Chapitre 27 - Cassiopée
Je fus réveillée de manière assez brutale et, face à ce constat, ma première pensée fut pour mon petit frère. Qu'il était insupportable ce gosse. Mais, moins d'une seconde après, je réalisais que ce n'était pas possible, que ça ne pouvait pas être lui. Plus maintenant. Coincée entre les bribes de mes rêves et un semblant de réalité, j'en avais oublié ce qu'il en était réellement dans cette dernière, j'avais été incapable de les différencier. Cette prise de conscience brutale fut comme une chute, un coup en plein cœur qui y laissa un vide : celui du manque. Mais ce n'était sûrement pas le moment ni la place adéquat pour me laisser aller à la nostalgie, à la mélancolie et aux larmes. Mon deuil, je l'avais fait, pas besoin de revenir dessus. Et, si ce n'était pas lui qui était responsable de ça, cela voulait dire que c'était quelque chose d'autre ou plutôt, quelqu'un d'autre.
En l'occurrence, il s'avéra que c'était la faute à la blonde à mes côtés. Elle s'était redressée rapidement et, visiblement, elle avait été peu soucieuse de son environnement, autrement dit de moi. Sa tête avait cogné la mienne avec une brutalité que j'aurais préféré ne pas subir au réveil surtout que c'était précisément ça qui m'avait tirée de mon sommeil ; mais qu'est-ce qui lui avait pris ? Pour une fois que ce n'était ni les secousses, ni leurs conséquences qui me réveillaient, j'aurais préféré que ce soit un peu plus doux, plus délicat, comme les réveils de ma mère quand j'étais gosse.
Je réalisais alors que les secousses s'étaient arrêtées, ce qui signifiait qu'on était passé au jour suivant, mais qu'il était encore trop tôt pour la catastrophe du jour, du moins de ce que j'en supposais puisque je ne voyais ou ne sentais d'alarmant. Pour l'instant en tout cas, parce que je savais que ça ne tarderait pas à nous tomber dessus, qu'on n'y échapperait pas. Seulement, plutôt que d'y penser, je préférais reporter mon attention sur la blonde à mes côtés, sur la sauvage, la brute ou tout autre synonyme qui aurait pu convenir. Et je grogne, parce que je voulais que mon mécontentement soit clairement perceptible, mais que j'étais encore bien trop peu réveillée pour l'exprimer avec des mots. Entre ma bouche pâteuse et mes pensées embrouillées, je ne parvenais à formuler des mots audibles, encore moins des phrases censées alors elle se contentera de ça pour l'instant, en espérant que le message passe.
Je tentais tout de même d'ouvrir mes yeux encore clos par la fatigue pour les poser sur la blonde, si je pouvais, en plus, la gratifier d'un regard noir, ce ne serait que du bonus. Je ne voulais pas être méchante, seulement lui faire comprendre que ce n'était pas possible. Je parvins même, finalement, à marmonner quelques mots d'une voix enrouée, dont je savais qu'elle les entendrait parfaitement en raison de la courte distance qui nous séparait.
— 'tain.. tu peux pas faire un peu attention ? la questonnais-je alors.
— Dé.. so.. lée..
À peine avais-je entendu ce mot qui était sorti de ses lèvres avec une certaine difficulté que mes yeux s'ouvraient en grand, que ma conscience était pleinement éveillée. C'était comme prendre une douche froide alors qu'on était saoule : on décuvait vite généralement. Là, c'était la même chose avec ce mot, sauf que ce n'était pas de l'alcool qu'il m'avait tiré, mais bien de mes restes de sommeil. Et, en réalité, ce n'était même pas vraiment la faute à ce mot, pas en lui-même. Ce qui avait éveillé mon inquiétude et m'avait plongée dans un état d'incompréhension c'était la manière dont elle l'avait prononcé, cette difficulté qu'elle y avait rencontré et qui n'avait rien à voir avec celle que j'avais eu. Ces trois syllabes nettement séparées, prononcées difficilement entre deux souffles, cette respiration sifflante qui faisait plus de bruit que sa voix. C'était ça qui avait éloigné ma colère, qui m'avait fait oublier la douleur qui pulsait dans mon crâne, les reléguants à la dernière place sur l'échelle de mes soucis, au rang de ceux qui n'étaient pas importants. Parce que, à ce que j'en savais, je ne semblait pas en train de mourir contrairement à elle.
Elle cherchait de l'oxygène, celui-ci semblait la fuir, et sa respiration m'inquiétait. Elle était courte, saccadée, difficile : elle donnait l'impression de mourir, juste sous mes yeux. Et moi, je la regardais, impuissante : qu'est-ce que je devais faire dans ce genre de situation ? Exactement le genre de situation que je préférais éviter parce qu'il n'était pas pour moi, parce que je n'y avais jamais été confronté, que je n'avais pas les bons réflèxes. Il m'a peut-être appris à survivre, mais pas à sauver les autres. Une crise d'angoisse, ce mot s'imposa dans mon esprit comme une évidence, comme le nom du mal qui rongeait actuellement la blonde qui n'allait toujours pas mieux. Et son état semblait même s'empirer, ses yeux dans les miens, il me fallut quelques secondes avant de comprendre que mon angoisse ne faisait qu'augmenter la sienne. Bon sang, il fallait que je me ressaisisse, je n'avais pas le droit de flipper alors que c'était elle qui avait l'impression d'être en train de mourir. Oui, sauf que la voir dans cet état me donnait l'impression que, moi aussi, j'étais en train de mourir.
Je crois que c'est à cet instant que mon instinct a pris le pas sur ma raison parce que mes mains se sont mises à bouger, presque seules, et se sont posées de part et d'autre du visage de Zoey. Entourant son visage de cette manière, je forçais ses yeux embués de larmes à se poser dans les miens, concentrant son attention sur moi-même. Je n'avais absolument aucune idée de ce que j'étais en train de faire, mais je devais bien essayer parce que je ne supportais plus de la voir dans des états pareils. Et je n'avais ni le temps de réfléchir, ni celui de me poser des questions. Nos visages si proches l'un de l'autre, j'essaye de ne pas détourner le regard malgré l'envie qui s'empare de moi, pinçant mes lèvres comme pour me donner une dose de courage.
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