CHAPITRE 8
Pompéi bruissait d'animation en cette chaude journée du 4 juillet. Ari se faufilait entre les gens sur le forum, tentant de retrouver Nilla au milieu des citoyens en toge qui s'étaient donnés rendez-vous. Lui même avait revêtu sa plus belle tunique pour l'occasion. Aujourd'hui débutaient les Jeux d'Apollon, qui ne se finiraient que le lendemain. Ari adorait cette ambiance festive qui semblait prendre possession de toute la ville, et ce chaque année. Les Jeux attiraient beaucoup de gens de Campanie, et les rues allaient donc être bondés pendant deux jours.
Il finit enfin par trouver Nilla qui était adossé à une colonne, discutant avec un jeune homme aux cheveux très sombres. Ari ne l'avait jamais vu mais le salua poliment.
— Ari, je te présente Marcus ! Et Marcus, voilà un homme sur qui tu pourras toujours compter, Ari.
Ari sourit au compliment. Marcus avait l'air gentil. Nilla lui apprit qu'il l'avait rencontré par hasard pendant un repas chez des voisins. Il étudiait la philosophie. Très vite, Ari se rendit en effet compte que le jeune homme était très intelligent. Il avait une façon de parler et de voir le monde qui le fascina immédiatement, et ils se mirent à bavarder sur le chemin menant à l'amphithéâtre, où allait se dérouler un combat de gladiateurs. Lima les rejoignit en route, lui aussi accompagné par deux amis, mais Ari n'y fit pas vraiment attention, trop occupé à écouter Marcus lui raconter ce qu'il avait appris de la philosophie grecque lors d'un voyage de un mois dans cette contrée.
Il ne s'arracha qu'à leur conversation lorsqu'ils passèrent près du quartier où travaillait Louis, et qu'il se rappela soudainement qu'il devait aller le chercher.
Il s'arrêta net et Marcus le regarda étrangement :
— Un problème ?
— Euh, non. Je dois juste aller chercher...
Un ami ? Mon amoureux ? Louis ?
— ... Quelqu'un.
— Oh. D'accord ! Tu veux que je t'accompagne ?
— Non ! Non. Rejoins les autres. On finira notre conversation tout à l'heure si tu veux ?
— Avec plaisir Ari. C'est agréable de parler avec toi.
Il lui adressa un sourire éclatant puis se détourna pour rejoindre le petit groupe qui s'éloignait. Ari l'observa partir et se mordilla la lèvre. Il se mit à son tour en marche, s'enfonçant dans le quartier populaire du lupanar. Pendant un instant, il pensa que le sourire de Marcus ne l'aurait auparavant pas laissé indifférent. Il aurait même eu envie de flirter avec lui, parce qu'il était d'une compagnie agréable et qu'il était très beau, avec ses yeux verts olives. Mais maintenant il y avait Louis, et Louis éclipsait tous les autres êtres humains.
Il pénétra dans le lupanar. L'odeur d'encens le prit à la gorge et il toussa légèrement avant de s'avancer dans le couloir, jusqu'à l'entrée. Julia était là, comme à son habitude, sa poitrine énorme mise en avant par une tunique au tissu fluide et presque transparent. Ari détestait la vulgarité qui émanait de cette femme. Tout dans son attitude transpirait la méchanceté.
— Bonjour. Je viens pour une séance. Longue.
Julia l'avait reconnu, bien entendu. Elle sourit, sarcastique :
— Ah, vous êtes un peu plus endurant maintenant ?
Ari ne répondit pas à la pique lui rappelant sa première visite au lupanar, où il n'était resté qu'un quart d'heure, troublé par la présence de Louis. Cette fois-ci il sortit sa bourse et la posa entièrement sur le comptoir.
— La journée entière.
Julia leva un sourcil.
— Je ne peux pas privatiser mes esclaves pour la journée.
— Je m'en fiche.
Elle lorgna à nouveau la bourse, la prit dans ses mains pour la soupeser puis la glissa vite derrière le comptoir.
— Bon. Pour Louis j'imagine ?
— Oui.
— En haut du couloir, dernière porte à-
Mais Ari était déjà parti, grimpant l'escalier à toute vitesse. Il ne prit même pas la peine de frapper en arrivant devant la pièce réservée à Louis, partant du principe que le jeune homme était libre. Peut-être qu'il aurait dû.
Celui-ci était allongé sur le lit, et à ses cotés un homme d'une cinquantaine d'année au crâne chauve se rhabillait. Ari rougit, et eut un mouvement de recul mais Louis leva la main en l'air comme pour l'arrêter.
— C'est bon, entre. On a fini.
L'autre se dépêcha de récupérer ses affaires et passa devant Ari en grommelant qu'on ne pouvait jamais être tranquille dans ces putains d'établissement. Ari lui aurait bien fait un croche-pied, mais il se retint.
— Ça va ? souffla t-il en se retrouvant seul face à Louis.
— Oui. Et toi ?
— Oui.
— Tu ne viens jamais ici. Il y a un problème ?
Louis s'était relevé pour se rendre jusqu'à la petite cuvette qui était posée dans un coin de la pièce. Il se déshabilla entièrement et se rinça à l'eau. Ari le regarda faire. C'était des gestes si anodins et pourtant Ari se sentit heureux d'être là, en sa présence, à le regarder frotter ses cuisses avec une éponge.
— Aucun problème non. On passe la journée ensemble, ça te dis ?
— Hein ?
Louis le fixa comme s'il venait de la lune et secoua la tête avant de laisser échapper un petit rire :
— Désolé Az mais j'ai du travail. Je n'ai pas très envie que Julia me revende à je ne sais qui parce que je déserte mon poste.
— J'ai payé pour la journée.
— Hein ?!
Cette fois, il écarquilla les yeux et se tourna carrément vers Ari. Son corps dégoulinait d'eau, exactement comme la fois où ils s'étaient baignés ensemble dans la rivière.
— Tu veux quand même pas qu'on baise toute la journée ? souffla t-il.
Ari faillit éclater de rire mais se mordit les joues avant de répondre le plus sérieusement possible :
— Pourquoi ? Tu ne t'en sens pas capable ?
Louis laissa retomber son éponge dans le seau et hésita un peu, laissant traîner son regard sur le corps d'Ari. Le jeune homme eut l'impression d'être nu sous la chaleur de ses pupilles.
— Avec toi... Si, je crois. Enfin, ce serait un plaisir.
Ari secoua la tête en souriant.
— Une prochaine fois alors, parce que là je t'emmène dehors.
— Dehors ? Tu veux dire...
— Oui ! Aux Jeux. Tu as déjà vu un combat de gladiateurs ?
— Non, mais...
— J'ai pensé qu'on pourrait passer par la fenêtre. Julia n'en saura rien et de toute façon, j'ai payé.
— T'es fou.
— Tu veux pas ?
Ari s'approcha. Louis le fixait de ses grands yeux bleus, un sourire amusé sur le visage.
— Si.
Ils s'embrassèrent lentement, un peu paresseusement. La chaleur dans la pièce semblait ralentir tous leurs gestes. Ari pensa brièvement à toutes les fois où ils s'étaient embrassés de cette manière, cachés dans des recoins sombres.
À la bibliothèque, ce jour où Louis était si cruellement beau dans la lumière du soir tombant. Il se souvenait parfaitement de leurs deux corps se glissant entre des piles de manuscrits, à la langue chaude de Louis sur la sienne et à la façon dont il avait mordillé ses lèvres. Il se souvenait très bien de sa main passant sous sa tunique, de sa paume froide sur son entrejambe brûlante. Il se souvenait lui avoir fait un suçon dans le creux du cou, suçon qui était resté toute une semaine et qui remplissait Ari de joie dès qu'il le voyait.
Aux thermes, un jour où il avait payé l'entrée à Louis après avoir bataillé pendant des heures pour qu'il accepte. Ils s'étaient retrouvés seuls dans le bassin brûlant, et au milieu des volutes de vapeur qui faisaient friser les cheveux de Louis sur ses tempes, ils s'étaient embrassés jusqu'à en avoir la tête qui tournait à cause de la chaleur.
A une après-midi au bord de la mer, à marcher sur le sable brûlant, à se courir après en riant comme des gamins et à essayer de se faire tomber dans l'eau transparente, jusqu'à se cacher derrière la coque d'un bateau de pêcheur, laissé là le temps de la sieste, pour se frotter l'un contre l'autre en gémissant. Deux yeux bleus se reflétant dans l'océan et sur la toile d'un ciel sans nuages.
Aujourd'hui c'était dans cette pièce qui accueillait tous les amours de Louis, un endroit que Ari détestait et qui l'excitait en même temps, un peu honteusement. Il n'aimait pas penser à Louis avec d'autres mais il aimait penser à Louis juste pour lui. Et dans cette pièce tout était possible, elle était faite pour ça.
Il caressa son corps nu, passant ses doigts entre ses cuisses. Louis avait les yeux fermés, la bouche entrouverte, et se laissait faire. Ari mordilla son cou, à l'endroit où sa barbe le piquait un peu. Il aimait bien. Puis il descendit lentement sa bouche le long de son torse, et mordilla son téton droit jusqu'à le rendre rouge. Louis se mordit la lèvre, la bouche tremblante.
— Az...
— Mon ange, murmura Ari en passant lentement sa main sur son sexe durci par le désir.
Louis eut un frisson et laissa échapper un gémissement de plaisir. Ari sourit. Depuis quelques temps, Louis ne protestait plus lorsqu'il le touchait en premier. Il semblait même y réagir de plus en plus naturellement.
— Est-ce que c'était bien, avec l'autre ?, demanda t-il un peu timidement.
Louis ouvrit les yeux. Ses pupilles étaient plus sombres, ses joues légèrement rosies.
— Tu es sérieux ?
— Oui... Enfin, je ne sais pas..., murmura Ari.
Louis prit son visage entre ses doigts, passant doucement ses pouces le long de sa mâchoire. Ari avait l'air si jeune, à cet instant, fragile. Il le fixait, attendant une réponse, et ses yeux verts semblaient n'avait jamais été aussi immenses et limpides.
— Ça ne compte pas, avec les autres. Je ne peux même pas dire si c'est bien, c'est juste... Comme ça. Du sexe. Ça n'a rien à voir avec ce qu'il y a... entre nous.
Un sourire se dessina sur la bouche d'Ari, qui avança doucement ses lèvres de celles de Louis pour l'embrasser. Ses mains se glissèrent autour de sa taille nu, et le jeune esclave poussa un petit soupir de plaisir en sentant le ventre d'Ari frôler le sien, qui se creusa.
— Az...
— Oui ?
Ari se décala légèrement, son front collé à celui de Louis, le souffle entrecoupé par leur baiser.
— Fais-moi oublier tous ces gens. Aime-moi s'il-te-plaît, aime moi le plus fort possible.
— Maintenant ?
— Oui. Oui. S'il-te-plaît.
Ari se lécha la lèvre inférieure, ses yeux ne quittant pas le visage de Louis. Il hocha soudain la tête, rapidement, et attrapa les cuisses du jeune homme pour le porter. Louis enroula ses mains autour de sa nuque, étouffant un rire dans ses cheveux et ne le lâcha que lorsque Ari le déposa en douceur sur le matelas trop fin.
— Qu'est-ce que tu veux ?, demanda t-il, les yeux bien plus brillants que quelques minutes auparavant.
Louis passa une main sur son front où perlait déjà de fines gouttes de sueur et attrapa les doigts d'Ari pour les entrelacer aux siens et le rapprocher.
— Ta... Ta langue. Ce serait... Je veux ça.
Ari hocha à nouveau la tête, presque fébrilement. Il avait l'air vraiment excité à l'idée de renverser les rôles de cet étrange façon, d'être au service de Louis et de lui donner juste ce qu'il voulait, et peut-être bien plus encore.
— Tes désirs sont des ordres, souffla t-il.
Louis renversa la tête en arrière lorsque Ari plongea la tête entre ses jambes et se mit à embrasser le contour de ses cuisses. À tâtons, il passa sa main dans les boucles brunes de son amoureux, tirant légèrement dessus pour l'inciter à le prendre dans sa bouche. Il frissonna lorsqu'il sentit la langue d'Ari approcher de son sexe, et ne put s'empêcher d'émettre un petit glapissement lorsque le jeune homme l'avala entièrement.
C'était.
Il n'y avait pas de mots pour le dire.
Ari avait déjà sucé Louis, mais pas de cette façon. Pas en faisant buter son sexe jusqu'au fond de sa gorge. Pas en le fixant de cette manière-là, ses yeux verts n'ayant jamais été aussi brûlants, à moitié dissimulés par les mèches plus longues de ses cheveux. Louis s'appuya sur ses coudes pour pouvoir le regarder, les jambes repliées autour du visage d'Ari qui semblait coincé — et, et cela n'aurait pas dû envoyer de telles étincelles dans le ventre de Louis, de le voir ainsi allongé pour lui, juste pour lui.
Il sentait son sang battre contre ses tempes de plus en plus rapidement, et la pulsation devint totalement endiablé lorsque Ari se redressa un cours instant pour reprendre son souffle, un filet de salive liant sa lèvre inférieure au sexe durci de Louis, les joues rouges.
— Ari... Si tu te voyais, murmura t-il d'une voix étranglée.
Le jeune homme appuya sa joue contre la cuisse de Louis, un sourire sur les lèvres.
— Je crois que vous perdez vos moyens, maître.
Louis étouffa un rire, parce que Ari était tout sauf crédible mais que, malgré tout, il ne pouvait nier que la situation était terriblement excitante. Il prit son menton entre ses doigts et avança son visage pour pouvoir l'embrasser longuement, ravi de pouvoir déjà sentir son goût sur ses lèvres. Puis il lui mordilla gentiment sa bouche déjà rougie et souffla :
— Je vous trouve un peu présomptueux, jeune homme. Il me semble que vous n'avez pas satisfait entièrement votre maître.
Les yeux d'Ari brillèrent. Louis n'eut que le temps d'inspirer qu'il l'avait déjà repris dans sa bouche. Il gémit en voyant le « o » parfait que formaient les lèvres du jeune homme autour de lui, et se laissa retomber en arrière, le dos arqué. La langue d'Ari glissait autour de lui, brûlante, et Louis sentait qu'il allait venir bien plus vite qu'il ne l'aurait voulu. Il ouvrit les yeux vers le plafond, haletant. La dernière fois qu'il s'était retrouvé dans cette position, c'était il y a à peine vingt minutes, parce qu'un inconnu qui le répugnait était en train de s'enfoncer en lui. Et maintenant... Maintenant, il était celui dont on prenait soin. Dont Ari prenait soin. Il était celui qui allait avoir un orgasme, et ce serait la première fois que cela lui arriverait, dans cette petite pièce. Il n'était pas un client, et pourtant, Ari lui offrait tout.
Parce qu'il l'aimait.
Louis ferma les yeux, et n'eut même pas le temps de prévenir Ari qu'il allait venir. Il sentit une explosion dans son bas ventre, une chaleur immense se répandre entre ses cuisses. Les lèvres d'Ari se resserrent autour de lui, et il avala.
Louis mit du temps à redescendre, le coeur battant. Il laissa Ari le nettoyer à nouveau, lui souriant lorsqu'il posa doucement ses lèvres sur ses genoux et les embrassa. Il se sentait bien. Terriblement bien. Juste... Heureux.
Lorsque Ari lui tendit sa main pour qu'il se redresse, il resta un moment à le fixer puis il murmura :
— Tu es parfait.
Ari émit un petit rire, et secoua la tête, les yeux pétillants encore de malice :
— Je suis toujours parfait pour vous, maître.
Louis lui donna une petite tape sur la tempe et soupira :
— Tu es surtout vraiment trop vantard. Tu me passes ma tunique ?
Ari hocha la tête. Mais il ne bougea pas, un peu hésitant. Louis leva un sourcil :
— Il y a un problème ?
— Euh... Tu n'en aurais pas une à me prêter par hasard ? Pour moi ?
— Si, j'en ai toujours une de rechange dans le coffre là-bas mais... Pourquoi ? Tu-oh.
Ari hocha la tête et se décala. Sa tunique avait beau être blanche, il était clair que la tâche qui s'étendait sur le tissu se trouvait à un endroit stratégique qui ne laissait pas vraiment de doute sur l'activité qu'il venait de pratiquer. Louis se mit à rire :
— Mais je ne comprends pas, je ne t'ai même pas vu te toucher.
Ari se détourna, un peu gêné, et bougonna :
— Peut-être parce qu'il m'a suffit de vous voir prendre du plaisir pour venir tout seul, maître.
Louis s'étouffa avec sa salive.
*
*
*
*
*
*
— T'es en retard, s'exclama Nilla en agitant la main par-dessus l'épaule de Lima.
Ils lui avaient gardé une place sur les gradins les plus bas, là où le spectacle était le plus spectaculaire.
— Pardon, je suis passé chercher Louis, expliqua Ari en se décalant légèrement pour leur montrer le jeune homme qui le suivait.
Nilla s'apprêtait visiblement à répliquer quelque chose mais sa bouche dessina seulement un sourire amusé en voyant l'accoutrement d'Ari :
— Ah oui... Et c'est pour te fondre dans le décor que tu as décidé de porter une tunique trop courte pour toi ?
Ari le fusilla gentiment du regard.
— Ne fais aucun commentaire, s'il-te-plaît.
Il présenta Louis à ses amis, fièrement. Au début, ce dernier parut un peu mal à l'aise en saluant Nilla et Lima mais ils se comportèrent tout à fait normalement et ne firent aucune allusion au fait qu'il n'avait normalement rien à faire là. Ils s'assirent côté à côté, se serrant un peu, mais c'était absolument parfait. Ari n'aurait pas pu être plus heureux.
Le spectacle les déchaîna. Les gladiateurs se battirent pendant deux heures, aspergeant le sol d'un sang noir et brûlant. Il n'y eut pas de morts (Ari ne s'en plaignit pas, il détestait ça) mais un Thrace avec son bouclier rond dut être transporté hors de l'arène, s'étant apparemment cassé une jambe. Louis hurlait avec les autres, blaguait avec Nilla et Lima et prit même la main d'Ari à un moment, la serrant brièvement dans la sienne en lui souriant.
Lorsqu'ils sortirent de l'amphithéâtre, il se lança dans une vive discussion avec Lima qui aurait voulu voir le secutor gagner le dernier combat alors que lui prétendait que le mirmillon s'était beaucoup mieux battu et méritait sa victoire. Ari ne prit pas parti lorsque Louis se retourna vers lui pour lui demander son avis, ne voulant pas perdre l'amour de sa vie ou son meilleur ami dans le débat. (Cela dit, le visage échauffé de Louis lui plut beaucoup, ainsi que la détermination sauvage qu'il lisait dans ses pupilles alors qu'il voulait absolument avoir raison).
Ils finirent par retourner dans un thermopolium et commandèrent à manger et à boire. Ari paya pour tout le monde, annonçant joyeusement que c'était sa tournée, même s'il le faisait davantage pour que Louis ne soit pas mal à l'aise en ne pouvant pas payer sa part.
Ce fut ce moment-là que choisit Marcus pour arriver et se glisser entre Nilla et Ari.
— J'ai cru que je n'allais jamais vous retrouver !
Ari était sincèrement heureux de le revoir et il entama immédiatement la discussion avec lui. Marcus lui apprit qu'il n'avait pas été placé au même endroit qu'eux dans l'amphithéâtre et les avait ensuite perdu de vue dans la foule.
— Heureusement que tu es passé par là, commenta t-il avec un sourire chaleureux qui s'effaça bien vite lorsque Louis lui planta son coude dans les côtes.
Il se retourna, fronçant les sourcils.
—Quoi ?
Louis avait un air qu'il ne lui connaissait pas sur le visage et qu'il ne sut pas interpréter.
— Tu ne m'a pas présenté, grommela t-il.
— Oh oui ! Marcus, je te présente Louis c'est...
— Un ami proche, le coupa ce dernier.
La façon dont Louis appuya sur le « proche » était si suggestive qu'il y eut un silence embarrassant pendant lequel Marcus fit passer son regard de Louis à Ari avec un petit sourire.
— Oh je vois. Moi c'est Marcus. Et je suis un ami de Ari depuis quelques heures. Mais j'espère qu'on sera bientôt proches nous aussi.
Louis le fusilla littéralement du regard avant de se détourner. Ari eut envie d'éclater de rire mais n'en fit rien. La situation lui plaisait bien à vrai dire.
Louis était jaloux.
Si Louis était jaloux, c'est qu'il tenait beaucoup à lui, non ?
Il passa le reste du repas à jongler entre une conversation avec Marcus — malgré tout toujours aussi passionnante — et Louis qui ne cessait pas des les interrompre pour donner son point de vue sur telles ou telles choses. Ari trouvait toujours les idées de Louis plus amusantes que celles de Marcus mais il n'en dit rien, parce qu'il aimait bien le petit air irrité de son amoureux qui semblait mener une véritable bataille contre celui qu'il considérait comme un ennemi.
Peu à peu, les rues se vidèrent. L'aubergiste annonça la fermeture de son établissement, et les petits groupes se séparèrent. Nilla, Lima, Ari, Marcus et Louis marchèrent un peu dans le quartier des Jeux, traînant comme pour faire durer la conversation qui s'était fait plus lente entre eux. Seul Louis ne parlait pas beaucoup (Ari mettait ça sur le compte d'une certaine timidité), les yeux rivés vers l'horizon sans lueur, seulement perlé par de minuscules étoiles blanches. À droite, le mont Vésuve semblait surplomber la ville. Louis le trouva un peu inquiétant au milieu de la nuit. Il s'attarda à le regarder, laissant les quatre garçons continuer leur chemin. Il avait une étrange impression... Quelque chose qui serrait le coeur. Il secoua la tête. La fatigue commençait à le rendre triste. C'était souvent comme ça, les insomnies au milieu de la nuit et la tristesse implacable, collée aux murs, asphyxiante. Il avait souvent du mal à s'en débarrasser. Mais Ari était là. Revenu vers lui en le voyant en retrait. Il lui prit doucement la main, et l'enlaça. Comme s'il avait compris que quelque chose n'allait pas. Louis leva le visage vers le sien. Ari lui sourit, tendrement. Ses mains contre son dos étaient chaudes et enveloppantes.
Louis ne dit rien. Il n'y avait rien à dire.
Il savait que Ari comprenait, parce que Ari avait cette intuition, cette sensibilité face à toutes les choses. Louis l'avait déjà remarqué.
Il se laissa entraîner dans une rue, à droite. Ari marchait lentement au début. Puis il se mit à courir. Alors Louis le suivit en courant. Et en riant. La ville était à eux, la ville était nue, comme morte, silencieuse, vidée de toute présence humaine. La ville noire et la nuit noire se confondaient. Louis tenait la main d'Ari, et il se dit que courir comme cela sur les pavés glissants, courir à en perdre le souffle, courir en s'aimant, cela ressemblait à la liberté. Entre les étoiles et l'océan, il y avait Ari et Ari était la liberté de Louis. Une liberté infinie, aux yeux verts et aux grandes mains blanches.
Ils coururent jusqu'aux champs qui entouraient la ville. Les herbes fouettaient leurs chevilles nues. Leurs pieds foulaient l'herbe menue. Toutes les fleurs semblaient avoir réunies leurs odeurs pour leur venue, et Louis ne percevait plus que ça, la rumeur douce et entêtante des pétales sauvages. Il voulait s'y rouler, disparaître dans le foin abandonné quelques mètres plus loin par un fermier, grimper dans un pommier, croquer les fruits les plus mûrs puis redescendre, s'abîmer les pieds contre les écorces, aller se jeter dans l'océan, se laisser emporter par ses vagues bouillonnantes, loin, loin, jusqu'à l'endroit où l'eau finissait en cascade et se déversait dans le ciel, au milieu des étoiles, des comètes, des planètes.
Mais Ari tenait toujours sa main, mais Ari courrait encore. Jusqu'à la forêt, jusqu'à la rivière. Ils s'arrêtèrent, le souffle court, les joues crispées d'avoir trop ri, des larmes sur les joues, de joie, de peine, peu importe, elles étaient là et lentement Ari appuya ses doigts contre la peau de Louis pour les effacer et Louis fit de même. Ils embrassèrent l'eau salée qui roulait jusqu'à la commissure de leurs lèvres.
S'effondrèrent entre les hautes herbes bordant la rivière, les pieds dans l'eau froide. Le silence n'était pas pesant entre eux. Ari l'aimait, ce silence. Il savait qu'il voulait dire que Louis se sentait bien, car Louis parlait toujours autrement, pour combler les trous béants. Il prit sa main dans la sienne, caressa les jointures de ses doigts, lentement. C'était peut-être l'adrénaline de la course, ou simplement le sourire sublime de Louis qu'il entrevoyait dans l'ombre, qui lui firent murmurer :
— Tu m'aimes ?
La question résonna entre eux, écho léger. Ari n'avait jamais pensé à la façon dont il le demanderait à Louis. Il avait juste l'impression que le moment était venu, que c'était ce soir qu'il devait le savoir. Il n'y avait aucune tension entre eux, juste cette immense tendresse qui flottait jusque dans leurs iris illuminés d'étoiles. Louis se redressa doucement, s'appuyant sur ses coudes, et il posa sa main sur la poitrine d'Ari, tirant un peu sur le tissu de sa tunique pour pouvoir effleurer sa peau.
— Tu n'as pas peur que je dise non ?
— Pas vraiment. J'ai juste envie que tu le dises.
— Pourquoi ?
— J'en ai besoin.
— Tu ne me fais pas confiance ?
— Si.
— Alors tu sais.
Ari avança sa main à son tour. Doucement, il passa ses doigts sur la bouche de Louis. Sur le bout de la langue de Louis. Et ses dents.
— Je sais oui. Mais j'aime les mots. J'ai besoin des mots.
Louis cligna doucement des paupières. Ari lui sourit. Sa main caressait toujours sa bouche, lentement, son pouce passant et repassant sur ses lèvres. Louis le fixa longuement, puis il chuchota, parce que les mots étaient difficiles à prononcer, parce qu'il n'avait pas l'habitude de s'épancher de cette façon, parce qu'il voulait que seul Ari entende ce qu'il avait à prononcer.
— Depuis que je suis né... Je suis toujours tout seul. Je veux dire, j'avais mes parents bien sûr, mais ils étaient esclaves et... Enfin je vivais avec plein d'autres enfants et je n'avais pas vraiment de maison à moi. Je n'ai jamais eu l'impression d'être comme les autres, et en plus il y a... ça...
Il fit un vague mouvement de poignet entre lui et Ari, ne sachant visiblement pas comment dire la chose.
— Ça quoi ?
— Je ne sais pas. Le fait que je ne sois jamais tombé amoureux d'une fille. Je ne sais pas comment c'est. Les autres garçons de mon âge avaient tous des aventures avec des filles... Enfin parfois on se faisait des trucs entre nous, pour savoir, mais eux parlaient de relations sérieuses avec des filles et moi non. J'aimais juste quand ils posaient leurs mains sur moi. Je me sentais... Vivre ?
Il prit une petite inspiration, s'humidifiant la lèvre inférieure.
— Pour toi c'est plus facile. Tout le monde s'en fiche qu'un riche citoyen s'amuse un peu avec un esclave. Les gens ne diront jamais rien, tant que tu finis par te marier. Mais moi... Je me suis toujours senti différent et à l'écart. Quand je t'ai vu la première fois... Quand on a commencé notre... relation, j'ai pensé que ce serait encore pareil. Que tu faisais juste ça pour me jeter ensuite, parce que nous n'avons rien à voir l'un avec l'autre. J'ai pensé que tu voulais juste mon corps et toi... Toi tu m'as proposé de m'apprendre le latin. Et tu ne m'a jamais touché, tu m'as laissé faire le premier pas. Et je ne savais pas ce que ça voulait dire, je ne comprenais pas ce que tu voulais et...
Le doigt d'Ari remonta lentement pour essuyer une larme qui venait de rouler sur la joue du jeune homme.
— ... Et plus je passais du temps avec toi, et plus j'aimais ton sourire. Je veux dire, quand tu me souris, j'ai l'impression d'être chez moi. D'être quelqu'un. D'exister. Et quand tu me regardes... Je ne sais pas si tu t'en rends compte mais tu me donnes de l'importance et ça ne m'étais jamais arrivé avant. Même quand on est au milieu d'une foule entière, quand tu tournes tes yeux vers moi, c'est comme si j'étais le seul être humain sur terre et que toi aussi tu étais le seul, parce que je n'arrive plus à voir les autres tant tu illumines tout.
Ari renifla. Peut-être que lui aussi pleurait. Louis avait du mal à voir dans l'obscurité, mais ses joues semblaient perlées de minuscules tâches blanches, translucides.
— Je ne sais pas vraiment ce qu'est aimer. Tout ce que je connais ce sont des hommes qui me disent que je suis beau, que je leur fait envie. Mais si aimer est tout ce que tu me fais ressentir, alors je pense que je t'aime plus que n'importe qui peut aimer, je pense que je t'aime de tout mon être et de toute mon âme, et je pense que je t'aimerais toujours, que je n'arrêterais jamais, que ce sera au-delà de la mort et bien plus encore.
La main d'Ari se glissa contre sa nuque. Leurs bouches s'entrechoquèrent. Louis ferma les yeux lorsque les lèvres d'Ari s'entrouvrirent et qu'il sentit le goût de sa langue sur la sienne. Il frémit, et ses doigts passèrent un peu plus sous la tunique du jeune homme pour chercher son téton durci. Le corps d'Ari s'arqua doucement, comme traversé d'un éclair éphémère, et il gémit contre sa bouche.
— Louis, je t'aime, je suis-je suis tellement amoureux de toi.
Louis sentit son souffle s'emballer dans sa poitrine. Ce n'était pas la première fois que Ari lui témoignait son amour, mais il lui sembla qu'il comprenait enfin à quel point celui-ci était immense. Et qu'il ressentait la même chose. Sans en avoir peur.
Il roula sur le côté, enjamba le corps d'Ari, ses mains remontant vers ses joues pour amplifier leur baiser. Il avait totalement oublié où il se trouvait, qu'il faisait nuit noire et que le garçon qu'il embrassait comme si sa vie en dépendait ne pourrait jamais vraiment lui appartenir, aux yeux du monde. Rien n'avait plus d'importance, parce qu'ils s'aimaient, que c'était là, entre eux, ne pouvant plus jamais disparaître.
Il frissonna lorsque les mains froides du jeune homme passèrent sous sa tunique et vinrent caresser ses hanches nues. Il se redressa un peu, le baiser les ayant laissés haletant. Le regard d'Ari le brûla. Ses yeux étaient immenses, éclatants de lumière et de feu. Sa peau sous la lumière de la lune semblait particulièrement douce et laiteuse, et Louis voulait le dévorer. Tout de suite. Mais Ari arrêta son mouvement, posant doucement mais fermement sa main sur son avant-bras.
— Lou... Je voudrais, enfin, tu peux dire non, bien sûr, mais je voudrais vraiment...
— Dis-moi, souffla Louis en avançant doucement ses mains pour repousser une mèche de ses cheveux qui lui tombait dans les yeux.
Ari hésita encore un instant mais sa voix était assurée lorsqu'il murmura :
— Je voudrais qu'on inverse les rôles. J'ai vraiment envie de te sentir en moi. D'être à toi. De, d'être en-dessous.
Louis se figea.
L'idée seule d'être le dominant lui envoya une vague de chaleur dans son bas ventre. Et pourtant... Il retira ses doigts de la joue de Ari, s'affaissant légèrement :
— Tu es sûr... Tu veux vraiment ça ?
— Oui. Oui, vraiment. Tellement.
Son ton était clair. Louis sentait qu'il y avait déjà réfléchi, qu'il savait ce qu'il faisait. Comme s'il sentait son trouble, Ari chercha ses doigts et les entremêla aux siens.
— Je veux que tu en aies envie aussi mais... Mais moi c'est le cas en tout cas. Je me fous des règles idiotes selon lesquelles nous ne pourrions pas faire ça. Je me fous d'être soi-disant en position de soumission par rapport à toi. Je me fous que tu me domines, parce que ce ne sont que des mots. Je sais que ce ne sera pas comme ça. Que nous sommes sur un plan d'égalité depuis le début et... et je te fais confiance. J'ai envie de faire ça avec toi.
Il se tut. Louis ouvrit la bouche, les lèvres tremblantes, puis il hocha la tête plusieurs fois avant de souffler :
—Oui. D'accord, j'ai envie moi aussi de-putain. De t'avoir en moi. Mais, enfin, je n'ai jamais fait ça. Je ne sais pas comment faire dans l'autre sens. J'ai peur de te faire mal ou d'être mauvais ou-
Ari le tira en avant et l'embrassa longuement avant de murmurer contre sa bouche :
— Idiot. Tu ne vas pas être mauvais, j'en suis certain. Et je vais te guider, on va aller doucement.
Louis acquiesça.
Ils s'enlacèrent à nouveau, et s'embrassèrent un long moment. Les baisers étaient doux et tendres. Louis aimait le goût de la salive d'Ari, la façon qu'il avait de respirer en exhalant doucement contre ses lèvres. Il sentait son sexe se durcir contre la hanche de Ari, à mesure que celui-ci avançait ses doigts le long de sa peau nue, sous sa tunique. Il ferma un instant les yeux, puis fit à son tour glisser sa main contre les jambes légèrement remontés du jeune homme. Il effleura la peau de ses cuisses, et le sentit remuer.
— On reste ici ?, demanda t-il, plongeant ses yeux dans ceux de Louis.
— Tu veux ?
— Je ne sais pas si j'ai le courage de remonter jusque chez toi... Je suis bien ici.
— Je ne veux pas que tu sois dans une position inconfortable.
Ari sourit contre sa bouche.
— Je suis très bien. Fais moi l'amour.
Louis laissa échapper un gémissement étouffé, et enfoui sa tête dans le cou de Ari. L'odeur de sa peau était enivrante et il se mit à sucer le bord de sa mâchoire avec un peu plus de conviction tout en frottant ses hanches contre celles d'Ari, ce qui termina de les exciter totalement, réchauffant leurs peaux.
Ils se déshabillèrent à la lumière de la lune, Ari passant ses mains sur les hanches de Louis qui s'était mis à genoux, englobant ses fesses, embrassant lentement ses tétons, son ventre, son aine, creusant des baisers le long de ses côtes, entourant ses cuisses de ses doigts.
Louis fit passer la tunique d'Ari par-dessus sa tête, dévoilant le corps finement musclé de son amant, passant ses doigts sur la courbe de ses reins, déposant des baisers légers le long de son cou.
— Dans ma besace, il y a de l'huile, souffla t-il soudain contre la bouche d'Ari.
— Tu te promènes toujours avec notre flacon ?, demanda ce dernier en souriant.
Louis haussa les épaules, le lâchant pour le laisser aller récupérer l'ustensile.
— Je suis prévoyant. Je veux pouvoir faire face à toutes les situations de crise.
Ari leva un sourcil, debout devant lui, éblouissant dans sa nudité.
— Tu me considères comme une situation de crise ?
— Je considère que ton corps aussi peu habillé loin de moi en est une, oui.
Ari pouffa et se laissa retomber dans l'herbe. Ils s'embrassèrent à nouveau, un peu plus sauvagement que tout à l'heure, Louis tirant sur les mèches de cheveux d'Ari comme celui-ci adorait qu'il fasse, et lorsqu'ils commentèrent à sentir la tension dans leurs ventres devenir un peu trop préoccupantes, Ari tendit la main vers le flacon et l'ouvrit.
Ce fut à ce moment là que Louis se rappela qu'ils ne s'apprêtaient pas à avoir le même sexe que d'habitude et qu'il s'écarta du jeune homme, un accent un peu paniqué dans la voix :
— Tu veux, tu veux que je le fasse ?
Ari lui sourit, et déposa un baiser sur ses lèvres dans l'espoir de le détendre.
— Je vais le faire, si tu préfères. Ça ne me dérange pas je... Enfin, je l'ai déjà fait, avoua t-il les joues un peu plus sombres.
Louis avala lentement sa salive.
— Vraiment ?
— Oui. Pas toi ?
— Si... Mais, je ne pensais pas que toi...
Il se tut, Ari lui décochant un sourire malicieux. Par tous les Dieux. Pendant une seconde, Louis eut l'image de Ari nu sur le lit de sa chambre, s'ouvrant avec ses propres doigts et jouissant, la bouche entrouverte, ses boucles en désordre, terrassé par le plaisir. C'était... une information qui lui permettrait sans doute d'avoir assez de fantasmes pour toutes ses occupations solitaires pendant le restant de ses jours.
— Je ne suis pas une nymphe vierge, Lou, ironisa gentiment Ari.
Louis grommela dans sa barbe, parce que, ça oui, il savait que Ari n'avait rien du garçon innocent qu'on pouvait imaginer au premier abord. (Et ça lui plaisait beaucoup.)
Cela ne l'empêcha pas de déglutir en voyant Ari se préparer pour lui. C'était déjà beaucoup de l'imaginer, mais le voir... Ari s'était agenouillé, écartant suffisamment les cuisses pour pouvoir passer sa main entre ses jambes, derrière son dos. Louis ne s'approcha pas, d'abord. Il le regardait, les yeux légèrement écarquillés, le souffle coincé quelque part dans sa gorge, dans l'impossibilité d'émettre un seul son. Ari était juste... Magnifique. Le haut de son torse et son visage s'étaient colorés de roses, ses yeux immenses semblaient briller d'une sorte de fièvre brûlante, sa mâchoire se contractait sous l'effort, tout comme les muscles de ses cuisses.
Lorsqu'il tendit la main vers Louis pour lui demander d'approcher, celui-ci réalisa qu'il avait oublié de respirer pendant quelques secondes. Il vint se coller contre lui, passant ses mains autour de ses hanches. Ari haletait contre son oreille, visiblement lui aussi incapable d'émettre une pensée cohérente. Ce fut lorsqu'il fut traversé d'un frisson un peu plus fort et qu'il gémit que Louis sursauta et sortit de son état second. Il embrassa la tempe d'Ari, et murmura :
— Est-ce que je peux, aussi ?
Ari hocha la tête :
— Oui, putain oui... Louis...
Il ferma les yeux, sa main cessant de bouger tandis que Louis tâtonnait pour récupérer le flacon et enduire à son tour ses doigts d'huile.
— Dis-moi si je te fais mal, souffla t-il en enfonçant doucement son doigt en lui, à son tour.
Ari acquiesça, mais il avait plutôt l'air de ressentir du plaisir que de la souffrance. Son corps fut traversé d'un frisson intense, le forçant à se cambrer légèrement. Louis appuya son front contre son torse, embrassant sa peau qui se couvrait peu à peu de sueur.
— Tu es si beau comme ça, si beau..., murmura t-il d'une voix étranglé.
Il sentit Ari se resserrer légèrement contre son doigt, et l'entendit haleter :
— C'est-c'est vrai ?
Il hocha la tête, et effleura doucement ses fesses de sa main libre.
— Oui... Magnifique pour moi... Je te veux tellement, je t'aime.
Son ton semblait étrangement solennel au milieu des halètements passionnés de Ari, mais ce dernier sembla y réagir particulièrement puisqu'il gémit un peu plus fort, bougeant ses hanches pour que Louis continue les mouvements qu'il faisait avec son doigt.
— Merde, Lou, je peux plus attendre... Je suis prêt, je te veux toi...
— Tu es sûr ?
— Oui, viens.
Il s'allongea dans l'herbe, et Louis se glissa entre ses jambes. Il n'eut pas le temps d'angoisser de lui faire mal, parce que Ari l'attira dans un baiser fiévreux et que l'instant d'après, il était en lui.
Louis ne pensait pas que ce serait aussi bon. Ari était étroit, et chaud, et doux et son corps se soulevait contre le sien, et c'était absolument parfait. Lorsque Louis lui demanda s'il avait mal, la seule chose qu'il put répondre fut :
— Plus fort.
Et Louis pouvait définitivement lui offrir ça.
(NDL : ce gif est merveilleux. )
Il s'enfonça en Ari, plusieurs fois, prenant peu à peu un rythme qui les fit trembler de la même manière. Ari plia ses jambes, et Louis s'accrocha à son épaule et c'était juste terriblement intense. Ils ne pouvaient même pas s'embrasser, leurs lèvres ouvertes, aspirant le souffle de l'autre, gémissant ensemble. À un moment, Ari enfonça ses doigts dans la chair des fesses de Louis, le poussant plus profondément en lui, et il arqua le dos en soufflant :
— Je suis à toi, je suis à toi...
Ce fut à ce moment-là que Louis sut qu'il ne parviendrait pas à durer très longtemps.
Ses doigts s'emmêlèrent aux cheveux d'Ari. Entre ses paupières mi-closes, il discernait le visage du garçon qu'il aimait, ses joues rouges, sa gorge tendue, le suçon violet derrière son oreille, la façon dont ses paupières se crispaient de plaisir. La main d'Ari remonta le long de son dos, traçant la ligne de sa colonne vertébrale et Louis frissonna longuement, jusqu'à ce que le jeune homme appuie sa bouche contre son oreille et murmure, la voix rauque :
— Viens pour moi.
Louis trembla. L'orgasme eut lieu dans un dernier coup de hanche qui le fit vibrer des pieds à la tête, haletant le prénom d'Ari qui avait passé sa main entre leurs deux corps pour se caresser rapidement, le dos arqué, les yeux écarquillés par le plaisir, plongés dans les océans de Louis. Il vint à son tour en se mordant la lèvre, et Louis ne l'avait jamais vu ruiné à ce point.
Ils s'écroulèrent dans l'herbe.
Ils mirent quelques secondes à redescendre totalement, puis Ari roula doucement contre Louis, entremêlant leurs doigts.
— Maintenant, nos corps sont liés pour l'éternité, souffla t-il, la voix bien plus rauque que d'habitude.
Louis sourit et l'embrassa doucement sous l'oreille. Il ne répondit rien, mais son coeur battait très vite dans sa poitrine.
*
*
*
Pendant un jour ou deux, Ari ne vit pas Louis, qui avait beaucoup de travail à cause des Jeux qui mettaient toute la ville dans une sorte de transe et d'ardeur collective, et il passa presque tout son temps avec ses amis à aller de tavernes en tavernes, à rire à des spectacles de rues et à hurler devant d'autres combats de gladiateurs. Il s'efforça de ne pas penser à Louis, à la façon dont leurs corps s'étaient emboîtés, parfaitement — merveilleusement parfaitement. Il s'efforçait de fermer les yeux sur ses souvenirs qui affluaient sans cesse — les yeux de Louis à demi-clos, la sueur perlant le long de son front, la chaleur de son sexe en lui, l'explosion lente dans le bas de son ventre, ses genoux pliés contre les épaules de Louis, la façon dont ce dernier le regardait, avec un air halluciné, fou de désir et de plaisir. Louis n'avait pas tenu longtemps, mais Harry avait eut l'impression de vivre le meilleur sexe de toute sa vie. Et puis, ça avait été leur première fois à tous les deux, en quelque sorte. Ils partageaient ça, ce souvenir solitaire d'avoir fait volé en éclats les codes de leur société, cette absurde domination hiérarchique. Harry ne se sentait pas supérieur à Louis, en rien. Harry avait aimé être sous Louis, être à sa merci, le laisser faire de lui ce qu'il voulait. Il avait aimé la lueur brûlante dans les pupilles de Louis lorsqu'il s'était retrouvé allongé sous son ventre. Il avait aimé se sentir tout entier ouvert pour Louis. Il avait tellement, tellement aimé ça. Est-ce qu'il devait en avoir honte ?
Il attendit le bon moment pour suggérer la question à ses amis, par des moyens détournés. Marcus était avec eux. Ils étaient assis sur les marches du forum, le corps lasse d'avoir trop marché, les cheveux encore mouillés d'une matinée aux thermes. Le débat avait lentement dévié — sûrement guidé par la morsure du soleil et le voile brûlant qu'il laissait sur la peau — sur leurs aventures amoureuses.
Nilla était en train de raconter son amour avec une jeune femme, Ania. Marcus l'écoutait, entendant manifestement cette histoire pour la première fois. Ania avait été — sans doute — la première véritable aventure amoureuse de Nilla, jusqu'à ce qu'elle ne quitte Pompéi avec ses parents pour partir à Rome. Nilla avait été inconsolable pendant plusieurs mois, Ari se rappelait parfaitement de cette période.
Il étendit paresseusement ses jambes, scrutant le visage de son ami qui s'animait sous le souvenir. Lima se mit ensuite à son tour à raconter son coup de foudre pour sa voisine, qu'il ne pourrait sans doute jamais épouser puisqu'elle était bien plus riche que lui.
Ari sentit son coeur se contracter doucement. Il ne voulait pas y voir la même chose que ce qu'il vivait avec Louis, mais quand même. Non... Il refusait de croire que son avenir avec le jeune homme n'était que fumée. Il allait se battre pour qu'ils soient heureux, juste tous les deux. Il était certain que Louis était prêt pour la même chose, qu'un jour ils s'enfuiraient, qu'ils prendraient un bateau vers ailleurs, un ailleurs où on les laisseraient s'aimer tranquillement.
(Est-ce qu'un tel endroit existait ?)
Marcus finit par prendre doucement la parole, soufflant qu'il était tombé amoureux d'un homme, un jour. Un jeune esclave égyptien, aux yeux verts de serpent. Ari s'accrocha à ses paroles, soudainement très intéressé.
— Ah oui ?, souffla t-il en prenant un air détaché, et comment était-ce, d'aimer un esclave ? Vous ne deviez pas pouvoir faire... Tout ce que vous vouliez, si ?
Il capta le regard de Nilla au-dessus de l'épaule de Marcus, et le sourire amusé de Lima mais heureusement son interlocuteur, lui, ne se rendit compte de rien. Marcus haussa vaguement les épaules.
— C'est vrai que ce n'est pas très pratique... Dès le début de notre relation il savait que nous n'étions pas sur un pied d'égalité.
Ari tiqua. Comment Marcus pouvait-il dire avoir aimé quelqu'un s'il considérait cette personne comme étant inférieure à lui ?
— Je ne pourrais jamais rabaisser quelqu'un que j'aime, personnellement, fit-il.
Marcus leva un sourcil et lui adressa un sourire :
— C'est parce que tu n'as jamais été dans ce cas. Il restait un esclave malgré tout, je n'y pouvais rien moi. Nous savions tous les deux dès le début que nous ne finirions pas notre vie ensemble, c'est comme ça.
— Ce n'était pas de l'amour alors.
Cette fois, Marcus parut le prendre mal :
— Ce n'est pas parce que j'avais conscience, et lui aussi, de nos différences sociales indépassables que je n'étais pas amoureux de lui.
— Si tu l'étais tu aurais voulu les dépasser.
Ari sentait ses joues s'échauffer. Il ne savait pas pourquoi cela le mettait tant en colère. Peut-être parce qu'il pensait que Marcus pourrait être un allié pour lui. En réalité, absolument pas. Marcus était comme tous les autres. Il ne put pas s'empêcher de lâcher ce qui lui brûlait les lèvres depuis des heures :
— J'imagine que tu as couché avec ce garçon, n'est-ce pas ?
— Oui, évidemment.
— Alors tu es en train de me dire que tu étais amoureux de lui, et que vous n'avez jamais, même en faisant l'amour, renversés vos positions ? Que tu n'as jamais, jamais été en-dessous ?
Marcus écarquilla les yeux. Ari se tut. Lima et Nilla affichaient le même air choqué, et il pensait savoir pourquoi. Pourtant ils ne dirent rien, se contentant de se jeter un petit regard de connivence alors que Marcus répondait à Ari en riant :
— Mais tu es fou ! Je t'ai dit que c'était un esclave... Que je l'aime ou non, j'aurais été déshonoré qu'il... Qu'il soit dominant dans nos relations. Ç'aurait été lui faire croire qu'il avait le contrôle sur moi. Comment aurais-tu voulu que je me fasse respecter par la suite ?
Ari émit un petit sifflement entre ses dents et serra les poings sur sa tunique.
— Je pense que lorsqu'on aime quelqu'un, alors on se trouve dans une situation de respect et la hiérarchie sociale n'existe plus.
— Tu dis ça parce que tu n'as jamais été dans ce cas de figure, le coupa à nouveau Marcus.
Ari avait vraiment l'impression qu'il le prenait pour un idiot. Il bouillait intérieurement. Il se leva, pris d'un vertige à cause du soleil qui avait tapé trop longtemps sur son crâne et lâcha :
— Et bien si, je suis dans ce cas de figure.
Il tourna les talons et dévala les marches du forum, pour descendre la rue principale. Très vite, il entendit un bruit de pas derrière lui. Il n'eut pas à se retourner pour savoir que c'était Nilla. Le jeune homme lui attrapa le bras et le tira dans une rue adjacente, le collant à un mur.
— Est-ce qu'on a bien compris ce que tu viens de dire Ari ?
Il tourna la tête, croisant les bras sur sa poitrine en faisant la moue.
— Ari ?, répéta son ami d'une voix ferme.
— Je suppose que oui, finit-il par grommeler.
Nilla avait toujours l'air aussi choqué, et cela suffit d'énerver Ari un peu plus :
— Mais arrête de me fixer avec tes yeux comme ça, merde ! Qu'est-ce que c'est le problème ?
— Le problème Ari c'est que tu fais n'importe quoi ces derniers temps. On a rien dit quand on a remarqué que tu passais tout ton temps avec cet esclave parce qu'on pensait que tu voulais simplement t'amuser un peu mais... Mais là j'ai l'impression que tu t'emballes ! Est-ce que... Est-ce que tu as vraiment... ?
Ari leva les yeux au ciel. Ils avaient tous décidé d'être débiles aujourd'hui ?
— Oui je me suis fait pénétré par Louis, si c'est ce que tu veux savoir.
Nilla rougit brusquement.
— T'es pas obligé de le dire de cette manière.
— Je vois bien que c'est ce qui te déranges. Pourtant c'est ce qui c'est passé. On a fait l'amour et j'étais en-dessous.
Son ami recula légèrement, passant sa main dans ses cheveux. Il avait l'air quelque peu dépassé, et lorsqu'il releva les yeux vers Ari, celui-ci comprit qu'il était aussi effrayé.
— Ari. Est-ce que je dois te rappeler que ce Louis t'as volé tes vêtements en te laissant à poil en pleine nuit ?
— Oui, il y a au moins trois mois. On ne connaissait presque pas.
— Justement. Je trouve que comme première approche, c'était assez maladroit non ?
Nilla avait pris un ton ironique qui ne plut pas du tout à Ari.
— Tu ne sais rien de Louis et tu oses parler de lui de cette façon ?
— Peut-être que c'est toi qui est aveuglé par... par ton amour Ari.
Ari lâcha un petit rire désabusé.
— Je sais ce que je ressens Nilla. Et je ne veux pas perdre ça. Je suis heureux avec Louis plus que je ne l'ai jamais été et je pensais que tu comprendrais ça. Je pensais que tu l'avais apprécié l'autre jour, Mais visiblement je me suis trompé.
— Ce n'est pas méchant Ari. J'ai juste peur que tu te fasses avoir. Il se prostitue quand même...
— Et ? Ça ne fait pas de lui un pestiféré ?
— Non... Mais, vous n'avez rien à voir... Je veux dire, tu es riche et-
— Nilla. Arrête.
Ari le poussa doucement mais fermement, se dégageant un passage. Il fixa longuement son ami qui resta les bras le long du corps, le visage défait :
— Je suis amoureux de Louis, et lui aussi. J'espérais que vous alliez me soutenir dans cette histoire mais puisque ce n'est pas le cas alors je suis désolé mais je crois que je ne vais plus être capable de passer du temps avec des gens qui n'acceptent pas la personne que j'aime à sa juste valeur, et qui ne la respectent pas.
— Donc c'est nous ou lui ?
Ari haussa les épaules. Il avait envie de pleurer, mais l'air dégoûté de Nilla lorsqu'il avait appris qu'il s'était laissé dominer par Louis, en dépit de sa condition, fit à nouveau gronder une colère sourde dans son estomac.
— Oui, prononça t-il d'une voix cinglante.
Nilla eut l'air blessé. Il pinça la bouche d'une drôle de façon et lâcha, froidement :
— Je ne fais pas confiance à Louis et je pense que tu ne te rends pas compte que tu te dégrades toi-même. J'espère que tu réussiras à ouvrir les yeux tout seul.
Ari ne voulait pas en entendre davantage. Il tourna une nouvelle fois les talons, définitivement.
*
*
*
*
*
*
Il ne le cacha pas à Louis. Il passa une heure ce soir-là, à pleurer dans ses bras, mouillant son torse nu de ses larmes salées. Louis le berça longtemps, embrassant ses cheveux. Ils parlèrent jusqu'au milieu de la nuit, et Louis lui avoua qu'il s'en voulait un peu, que Ari ne parle plus à ses amis à cause de lui. Ari releva la tête, les yeux brillants :
— Ce n'est pas à cause de toi, mais d'eux.
Louis ne répondit rien. Il entremêla ses doigts dans ceux d'Ari, et les porta à sa bouche pour les embrasser. Ari n'arrivait plus à pleurer mais il émit un petit bruit étranglé qui le fit se recroqueviller sur lui-même.
Il tomba dans un sommeil profond, où il rêva être perdu dans un labyrinthe de murs hérissés d'épines. Le cauchemar le laissa tremblant, mais lorsqu'il ouvrit les yeux au petit matin Louis était toujours là, enroulé autour de lui, et il sentait son souffle paisible tomber dans le creux de son oreille. Il souffla doucement, fixa le ciel d'un bleu très pâle.
Il n'avait pas besoin des autres.
Ils n'avaient pas besoin des autres.
/// À SUIVRE... ///
Ce chapitre est ÉNORME. (Et je ne sais pas ce qu'il m'a pris avec les lemons... J'étais très inspirée mdrrrr). Mais ce moment où ils "échangent" leur rôle est très symbolique alors, voilà. Il fallait qu'il soit important. 😌 (J'espère que le Louis!Tops n'a pas été une torture Emma mdrrrr).
(Presque) tout est rose et mignon et adorable. Vous savez ce que ça veut dire... À dimanche pour un peu plus de dramas ! ✌🏻 Et merci beaucoup pour toutes vos réactions positives sur le dernier chapitre ! Ça me fait plaisir de savoir que vous ne vous ennuyez pas ahah !
ps : je tiens à préciser que Louis et Ari n'utilisent pas de préservatifs parce que forcément, à l'époque il n'y en avait pas ! Ce n'est pas une invitation à faire de même. 😂
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro