Chapitre 4 - Cassiopée
Cette jeune fille était la première personne que je croisais depuis que le monde avait commencé à mourir. Je ne savais même pas combien de temps cela représentait, peut-être quelques jours, quelques semaines ; j'avais perdu le compte. En fait, je devais avouer que ce n'est pas tout à fait vrai. J'avais bien croisé quelques personnes pendant ce temps, mais elle était la première qui n'avait pas essayé de m'ôter la vie dans les quelques secondes suivant notre rencontre. C'est certainement pour cette raison que, dès l'instant où je l'ai vue, frissonnante et pâle comme la lune, j'ai décidé d'écouter cette voix qui me disait : " Aide-la ". Mais était-ce réellement elle que j'aidais ? Ou bien n'était-ce qu'une façade à mon égoïsme ? Je ne m'étais pas dit que je devais lui apporter des soins pour qu'elle puisse vivre, mais pour que je ne sois plus seule dans cet enfer. J'en ai conscience, je ne devrais pas réfléchir de cette manière, et j'espère qu'On me le pardonnera. Seulement, si cette inconnue devait en venir à mourir, je sais qu'une partie de moi-même s'éteindra en même temps ; celle qui avait l'espoir de la voir m'arracher à cette solitude. Une solitude qui me rongeait depuis que j'avais commencé à errer dans les rues de mon ancienne vie.
Il me semble que c'est à ce moment que je me suis fait la promesse tacite de la protéger.
Alors que ces pensées me traversaient l'esprit, je marchais d'un pas pressé en direction d'une ancienne station service située en bordure de ville. De ce dont je m'en souvenais, l'espace de vente n'était pas très grand, de la taille d'une supérette, et il était donc probable que je n'y trouve rien de plus qu'un groupe de Téras. Mais, même si ma chance d'y trouver quelques vivres était infime, je me devais d'aller voir. Surtout qu'il nous faudrait au moins assez de rations pour nous permettre de rejoindre le centre-ville, parce que c'est seulement là-bas que je pourrais trouver le matériel qui me permettra d'assurer à la jeune fille des chances de survie durables. Malheureusement, je ne pouvais m'y rendre dans l'immédiat. Ce trajet, qui aurait pris une petite heure de mon temps avant, m'en demandait maintenant plusieurs jours, et je ne pouvais me permettre de la laisser seule autant de temps au vu de son état - surtout que je n'étais même pas certaine que la cachette où je l'avais laissée soit sûre.
Lorsque j'arrivais à l'endroit souhaité, le paysage qui s'offrait à moi me laissa une désagréable sensation. Il aurait parfaitement pu servir d'illustration à l'un de ces livres que j'aimais lire avant qu'ils ne deviennent mon quotidien ; les auteurs n'étaient pas si loin de la réalité finalement. Tout était vide et mort, comme ils l'écrivaient. Sur le parking, il y avait une voiture entièrement recouverte par les cendres et la poussière. Je ne sais pas si elle était en état de fonctionner, et je fus un instant tentée d'essayer de la faire démarrer avant de me souvenir que je n'avais pas le temps pour cela. " Elle est peut-être en train de mourir, tu ne vas pas t'amuser à conduire maintenant ". J'essayais de calmer ma frustration en me disant que le poteau qui était tombé sur le capot avait sûrement endommagé le moteur, la rendant inutilisable. Si toute la structure de la partie " station essence " s'était écroulée à cause des tremblements de terre, le bâtiment abritant la supérette s'en sortait mieux. Les vitres étaient brisées et je pouvais apercevoir quelques fissures sur la façade, mais le tout semblait encore tenir debout - ce qui me laissa l'espoir que j'y trouverais peut-être quelque chose.
Lorsque j'arrivais devant l'entrée du bâtiment, ma main se porta instinctivement au niveau de mon dos - nouvelle vie, nouvelles habitudes. Elle n'y trouva cependant que du vide, il était vrai que j'avais perdu mon arme lors de ma dernière bataille. Je souffle. Le problème n'est pas que je me retrouvais sans arme alors que j'étais vulnérable, j'en trouverais une nouvelle sans problèmes, mais plutôt que la nouvelle ne sera certainement pas aussi efficace que celle que je m'étais appropriée ; la faux de mon papy. J'espère d'ailleurs qu'il ne m'en veut pas trop, où qu'il se trouve. Je me retourne, et mon regard se pose sur les quelques arbres qui, arrachés à la terre, se retrouvaient condamnés à gésir sur le parking. Leurs branches me semblaient plutôt solides, en tous cas, assez pour pouvoir me servir d'arme de fortune, mais encore fallait-il que je parvienne à me les approprier. Ne sachant pas vraiment comment m'y prendre, je posais mes deux mains sur la branche choisie, la maintenant fermement comme si elle risquait de s'échapper. Je positionnais mon pied au-dessus de ma future arme, me préparant à donner un coup sur celle-ci pour la briser, mais je ne le fis pas immédiatement, suspendant mon pied dans les airs quelques secondes.
— Désolée, je t'emprunte ça. J'espère que tu comprends, disais-je alors qu'un rictus déformait mes lèvres - même moi, je n'aurais su dire si j'étais sérieuse ou non en prononçant ces mots.
Le silence n'eut pas le temps de reprendre sa place que j'abattais déjà mon pied une première fois, crac. La branche a plié, mais elle n'a pas cédé. La fissure que je voyais apparaître ne me permettait pas encore de la récupérer, et j'abattais mon pied une seconde fois, puis une troisième. CRAC. Je finis ma tâche en l'arrachant, mais l'écorce fait couler un peu de mon sang, laissant sur mes paumes la trace de ce crime odieux. Je fais quelques mouvements dans l'air avec ma nouvelle arme, les feuilles encore accrochées fouettant l'air dans un bruit qui me fit sourire. J'étais de nouveau devant la porte, déterminée à récupérer tout ce dont j'avais besoin dans le magasin, et ce n'était certainement pas la pancarte " closed " qui allait m'en empêcher.
Je ne saurais dire ce qu'il m'est passé par la tête exactement, mais, l'espace de quelques secondes, je me suis crue dans l'un de ces films où l'héroïne fait une entrée stylée. Après tout, je vivais l'Apocalypse alors pourquoi je ne pourrais pas être ce type de survivante ? C'était toujours mieux que d'être celle qui mourrait dès les premières minutes. Toujours est-il que j'ai donné un coup de pied dans la porte, mais au lieu de s'ouvrir, elle s'est littéralement effondrée : autant dire que ce n'était pas le résultat escompté. Je n'avais pas pensé que les récentes catastrophes naturelles auraient pu fragiliser la porte. Au moment de la chute, ce qui restait des vitres s'est éparpillé - certains bouts me laissant des entailles au niveau des jambes - et la structure métallique a heurté le sol dans un bruit horrible. Je m'étais retrouvée en mauvaise posture, les trois Téras qui se cachaient dans la boutique n'avaient pas mis plus de quelques secondes avant de se diriger vers la source du bruit : moi.
— Putain, ces films ne sont que des mensonges ! Crachais-je rageusement lorsque je pris conscience de la situation. Je savais que c'était de ma faute, et que j'aurais dû être plus réfléchie, mais il était plus simple de rejeter toute responsabilité - surtout lorsque personne n'était là pour me contredire.
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