Chapitre 11
Gwendolyn
Je frottai frénétiquement mes yeux, essayant d'enlever les dernières traces de sommeil qui persistaient. Une journée radieuse s'annonçait, pourtant mon humeur était loin d'être au mieux. Je me sentais fatiguée, physiquement et nerveusement, et n'avais aucune envie de me lever. Peut-être que tout ceci était le contrecoup des jours précédents ?
Un coup contre ma porte résonna. Ça devait être Gerd qui venait me réveiller. Mais je me trompais, car la voix d'Isabelle s'éleva.
— Gwen, lève-toi, Kaede et Julius t'attendent déjà !
Malgré mes yeux fermés, je fronçai les sourcils, ne comprenant pas vraiment pourquoi les deux garçons m'attendaient. Je soupirai. Me poser des questions ne serviraient à rien, il me fallait des réponses et rejoindre mes amis me les apporterait.
Une fois habillée, je fis un brin de toilette et rejoignis ma famille dans la salle à manger. Pierre de Villiers, ainsi que ma tante, n'étaient pas présents, ce qui ne me rassura pas. J'appréciais la compagnie du démon et sa sagesse.
— Enfin te voilà, déclara mon père alors que je passais le chambranle de la porte.
— Désolée, j'ai eu du mal à me lever.
— Qu'importe, l'important est que tu sois là.
Kaede m'adressa un sourire chaleureux en signe de bonjour tandis que Julius esquissa une mine plus timide. Voir les deux garçons l'un à côté de l'autre me donnait une impression de miroir. Un miroir qui refléterait des opposés. Ils avaient cependant les mêmes gènes de Sentinelles...
— Gwendolyn, tu iras avec Kaede et Julius auprès de Gerd.
— Pourquoi donc ? m'étonnai-je.
— Il aimerait voir de quoi vous êtes déjà capables en tant que Sentinelles et Annonceuse.
Par réflexe, j'hochai de la tête, mais je n'avais pas envie de rejoindre Gerd. Mon père ne me laissa pas le choix en nous intimant d'y aller immédiatement. Kaede prit délicatement ma main et m'entraina vers le jardin, aussitôt suivi par Julius.
Le brise pure de la campagne nous accompagnait jusqu'au grand chêne planté au fond de la propriété. Mes poumons inspirèrent avec bonheur cet air frais alors que nous avancions. Un doux parfum, provenant des roses, tournait autour de nous et me rassurait. Un léger bourdonnement passait lorsqu'une abeille s'aventurait un peu trop près de nos oreilles. Je finis par repérer Gerd, adossé contre le tronc de l'arbre. Il nous adressa un petit sourire alors que nous le saluions.
— J'espère que vous êtes en forme, jeunes gens.
— Évidemment ! s'exclama Kaede, enthousiaste.
Julius se contenta d'hocher timidement de la tête. Pour ma part, j'acquiesçai d'un faible « oui ». J'observai les alentours, Gerd n'avait rien ramené. Comment voulait-il nous entrainer ? Je n'en avais aucune idée, mais ça ne me plaisait pas du tout... L'homme de main de mon père nous fit signe de nous asseoir à même le sol.
— L'Annonceuse doit activer ses Sentinelles avant qu'ils ne puissent utiliser leurs pouvoirs, commença-t-il. Il est difficile d'y arriver dès le premier coup, c'est pour ça qu'il faut vous entrainer.
D'un geste assuré, il me tendit deux bracelets. L'un était tressé de fils noirs qui encadraient une pierre blanche, tandis que l'autre était enlacé de fils d'or. Lorsque mes doigts effleurèrent la gemme, je sentis une douce chaleur glisser le long de mon avant-bras. Des reflets bleu argenté émanaient du bijou alors que je la mettais au soleil.
— C'est une pierre de lune blanche, m'informa Gerd. Elle saura te relier aux Sentinelles.
— Comment dois-je faire pour activer ce lien ?
— Essaie de ressentir la magie qui trône entre vous.
Pour essayer de me concentrer, je fermai les yeux. Dès que j'avais vu Kaede, ce lien qui semblait nous unir, c'était fait ressentir. Pourtant, à cet instant, je ne sentais rien. L'angoisse s'agrippa à ma gorge, je ne réussissais pas à détecter cette fichu connexion. Et si je n'y parvenais pas ? Que je n'étais pas l'Annonceuse ?
— Gwendolyn, concentre-toi. Les pensées parasites perturberont le lien.
J'expirai brusquement, vidant mes poumons de tout l'air qui s'y trouvait. Mes épaules se détendirent et mon anxiété descendit, mais ne disparut pas pour autant. Peu à peu, je ressentis un léger picotement dans mes doigts, s'étendant à mes bras, il finit par atteindre mon coeur.
Celui-ci augmenta le rythme et je finis par saisir l'attache qui nous reliait. Une aura sombre se dégageait de Kaede alors que celle de Julius scintillait. Leur identité de Sentinelles influençait la couleur de notre attache.
Un grondement, suivi d'un grésillement, se fit entendre. J'ouvris brusquement les yeux et aperçus un éclair dans la main de Kaede. L'émerveillement dans les yeux du démon ne dura qu'un bref instant. Mon ami fit jongler la foudre entre ses mains, il semblait totalement absorbé par cette puissance.
— Fais attention avec ce pouvoir. Il est dangereux et tu ne sais pas...
Gerd n'eut pas le temps de finir sa phrase que l'éclair échappa au contrôle du jeune homme. Avec grâce, les filaments d'argent s'élevèrent tout en s'enroulant sur eux-mêmes, ils restèrent suspendus en l'air avant de retomber avec violence, creusant un profond trou et brûlant l'herbe. Kaede esquissa une grimace avant de marmonner :
— Oups, j'aurais...
— Dû m'écouter, compléta Gerd. Ce n'est pas grave, ça arrive. Le plus important est de ne pas jouer avec cette puissance.
L'homme se tourna vers moi en souriant. Cela me rassura, j'avais réussi ce premier test ! Je me sentais toute guillerette, mais ça ne durera pas longtemps. J'écarquillai les yeux alors que Gerd sortait un couteau en fixant Julius, qui n'avait pas dit un mot depuis le début de cet entrainement.
— Voyons de quoi tu es capable.
D'un geste précis, il entailla la paume de sa main, laissant perler quelques gouttes carmins. M'intimant de me concentrer sur le lien de la Sentinelle d'or, il tendit la main vers notre nouvel ami.
— Visualise les cellules de ma peau et accélère leur multiplication.
Contrairement à Kaede qui ne savait pas maitriser la puissance de son don, Julius ne tarda pas à la maitriser. Des arabesques dorées s'enroulèrent autour de ses poignets alors que l'aura du jeune homme se mit à scintiller. Je ressentis un sentiment d'apaisement alors que Julius guérissait la plaie de Gerd. Celui-ci sourit légèrement et finit par retirer sa main.
— Bien, c'était très bien, Julius.
— Est-ce normal que j'ai réussi à maitriser ce pouvoir aussi vite ?
— Peut-être parce que tu as su rester calme. Tu as pris le dessus sur ton pouvoir.
— C'est ce que j'ai fait, protesta Kaede.
— Pas exactement, Kaede. Tu étais sur un pied d'égalité avec ton pouvoir. Le contrôler te demandera du calme et de la rigueur, ne pas se précipiter est la clé de la réussite.
Kaede soupira, et je sentis mon lien avec lui s'étioler. La leçon prenait fin pour aujourd'hui. Je brisai l'attache de la Sentinelle d'or tout en reprenant le contrôle de leurs pouvoirs. Les pierres de lune blanche émirent une faible lumière avant de reprendre leur apparence d'origine.
— C'est fini pour l'instant. Je ne peux rien faire de plus tant que la Sentinelle d'argent n'est pas apparue, déclara Gerd.
Sans en dire plus, l'homme partit. J'étais perplexe. Comment pouvions-nous apprendre à contrôler nos pouvoirs s'il manquait une Sentinelle ? Je sentis une légère anxiété enserrer mon cou. Je ne savais pas qui pourrait acquérir ce titre et cela me fit peur.
Les deux premières Sentinelles étaient apparues rapidement, mais la troisième ne serait peut-être pas découverte aussi vite. Cette perspective m'inquiétait mais je ne laissai rien paraitre devant les deux garçons.
— On devrait retourner au manoir, dis-je. Je commence à avoir faim.
Kaede éclata de rire alors que Julius souriait. J'entrainai mes amis vers le manoir, l'atmosphère s'était détendue mais je ressentais toujours cette pointe de stress. Un parfum de lilas arriva à mes narines, ce qui me ravit. Cette senteur avait toujours eu un effet relaxant sur moi, et ce fut pour cette raison que mon père avait fait planter un arbre près des fenêtres de ma chambre. Je ne remercierais jamais assez mon paternel pour ce geste.
Nous franchîmes les marches de la terrasse dans les rires et la bonne humeur. Pourtant une odeur que je détestais se fit sentir, celle de la cigarette, vint ternir ce tableau idyllique. Assis sur le rebord de la rambarde en pierre, le père de Kaede fumait. Le regard mélancolique, Pierre de Villiers ne nous regardait pas et semblait concentré sur la chevalière qu'il portait.
— Papa ? Ça va ? s'inquiéta le jeune démon.
— Ah, Kaede. Je voulais te parler.
— C'est grave ?
— Je dois retourner travailler, dit-il en faisant tourner la bague.
Kaede haussa le sourcil gauche et croisa les bras sur sa poitrine, l'air contrarié. Pierre éteignit sa cigarette et fit tomber son mégot dans un sac en papier afin de ne pas le laisser trainer. Je le remerciai silencieusement, car je ne supportais pas de voir des mégots par terre. Le démon descendit de son perchoir et se plaça devant son fils.
— Je partirai lorsque tu seras à Welton.
— Pourquoi retournes-tu travailler ! Tu m'avais promis de rester !
— Je sais ce que j'ai dit, mais je dois bien nous entretenir.
— Et je vais vivre avec qui et où ? s'énerva Kaede.
— Le père de Gwendolyn est d'accord pour que tu restes ici. Ne proteste pas, s'il te plait.
Kaede tourna les talons alors que Julius lui courrait après pour tenter de le réconforter. Pierre soupira et finit par me dire :
— Peux-tu surveiller Kaede durant mon absence ? Il a l'air de bien t'aimer et je sais que tu pourras le raisonner.
— Je vous promets de le faire. Mais pourquoi devez-vous partir ?
J'avais l'impression que ma question était mal placée, c'était le cas... Pourtant Pierre répondit tout de même.
— Kaede et moi avons changé de pays récemment, tu as sûrement du remarquer que nous avions un accent. Je n'ai pas trouvé de travail dans ce pays, je dois donc retourner dans mon royaume d'origine pour essayer de gagner de l'argent.
— Pourquoi ne restez-vous pas ici ? Mon père pourra vous aider.
— Je ne veux vivre au crochet de personne. Et puis ta tante ne m'aime pas beaucoup, je suis un démon après tout.
Je ne rajoutai rien, déçue que le démon doive partir. Je me sentais en sécurité lorsqu'il était là, j'avais à nouveau peur, mais je n'en laissai rien paraitre. Il allait falloir être forte jusqu'à ce que cette histoire se termine.
— Kaede et Julius seront là pour te soutenir et t'aider à trouver la dernière Sentinelle.
— Comment pourrais-je la trouver dans tout le pays !
— Elle est peut-être plus proche que ce que tu penses.
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