CHAPITRE 3.
Ari avait eu du mal à s'échapper de chez lui. Son père venait de rentrer (il ne l'attendait pas si tôt) et la maison avait été remué de fond en comble. Il avait ramené une quantité astronomique de valises remplies de parures et de bijoux pour la sœur d'Ari et sa mère, des manuscrits, de la nouvelle vaisselle et d'autres bibelots que le jeune homme n'avait pas encore eu le loisir d'observer de plus près.
Il avait été convoqué immédiatement dans le bureau de son père, une pièce austère où ne trônait que son bureau. L'ensemble de la maison d'Ari était très dépouillée, puisque toutes les décorations se trouvaient peintes sur les murs. Il n'y avait jamais que le strict minimum dans les pièces, et cela ne gênait personne. Mais le bureau de son père lui donnait toujours l'impression d'être un gamin de cinq ans pénétrant dans l'antre effrayante d'un bourreau. C'était idiot. Son père avait une figure plutôt joviale, avec un ventre rebondi et des bagues rouges à tous ses doigts. Il avait un début de calvitie, et ne portait que des toges blanches à la mode ancienne des grands orateurs.
Il avait l'air... Gentil.
Mais il impressionnait Ari, lui qui se sentait déjà terriblement médiocre.
Il avait passé presque toute la matinée dans ce bureau aux murs noirs, à peine sertis aux angles de lignes dorées et de minuscules petits dessins d'oiseaux s'envolant vers les fenêtres ouvertes, donnant sur la mer. Lui ne voyait pas ce paysage, il lui faisait le dos. En face de lui, il n'avait que son père qui ouvrait et défaisait des rouleaux de papyrus, lui expliquant les bénéfices qu'il avait fait en Egypte.
Honnêtement ? Ari n'avait rien écouté. Il se contentait de hocher vaguement la tête de temps en temps, de répondre « oui oui » quand son père lui demandait s'il avait bien compris et... Voilà. Tout le reste de son esprit était bien trop occupé par son rendez-vous avec le garçon du lac, qui approchait à grande vitesse. Et si son père décidait de le garder toute la journée ? Malheur.
Il se mit à prier intérieurement Vénus, la déesse de l'amour, protectrice de la ville de Pompéi, pour que son père le libère enfin et le laisse courir vers le futur amour de sa vie (c'était peut-être exagéré...).
-Ari ?
Il sursauta légèrement, concentrant son regard sur la carte colorée que lui présentait son père depuis tout à l'heure, le doigt pointé sur ce qui devait être un fleuve.
-Oui ?
-Tu as l'air ailleurs.
-Non... J'écoute. Et je réfléchis en même temps.
Les lèvres de son père se courbèrent en un sourire amusé et il plia la carte en soupirant.
-Ari, Ari... J'ai toujours su que j'aurai quelques difficultés à tirer quelque chose de toi.
Le jeune homme se redressa sur sa chaise, mal à l'aise.
-Je vous jure que j'écoutais...
-Mais oui. Bien sûr. Qu'est-ce que tu as fait pendant mon absence ?
Ari se mordilla la lèvre. Question piège. Il n'avait r i e n fait. Du moins, rien de ce que son père lui avait demandé de faire (révisions de l'arithmétique, lecture des grands mathématiciens, apprentissage approfondi du grec...). Mais il ne pouvait pas le lui dire, il risquait d'être enfermé à vie sinon. Il opta donc pour une réponse neutre.
-J'ai beaucoup travaillé, mais vous me connaissez... J'ai encore du mal avec certaines notions. Je comptais justement aller à la bibliothèque cette après-midi.
-Ah oui ? Très bien.
Son père sourit et se leva, fixant son regard dans le sien.
Le ventre d'Ari se tordit.
-Dans ce cas, je ne te retarde pas. Les études avant tout.
Ari acquiesça vigoureusement et s'échappa du sombre bureau. La mer au loin était d'un bleu azur, à peine parcouru de vagues frémissantes. Il faisait chaud, l'air était doux et pur. Il n'était pas en retard. Dans quelques minutes, il plongerait son regard dans celui du garçon de la rivière.
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Lorsque Ari arriva à l'angle de la rue où se trouvait la boulangerie, un attroupement s'était rassemblé près du trottoir. Il se fraya comme il le pouvait un passage parmi les badauds et s'arrêta en constatant l'objet de l'attention de tout le monde, effaré.
Le boulanger Terentius Proculus tenait fermement son inconnu par le col de sa tunique, le secouant comme un prunier et lui vociférant au visage.
-Sale petit voleur ! Si tu crois que je n'allais pas te voir ! J'en attrape dix par jours des vauriens comme toi !
Le voleur en question ne disait rien, tentant de se dégager de l'emprise du boulanger en lui donnant des coups de pieds inefficaces dans les tibias. Sur le sol était tombé le pain blanc qu'il avait certainement tenté de subtiliser à Proculus.
Rassemblant tout son courage, Ari fendit la foule et alla s'interposer entre le boulanger et le jeune homme, attrapant son bras et le tirant vers lui.
-Laissez-le ! Il est à mon service.
Le boulanger lui lança un regard noir.
-Qu'est-ce que tu veux toi !? Ce voyou m'a pris un pain, je me fiche de savoir que c'est ton esclave !
Ari lui jeta un regard noir.
-Je suis le fils de Lucius Stilius Mercator ! Si mon père apprend que tu me manques de respect à ce point, et que tu t'attaques à mon esclave personnel, il en parlera au consul de Rome et te fera jeter dans la fosse des lions pendant les jeux du Cirque.
(C'était n'importe quoi. Le père d'Ari n'avait pas ce pouvoir, et il n'avait aucun contact avec le consul de Rome).
Pourtant, la menace parut fonctionner car le boulanger finit par se reculer, les sourcils froncés et un air gêné sur le visage. Il bougonna :
-Je ne savais pas... N'empêche que c'est un voleur. Je ne peux pas laisser passer ça.
-Ce n'est pas un voleur. Je lui avais demandé d'aller me chercher un pain pendant que j'étais encore chez un ami. J'ai simplement oublié de lui donner l'argent, il a seulement voulu bien faire en prenant le pain quand même. Mais je vais te payer maintenant.
Le boulanger lâcha enfin le voleur, et épousseta sa tunique dans un geste nerveux.
-Bien, bien.
Ari le suivit dans la boutique et lui donna le contenu de sa bourse en dédommagement des émotions qu'il venait de subir. Le boulanger s'excusa et donna à Ari deux énormes pains frais que le jeune homme accepta platement.
Puis il ressortit et alla rejoindre l'esclave qu'il venait de défendre tout en se demandant dans quel pétrin il venait de se mettre (sans mauvais jeu de mot).
La foule de tout à l'heure s'était éparpillée, mais tout le monde avait vu le fils du riche Lucius Stilius Mercator défendre un voleur. Son père serait forcément au courant. Tant pis.
-Tiens.
Il donna les pains au garçon qui les prit sans un mot et les glissa dans sa besace. Ari ne s'attendait pas une ovation mais il aurait au moins apprécié un petit mot de remerciement... Il l'avait tout de même défendu, et sans lui le jeune homme serait à l'heure actuelle en train d'être jeté dans une cellule de prison.
Mais rien.
Le jeune homme proposa simplement qu'ils quittent l'endroit et tout en marchant, il se mit à mâchonner des bouts du pain qu'il avait volé.
Ils marchèrent à travers la ville. Ari était un peu abasourdi par la présence du garçon de la rivière à ses côtés, par le soleil qui tapait sur ses boucles brunes, par la chaleur qui remontait dans le sable de la rue, par le bruit des passants, les cris des charretiers et l'animation qui régnait à tous les coins des avenues. Il se laissait guider à travers le brouhaha de la ville, sans réfléchir plus que ça à ce qu'il venait de se passer et à ce qu'il était en train de faire.
Son inconnu marchait devant lui, et il fixait sa nuque brune où dansaient quelques mèches de cheveux dorées par le soleil.
Ils quittèrent la ville. Ari savait où ils allaient. Les hautes herbes montaient autour d'eux. Les fleurs blanches des champs dansaient sous la caresse du soleil. Le sous-bois les accueillit dans sa fraîcheur odorante, et Ari entendait déjà le clapotis rassurant de l'eau de la rivière.
Le jeune esclave se retourna vers lui, sourire éclatant, et se laissa tomber près de la berge, avec un soupir de plaisir.
-Qu'il fait bon ici !
Ari cligna des paupières. Le soleil s'écoulait en poussière d'or entre les feuilles vertes des arbres, dessinant des ombres éblouissantes sur la peau éclatante du jeune homme. Ses genoux nus baignaient dans cette lumière confuse et frémissante et Ari ne pouvait en détacher le regard. Sous le couvert des arbres, celui qui était prostitué pendant les nuits obscures se transformait en l'être le plus sublime qu'il n'ait jamais vu.
(Plus tard, Ari saurait qu'il avait eu tort : Louis était toujours sublime, peu importe l'endroit où il se trouvait.)
Il s'assit à un mètre de lui, repliant ses jambes contre lui. Le garçon fermait les yeux, le visage vers le ciel, paisible. Ses lèvres s'écarquillèrent à peine lorsqu'il parla :
-Je connais ton prénom mais tu ne connais pas le mien.
-Tu connais mon prénom ?
Ari avait appuyé sa joue contre son genou, et le regardait curieusement.
-Oui. Ari. Ari Stilius Noctua. Tes amis me l'on dit.
-Quels amis ?
-Le blond et le brun. Ils viennent au lupanar.
Ari hocha la tête. Nilla et Lima avaient donc parlé de lui à ce garçon. Pourquoi ? C'était étrange. Mais cette question lui importait peu par rapport à celle qui lui brûlait les lèvres.
-Et toi, comment t'appelles-tu ?
Le jeune homme ouvrit les yeux et tourna son visage vers lui. Ari sentit son cœur se serrer, mais loin d'être douloureuse, cette pression était juste douce et chaude.
-Louis.
-Quoi.. ?
-Louis. C'est mon prénom.
Ari n'avait jamais entendu ça.
-Ce n'est pas latin.
-Non. C'est un prénom gaulois.
-Tu viens de Gaule ?
-Pas vraiment... Mon père l'était, mais ma mère était romaine. Je suis né en Grèce.
Ari ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux. C'était... Peu commun. Louis avait tellement voyagé.
-Mais... Qu'est-ce que tu fais ici ?
Louis laissa échapper un rire clair. Il haussa les épaules, et lui adressa un sourire amusé.
-J'ai été acheté par un riche romain qui était en voyage à Athènes. Et puis... Et puis mon maître ne voulait plus de moi, il m'a revendu. J'ai atterri ici.
-Pourquoi est-ce qu'il ne voulait plus de toi ?
-Comme ça...
Il détourna la tête. Ari n'insista pas. Ils restèrent un moment sans rien dire, et Ari se prit à penser qu'il n'avait jamais entendu de silence si confortable. Puis Louis se redressa et commença à retirer sa tunique, et Ari se sentit d'un seul coup beaucoup moins apaisé.
-Que... Qu'est-ce que tu fais... ?
Louis lui jeta un regard par dessus ses longs cils noirs, regard que Ari ressentit comme extrêmement moqueur et brûlant.
-La même chose que l'autre fois. Je me baigne. Et toi, toujours allergique à l'eau ?
-... Non.
Ari savait que ses joues étaient en train de prendre feu. Il avait vraiment trop honte... Il se releva donc à son tour et se détourna de Louis pour se déshabiller.
Allons Ari, ce n'est pas difficile... Tu te baignes nu devant des tas d'hommes inconnus quand tu vas aux thermes... Oui mais ils ne sont pas aussi séduisants que Louis... Arrêtes de réfléchir et va dans cette rivière... Il te suffit de le regarder dans les yeux et de nager, c'est quand même pas compliqué...
Son monologue intérieur fut interrompu par le bruit du plongeon de Louis lorsqu'il se jeta dans la rivière. Ari se retourna juste à temps pour le voir ressortir la tête de l'eau, riant comme un gosse, ses cheveux dégoulinant de petites gouttelettes limpides et brillantes.
-Allez viens ! Ca va te rafraîchir !
Louis se mit à nager sans accorder la moindre importance à Ari qui était à présent entièrement nu.
(Non, il n'était pas vexé...)
Il plongea à son tour. Louis avait raison, l'eau était délicieusement pure et froide, contrastant avec l'air sec et brûlant du dehors. Il nagea un peu, s'habituant à sentir le courant glisser entre ses cuisses. Il y avait une éternité qu'il n'avait pas nagé nu dans l'eau de cette rivière... Peut-être depuis qu'il avait 15 ans. Il se souvenait des jeux avec Nilla, de leurs courses jusqu'au pont, du premier qui arriverait à attraper un poisson avec ses mains, de celui qui tiendrait le plus longtemps en apnée. Il avait l'impression que cela avait eu lieu il y avait une éternité, et pourtant il entendait encore distinctement le rire bruyant de son meilleur ami qui lui jetait des gerbes d'eau à la figure, les soirs d'été. Aujourd'hui ce n'était pas Nilla mais Louis qui le rejoignait en l'arrosant gaiement. Ari ne se laissa pas faire et – faisant taire la petite voix dans sa tête – plongea sous l'eau pour attraper la cheville de Louis. Il le tira en avant pour le noyer quelques secondes. Louis riait même sous l'eau, et ses cheveux remontaient vers la surface, comme des petites algues brunes. Ari ressortit de la rivière en même temps que lui, la respiration courte à force de rire.
-Je ne pensais pas que tu étais si fort, le taquina Louis, ses yeux bleus éclatant de malice.
Ari tendit son bras, touchant son biceps.
-Tu as tort de me sous-estimer. Je vais toutes les semaines faire de la gymnastique.
-Et moi je fais du sport tous les jours.
Louis lui tira la langue et replongea avant même que Ari n'ait eu le temps de saisir sa remarque. Il resta pantois quelques secondes. Est-ce qu'il venait vraiment de blaguer sur... ? Mais Louis était déjà arrivé au pont et lui faisait signe de la main, lui criant de le rejoindre. Ari tenta de ne plus penser au sport qu'il pratiquait et le rejoignit en nageant.
-On fait une course ?
-Si tu veux. Qu'est-ce qu'on gagne à l'arrivée ?
Louis repoussa ses cheveux qui lui tombait devant les yeux et haussa les épaules.
-Le gagnant choisit.
-Ca me va.
Louis lança le départ et Ari plongea immédiatement. Il se savait bon nageur, mais Louis était apparemment meilleur que lui. Il eut très vite un bon mètre d'avance sur lui, et atteignit l'arbre qu'ils avaient choisi comme ligne d'arrivée en un temps record.
Ari ressortit la tête de l'eau, levant les mains au ciel en signe de défaite.
-Cette fois, c'est moi qui ai sous-estimé ta rapidité, avoua t-il en riant.
Louis était visiblement fier de lui, et il haussa les épaules dans un geste faussement modeste.
-Je ne suis pas rapide pour tout, commenta t-il simplement avec sobriété.
Ari ne put s'empêcher de repenser à la conversation qu'il avait eu avec la patronne du lupanar, et sentit ses joues s'empourprer à nouveau. Est-ce qu'il était voué à trouver des connotations sexuelles dans TOUT ce que Louis disait ? Cette histoire allait mal finir...
Ils regagnèrent la berge ensemble, un peu essoufflés.
Louis s'adossa à un arbre, en plein soleil, tandis que Ari s'allongeait dans l'herbe un peu plus à l'ombre. Il n'avait pas une peau aussi basanée que celle de Louis et ne voulait pas avoir de coup de soleil, sinon son père saurait qu'il n'avait pas passé l'après-midi dans l'obscurité de la bibliothèque.
-J'ai gagné, donc, lança Louis après quelques minutes d'un silence reposant.
Ari hocha la tête sans répondre.
-J'ai le droit à une récompense.
-Dis ce que tu veux.
Le jeune homme s'attendait à un gage stupide mais Louis lui demanda simplement de venir le voir. Ari se releva, et tout en s'approchant, il se rendit compte de ce que cela signifiait.
Louis était nu contre un arbre, le corps baigné dans la lumière de fin d'après-midi, une lumière tendre et délicatement ambrée, sa peau encore ruisselante de leur baignade. Dans ses yeux coulaient tous les océans du monde et Ari n'avait plus assez de force pour ne pas s'y noyer.
Il était si proche, qu'il sentait le souffle du jeune homme sur sa bouche, et la chaleur émanant de sa peau mordorée.
Louis tendit la main vers sa joue, et ses doigts glissèrent le long de sa mâchoire. Ari ne respirait plus. Autour d'eux, le monde avait cessé de tourner et s'effaçait dans un flou de couleurs imprécises. Louis était le seul élément net, le reste n'existait pas, le reste n'était que vagues nébuleuses, nuages de vert, de jaune, de blanc, de bleu. Odeurs vaporeuses d'herbes grasses et sucrées, de soleil et de boutons de fleurs.
Il n'y avait plus que deux yeux azurés, d'une beauté à couper le souffle, un visage sculpté dans le marbre le plus tendre, une bouche délicate que Ari allait sans doute embrasser.
Les paupières de Louis clignèrent doucement et il descendit sa main le long de la nuque d'Ari, qui frissonna. Sa bouche se referma sur son cou. Ari se laissa faire, les yeux fermés, le souffle court. Il sentait les lèvres de Louis réchauffer les contours de sa peau, il sentait sa langue au creux de son omoplate, la douceur de sa bouche et de son souffle chaud effleurant les bords de son épaule.
Doux.
Tendre.
Renversant.
Qu'est-ce qui était en train de se passer ?
Il sentit son cœur exploser lentement lorsque Louis se laissa tomber par terre, et que ses mains entourèrent fermement ses cuisses. Il voulut parler mais ne fit que se mordre la langue.
Bordel.
De.
Merde.
Il n'était pas prêt à ça. Il n'arrivait même pas vraiment à saisir ce qui était en train de se passer. La seule chose concrète que hurlait son esprit, était que, putain, il voulait tellement la bouche de Louis autour de son sexe.
Il fut prit d'un vertige de plaisir lorsque ses lèvres l'effleurèrent effectivement et crut s'évanouir pour de bon lorsque la langue brûlante du jeune homme rendit sa peau humide et glissante. Il laissa échapper un hoquet de plaisir et une larme roula sur sa joue.
Il se sentait terriblement fragile à cet instant, et en même temps, il avait l'impression de n'avoir jamais été aussi libre de sa vie.
Louis se mit à le sucer lentement, sa bouche sachant exactement où aller pour que Ari se mette à gémir. Le jeune homme peinait à garder les yeux entrouverts, le front maintenant appuyé au tronc de l'arbre pour ne pas tomber par terre. Il gardait le regard rivé sur le dos de Louis, sur la courbe de sa colonne vertébrale, les gouttes d'eau qui y roulaient encore. Il plongea sa main libre dans les cheveux bruns du jeune homme, tirant légèrement sur ses mèches lorsque sa langue le faisait trop trembler.
-Louis...
Le garçon releva rapidement les yeux, ses pupilles assombries par le désir, et merde, Ari se mordit la langue pour ne pas jouir immédiatement. C'était trop trop trop. Il sentait son bassin onduler malgré lui, et Louis continua plus vigoureusement encore, visiblement excité par les halètements qu'il ne pouvait pas retenir.
Ari se sentit parcouru d'un spasme de plaisir alors que les dents de Louis frottèrent sur sa peau beaucoup trop fine. Il murmura à nouveau le prénom du jeune homme, le visage crispé par la jouissance qui montait dans son ventre.
Louis appuya davantage ses mains sur ses cuisses, enfonçant ses doigts dans la chair de sa peau. Il sentit son sexe buter dans le fond de sa gorge. Ari n'aurait jamais pensé que cela lui plairait à ce point, mais il se mit à trembler violemment.
Il ne sut jamais tout à fait s'il l'avait rêvé, mais dans les limbes blanches de l'orgasme moite qui l'envahit tout entier, il crut entendre Louis souffler « Ari ».
Quand il ouvrit les yeux, son ventre se soulevait rapidement et était tâché de sperme. Il rougit. Louis s'était à nouveau adossé à l'arbre, assis par terre. Il le regardait sans un mot, et Ari recula, brusquement mal à l'aise. Il voulut bégayer qu'il n'avait jamais rien ressenti de tel de toute sa vie, et que putain, il voulait le prendre dans sa bouche à son tour, mais Louis le coupa avant même qu'il n'ait commencé :
-Tu ferais bien d'aller te nettoyer dans la rivière.
... Ah.
Ari hocha la tête. Louis avait l'air... Bizarre. Ce n'était pas normal du tout ça. Ari ne l'avait pas forcé à faire ça, si ? Non, il en était sûr. Louis l'avait fait de lui même.
Il obéit néanmoins, conscient qu'il avait effectivement besoin de se rincer et plongea doucement dans l'eau. L'eau fraîche le fit totalement redescendre de son orgasme et lorsqu'il ressortit la tête de l'eau, il lui semblait avoir les idées beaucoup plus claires. Il n'allait pas laisser Louis s'échapper sans avoir une explication sur son comportement.
Sauf que Louis avait déjà disparu.
Avec leurs vêtements à tous les deux.
*
*
*
*
*
*
Ari était caché derrière un fourré, et lançait des pierres à travers la fenêtre de la chambre de Nilla depuis deux minutes. Il faisait nuit noire, et heureusement que la nuit était douce à cette époque de l'année car sinon il serait mort de froid, son anatomie avec.
Et.
Putain.
Il y avait des herbes qui lui piquaient les fesses.
Il prit un caillou un peu plus gros que les autres, conscient qu'il s'agissait là de son dernier espoir avant de devoir traverser toute la ville nu jusque chez lui, et le balança à l'intérieur de la pièce noire. Une seconde passa, et il entendit une exclamation étouffée.
Oups.
Il avait peut-être atteint la cible.
Nilla ne tarda en effet pas à apparaître à la fenêtre, se penchant vers la rue pour voir quel sombre idiot venait de lui balancer un caillou en plein sur le front.
-Nilla !, appela Ari en chuchotant le plus fort qu'il pouvait. Il agita également la main en l'air, jusqu'à ce que son ami s'aperçoive de son mouvement.
-Ari... ?!
-Chut, pas si fort !!! Ari agita une nouvelle fois ses mains et murmura : descends avec un drap s'il-te-plaît !
Nilla n'avait pas l'air de comprendre mais il disparut de la fenêtre. Ari soupira de soulagement. Heureusement que son meilleur ami habitait dans un endroit de la ville très peu fréquenté, surtout la nuit. Nilla apparut très vite de l'autre côté de la rue, un drap blanc dans les bras et courut jusqu'à son ami qui se cachait toujours derrière son buisson.
-Mais qu'est-ce que tu f-... T'es à poil ???
-Chuuuuuuuuuuuut.
Ari regarda des deux côtés de la rue, priant pour qu'aucune lumière ne s'allume dans une maison.
-T'es bourré ou quoi ?, s'esclaffa Nilla.
-Mais non ! Pas du tout... Je, je me suis fait volé mes affaires...
Bon. Ca sonnait très pathétique.
Les rires de Nilla redoublèrent et Ari du attendre qu'il se calme pour réclamer le drap qu'il lui avait apporté.
-Oh merci merci... Par Jupiter, je commençais à croire que j'allais devoir rentrer chez moi en rampant.
Nilla le fit rentrer chez lui et ils grimpèrent jusqu'à sa petite chambre, où Ari put enfin se laisser tomber sur un lit confortable.
Son ami referma la porte, le regardant avec malice.
-Est-ce que tu peux m'expliquer clairement ce qu'il vient de t'arriver maintenant ?
Ari enfouit sa tête entre ses mains, gémissant :
-Niiii. J'ai trop honte. Je me suis fait avoir comme un idiot.
-Par qui ?
Il se roula en boule sur le lit, fixant la fenêtre, dos à Nilla.
-Louis...
-Louis ? C'est qui ?
-Le garçon du lupanar.
Nilla resta un moment silencieux, cherchant dans ses souvenirs qui pouvait bien être ce Louis, jusqu'à :
-AH. Je vois oui. Il te cherchait et... Oh merde, merde, merde !
-Quoi ?
Ari se retourna, fronçant les sourcils. Nilla se tordait les mains, l'air très embêté.
-Il est venu chez toi ? Il vous a volé ? ... Merde, je savais qu'on aurait jamais du lui dire qui tu étais et où tu habitais mais il avait l'air... Enfin on pensait pouvoir lui faire confiance... Quels cons...
-Mais de quoi tu parles ? Vous lui avez donné toutes ces informations ?
Ari s'était redressé. Nilla soupira, tête basse, et s'assit sur le lit près de lui.
-Oui, il disait vouloir te rendre quelque chose.
-Il n'est pas venu chez moi. En tout cas, je ne l'y ai jamais vu.
-Vraiment ?, Nilla parut soulagé, avant de se souvenir de l'état dans lequel il avait retrouvé son meilleur ami. Mais... Et tes vêtements alors ?
Ari se laissa retomber dans le lit, et se cacha le visage avec le draps. Il était concrètement incapable de raconter sa mésaventure à Nilla en le regardant dans les yeux. La honte.
Il expliqua le rendez-vous devant la boulangerie. Il parla de la bagarre avec Proculus, et du fait que Louis ne l'avait même pas remercié pour lui être venu en aide. Peut-être qu'il aurait du se méfier à partir de ce moment... Il raconta la rivière, omit les lumières sur la peau de Louis, garda pour lui le secret de sa beauté miraculeuse. Il sourit en repensant à la course jusqu'à l'arbre, puis son cœur se mit à battre un peu plus fort lorsqu'il murmura du bout des lèvres qu'il avait eu, en quelque sorte, une sorte de relation sexuelle avec Louis. Silence.
-Et après ?, murmura Nilla.
-Après, j'ai été nager un peu dans la rivière pour me... Pour me remettre les idées en place. Et quand j'ai sorti la tête de l'eau, Louis avait disparu avec nos affaires.
Ari attendit que son ami se mette à rire mais comme seul le silence lui répondit, il finit par sortir la tête du draps. Nilla le fixait avec un petit sourire amusé mais ses sourcils froncés annonçaient qu'il n'allait pas se moquer de lui.
-C'est quand même étrange... Tu es sûr qu'il était... Enfin tu es sûr qu'il faisait ça de son plein gré ? Ou c'était une vengeance ?
-Mais. Non... Je ne lui ai rien demandé. Il avait gagné à la course, c'était lui qui devait me donner un gage et... Et il m'a fait ça à la place.
Nilla se mordilla la lèvre puis soupira.
-Je pense que tu ne devrais pas te prendre la tête avec ça. Il se prostitue après tout, que veux-tu attendre de lui ? Ce n'est pas quelqu'un de bien.
Ari ne répondit pas. Il ne voulait pas dire « je sais » parce que non, il ne savait pas. Pour lui, se prostituer n'était pas synonyme d'être une mauvaise personne. Et puis, Louis n'était pas comme les autres... Du moins, il l'avait cru. Nilla reprit :
-S'il a volé un pain, ça ne m'étonne pas qu'il ait fait pareil avec tes affaires. Il attendait sûrement que tu lui tournes le dos un moment pour filer en douce. Tu avais de l'argent ?
-Même pas, souffla Ari en haussant les épaules, j'avais tout donné au boulanger.
-Alors dis-toi qu'il n'a pas gagné grand chose dans l'affaire, juste une de tes tuniques...
Ari acquiesça. C'est vrai que le butin de Louis était mince. Quelque part, il en était presque triste. Si le jeune homme le lui avait demandé, Ari lui aurait donné toute sa fortune sans hésiter un seul instant.
Nilla et lui parlèrent encore un peu, jusqu'à ce que Ari se rende compte que son ami était fatigué. En baillant, il lui installa une couchette sur le sol et Ari s'y allongea puis resta une éternité les yeux rivés vers la fenêtre.
Derrière lui, Nilla ronflait déjà allègrement.
Dans sa poitrine, son cœur continuait de battre la chamade. Il voyait encore distinctement - trop distinctement - les mains de Louis glisser contre ses cuisses et... Pourquoi avait-il fait ça, si c'était pour s'enfuir juste après ? Ari ne comprenait pas.
Il ferma les yeux, et se promit de cesser de penser à Louis, qui n'en valait pas du tout la peine finalement.
Au loin dans la campagne, un grognement sourd résonna, faisant frémir l'eau si limpide de la rivière dans laquelle ils s'étaient baignés dans l'après-midi.
Mais Ari n'entendit pas, il s'était endormi.
/// À SUIVRE... ///
Merci d'avoir lu jusqu'au bout !
N'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de ce chapitre, et ce que vous imaginez pour la suite. Au fait, je crois que j'ai oublié de le dire mais si vous voulez un # pour parler de la fiction sur les réseaux sociaux bah ce sera, euh, #SLSQIM. Voilà. :)
À dimanche prochain, et peut-être avant pour un nouvel OS !
💙
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