Chapitre 6 - Cassiopée
Je me redressais après plusieurs minutes, une fois que je assurée que je n'avais plus rien à rendre, et j'essuyais du revers de ma manche la bave qui coulait le long de ma bouche. Pas très glamour, je sais. Je m'éloignais bien vite de la poubelle et des cadavres ; une horrible odeur se commençant à se dégager des deux. Me retournant vers la boutique, ou ce qu'il en restait, je pus enfin me mettre à la recherche de ce que j'étais venu chercher en ces lieux.
L'ambiance était à l'image du monde : glauque.
Le lieu n'était que très peu éclairé. L'électricité ne fonctionnant plus, je ne pouvais compter plus que sur les quelques rayons de soleil qui filtraient à travers les vitres cassées pour éclairer mon chemin. Plus je m'aventurais dans les allées, plus j'avais cette sensation d'oppression ; le mal-être créé par l'obscurité était indéfinissable. Se mêlant au rythme saccadé de ma respiration, il n'y avait que le crissement de mes pas. Et je laissais sur mon passage la trace de mes semelles, ancrées dans la poussière jusqu'à ce qu'une nouvelle couche ne vienne les recouvrir. Dans les rayons, il n'y avait pas grand chose que j'étais en mesure de récupérer. Les quelques paquets de pâtes qu'il restait étaient éventrés, envahis par les mythes, et les fruits étaient en train de pourir sur leurs étalages - un rayon que je pris d'ailleurs le soin d'éviter, à l'image de celui des produits frais. La seule chose que je parvins à récupérer fut une boîte de conserve cabossée qui contenait une portion de petits-pois carottes.
Ces rayons vides étaient en grande partie le résultat des émeutes qui avaient suivi les premiers jours de la Fin. Une panique qui, je ne le crains, a réduit fortement le nombre de survivants. Peut-être que, avec une meilleure organisation, je ne me serais pas retrouvée à errer seule dans les rues. Il était aussi probable que d'autres pilleurs, comme moi - bien que je préférais le terme d' " opportuniste " -, ne soient passés ensuite pour faire main basse sur les dernières ressources. Malgré ma déception de ne rien avoir trouvé de plus, je ne baissais pas les bras : toute boutique avait une réserve, et il fallait absolument que je la trouve. Il s'agissait de ma dernière chance de mettre la main sur quelques vivres.
Heureusement, il ne me fut pas compliqué de trouver ladite réserve, les lieux n'étaient pas très grands et il n'y avait qu'une seule porte qui pouvait correspondre à ce que je cherchais. D'ailleurs, celle-ci était déjà ouverte : la poignée avait été forcée. Je supposais qu'il s'agissait d'un autre opportuniste qui avait eu la même idée que moi. Posant ma main à plat sur le battant, je poussais délicatement la porte, passant tout juste ma tête à l'intérieur. Je tends l'oreille : seulement le silence. Il n'y avait donc pas de danger immédiat. Je n'avais de toutes manières pas l'intention de m'attarder trop longtemps dans la réserve, celle-ci s'avérant être encore plus sombre que la boutique.
Les étalages n'étaient pas pleins, comme ils l'auraient été avant l'effondrement, mais ils contenaient quand même bien plus que ce je m'imaginais. Si je devais estimer les ressources à ma disposition, je dirais qu'il y avait bien de quoi faire tenir quelques semaines deux ou trois personnes - si on se rationnait correctement, bien évidemment. Il fallait croire que les personnes passées avant moi ne s'étaient pas montrées égoïstes, malheureusement, je ne pourrais pas en dire autant de mon cas. Si j'avais été seule, peut-être n'aurais-je pris que ce dont j'avais réellement besoin, mais avec l'inconnue blessée, je ne pouvais me permettre de cracher sur du surplus de nourriture. Je me suis alors saisit d'un sac-poubelle, bien évidemment propre, afin de m'en servir comme d'un sac. Cela faisait bien longtemps que j'avais perdu le mien et il s'agissait du meilleur objet que j'avais sous la main pour le remplacer ; pratique à porter et étanche. Je me suis alors occupée d'y mettre ce que je trouvais, mais dans le noir ce n'était pas une tâche évidente, surtout qu'il me fallait vérifier l'état des provisions : je n'allais pas m'encombrer de paquets rongés par les bêtes. Des paquets de gâteaux secs, des barres énergétiques, des plats à réchauffer, des conserves, et j'étais même parvenue à trouver une tablette de chocolat et des bouteilles d'eau.
Une fois remplit, je fermais mon sac de fortune en me servant des rubans de plastiques prévus à cet effet, et je hissais le tout sur mon épaule. Je quittais la salle en ne laissant derrière moi que ce que je n'avais pas pu récupérer ou presque. Sur l'étagère la plus proche, j'avais laissé une bouteille d'eau abîmée et un paquet de biscuits dans le même état. C'est que je me croirais presque le jour du réveillon, quand je laissais à manger au père-noël, sauf que, là, il ne s'agissait plus de satisfaire la faim d'un vieux barbu imaginaire, mais de faire taire ma conscience.
Je ne sortis cependant pas immédiatement de la boutique, il me restait encore le plus important à récupérer : une trousse de soin. Par chance, j'avais une idée de l'endroit où je pourrais la trouver, et c'est pour cela que je me dirigeais vers ce qui avait été la caisse. Sous la partie ressemblant à un bureau, elle était là, accrochée sur le côté. Je devais être la première à en avoir besoin - ou à avoir su où la trouver - parce qu'elle me semblait être encore complète. Satisfaite, je me dirigeais vers la sortie, me retrouvant à devoir passer par le rayon de prêt-à-porter. Il ne restait pas grand-chose, seulement quelques tissus éparpillés sur le sol, ce qui n'était guère étonnant lorsqu'on avait vu le reste de la supérette. Mais en raison de l'état de mes propres habits, j'ai décidé d'en prendre quelques-uns. Ce que je portais s'apparentait plus à des loques que de réels vêtements : troués, tâchés de sang - peut-être même de vomi - et encore trempés de ma baignade improvisée, ce ne serait pas refus de me changer. J'en ai aussi pris pour la demoiselle blessée, me doutant que ses vêtements devaient être dans un état similaire aux miens.
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