Chapitre 24
Gwendolyn
— Tu as laissé le troisième s'enfuir ? cria quelqu'un.
— Il était trop rapide pour moi.
— J'espère pour toi qu'il ne nous posera pas de problèmes.
— Mais non aucun !
Où étais-je ? Pourquoi ma vision était-elle noire ? Pour mon plus grand soulagement, elle ne le resta pas longtemps. Une pièce richement meublée apparut peu à peu alors que des flashs de lumière me faisaient recouvrer la vue. Un horrible papier-peint rosâtre tapissait les murs et s'accordait mal avec le tapis vermillon. Ce mélange de couleur criait avec les meubles marrons foncés.
Je jetai un regard autour de moi, essayant de repérer Julius ou Kaede. Mon lien avec la Sentinelle d'or semblait bien plus puissant qu'avec la Sentinelle noire, comme si elles étaient éloignées l'une de l'autre. Mes yeux finirent par se fixer dans ceux orageux de Julius.
Mon coeur marqua un battement plus prononcé alors que j'avisais le sang coulant de sa pommette gauche, ainsi que l'hématome présent sur sa joue. Mais que s'était-il passé ? Je voulus me lever du canapé pour aller aider mon ami, ligoté sur une banale chaise en bois. Une main m'en empêcha, me plaquant contre le tissu rêche.
Je n'avais pas remarqué la présence de cet homme à mes côtés, j'étais trop absorbée par la vision de Julius, mal en point, qui me faisait signe de rester tranquille. Une odeur de forêt titilla mes narines alors que l'inconnu se penchait sur moi. Il était vêtu d'habits d'époque qui ne m'évoquaient que le quinzième siècle. Ses cheveux blonds, coupés courts, rendaient son visage terrifiant et plus sévère. Attrapant ma main, il y imposa un baiser qui me permit d'apercevoir brièvement ses dents, cassées pour la plupart.
— Enfin vous vous réveillez mademoiselle ! dit-il aimablement.
— Qui êtes-vous ?
— Et vous, que faites-vous dans les rues à des heures peu recommandables ?
Je ne répondis pas, essayant d'analyser la situation. Il ne semblait pas m'avoir fait de mal, en revanche, Julius n'avait pas été épargné. Il ne tenta cependant rien, me laissant les choses en main. Il fit tout de même un geste de la tête en direction de la porte. Je vis alors un autre homme, aux cheveux noirs, adossé contre la porte. Il portait une cache-oeil et sur l'un de ses bras, découvert par la manche de sa chemise, c'était imprimée la Marque.
Elle était venue jusqu'à nous ! Avec sa panoplie de problèmes... Il m'adressa un sourire qui se voulait accommodant, mais ne réussit qu'à m'offrir un rictus moqueur. J'empêchai mes mains de trembler et tentai à nouveau de me relever. L'homme assis à côté de moi me retint et d'un ricanement me dit :
— Que cherchez-vous mademoiselle ?
— Je me promenais simplement avec mes amis !
— Vos amis ? Nous vous avons vue seule avec ce garçon, déclara-t-il en désignant Julius.
— Que nous voulez-vous ? Nous n'avons rien fait de mal !
Les deux hommes se mirent à rire alors que je pâlissais. Je n'avais pas confiance... Le blond passa une main sur mon ventre alors que je me soustrayais à sa poigne.
— Vous êtes parfaite pour les enchères !
— Des enchères ? m'étonnai-je.
— Les riches seigneurs se battront pour avoir un aussi joli minois dans leur manoir.
Julius commença à s'agiter, l'homme au cache-oeil le calma d'un coup derrière la tête. Mon coeur s'emballa alors que je comprenais les dires de ce noble. Il comptait me vendre comme une simple marchandise ! J'empêchais mes mains de trembler, il ne fallait pas que mes émotions me contrôlent, sinon je raterai tout. Même si je me sentais bouleversée, je devais tenir bon et m'arranger pour approcher le bandit au bandeau.
— Quel est votre prénom ma douce, susurra l'inconnu à mes côtés.
— Gwendolyn...
— Un magnifique prénom pour une perle aussi rare.
Ses niaiseries me feraient presque vomir, j'en avais la nausée. Je me forçai à sourire, essayant de lui prouver ma bonne foi. L'homme blond se tourna vers son compagnon et lui demanda :
— Qu'en penses-tu Adams ? N'est-elle pas adorable ?
— J'en ai connu des plus belles, et puis tu sais bien que les femmes ne sont pas mon penchant.
Devant son ton ironique, je faillis rire, mais la situation ne s'y prêtait pas. Je n'avais aucune chance d'approcher le détenteur de la Marque, celui-ci préférait les hommes. Me vint alors une idée des plus fourbes, une idée que je n'aurais jamais eue avant cette histoire d'Annonceuse et de Sentinelles.
Je fis abstraction de tout ce qui m'entourait et me concentrai sur mon lien avec la Sentinelle noire. Je l'appelai à moi, d'une volonté de fer. Notre lien s'épaissit, comme si sa présence était proche. Un picotement s'étira sur mon poignet alors que la foudre éclatait à l'extérieur. Je répétais mon plan dans ma tête : séduire l'homme au cache-oeil sans protester.
Je ne savais pas ce que les liens avec mes Sentinelles me permettaient de faire ? Pouvais-je échanger des pensées avec elles ? J'espérais que oui, il fallait que ça marche. Nos deux kidnappeurs s'entre-regardèrent, surpris par le soudain orage.
— Vous m'avez bien dit ne pas avoir vu mon deuxième ami ? demandai-je.
Le blond haussa un sourcil, comme s'il ne se souvenait pas m'avoir confié ceci. Avant que je ne puisse ajouter une parole, quelqu'un toqua à la porte.
— Fais entrer celui qui nous dérange, Adams.
Le dénommé ne se fit pas prier et ouvrit le lourd battant. Mon coeur s'accéléra alors que des cheveux noirs et des prunelles rouges apparaissaient. Kaede nous avait retrouvés !
— Qu'est-ce qui me vaut une telle visite ? demanda notre hôte.
Du coin de l'oeil, je vis Adams pâlir. Il avait reconnu le démon.
— Evans, c'est...
— J'étais avec mes amis lorsque vous les avez enlevés, répondit Kaede.
Evans se redressa sur le canapé, sa main posée sur ma cuisse. Il regarda son complice avec un rictus mesquin.
— Il est rare qu'une victime se jette seule dans la gueule du loup.
— J'ai mes raisons.
Kaede s'exprimait d'une voix enjôleuse. Je ne le reconnaissais pas, il avait une attitude étrange, certainement due à mon ordre. Evans posa un doigt sur son menton et lança à Adams.
— Cette enchère là ressemble à tes penchants non ?
— En effet oui...approuva-t-il hésitant.
— Alors fais-toi plaisir.
Adams, avec douceur, posa une main sur l'épaule de Kaede. Je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il allait jouer le jeu. Je ne me trompais pas. Le démon se retourna et approcha son visage de celui d'Adams, comme s'il allait l'embrasser. Alors que l'homme au cache-oeil passait un bras autour de la nuque du démon, j'appuyai sur la pierre blanche de lune.
L'air sembla s'électriser tandis que Kaede tendait la main vers Evans. Une marque de brûlure s'imprima sur la chemise du marchandeur et une odeur de cramé s'éleva dans l'air jusqu'à mes narines. Je me levai d'un coup, ne laissant pas le temps à mes émotions de me submerger.
Adams s'écarta de Kaede et sortit une arme de sa botte. Il recule avant de pointer son pistolet contre la tempe de Julius. Je rejoignis mon démon et l'obligeai à baisser la main. Il ne fallait pas bousculer le bandit, sinon Julius ne rentrerait pas avec nous.
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