Chapitre 8
Quand j'ouvris les yeux, la lumière m'obligea à les refermer aussitôt. Une douleur fulgurante me vrilla le crâne aussi poussai-je un petit gémissement de douleur. Je sentis quelqu'un s'agiter à côté de moi et une main froide se posa sur mon bras.
-Ophélie ?
Bruno. C'était la voix de Bruno. Il me manquait tellement. J'avais disparue comme ça, ma maison était en cendres et Jennifer ne montrait également plus aucuns signes de vie. Je l'avais abandonné. Et pourtant il était là, à côté de moi. Sa main douce et d'ordinaire chaude était pourtant froide. Mais c'était sa voix.
-Ophélie ? réitéra-t-il.
Je voulus froncer les sourcils, mais en fus incapable. Sa voix. Elle était devenue plus grave et plus mélodieuse. Elle avait changé. Je me forçai à rouvrir les yeux. Il fallait que je le vois. Que je m'assure qu.il était bien à mes côtés. Je papillonnai des yeux pour m'habituer à la forte luminosité puis tournai la tête pour le voir. Mais au lieu de tomber nez-à-nez avec un beau garçon aux cheveux noirs mi-longs lui tombant devant de magnifiques yeux verts, je vis le visage inquiet de Rafael penché sur moi.
-Au bon sang Ophélie, tu m'as fichu une trouille bleue !
Je voulus lui répondre mais ma gorge resta indéniablement nouée. A la place, mes yeux semplirent de larmes et je ne pus empêcher des torrents de couler le long de mes joues. L'eau salée vint se déverser sur mon oreiller qui s'humidifia à la vitesse de léclair. Rafael, déjà inquiet, s'assit sur le bord de mon lit et posa une main réconfortante sur mon épaule.
-Ophélie ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
Je ne répondis pas. J'en étais incapable. J'étais tellement triste que je ne me souvenais même plus le sujet de ma crise. Je lui pris simplement la main et le tirai vers moi. Il ne dit rien de plus et s'allongea à côté de moi. Je remarquai rapidement qu'il portait la tenue officielle des Sentinelles. Il avait pris soin de retirer ses couteaux des lanières de son pantalon en cuir noir. Il avait également retiré sa veste, dévoilant sa chemise d'un blanc éclatant. Il enroula ses bras autour de moi et je posai ma tête au coin de son épaule. Il était froid, glacé même, mais ça ne me dérangeait pas. Nous restâmes ainsi une bonne dizaine de minutes le temps que je reprenne mon souffle. Une fois fait, Rafael réitéra sa question.
-Pourquoi t'es-tu mise dans cet état, Ophélie ?
Moi-même je ne le savais plus. Puis le visage de Bruno me revint tel un boomerang reviendrait après avoir été lancé. Je me redressai brusquement, faisant sursauter Rafael. Je poussai un cri de douleur et portai une main à mon ventre. Je devais avoir plusieurs côtes fêlées. Je me rappelai soudain l'attaque de Yüna et son avertissement, mais le dégageai de mon esprit d'un revers de la main. Bruno. Il fallait que je voie Bruno. Rafael se redressa à son tour et passa ses bras autour de ma taille. Il m'obligea à me rallonger et je n'eus pas la force de résister.
-Non... soufflai-je d'une voix faible. Il faut que je le voie.
Rafael fronça les sourcils.
-Quoi ?
Il se rapprocha et colla son oreille à ma bouche.
-Il faut que je le voie, répétai-je.
-Qui ?
J'allais prononcer le nom de mon meilleur ami quand la porte s'ouvrit brutalement. Rafael se recula dun bond, surpris. Je relevai avec peine la tête et vis Yüna sur le seuil de ma chambre. Elle nous regarda tour à tour, Rafael et moi. Aucun de nous deux ne dit rien. Lui parce qu'il semblait surpris et moi parce que j'en étais incapable. Premièrement parce que la jeune femme m'avait broyé les côtes quelques temps plus tôt, et deuxièmement parce que ces dites côtes me faisaient atrocement souffrir.
Son visage était froid et mêlait à la fois peine, colère et inquiétude. Puis sans rien dire, elle se retourna et sortit en claquant la porte. Rafael se leva pour la suivre, mais je lui attrapai la manche pour le retenir. Ce geste était stupide, il était bien plus fort et j'étais bien trop faible : il serait largement capable de se dégager d'un geste. Mais il n'en fit rien. Il se rassit calmement à mes côtés et me prit la main.
-Je reste avec toi, me dit-il pour me rassurer. Je suis là.
Au lieu de lui répondre, je sentis mes paupières s'alourdir. Je luttai pour ne pas fermer les yeux, mais rien n'y fit. Je sombrai dans l'inconscience.
***
Je me réveillai en sursaut et me redressai brusquement. A côté de moi dormait Rafael. Que s'était-il passé ? Je rabattis ma couverture et posa les pieds au sol. J'avais quelques douleurs aux côtes et je me rappelai. Yüna, son attaque, son interruption, Rafael. Bruno. Je me relevai d'un bond.
-Rafael ! m'écriai-je.
Il ouvrit brusquement les yeux, se leva d'un bond et se mit en position de combat. Les muscles de ses bras étaient tendus. Prêt à tout moment celui-là. Quand il vit que ce n'était que moi, il se détendit.
-Bon sang Ophélie, ne me refais plus jamais le coup ! Qu'est-ce que tu as ?
-Depuis quand les vampires dorment ? dis-je pour répondre par une tout autre question.
-Je ne suis pas totalement un vampire, je te rappelle, grommela-t-il.
Je n'ajoutai rien et me dirigeai au pas de course vers la salle de bain. J'attrapai au passage les vêtements que m'avait donné Rafael et m'enfermai à doubles tours. J'entendis Rafael se rassoir sur mon lit (ma super ouïe était miraculeusement apparue une fois réveillée) alors que je me changeai à toute vitesse. C'était fascinant ma rapidité à guérir. Je ne ressentais qu'un tout petit pincement au niveau du ventre, très léger soit-il. Je suis une louve-garou après tout.
Une fois mes vêtements de Sentinelle enfilés, je m'observai dans le miroir en face de moi. Mon tee-shirt blanc était parfaitement à la bonne taille, tout comme mon pantalon noir. Mes lanières semblaient attendre fébrilement des armes alors que je glissai ma pierre de secours et mon masque dans leurs poches respectives. Une fois prête, je sortis à grandes enjambées et me dirigeai vers la porte. Rafael me barra le passage.
-Ou vas-tu ?
-Il faut que je le voie.
J'essayai de forcer le passage mais Rafael était plus fort.
-Qui ?
-Bruno.
-Qui ?
-Bruno, répétai-je comme si son prénom suffisait à dire qui il était.
Rafael fronça les sourcils.
-Qui est Bruno ?
Je lui jetai un regard lourd de reproches.
-Tu plaisantes ? Cest mon meilleur ami ! T'as déjà oublié les quelques mois où t'as squatté ma maison ?
-Oh... Lui, soupira Raf en se souvenant enfin qui était ledit Bruno. Tu ne peux pas aller le voir comme ça.
-Il le faut pourtant.
-Pourquoi donc ?
-Pourquoi ? Mais parce que j'ai disparue d'un coup sans même le prévenir ! Peut-être qu'il pense que je suis morte ! Sans parler de Jennifer !
Ma voix se brisa en citant le nom de ma soeur. La fille dont Bruno était amoureux. Il nous avait perdues en une nuit, toutes les deux. Il s'était retrouvé seul.
-Même, rétorqua Rafael. Il te faut l'autorisation de Christelle pour ça.
-Alors amène-moi à elle.
-Je ne suis pas sûr que...
-Maintenant !
Rafael sembla peser le pour et le contre, puis, finalement, ouvrit la porte de ma chambre. Je le suivis jusqu'au 11ième étage, le bureau de Christelle.
-Combien de temps s'est écoulé depuis... Mon accident ? demandai-je avant qu'il n'ouvre la porte.
-C'était hier.
-Léa avait raison : je guéris très vite.
-C'est l'avantage d'être une louve-garou. Qui est Léa ?
-Ma tante, répondis-je en espérant que ça ne soit pas un secret.
Heureusement, la réponse de Rafael me rassura.
-Ah oui, Christelle m'a dit qu'elle avait trouvé ta tante grâce à ses recherches. Je suis content pour toi.
Il me fit un sourire chagriné, que je lui rendis sans comprendre la source de sa tristesse. Était-ce parce qu'il n'avait pas de tante ? Pas de famille ? Raf ne me laissa pas le temps de réfléchir plus longtemps car il ouvrit la porte nous faisant face. Le bureau de Christelle n'était pas très grand et ne comportait qu'une seule et unique fenêtre face à nous. Il y avait un simple bureau en acajou au centre de la pièce derrière lequel était assise Christelle, dos à la fenêtre. Rafael me poussa gentiment pour m'inciter à entrer et referma la porte derrière lui.
-Que me vaut votre visite ? demanda Christelle d'une voix lasse. Est-ce par rapport à l'incident d'hier ?
-Non, répondis-je du tac au tac, ce qui m'étonna moi-même. J'aimerai voir un ami.
-Qui est ?
-Bruno Karimon. C'est un humain et mon meilleur ami. Il doit s'inquiéter. Je dois lui dire que je vais bien.
-Non.
Je fus surprise par la voix sèche de la chef des Sentinelles.
-Non ?
-Non.
-Pourquoi ?
-Tu n'as pas le temps pour ça. La prochaine pleine lune est pour bientôt, et il faut que tu poursuives tes entraînements. Je ne sais même pas si tu vas pouvoir faire ce stage dont tu mas parlé.
-Quoi ? Mais...
-Il n'y a pas de discussion. Tu t'es engagée, tu assumes.
Je voulus rétorquer mais la pièce s'assombrit brusquement, me déconcertant fortement. Je sentis mon pouls chuter considérablement et commençai à suffoquer.
-Qu'est-ce qu'il m'arrive ? paniquai-je.
Je me tournai vers Rafael en quête d'un soutien quelconque mais il semblait dans le même état que moi. Puis soudain des ombres ondulèrent sur le sol. Elles se dirigeaient vers moi et Rafael. L'une d'elles m'agrippa sauvagement la cheville et me tira vers le sol. Je résistai. Puis sans pouvoir les retenir, mes yeux se fermèrent. Je me sentis agrippée de tous les côtés sans pouvoir bouger ni me défendre. Je me sentais pétiller de l'intérieur et fus plaqué au sol. Puis la sensation changea. Je me sentais oppressée de toute part et pourtant, j'avais l'impression de flotter. Puis toutes ces sensations s'estompèrent et je m'aplatis comme une crêpe sur le sol dur et rêche. Je me relevai en ouvrant les yeux. J'étais dans un couloir identique à celui menant à ma chambre. Rafael se leva à son tour et s'épousseta.
-Que s'est-il passé ? demandai-je.
-Christelle est une voyante de la justice puissante.
-Que s'est-il passé ? répétai-je.
Mon ami soupira.
-Elle nous a fait traverser le sol.
Je ne dis rien. Je m'en doutais. Après tout, ici, je peux m'attendre à tout.
-Je suis désolé, Ophélie. Tu reverras Bruno, mais pas maintenant.
Une nouvelle fois je préférai garder le silence. Oui je le reverrai. Quoi qu'il en coûte.
***
Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur la salle d'entraînement. J.étais en tenue de combat, et j'avais même mis ma veste en cuir.
J'avais réussi à convaincre Rafael de laisser une seconde chance à Yüna et de la laisser me former. Certes je ne l'appréciais pas et ça semblait réciproque, mais elle m'avait montré qu'elle était une bonne combattante. Et c'est ce que je veux. Apprendre à me battre. Alors j'avais demandé à Rafael son numéro de téléphone ainsi qu'un portable. Je n'étais pas sûre qu'il me le donne, ce qu'il fit pourtant, à mon grand étonnement. Bon, un téléphone en mauvais état et ne marchant qu'à moitié, mais un téléphone. J'ai donc envoyé un message à Yüna pour qu'elle me donne cours, en espérant qu'elle répondrait à l'appel.
Et c'est ce qu'elle fit. La belle jeune femme entra, ses cheveux blancs attachés en un chignon, sauf ses quelques mèches rouges qu'elle avait laissé lâchées. Elle ne portait pas la tenue des Sentinelles, ce qui m'étonna fortement, mais un simple débardeur et un leggings.
-Merci d'être venue, lui dis-je.
-Que les choses soient claires : je ne t'aime pas. Mais j'accepte de te former.
D'accord...
-Pourquoi me détestes-tu tant ?
-Je n'aime pas cette proximité que tu as avec Rafael. Tu es un point faible pour lui.
Je réfléchis un instant, puis écarquillai les yeux. Mais oui, mais bien sûr !
-Tu es amoureuse de Rafael ! mécriai-je.
Elle rougit instantanément. Bingo !
-Si ça peut te rassurer, je ne suis pas attirée par lui. Je ne suis pas amoureuse. Je te le laisse.
-Je... Mêle-toi de ce qui te regarde !
Je haussai les épaules.
-Comme tu veux.
Elle se dirigea en grognant vers un meuble à armes. J'eus un petit sourire en coin. Voilà donc pourquoi cette fille me détestait. Elle était simplement jalouse. Une jalousie dangereuse cependant.
Yüna prit du meuble deux dagues plus courtes qu'un avant-bras. Celles-ci s'illuminèrent. Elle se rapprocha de moi et m'en tendit une. Je la pris de la main droite. Elle était très légère : un vrai poids plume ! Je l'observai avec attention. Elle était magnifique et semblait inutilisée. Au-dessus de la garde était gravé le symbole des Sentinelles, identique à celui sur mon masque qui brillait d'une lueur verte.
-En quoi sont-elles faites ? demandai-je à Yüna alors qu'elle aiguisait sa dague, déjà parfaitement affutée, avec un petit couteau en fer.
-C'est de la Trynite, un minerai récolté dans des mines nains. C'est incassable, ignifugé et magiquement lié aux voyants de la justice, ce qui augmente nos compétences au combat.
-Les nains acceptent de vous en donner ? A ce qu'on m'a dit nous ne sommes pas très appréciés, nous les Sentinelles.
Cela me fit bizarre de me considérer officiellement comme une Sentinelle. Je m'attendais presque à ce que Yüna s'énerve, ce qui ne fut pas le cas.
-C'est vrai, mais en échange, des équipes de Sentinelles surveillent leurs mines. Les plus richissimes y habitent avec leur famille, preuve de notre capacité de défense.
-C'est un échange de bons procédés ?
-Oui, en gros. Bon, arrête de poser des questions maintenant !
-Je n'en ai posé qu'une !
-Je m'en fiche, mets-toi en position.
Elle se recula alors que je restai plantée là, sans bouger. Elle poussa un soupir d'exaspération.
-Ne me dis pas que tu ne t'es jamais battue !
-Je... J'ai tué un démon !
Elle leva les yeux au ciel.
-C'est toi qui le dis. Mais à part ça, on ne t'a jamais appris à combattre ?
-Ah, si attends que je me rappelle ! J'ai oublié mes cours de karaté au collège !
Elle me lança un regard noir.
-Arrête de dire des bêtises. Il va falloir que je reprenne tout depuis le début.
Elle s'approcha de moi et m'agrippa fermement les épaules, me faisant sursauter par tant de force.
-Ancre bien tes pieds dans le sol, tiens ferment ton arme et sois prête.
Je m'exécutai et tendis les bras.
-Mais qu'est-ce que tu fais ? ronchonna Yüna.
-Ben ce que tu m'as dit de faire ! m'écriai-je.
-Mais ne tends pas les bras ! On dirait que tu tiens un plat brûlant dans les mains !
Je grimaçai à sa remarque et fléchis les bras.
-Mieux.
Et sans même prévenir, elle attaqua. J'esquivai avec une vitesse qui m'effara. Elle se retourna tellement rapidement que sa lame vint se positionner juste en dessous de mon menton.
-Toujours être sur ses gardes. Tu es morte.
Elle se remit en position en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire et je fis de même, mollement. Elle attaqua une nouvelle fois sans prévenir. Je n'eus pas le temps de l'éviter tellement je fus surprise et elle me plaqua au sol, sa dague au-dessus de mon front. Je commençais à comprendre le sens propre de l'expression « avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête ». Ou du moins que ça craint. Et la lame de Yüna était loin d'être meilleure.
-Toujours être prêt. Tu es morte.
Elle se recula et je me relevai en douceur. Je sentais bien que j'allais détester cet entraînement plus que les autres.
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