Chapitre 42
Gwendolyn
Mes paupières papillonnèrent et j'ouvris les yeux. Le plafond mordoré de ma chambre se révéla à ma vision, je me sentais faible, j'avais mal à la coeur, comme s'il avait été arraché. Mon corps était engourdi, j'avais du mal à sentir mon sang circuler. Je me souvenais pourtant de l'affrontement avec Clade, que Julius m'avait guéri, mais une fois ceci passé, je n'avais plus aucun souvenir, ils étaient inexistants.
Mon lien avec les Sentinelles semblait s'être atténué, je ne les percevais plus aussi bien. Cela m'inquiéta, peut-être était-ce le contrecoup de tout ce qui venait de se passer.
Un cathéter était apposé sur mon bras, du sang se déversait dans mes veines à l'aide d'un tuyau. De qui provenait-il ? Personne n'avait le même groupe sanguin que moi dans ma famille. Je n'eus pas le temps de penser plus que Gerd entra.
— Bonjour Gwen, je vois que tu es réveillée.
— Je suis là depuis combien de temps, murmurai-je.
— Ça fait deux jours que tu dors.
Quoi ? Horrifiée par ce qu'il venait de dire, j'essayai de me relever, Gerd m'en empêcha aussitôt. Je devais restée allongée, demain annoncerait le retour à Welton, et je n'avais pas d'autre choix que de me reposer.
***
Le directeur, rendu coupable de complicité dans un coup d'état, avait été remplacé par une directrice, Madame Blazers. Par un heureux hasard, cette femme connaissait Pierre de Villiers avec qui elle entretenait d'excellents contactes. Pierre, revenu au manoir après avoir appris la défaite de Clade, obtint l'autorisation de la directrice pour que je ne sois pas sélectionnée comme combattante. Je ne pouvais que le remercier d'avoir pensé à moi.
Chaque année, Welton organisait un tournoi avec une autre école, Stark. Si j'avais bien compris, c'était pour départager laquelle des deux écoles était la meilleure du côté de la magie. Les autres épreuves ayant eu lieu alors que j'étais convalescente, il n'en restait qu'une. Un élève de chaque école était tiré au sort et devait mettre son adversaire hors d'état de nuire.
— Gwen ?
Kaede m'appela et je sortis de mes pensées pour le regarder.
— Oui ?
— La directrice vient vers nous.
J'avais appris plus tard que c'était lui et Adams qui avaient donné leur sang, et je ne leur en serais jamais assez reconnaissante de ce qu'ils avaient fait pour moi. La directrice se posta devant nous tandis que Kaede souriait.
— Bonjour madame.
— Bonjour Kaede. Où est votre ami, Adams je crois ?
— Il discute avec Fried.
— Venez.
Je haussai les sourcils alors que la proviseur nous emmenait vers le prince. Celui-ci se leva et la salua. Adams ne broncha même pas et continua d'observer la salle.
— Adams ?
— C'est moi madame.
— J'ai décidé que vous représenteriez Welton.
— Pardon ? Pourquoi moi ? Je ne suis même pas étudiant !
Fried et Kaede éclatèrent de rire devant l'air médusé du bandit. La directrice sourit, lui adressant un air compatissant. Adams essaya de négocier, mais la proviseur refusa toutes tentatives d'argumentation. L'ancien bandit serait le représentant de Welton. Malgré son air consterné, il fut obligé de capituler.
***
Lorsqu'Adams fut appelé par la directrice, il soupira. Le dos droit et le regard méprisant, il lui demanda quelque chose, mais elle secoua la tête négativement.
— Bien, nous allons rejoindre dans la cour où vos parents vous attentent, nous pourrons ensuite aller au stade pour découvrir qui est le champion de Stark, annonça la directrice.
Julius fut le premier à sortir de la salle, il n'avait eu aucun regard pour nous. Depuis le bal et l'affrontement avec Clade, il nous évitait à nouveau.
Je suivais Alice qui courrait derrière le jeune homme. Lui saisissant le poignet, ma cousine ne prêtait aucune attention aux regards des autres.
— Quand vas-tu arrêter de m'éviter ?
— Bientôt.
Il saisit sa main et l'entraina vers ses parents. Au regard de M. Danvers, je compris qu'il était contrarié. Mais avais-je seulement vu cet homme souriant au moins une fois ? Je ne me souvenais pas.
— Papa, j'ai quelque chose à te proposer : si Adams gagne le tournoi, tu me laisses vivre ma vie, et tu rachètes le piano bien évidemment. S'il perd, je me plierai à tes ordres.
— Eh pourquoi me mettre cette responsabilité sur le dos !
— Très bien, s'il perd, je t'envoie en pension dans un autre royaume.
Je vis une lueur d'incertitude dans le regard de Julius, comme s'il doutait d'Adams. Muselant ses indécisions, il acquiesça. La directrice incita alors les parents comme les élèves à rejoindre le stade, ne laissant pas le temps de penser.
Le champion de Stark se présenta alors et j'eus un mouvement de recule en l'apercevant. Il était grand, ses cheveux rouges sang tombaient devant son visage de brute et voilaient ses yeux noirs comme du charbon. Adams semblait bien plus petit que ce colosse qui répondait au doux nom de David Rutterfield.
— Serrez-vous la main, exigea la directrice.
Je ne doutais pas que Rutterfield écrabouilla la main du bandit et il le menaça ouvertement :
— Tu ne fais pas le poids petit crevette. Tu peux déjà préparer ta tombe et ton testament.
— Oui oui bien sûr.
Adams leva les yeux au ciel tandis que David incitait ses amis à l'applaudir. Le départ fut donné et le combat commença. Le colosse se précipita vers Adams qui, sans ses armes, tentait de rester calme. Il ne bougea pas, laissant le colosse s'approcher le plus près possible.
Alors que David était à deux pas de lui, Adams bondit en avant. Il posa ses mains sur les épaules de David et fit un salto pour se retrouver dans le dos de son adversaire. Assenant un violent coup de pied dans le dos de David, celui-ci tomba au sol, désarçonné par l'énergie qu'avait déployée Adams. J'écarquillai les yeux devant la souplesse et la puissance du bandit. Il savait donc se défendre sans arme...
— T'aurais pas dû la crevette, gronda Rutterfield.
Il tenta une nouvelle attaque et envoya un coup de poing en visant expressément le visage de notre ami. Adams bloqua le coup d'une main, fixant son adversaire d'un oeil perçant et d'un sourire cruel. Tandis qu'il tenait le poing de David, il profita que l'autre soit déconcentré pour lui décocher un coup de genoux dans la mâchoire. Rutterfield se retrouva au sol pour la seconde fois.
La souplesse et la force d'Adams m'impressionnait. Le Demi-démon nous avait expliqué son passé de bandit, les crimes qu'il avait commis ainsi que les actions qu'Evans lui avait ordonné. Il n'avait jamais montré sa capacité à se battre, même devant Clade, son rôle de garde du corps calme lui seyait à merveille.
Le soi-disant champion de Stark se releva et frotta sa mâchoire endolorie par le coup. S'élançant vers Adams, il sortit un couteau et le lança au visage de son adversaire. Les yeux du bandit ne s'agrandir pas et il eut juste le temps de pencher sur le côté, ne laissant que le couteau lui entailler la joue droite. Un mince filet de sang commença à couler sur sa peau pâle.
— Alors la crevette ? se moqua David.
Adams reprit son souffle et David en profita pour lui relancer un coup de poing, pensant que son ennemi était assez déconcentré pour l'atteindre. Je retins mon souffle alors qu'Adams se cambrait en arrière. En souplesse arrière, David se retrouva déséquilibré, le poing en avant. Le bandit s'appuya sur ses bras et releva les jambes qui percutèrent David une fois encore dans la mâchoire.
Le colosse se retrouva sur les fesses et regarda Adams, qui malgré le fait d'être un garçon, avait assez de souplesse pour réussir des figures de gymnastique artistique. Il commença à neiger, Adams leva les yeux pour admirer le spectacle des flocons tourbillonnant dans le vent.
David devait sentir qu'il allait perdre et que la neige représentait l'occasion parfaite d'une distraction. Se relevant en vitesse, il fonça sur son adversaire. Adams n'était pas bête, il avait parfaitement su anticiper la réaction de David : il s'écarta et se retrouva derrière le colosse. Il assena un violent coup avec la tranche de la main dans la nuque de son adversaire qui tomba au sol. Un long silence s'ensuivit, jusqu'à ce que la directrice, pas étonnée qu'Adams ait gagné, dise :
— Welton, Vainqueur.
Des applaudissements retentirent. Tout Welton était en effervescence, grâce à cette victoire, le tournoi était gagné. Je me retournai et vis la mine à la fois consternée et joyeuse de M. Danvers, il allait devoir respecter ses obligations.
Adams ne se laissa pas entrainer par les infirmiers et les regarda emmener David Rutterfield à l'infirmerie. Complètement dans les vapes, il ne réalisait pas qu'il avait perdu contre une soi-disant crevette.
***
Assise dans la grande salle. Kaede se passionnait pour la technique de combat d'Adams. Celui-ci lui expliqua quelques bases simples. Je doutais que mon petit ami réussisse à la refaire, mais défense, Kaede n'avait rien à envier à qui que ce soit.
La directrice passa alors devant notre table et sourit à Adams. Elle était ravie que le bandit ait gagné le tournoi, quoi de mieux pour bien commencer sa carrière dans cette école ?
— Adams, vous commencerez votre cursus scolaire dès demain en niveau E.
— Mais je n'ai pas l'âge pour le niveau E ! s'interposa le bandit.
— Ce n'est pas négociable Adams. Kaede, pourrais-tu venir ? continua-t-elle en se tournant vers l'autre démon.
— Je peux passer dans la journée ? demanda-t-il alors qu'il s'apprêtait à manger le morceau de viande saignant posé dans son assiette.
— Non, c'est important.
Kaede reposa sa fourchette et suivit la directrice. Celle-ci le tutoyait car elle connaissait le jeune démon depuis des années et l'avait vu grandir. Elle savait donc que le jeune homme n'était pas fait pour les études, mais Welton étant un passage obligé pour chaque jeune, voulant étudier ou pas, elle soutenait le fils de Pierre pour rendre sa scolarité moins lourde.
Sa moyenne était montée à 5.5, ce n'était cependant pas suffisant comme connaissance de début d'année. Kaede s'était contenté de hausser les épaules, mais je savais parfaitement qu'il était déçu. Enfin c'était déjà mieux que son 3.42 de l'année dernière.
Plusieurs filles de Stark passaient devant notre table afin d'observer de plus près Adams. Il avait du succès, ce qui avait l'air de l'ennuyé prodigieusement. Agacé par la demande de la directrice, il restait auprès de Fried lorsqu'il n'avait pas de cours. Fried entra dans la salle après avoir dû aller au château pour régler un problème d'ordre royal, sans son garde du corps. Les filles de Stark se tournèrent vers lui et leur attention se portèrent sur le jeune prince. Daemon, porté disparu depuis quelques jours, se dirigea vers moi et s'assit près de moi.
— Merci Gwen, merci pour tout.
— Que vas-tu faire maintenant ?
— Je ne sais pas, continuer mes études et réparer le mal que mon père a fait.
— Viens nous voir quand tu veux, Kaede sera ravi de te voir.
Daemon sourit. Discutant avec lui, j'essayai de le connaitre un peu mieux, lorsque Kaede entra dans la grande salle en criant à tout ceux qui était sur son passage :
— Poussez-vous ! Il y a urgence !
Ses yeux rouges brillants d'un éclat inquiétant, je me préparai au pire. Me repérant il s'écria :
— Gwenny !
S'asseyant en catastrophe à côté de moi, il manqua de basculer du banc, ce qui fit rire Adams. Rayonnant il posa ses mains sur la table et déclara :
— Je crois que je me suis amélioré. Six de moyenne c'est du jamais vu.
— Six ?
— La prof s'est trompée dans la correction de mon examen, ça me monte à six.
Je souris et éclatai de rire. J'étais tellement heureuse pour lui, enfin désormais, il n'avait donc aucune excuse pour rater celui de fin d'année.
— Parce qu'il y en a un en fin d'année ? S'étonna-t-il.
— Euh coucou Kaede ? C'est l'examen qui teste ce que l'on a appris durant l'année, dis-je.
— Oh mais c'est pas vrai.
— Si.
Kaede secoua la tête, désespéré. Les études pour ceux qui n'y arrivaient pas, ça devaient être long. Mais s'il faisait des efforts et qu'il travaillait, tout devrait bien se passer. Il avait le potentiel d'y arriver et plus aucun danger ne planait sur nos têtes, l'avenir s'annonçait radieux.
— Tu ne devais pas aller voir la reine ? demanda-t-il.
— Si j'y vais en fin de journée.
***
La reine me guida au travers des couloirs du château. Je n'y étais jamais venue, sauf en pensée. Les éclats dorés des finitions finirent par être remplacés par la pierre brute des sous-sols. Un courant froid s'enroulait autour de ma peau et me fit frissonner. Une présence magique se faisait ressentir, je m'identifiais à elle. Je connaissais cette magie comme depuis toujours.
— Merci d'être venue Gwendolyn.
— Je vous en prie. Est-ce...est-ce que ça fait ? demandai-je après hésitation.
— Je ne sais pas vraiment, la dernière Annonceuse n'était pas sous mon règne.
La reine me prit par le bras et m'entraina vers une porte. Sur le bois, un verrou d'argent semblait retenir la magie qui voulait s'en échapper. La souveraine me demanda d'ouvrir la porte. J'effleurai le métal de mes doigts, je ressentis aussitôt un picotement dans le poignet. Le verrou céda, laissant le chemin dégagé.
Un cristal régnait en maitre au centre de la pièce. Il étincelait sous le puit de lumière percé dans le plafond. Des orbes dorées encerclaient la gemme et dansaient tout en douceur. Une chaleur tiède remplissait a pièce et rassurait ses occupants. J'entendis de légers crissements, comme si la pierre précieuse essayait de nous parler. Un profond sentiment de bien-être m'envahit, j'étais en harmonie avec sa magie. Sous la pierre, le sceau s'était fragmenté et les chaines gisaient au sol, comme si elles avaient été arrachées.
La souveraine nous rapprocha du cristal. Celui-ci scintilla plus fort alors que je m'approchais.
— Ne sois pas anxieuse, tout se passera bien. Applique ta main avec délicatesse.
Je hochai de la tête et aussi calmement que possible, je posai la main sur la gemme. Une vive brûlure piqua ma main et je dus faire un effort pour ne pas la retirer. Cette chaleur fut remplacée par la morsure du froid alors qu'un vent courroucé se levait, faisant voltiger mes cheveux autour de ma tête.
Je sentis la magie remonter le long de mon avant-bras, elle s'immisça dans le tatouage de la clé. La douleur commença à s'élever, je devais me concentrer. J'avais la sensation que l'on arrachait mon âme. Une perle translucide glissa le long de ma joue tandis que des volutes de brume noire s'échappait de mon poignet.
Les arabesques s'enroulèrent au dessus du sceau avant de s'y figer. Des étincelles mordorées jaillirent de la pierre, figeant ainsi le sceau dans une invincibilité immortelle.
Mes oreilles bourdonnaient, comme si le sang s'y pressait pour faire exploser mes tympans. J'entendis à peine la reine me remercier joyeusement. La tête me tournait légèrement et je m'assis pour ne pas défaillir.
Je passai un doigt sur mon poignet, là où se trouvait la petite clé noire que les Marques avaient formé, celles-ci s'étaient effacées. Cette disparition provoquait en moi un immense vide, comme si une partie de mon âme m'avait été retirée. Jamais je n'aurais pu imaginer que ma mission me manquerait. Il fallait croire que la banalité de ma vie été de retour...
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