais une nouvelle fois l'emplacement de ma main, la posant sous sa mâchoire, au niveau de son cou. Je cherchais désespérément son pouls. Il était là, je le sentais. Mais il était rapide, beaucoup trop à mon goût, à moins que ce ne soit qu'une impression ? Je n'étais même pas sûre de savoir quelle était la fréquence normale des battements du cœur.
— Eh ! Je suis là. J'ai des médicaments, tout va bien se passer, mais reste avec moi, s'il te plaît ! Tu m'entends ? Dit un truc, fait un geste, je sais pas, n'importe quoi bordel ! Me laisse pas seule ici.., ma voix se fit plus basse lorsque je prononçais ces derniers mots. Je me sentais faible, tellement décidée à me défaire de cette solitude qui m'étreignait que j'en étais arrivée à supplier une inconnue.
— Pro.. mis.., me répondit-elle.
La voix avec laquelle elle m'avait répondue était si basse que je n'étais pas certaine qu'elle ait réellement prononcé ce mot ; peut-être qu'il n'avait été que le fruit de mon imagination ? Ce n'était pas grand chose, peut-être même juste une promesse en l'air due à son état actuel, mais ses paroles me réchauffèrent le cœur. La jeune fille était même parvenue à m'arracher un sourire, à peine visible, mais présent. En sentant le coin de mes lèvres s'étirer, je portais instinctivement ma main à celles-ci, l'agrandissant un peu plus lorsque je réalisais ce qu'il se passait. Cela faisait du bien, de sourire, je n'aurais su dire combien de temps cela faisait que je n'avais pas affiché autre chose qu'une mine inquiète ou sérieuse.
Le temps que je me reconcentre sur l'inconnue, elle avait déjà sombrée, mais je savais qu'elle reviendrait de son sommeil ; sa promesse m'en laissait l'espoir.
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