Chapitre 22 - Cassiopée
Je pressais doucement la main de Zoey, et ce simple geste me donna la force de faire quelques pas. Nous ne pouvions décidément pas rester ici en attendant que quelque chose se produise surtout que, selon toute vraisemblance, rien d'autre que notre imagination ne nous barrait la route. Mes yeux ne distinguaient aucun mouvement, même furtif, dans la dernière zone de pénombre et, mis à part celui de nos respirations, il n'y avait aucun bruit. Mais, malgré mes constatations, je ne pouvais m'empêcher d'être tendue, et j'avais toutes les raisons de l'être : il n'était pas rare de trouver des Téras dans les bâtiments. Les infectés étaient comme les bestioles, ils arrivaient à entrer, mais jamais à sortir, et les murs qui formaient autrefois leurs maisons étaient devenus ceux de leur prison. Et, si nous devions faire face à tout un groupe des leurs, je ne suis pas certaine qu'on soit en mesure de se battre. Je sentais mes muscles qui tremblaient, sûrement l'effet d'un mélange de fatigue et d'une descente rapide de l'adrénaline qui s'était propagée dans mon corps lors de la chute de la blonde.
Je n'avais plus qu'une seule chose en tête : le repos qui m'attendait. Enfin, si seulement je parvenais à le trouver cette nuit, ce qui ne serait pas une tâche des plus aisée. Entrainant la blonde à ma suite, je me dirigeais vers l'endroit le plus approprié pour passer cette nuit, c'est-à-dire un des angles du hall, le plus éloigné possible de l'entrée pour pouvoir prévoir toute intrusion. Si nous étions loin du confort que l'on aurait pu trouver dans les étages, nous étions au moins plus à l'abri ici et, si ça augmentait nos chances de survie, nous pouvions bien sacrifier une partie de notre confort.
À mesure que j'avançais, les gestes à adopter dans des situations pareilles me revenaient en tête une à une et, comme chaque semaine, j'entendais clairement la voix de mon père raisonner dans ma tête. Presque comme s'il était là. Je reconnaissais parfaitement ce ton grave qui donnait à tous les sujets, même les plus futiles, un air sérieux, et réprobateur, je le revoyais presque, les sourcils froncés et, si à l'époque, j'aurais tout donné pour ne plus faire face à cette expression, maintenant ça me rendait nostalgique. " Les murs porteurs sont les plus solides " m'avait-il souvent répété. Bien qu'il me disait encore plus souvent d'éviter d'être en intérieur ou proche de bâtiments. Seulement, pour cette nuit, ce ne serait malheureusement pas possible, surtout que nous aurions besoin d'un abri pour les jours à venir et, plus nous serions proche de celui-ci, mieux nos vies s'en porteront. Et, alors que ses conseils me revenaient en tête, le doute s'insinuait ; avais-je fait les bons choix ? Qu'arait-il fait à ma place ? Je n'en savais rien. J'en vins même à penser à lui, ce qu'il était devenu, me demandant comme il pouvait être mort que c'était lui qui m'avait appris toutes ces choses qui me permettaient de survivre. En réalité, je ne savais même pas s'il était mort, mais c'était moins douloureux de voir les choses sous cet angle. Pas de fausses illusions.
Moi et les idées noires qui commençaient à envahir mon esprit, on se laissa glisser à terre, mon dos appuyé contre le mur et, à l'instant même où je me retrouvait au sol, faisant virevolter des particules de poussière tout autour de nous, de nouvelles secousses nous malmenèrent. Mais, cette fois, je n'y prêtais même plus attention, mon esprit préférant se concentrer sur les pensées qui l'envahissait. Pour la première fois depuis un certain temps, je prenais la peine de réfléchir à certaines questions que j'avais volontairement laissées de côté lorsque la Fin était arrivée. Était-ce le fait de ne plus être seule qui les faisait ressurgir ? Il fallait croire que, à force de survivre pour moi-même, j'en avais oublié que, justement, je n'étais plus seule, qu'il y avait eu, un jour, d'autres personnes, et qu'il y en avait encore.
C'est Zoey qui m'arracha à toutes ces pensées. Sûrement que mon visage s'était fermé, et qu'elle l'avait remarqué, parce que je sentais son regard posé sur moi, et je n'avais même pas besoin de tourner la tête pour deviner son expression inquiète. Suite à cette réalisation, je lui adressais immédiatement un sourire, le genre qui disait que tout allait bien en se passant des mots. Avant qu'elle ne se décide à me poser une question, j'attapais le sac posé entre nous pour en sortir un paquet de biscuits, secs et écrasés, mais nous devrions nous en contenter. J'en proposais alors un à la blonde qui s'en saisit sans hésiter et en pris un à mon tour avant de le remettre dans le sac-poubelle.
Les secousses ne cessaient pas alors que j'entamais mon biscuit, et je dois bien avouer que manger pendant un séisme était une tâche tout aussi délicate que de boire dans une voiture ; autant dire que j'ai bien cru que j'allais m'étouffer. Il s'agissait aussi très certainement de l'un des pires gâteau que je n'avais mangé et, même plusieurs minutes après l'avoir terminé, j'avais encore la bouche pateuse, une sensation des plus désagréable - et je n'osais pas prendre quelques gorgées d'eau pour le faire passer. Nous avions mangé en silence, nos regards se perdant côtes à côtes dans le vide. On pensait. Nous aurions sûrement pu manger un peu plus en raison du nombre de provisions que nous avions, mais nous étions bien trop fatiguées pour avoir faim.
Étrangement, lorsque je sentais la blonde qui se rapprochait de moi, posant sa tête sur mon épaule, je ne cherchais pas à me décaler. Au lieu de chercher à fuir cette proximié, je me surpris à aller la chercher, il fallait croire que ma longue solitude avait fini par prendre le dessus sur mon aversion pour les contacts. Ma tête se posa sur celle de Zoey, et je l'entourais de mon bras pour la rapprocher de moi. Ainsi blotties, l'une contre l'autre, on tomba dans les bras de Morphée, faisant abstarction des secousses qui ne cessaient.
— J'ai peur, murmura-t-elle avant de sombrer dans le sommeil une bonne fois pour toutes.
— Moi aussi, blondie, lui répondis-je sans être certaine qu'elle m'ait entendue.
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