Chapitre 23
" Il finit donc par comprendre qu'il était dans une situation que partagent beaucoup d'êtres humains, mais pas moins douloureuse pour autant, à savoir : la seule chose qui nous fait sentir vivants, est aussi ce qui, lentement, nous tue. "
-M.Gwin, Alessandro Barrico
Harry sait qu'il devrait le dire.
Il y pense tout le temps.
Quand Louis sourit, il y pense. Quand Louis lui prend la main, il y pense. Quand Louis se penche et l'embrasse, il y pense. Quand il dessine Louis, il y pense aussi. Quand il entend la voix de Louis au téléphone, il y pense.
C'est toujours là, tapi dans un coin de son esprit, et ça s'insinue partout, prend toute la place. Harry n'arrive juste pas à prononcer les mots, comme si ils étaient bloqués dans sa gorge. Et c'est pire de jour en jour.
Parce que Louis, lui, est heureux.
*
-Haz ça va ?
-Hm ? Oui... Oui ça va.
Je le regarde un instant, soupçonneux, mais il me sourit. Harry est en pleine révision pour son examen et il passe la majorité de son temps chez moi, parce qu'il n'a pas vraiment d'endroit où aller depuis que sa mère l'a viré de chez lui. Chez Angelo, il y a souvent beaucoup trop de bruits et Mme.Berry est absente cette semaine pour aller rendre visite à son fils.
Moi, ça ne me dérange vraiment pas. Et je crois que les filles non plus, puisqu'elles adorent Harry. Je me lève et m'installe derrière lui, caressant sa nuque du bout des doigts. Ses muscles sont tendus, mais à mon contact il soupire doucement et se laisse glisser contre mon torse. J'embrasse sa joue et et je prends sa main entre mes doigts. Je regarde les traits de son visage, si délicats dans leur complexité, le panel d'émotions qui s'y dessinent. Harry. Mon mystère.
-Tu es fatigué ?
-Un peu.
-Je...
Mes doigts resserrent les siens. Il lève les yeux vers moi, levant un sourcil interrogateur.
-Tu ?
-Je me disais que, si ça peut te faire plaisir, après ton examen, on pourrait partir genre, tous les deux. Un week end.
Je sens qu'il hésite. Sa bouche esquisse néanmoins un sourire.
-Ouais... Ce serait bien.
-Seulement si tu veux, je rajoute très vite.
Il se redresse et se tourne vers moi. Il me regarde longuement, et j'ai l'impression que plusieurs fois, il veut me dire quelque chose, mais il finit simplement par se pencher et m'embrasser. Puis il pose sa paume sur ma joue et il me fait un vrai sourire, celui qui est éclatant et qui est aussi si rare. Celui qui renverse mon coeur.
-Avec toi je veux tout.
*
Harry fume. Il est appuyé contre la fenêtre de Louis. La vue est différente de chez lui, ici il voit les arbres, les petites maisons aux toits identiques, les jardins, les fleurs noires dans la nuit, un chat qui saute par dessus un mur et disparaît comme un fantôme. Le calme.
Harry se retourne vers Louis, qui dort le visage appuyé contre son oreiller. Louis. Harry ne peut pas imaginer le laisser derrière lui. Mais il ne peut pas non plus imaginer le forcer à venir avec lui. Parce que Harry est certain que si il le demandait à Louis, Louis le suivrait n'importe ou, sans réfléchir.
Et il sait aussi qu'il n'a pas le droit de faire ça, de choisir à sa place son avenir, sa place dans l'univers. Il n'a pas le droit de l'arracher à ses soeurs, à Emily, à son travail à la bibliothèque, à ses repères. Harry préfère partir comme un voleur plutôt que d'être celui qui l'empêcherait de vivre la vie qu'il veut.
Il écrase sa cigarette puis il referme la fenêtre.
Sans un bruit, il retourne se glisser dans le lit.
Même si il s'y sent désormais comme un imposteur.
*
Je ne fais plus de cauchemars. Du moins, pas comme avant. Ils ne sont plus aussi violents, ils ne m'empêchent plus de respirer. Si j'en fais un, Harry est près de moi et immédiatement, mon souffle saccadé le réveille. Il m'attire contre lui, il m'embrasse le visage, il me caresse la joue. Il me répète qu'il est là. Et je me calme.
C'est fou comme de simples mains peuvent faire ça ; rendre un battement régulier à la vie.
*
-Tu fais une erreur.
-Arrête.
-Si je ne te le dis pas, qui peut le faire ?
Harry ne répond pas. Angelo soupire. Ils sont assis sur un banc,dans le square entre les immeubles. Il fait doux, le ciel est d'un bleu tendre. Mais Harry ne le voit même pas, trop occupé à fixer le sol pour lever les yeux.
-Tu es vraiment dramatique Harry. On est pas dans un putain de film !
-Tu m'emmerdes.
-Va voir Louis, dis lui ce que tu as sur le coeur, c'est pas compliqué. Il comprendra.
Harry ferme les yeux. Fort. Il a envie de se mettre à courir. De se barrer, de se retrouver seul. Ce serait plus simple non ? Il était bien seul après tout. Il ne veut pas... Il ne veut pas devenir faible. C'est l'amour qui rend comme ça. Faible. Harry n'était pas comme ça avant. Il y arrivait tout seul. Il se maintenait à flot.Il ne veut pas montrer à Louis qu'il a besoin de lui, que c'est vital.
Angelo se lève. Il se plante devant Harry qui ne voit que ses baskets blanches, avec des lacets multicolores. Il va sûrement vomir dessus.
-Tu sais quoi Harry ? Va à Paris. Retrouve toi tout seul, galère pour payer ton loyer, pour t'acheter des clopes qui remplaceront la bouffe dans ton estomac, suis tes cours de merde et deviens un artiste, un vrai, et puis trouve toi quelqu'un qui pourra parader à ton bras dans des soirées mondaines. Tu sais ce que tu es en train de faire là ? Tu fuis. Tu fuis parce que tu n'as même pas les couilles de dire à Louis que tu l'aimes lui et qu'il est ta putain d'inspiration pour tout ce que tu fais. Ce qui te fait peur Harry, c'est que maintenant, sans Louis, t'es rien du tout. Il t'as rendu plus fort, si tu te barres tout seul, tu vas replonger dans le vide. Et ce sera bien fait pour toi.
*
-Haz ?
-...
-Je suis tellement fier de toi ! Je viens de voir ton nom sur la liste, je savais que tu réussirais !
-...
-Mais si... Tu es le meilleur de toute façon.
-...
-Attends, j'ai quand même le droit de te féliciter ; mention bien c'est génial !
-...
-Oui, oui je sais... La modestie tout ça.
-...
-Oui ? Si tu veux ! Avec plaisir. Je vais le dire aux filles.
-...
-D'accord, à tout à l'heure.
-...
-Oh. Et... Harry. Je t'aime.
*
Harry est entre Jeanne et Louis. Ils sont au restaurant. Pour fêter son bac.
Et Louis est si... Beau ? Resplendissant ? Heureux ? Parfait ? Il n'a plus ses cernes que Harry lui connaissait auparavant, ses yeux sont comme deux petits lacs d'eau claire et paisible.
Harry a mal au ventre en pensant que par sa faute, ils seront sans doute remplis de larmes dans quelques jours.
Il voudrait lui prendre la main et tout lui avouer maintenant,pendant qu'il a de la sauce tomate au coin des lèvres, il voudrait tout dire d'une traite et le supplier de partir avec lui et de rester à la fois. Ou peut être qu'il voudrait juste lui dire de l'oublier tout en l'aimant pour la vie.
Les soeurs de Louis n'arrêtent pas de parler, de rire, de raconter des histoires drôles. Harry se sent si loin de leur bonheur brusquement, que sa tête se met à tourner. Il a besoin d'air. De sortir. De s'enfuir.
-Je reviens, je vais aux toilettes.
Il se lève. Il sent le regard de Louis sur son dos mais il ne s'arrête pas. Il traverse le petit restaurant – un italien – et pousse la porte qui mène aux toilettes. Il s'arrête dans le couloir, le dos appuyé contre un mur aux carreaux rouges. Ses mains tremblent. Il se force à respirer plus calmement. Puis il entre dans les toilettes. Il ouvre un robinet et se passe un peu d'eau sur le visage. Il se regarde dans la glace. Ce reflet qui lui est si familier et qu'il déteste ces jours-ci. Il pose sa main mouillée sur le miroir. L'eau coule le long de la vitre, brouille son visage qui devient une flaque transparente, disgracieuse.
Puis brusquement, sans savoir pourquoi, il retire sa main, ferme le poing et le lance dans le miroir. La vitre se brise dans un éclat de morceaux de verre et de sang. Harry se met à pleurer, se recroquevillant sur lui même, ses doigts blessés contre sa poitrine, un goût de sel dans la bouche.
Et une rage immensément silencieuse hurlant dans sa poitrine.
*
D'Harry, on a l'impression de tout savoir et l'instant d'après il vous prouve que non, il vous est toujours resté inconnu.
C'est ce que je ressens en le découvrant recroquevillé contre un robinet, la main en sang et des larmes brouillant ses joues. Je me précipite à genoux près de lui. J'ai l'impression de le revoir ce matin là, dans son appartement, après qu'il ait frappé sa mère. Mais sur son visage je lis une peine plus grande encore. Et ça me fait mal. Vraiment mal, parce que cette peine là, je ne l'avais pas anticipé.
-Haz ? Pourquoi tu as fait ça ?
Je lui prend la main. Ses phalanges sont âbimées. Il continue de sangloter, le visage triste comme celui d'un clown dont le maquillage aurait coulé.
-Harry. Qu'est ce qu'il ne va pas ? Pourquoi tu ne me le dis pas ?
J'ai mal au coeur. J'ai tellement mal et ses yeux ne me regardent toujours pas. Je le force à se relever et je le traîne vers un autre robinet. Il y a des petits bouts de verres partout sur le sol,qui brillent à la lumière des néons blafards. Je lui met la main sous l'eau et il tressaille. Dans la glace, je nous observe. Harry,les épaules secouées de sanglots, semblant si fragile dans sa jeunesse maladroite et pourtant plus grand que moi, et mon corps appuyé au sien, le soutenant à défaut de pouvoir le protéger entièrement.
Je nettoie sa main. Ses longs doigts que j'aime tant embrasser. Et puis Jeanne apparaît soudain près de moi, avec un bandage qu'elle a sûrement été demander à quelqu'un du restaurant. Je la remercie du bout des lèvres et j'enroule la main de Harry comme je le peux dans la bande blanche.
Jeanne a l'air soucieuse.
-Pourquoi tu as fait ça Harry ?
Il ne répond toujours pas. Je soupire.
-On va rentrer je crois.
Jeanne hoche la tête et elle va chercher les filles. Je crois que je suis un peu énervé. Contre Harry ou le monde entier. Mais surtout Harry, qui ne parle toujours pas. Alors sans chercher à être vraiment délicat, je le laisse au milieu du restaurant et je vais régler la note, ajoutant ce qu'il faut pour remplacer le miroir et nettoyer les dégâts. Quand je reviens vers lui il pleure toujours, le visage tellement fermé que ses larmes ont l'air de couler d'un ruisseau presque asséchée.
Je lui prends la main un peu plus doucement et je la serre contre la mienne. On sort dehors. Jeanne nous attend avec les filles, qui ne disent rien, mais regardent Harry avec un air malheureux. Alice surtout, le fixe avec ses grands yeux qui ne comprennent pas la tristesse.
On rentre à la maison dans un silence pesant, seulement coupé parles reniflements de Harry.
*
-Harry ?
Louis se glisse dans le draps. Son corps est chaud. Il a l'air de ne pas trop savoir si il a le droit de le toucher ou pas. Mais Harry ne bouge pas et ne réponds pas.
-Tu ne veux pas me dire ce qu'il se passe ?
Tais toi. Je t'en supplie, tais toi.
-Je pourrais peut être t'aider... Je ne veux pas que tu ailles mal. S'il te plaît, parle moi.
Non. Non non non. Les mots sont coincés dans ma gorge, je préfère qu'ils me fassent mal à moi plutôt qu'à toi.
-Est ce que... C'est à cause de ta mère ?
Harry se fige. Et puis, sans savoir pourquoi il ment, il hoche lentement la tête. Il sent le corps de Louis se détendre près du sien, sa bouche venir embrasser son épaule. Il se hait.
-Mon amour... Je sais que c'est dur. Je suis désolé. Tellement tellement désolé. Tu sais que tu peux rester ici autant de temps que tu veux.
Harry hoche la tête. Oui. Il sait. Il sait que c'est trop tard.
Plus tard, Louis l'embrasse comme si il voulait avaler sa tristesse,le rendre heureux à nouveau. Dans ses bras, Harry se remet à pleurer, mais très silencieusement. Il se dit qu'il pleure pour la dernière fois, et qu'à présent il sera fort. Il sera fort pour Louis, comme il l'a toujours été avant.
Jusqu'à son départ.
- - -
Ciaooo !
Comme promis, voici l'avant dernier chapitre ! (J'ai eu du mal à l'écrire et je ne le trouve pas top top mais bon... Mon avis n'est souvent pas très objectif donc j'espère qu'il vous aura quand même plu.)
Et le dernier + l'épilogue vont arriver très rapidement *suspens suspens* :p. Happy end... Ou pas ?
Merci d'avance à tous pour vos commentaires, je vous envoie plein d'amour.
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