Chapitre 30 - Zoey
J'avais pris une dernière inspiration, celle qui m'avait permis de rassembler mon courage ou plutôt les miettes qui traînaient au fond de moi. Mais ça n'empêchait pas mon souffle de se couper à chaque marche, ma respiration de se suspendre dans l'attente de quelque chose qui ne venait jamais. Chaque pas que je faisais, chaque marche que je passais, me laissait la crainte de voir mes démons ressurgir, mais il n'en avait rien été. Rien d'autre que cette semi-pénombre dans laquelle nous étions plongées, que ce silence qui n'était brisé que par le bruit de nos respirations et de nos pas. Un environnement effrayant, mais où le plus grand danger serait que je me prenne les pieds et que je trébuche sur les vieilles marches. Ces dernières n'avaient, par ailleurs, en commun avec celles que mon rêve que leur mauvais état. Elles ne semblaient pas être dotées de l'esprit fourbe de ces dernières, et pourtant ça ne m'empêchait pas de n'avoir que la volonté de vouloir les quitter, elles et cet endroit étroit qui commençait à m'oppresser.
Mon souhait devait avoir été entendu parce que nous arrivions au premier palier, là où il n'y avait plus de porte pour nous séparer des couloirs. Un poids s'était ôté de mes épaules en même temps que je prenais conscience qu'ils n'étaient pas infinis puisque j'étais au terme de ceux-ci. Mes lèvres s'étiraient malgré moi en un sourire et mes pas s'arrêtèrent, me laissant le temps de contempler le paysage qui s'offrait à mes yeux. Désastreux et pitoyable puisque l'étage n'était plus que les ruines d'une vie passée, mais une délivrance face à mes angoisses. Seulement, la brune qui m'accompagnait ne semblait pas du même avis parce qu'elle continuait son chemin, ne voyait-elle donc pas ce qui s'offrait à nous ? Glissant sa main dans la mienne à l'instant où elle avait remarqué que ma route s'était arrêtée, elle m'attirait vers elle, m'invitant à la suivre avec une douceur que je ne lui aurais pas attribuée. Cet étage ne semblait pas être suffisant à ses yeux.
— Cet étage est trop bas, déclara-t-elle alors, brisant le silence qui s'était installé par ma faute. Nous n'avions pas échangé un mot depuis que nous avions commencé à grimper les marches, j'avais l'esprit trop préoccupé pour faire la conversation, on doit aller le plus haut possible. Viens.
Je ne lui répondais même pas par les mots, simplement un signe, un hochement de la tête tandis que je détachais difficilement mes yeux de l'étage, que mes pas la suivaient avec l'appréhension de retourner dans la cage qui abritait mes angoisses. Et, étonnamment, elle semblait comprendre que l'heure n'était pas à la conversation, elle semblait comprendre mon besoin de silence parce qu'elle n'ajoutait rien d'autre qu'un regard en coin. Elle m'entraînait alors vers les étages et, surtout, vers l'étage en question, celui qui serait le plus haut de tous. L'immeuble dans lequel nous évoluions n'était pas très grand, pas très haut, et il avait certainement été coincé, à une époque, entre deux buildings qui l'avaient dépassé d'une centaine d'étages. Mais, eux, ils s'étaient effondrés sur eux-mêmes, pas lui, qui se tenait encore fièrement debout. Il ne comptait que cinq étages et un toit que je supposais accessible puisque les escaliers continuaient alors que nous arrivions au plus haut. Sûrement comptait-il des étages sous terre, mais l'idée de les explorer ne me tentait pas.
Ce fut seulement au moment où nos pas foulèrent le sol du dernier étage que sa main lâcha brusquement la mienne, comme si elle réalisait à peine que nous nous étions tenues tout ce temps. Je n'avais rien dit, je n'avais pas esquissé le moindre geste, mais j'aurais volontiers gardé sa main dans la mienne un peu plus longtemps. Quelques secondes m'auraient suffit tant qu'elles auraient eu le pouvoir de retarder l'arrivée de cette sensation de froid qui montait désormais en moi, qui s'infiltrait jusqu'au plus profond de mon être. Nous étions alors toutes les deux immobiles, comme deux statues oubliées qui surveillaient les alentours de leurs regards impassibles. En cet instant, les mots étaient superflus, nous n'avions pas besoin de parler pour nous comprendre, pour savoir ce que nous cherchions dans cet immeuble à priori désert de toute autre présence. Ça, c'était une autre chose que j'avais appris, que les apparences étaient trompeuses, qu'en baissant notre garde on s'exposait aux Téras, certes, mais par la même occasion à des dangers qui étaient bien plus grands. Un risque que la brune à mes côtés ne semblait pas souhaiter prendre. Elle, elle devait scruter les couloirs délabrés, elle devait tendre l'oreille à l'affût du moindre bruit suspect tandis que, de mon côté, je laissais mes yeux se poser dans notre dos. Ça avait été instinctif, comme un besoin irrépressible d'observer une dernière fois l'endroit d'où nous venions. J'attendais, mais il n'y avait rien. Pas de trace d'une foule de ces monstres, pas de traces de mère, mes démons semblaient s'être évanouis lorsque je m'étais réveillée, restés au pays des songes. Maintenant que j'en étais sortie, que j'avais passé cette épreuve, la cage d'escaliers me semblait bien moins effrayante et mes angoisses stupides.
Je sens une énergie nouvelle prendre possession de mon être, une certaine fierté qui me donne la sensation d'être invincible. J'attrape une barre de métal qui traînait dans les décombres, une arme de fortune qui révélait aux yeux du monde cette envie soudaine que j'avais de me battre, de montrer toute la force que je pouvais avoir aux Téras qui se cachaient dans l'étage. C'était une chose que je n'avais pas faite lors de mon rêve où je m'étais contentée de fuir, mais je nourrissais désormais cette envie de passer outre cette peur-là comme je l'avais fait avec celle des escaliers. Seulement, je n'en aurais jamais l'occasion parce que rien ne vint, rien d'autre que le silence et l'attente dans lesquels nous baignons depuis un certain temps déjà. Une minute s'écoula, puis deux, à moins que ça n'en fasse déjà huit, je n'en avais aucune idée, mais cela été suffisant pour qu'on soit assurées de la sécurité de l'étage. C'est Cassiopée qui donna le signe du départ, qui s'aventura la première dans les couloirs. Elle avait glissé sa main dans la mienne une nouvelle fois, et j'avais l'impression que c'était simplement les choses qui reprenaient leurs places normales.
Notre exploration ne dura pas bien longtemps et nos pas s'arrêtèrent finalement devant une porte à moitié sortie de ses gonds, abîmée par les intempéries qui se succédaient sans répit ces derniers temps. En réalité, c'était uniquement la brune qui avait décidé de l'endroit où nous dormirons cette nuit, je m'étais simplement laissée portée, je l'avais simplement suivie et c'était agréable d'avoir l'impression d'être en sécurité, j'en oublierais presque les dangers qui nous guettaient. D'un coup de pied, elle avait dégagé la porte, l'envoyant s'écraser avec fracas contre les murs, dévoilant à nos yeux ce qui se cachait derrière. Heureusement que nous avions vérifié que l'étage était vide sinon nous nous serions certainement retrouvées acculées par les monstres qui n'attendaient qu'une seule chose : être en mesure de nous repérer. Mais, une nouvelle fois, rien n'était venu, nous étions seules dans le bâtiment. Au moment où elle avait heurté la porte, une petite plaque qui n'était plus vraiment accrochée à celle-ci était tombée dans un bruit métallique, en baissant les yeux j'avais été en mesure d'y lire « Private. Personal only ».
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