Chapitre 20 - Cassiopée
Maintenant que nous nous étions suffisamment éloignées de la brèche, nous avions arrêté notre course, il était inutile de nous fatiguer davantage. Et nous avons alors laissé les habitudes de la matinée refaire surface : on était de retour dans cette alternance incessante. Un instant, on marchait et, celui d'après, nous étions face contre terre alors que les secousses revenaient, puis, on reprenait notre route comme si de rien était. Il était cependant bien plus désagréable d'être allongé sur le bitume que dans la forêt, et je suis certaine de m'être égratigné à plusieurs endroits.
Il y avait qu'une seule chose qui changeait par rapport à ce matin : le fait que je tenais fermement sa main dans la mienne. Je refusais de la lâcher avant que nous ne soyons en lieux à peu près sûrs, ne voulant pas prendre le risque qu'un second accident du même type se produise parce qu'il était probable que nous n'ayons pas autant de chance que cette fois, et sûrement pas assez d'énergie pour se sortir d'un mauvais pas. Seulement, je devais bien avouer que ce contact n'était pas pour me déplaire et, même si j'essayais de me dire que je le faisais uniquement par prudence, je savais que ce n'était pas tout à fait vrai. En tous cas, ce n'était pas la seule raison.
En ce qui concernait les secousses, comme je m'y attendais, elles se faisaient de plus en plus forte, leur magnitude ne cessant d'augmenter d'une manière qui me semblait régulière, petit à petit. Et il n'y avait pas besoin d'être géographe pour le remarquer : on le sentait très bien. Trop même. Mais je savais que ça ne pourrait aller que de pire en pire jusqu'à la tombée de la nuit. Je suis certaine que, demain encore, j'aurais cette sensation que tout mon être était secoué, comme si on m'avait mise dans une machine à laver.
Le soleil ayant déjà entamé sa descente vers l'ouest, et je supposais que nous avions traversé au moins la moitié de ce que je qualifierais de supplice. Je n'avais cependant aucune idée exacte du temps qu'il nous restait avant que la nuit ne tombe. La seule chose dont j'étais complètement sûre était que, si nous étions encore dehors à ce moment-là, les choses allaient se compliquer pour nous, et ce, de manière drastique. Nous n'arrivions même pas à trouver un abri à la lumière du jour, alors comment pouvions-nous espérer avoir plus de succès une fois plongées dans la pénombre ? Ça me paraissait être une mission impossible. Et, si le fait de ne pas avoir d'endroit pour s'abriter cette nuit n'était pas un souci, ça risquait d'en devenir un dès le lendemain, au moment de l'éveil des volcans : mardi. Ou le jour où les volcans crachent fumée et cendres, où un épais brouillard se répand sur des centaines de kilomètres. On verrait encore moins lorsque ce moment serait venu.
J'avais déjà passé quelques heures dehors un mardi, et ce n'était pas une expérience que j'avais envie de renouveler. On ne voyait pas à plus de deux pas devant soi, il était impossible de se faire une idée de l'heure, le soleil se cachant habilement derrière les nuages sombres, et il était difficile de respirer. Surtout que j'étais presque certaine qu'on pouvait se rendre malade si on respirait trop de cet air chargé en cendres. Puis, il ne fallait pas oublier que ce jour serait suivit de celui des pluies et des tornades, et nous aurions alors en moins d'intérêt à être dehors si nous voulions vivre. Toutes ces pensées me menaient vers une seule : il nous fallait un abri. Et le plus vite serait le mieux.
Il fallait croire que ma supplication silencieuse avait été entendue puisque, au détour d'une ancienne rue, nous tombions finalement sur un bâtiment encore debout et qui, jusqu'à présent, avait été caché hors de nos vues par les immenses tas de débris. Il fallait dire que c'était un petit immeuble, sûrement le plus petit des alentours, ne dépassant pas les trois étages et, alors que ces derniers commençaient à s'affaisser, il n'en paraissait que plus minuscule. Heureusement, c'était une hauteur largement suffisante pour nous offrir un abri. Sur les murs extérieurs, il n'y avait plus que des trous là où auraient dû se trouver des fenêtres ; le verre avait sûrement été soufflé, brisé, et tout ce qu'on voudrait par les différentes catastrophes naturelles. Sa façade était zébrée tantôt de lierre - ou de plantes grimpantes du même type -, tantôt de fissures. Il ne m'inspirait pas confiance. Et, c'est précisément pour cette raison, que je n'ai pas ressenti de réel soulagement en l'apercevant. Mais j'y aie tout de même traîné Zoey, avec prudence, faisant attention à ce que ses pas ne dépassent pas les miens.
On n'eut pas besoin de forcer l'entrée parce que la porte en bois était déjà tombée, résultat des éléments ou du passage de survivants, je ne saurais trop dire, et elle gisait pitoyablement sous une couche de poussière. J'ai lâché la main de la blonde pour me saisir de ce qui ne ressemblait plus qu'à une planche de bois vieillie et gonflée d'eau, et je l'ai remise en place. Je savais que ça n'empêcherait personne de s'introduire dans l'immeuble, pas même un Téra incapable d'avoir une réflexion correcte, il suffisait de l'effleurer pour qu'elle tombe, mais ça me donnait une impression de sécurité. Et j'étais certaine qu'il en était de même pour Zoey. J'étais en train d'essayer de m'auto-persuader que, si ça n'arrêterait pas celleux qui voudraient entrer, au moins ça nous permettrait de les entendre, pour peu qu'ils soient infectés ou particulièrement peu adroits. Dans le cas contraire, eh bien.. je préférais ne pas y penser en réalité.
Après avoir essuyé mes mains sales sur mon pantalon, et ce de la plus chic des manières, j'ai tourné le dos à l'entrée. Seulement, je ne faisais face plus qu'à de la pénombre, ne distinguant plus les limites de la pièce. J'avais bouché la seule source de lumière. Et, comme si Zoey réagissait à mon constat, je sentais qu'elle se mettait juste derrière moi, il fallait dire que la noirceur des lieux avait de quoi effrayer - au moins autant que de se retrouver face à un infecté. Instinctivement, j'ai glissé ma main dans la sienne. Mais je ne saurais dire si ce geste était pour la rassurer elle, ou bien si c'était pour moi-même. Sûrement les deux en même temps.
— Passe-moi la lampe, s'il te plaît, lui chuchotais-je.
Je l'entendis fouiller dans le sac de provision que je lui avais confié un peu plus tôt, alors que j'avais eu besoin de mes deux mains. Alors que quelques secondes seulement s'étaient écoulées, je sentis un objet froid se poser dans ma main droite : c'était la lampe torche demandée. Je soufflais un merci et ne perdis pas plus de temps avant d'activer l'interrupteur, mal à l'aise à cause de l'ambiance du lieu, bien trop sombre à mon goût. En même temps que mon doigt appuyait sur le bouton, ce qui se trouvait devant nous se retrouva éclairé d'une lumière à la teinte jaune pâle.
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