Chapitre 17 - Zoey
Je continuais d'avancer, mon regard perdu quelque part entre la réalité et mon imagination, bloqué entre les ruines et leurs habitants fantômes. Seulement, alors que je divaguais de cette manière, je n'étais plus attentive à ce qui composait réellement mon environnement, et je n'avais plus en tête les avertissements de Cassiopée. Ils étaient le dernier de mes soucis, relégués au dernier plan de mes pensées pour laisser la place aux illusions. Je posais, une nouvelle fois, mon pied sur le sol, mais mes mouvements étaient devenus mécaniques, j'étais comme une machine qui répéterait la même commande en boucle, n'attendant qu'une seule chose : qu'on lui dise d'arrêter. Un pied devant l'autre, tout droit, toujours. Je ne prenais même plus le soin de marcher dans les pas de la brune afin d'éviter tout danger, non, mon chemin n'était plus qu'une ligne droite. Et si, d'ordinaire, je ne regrettais pas ces moments de rêverie, ceux qui me permettaient de m'échapper si facilement alors même que le monde s'écroulait, actuellement, c'était le cas. Pour la première fois, je maudissais mon esprit.
Je posais mon pied sur le bitume, m'appuyant sur ce dernier pour pouvoir faire un pas supplémentaire. Seulement, la terre ne semblait pas être en accord avec mes projets puisque, l'instant d'après, je sentais mon pied qui s'enfonçait dans le sol. Comme si j'avais, accidentellement, mis les pieds dans des sables mouvants, sauf qu'il n'y en avait pas en ville. Et qu'il s'agissait alors plutôt de bitume mouvant. Je n'ai pas eu le temps de comprendre ce qu'il était en train de se passer, et encore moins eu l'occasion de réagir, qu'il y eut un craquement. Ensuite, c'était mon corps tout entier qui basculait en avant. Dans un réflexe, ma main droite s'était agrippée au rebord du trou dans lequel j'étais tombée : le sol s'étant dérobé sous mes pieds. Fragilisé par les secousses et autres intempéries, ce dernier n'avait pas supporté mon poids, aussi légère étais-je. Exactement comme l'avait prédis la brune. Une action que je bénissais parce qu'elle venait de me sauver la vie, mon propre esprit m'avait sauvée d'une morte certaine, bien que, techniquement, ce soit aussi de sa faute si je me suis retrouvée dans une telle situation.
Ma main se raccrochait si fort à ce qui représentait ma seule chance de survie, je sentais sous la paume de ma main chacune des aspérités de la route. Chacune de ces irrégularités qui s'enfonçaient dans ma peau sûrement jusqu'au sang. Il était certain que la marque de ma main, imprimée en rouge, resterait à cet endroit pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que la pluie ne vienne l'effacer, comme une vulgaire tâche. Comme si cette marque n'avait jamais été une question de vie ou de mort pour quiconque. Mes ongles, dans une veine tentative de raffermir ma prise, se plantèrent dans le bitume, mais ils ne firent que gratter contre ce dernier alors que je sentais mon corps glisser peu à peu et inlassablement. J'étais impuissante, trahie par mon propre poids qui m'attirait vers les profondeurs qui s'étendaient sous mes pieds.
Je baissais instinctivement mes yeux vers le bas, pour voir ce qui m'attendait si jamais, par malheur, je venais à lâcher prise. Seulement, je me rendis compte, un peu trop tard, que ce geste avait été une grossière erreur : je ne voyais rien. Et ce simple constat suffisait à ce que les battements de mon cœur augmentent de manière plus que drastique. Il n'y avait que la pénombre, et j'étais certaine qu'elle m'attendait, prête à me cueillir dans ses bras à l'instant même où je faiblirais. L'inconnu était peut-être excitant, mais c'était aussi ce qu'il y avait de plus effrayant, il n'y avait aucun doute à avoir là-dessus et, toute personne qui me contredirait, était tout simplement folle. En réalité, je n'avais aucune idée de la profondeur du trou dans lequel j'étais. Je voyais juste la pénombre qui s'étirait sous mes pieds et, le reste, c'était mon esprit qui s'en chargeait. Peut-être, me disais-je, qu'il n'y avait qu'un mètre ou deux qui séparait le sol de mes pieds, et je m'accrochais à cette phrase. Je me la répétais inlassablement, ne voulant pas laisser s'échapper la dernière chose capable de contenir un tant soit peu ma peur, malheureusement, c'était en vain. Je savais que les chances pour que cela soit vrai étaient plus que faibles. Et je n'avais nullement envie de tester l'expérience avant d'y être obligée, préférant, pour l'instant, me raccrocher aux parois.
J'avais essayé de remonter seule, seulement, cela s'avéra être bien plus compliqué que ce que je ne le pensais. Ce n'était absolument pas comme dans les films, et je n'étais absolument pas comme ces personnages principaux, j'étais juste incapable de me débrouiller seule. Non, le personnage principal de cette histoire, c'était Cassiopée, moi, je n'étais que le personnage secondaire : un poids qui la suivait peu importe où elle allait. Ma main gauche n'était pas parvenue à rejoindre la droite et à s'agripper au rebord, elle aussi, et elle je la laissais retomber, pendante au-dessus du vide. Il me narguait, j'en étais certaine. Je savais que, même si ma main avait réussi à attraper le rebord, cela n'aurait été d'aucune utilité : je n'avais pas la force qui m'aurait été nécessaire pour me hisser hors de ce piège. Alors, un cri m'échappa, s'étranglant dans ma gorge, alors que je prenais conscience de la situation désespérée dans laquelle je me trouvais.
Des bruits de pas raisonnèrent, visiblement précipités puisqu'ils étaient rapides, forts, et irréguliers. Je sentais qu'ils se rapprochaient de ma position et, même pas une dizaine de secondes après, je vis des mèches brunes se profiler dans le ciel bleu au-dessus moi. Ces dernières furent vite suivies par le visage maintenant familier de Cassiopée. Je remarquais que ses lèvres étaient pincées, sûrement était-ce le signe qu'elle était contrariée parce que je n'avais pas appliqué avec assez de sérieux ses mises en garde. Je la comprenais. Mais cette vision m'était insupportable, et je détournais le regard presque immédiatement. J'étais cependant persuadée que j'avais vu dans son regard de l'inquiétude, à moins que ce ne soit seulement mon imagination qui s'amusait à me montrer ce que j'avais envie de voir. Dans tous les cas, je n'osais pas poser une nouvelle fois mes yeux sur la brune pour vérifier.
Elle me tendit sa main que j'attrapais sans hésitation de la gauche, puis elle me saisit au niveau de l'aisselle droite et, quelques secondes plus tard, j'étais de nouveau sur la terre ferme, à moitié allongée sur celle qui m'avait, encore une fois, sauvée. Elle m'avait remontée, sans aide. C'est à ce moment que je me suis rendu compte d'à quel point elle était forte physiquement, comparée à moi en tout cas. Je me laissais rouler à côté et, toutes les deux, nous regardions le ciel, allongées comme deux enfants. Seules nos respirations courtes et irrégulières brisaient le silence dans un concert dissonant, mais rassurant : si je respirais encore, c'est que je n'étais pas morte.
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