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« seesaw »

Auteure : champagneandhoney | Type : OS

© Le texte appartient à l'auteure.

𝕾𝖊𝖊𝖘𝖆𝖜

( ℑ𝔣 𝔴𝔢 𝔡𝔦𝔡𝔫'𝔱 𝔥𝔞𝔳𝔢 𝔣𝔢𝔢𝔩𝔦𝔫𝔤𝔰 𝔣𝔬𝔯 𝔢𝔞𝔠𝔥 𝔬𝔱𝔥𝔢𝔯, 𝔴𝔬𝔲𝔩𝔡 𝔴𝔢 𝔥𝔞𝔳𝔢 𝔡𝔯𝔞𝔤𝔤𝔢𝔡 𝔦𝔱 𝔬𝔲𝔱 𝔩𝔦𝔨𝔢 𝔱𝔥𝔦𝔰 ?)

Lundi, Jeongguk courait sur le bitume, et Yoongi le regardait en souriant. Mardi, Jeongguk courait sur le bitume, et Yoongi le regardait en souriant. Mercredi, Jeongguk courait sur le bitume... et tous les jours de la semaine se ressemblaient. Et Yoongi ferait tout pour sortir de ce rêve cauchemardesque.

yoonkook

time loop

angst & bittersweet

use of drugs and cigarettes

hyyh era

─── ・ 。゚☆: *.☽ .* :☆゚. ───

Que la Lune était belle.

Là, dans le zéphyr pas encore tout à fait nuit, rougissante dans les dernières lueurs du coucher de soleil. Elle avait le parfum du feu de bois, le goût de la bière pas chère que Jeongguk avait achetée, la sensation de peinture sur ses doigts quand il avait tagué le mur.

La piscine désaffectée était sale, rongée par les mauvaises herbes, repère de squats et parfois même rendez-vous de combats clandestins, mais c'était leur endroit. Là où ils laissaient les grands arbres, confidents de leurs secrets, caresser quelques brises sur leurs joues. Il ne se souvenait plus comment il avait découvert ce paradis de bitume – sûrement que Namjoon l'avait trouvé par hasard lorsqu'il faisait du repérage pour un lieu où dealer –, mais un soir après l'autre, ils étaient là. Les étés naissaient et mourraient, les hivers dansaient et dormaient, et ils étaient toujours là.

Allongé sur le matelas défoncé, Yoongi tira sur sa cigarette avec un sourire de contentement, observant l'astre comme une vieille amie – il avait même fait un petit dessin à son effigie à la bombe rouge sur un des murs délabrés. Elle était belle, à se perdre au milieu du ballet des vapeurs de nicotine, comme mille âmes poussiéreuses qui venaient effleurer ses jolis traits. Elle aussi, elle était toujours là. Les jours se répétaient dans une mélodie sans fin, et elle était toujours là, rayonnant de ses sourires discrets lorsqu'ils en avaient le plus besoin.

Jeongguk avait abandonné sa place dans le canapé tout aussi défoncé à côté de lui pour aller jouer avec Bam, les rires et les aboiements heureux éclatant dans l'air comme des bulles de champagne. Les couleurs du petit soir qui tombe lui donnait un air plus jeune, comme si toute la cruauté du monde avait été balayée d'un revers de main pour profiter de l'instant, son amant et son chien comme compagnons de sa misère paisible. Il ne saurait dire si c'était le vent vespéral qui jouait distraitement avec ses cheveux, ou l'étreinte fraîche du sous-bois qui frissonnait de son amusement.

Yoongi ferma les yeux un instant. Ils étaient bien, là. La vieille stéréo jouait un morceau de rap qu'il connaissait par cœur, la cigarette avait un goût de repentance dans sa bouche, et les éclats de rire de son cadet étaient la plus belle berceuse. Son briquet était chaud dans sa paume, jouant distraitement avec, le bruit mécanique du zippo qui s'allume et qui s'éteint comme un tempo familier. Il aurait presque pu s'endormir là, comme il l'avait fait tant de fois, se réveillant avec le corps du noiraud pressé contre le sien sur ce lit d' (in)fortune, les responsabilités et l'aigreur du lendemain oubliées le temps d'une soirée.

Ce fut la langue de Bam contre sa main qui le sortit de sa torpeur dans un hoquet surpris – laissant tomber son mégot contre le matelas, tellement défoncé que ce n'était pas sa première brûlure. Sa stupeur se transforma bien vite en amusement, se redressant et laissant ses Doc Martens crisser contre les graviers, pour saisir le museau du Doberman entre ses mains.

— Tu veux jouer avec Hyung ? Oooh oui, tu veux jouer, allez viens Bam !

Il se redressa comme un démon, courant le long de la piscine désaffectée en feignant un pied-bot, se laissant bien volontiers attraper dans un couinement étonné. Il pressa une main contre son cœur et fit mine d'être mort, tombant mollement par terre et souriant aux aboiements de Bam et à ses léchages de joue intempestifs – ouvrant brusquement les yeux pour lui chatouiller le ventre, le tout bercé par les éclats de rire de Jeongguk.

Le noiraud était tout ce que Yoongi imaginait quand il détourna les yeux vers lui : le sourire éclatant fendant son visage de la plus belle des façons, les yeux plissés dans une joie rare, les mains fourrées dans les poches de cet air désinvolte qui lui allait si bien, et les épaules secouées par les derniers vestiges de son hystérie. Son bonheur aveuglait presque les écorchures sur ses joues et l'hématome qui fleurissait sur sa pommette. Il était beau, comme ça, tout aussi beau que la Lune, baignant dans sa lumière pâle.

Trop souvent avait-il revêtu ce masque sombre et dur pour camoufler son innocence. Quand il partait avec Namjoon pour des deals. Quand il revenait avec des bleus sur le corps et qu'il faisait mine de ne pas être affecté auprès de ses hyungs. Quand Taehyung devait le retenir pour qu'il ne se batte pas, ses poings prêts à cogner jusqu'à l'inconscience. Quand Yoongi caressait ses côtes trop maigres, balayant le regard inquiet de son hyung pour une blague douteuse. C'était ce masque qui le poussait à prendre une cigarette en plus, ce masque qui le poussait à ranger un couteau dans sa poche, ce masque qui le poussait à observer chaque nouvelle personne dans sa vie comme une menace. Sa "vie" – comme si c'était une vie d'être en mode survie.

Le monde lui infligeait de nouvelles blessures avant même que les vieilles cicatrices n'aient le temps de guérir.

Mais ici... Ici, dans cette piscine abandonnée, les lourdes chaînes qu'il portait autour de son cou se brisaient. Il y avait quelque chose d'inexplicable, que de le voir traverser ce sous-bois pour s'installer dans les fauteuils moisis à même le bitume, et d'admirer la façon dont ses prunelles devenaient plus douces. Plus jeunes. Plus innocentes. Comme s'il se débarrassait de toute cette violence, cette colère envers le monde entier, ce besoin perpétuel de montrer qu'il était fort, qu'il était quelqu'un sur qui compter. Parfois, Yoongi oubliait qu'il n'était qu'un gamin – avant qu'il ne s'allonge à ses côtés et qu'il observe le crépuscule avec lui, lui piquant la clope qu'il avait au coin des lèvres avec un petit rictus et jouant à sa place avec son briquet.

Ladite cigarette se trouvait entre les doigts de Jeongguk à présent, et avec un petit rire :

— Il n'y a que lui qui réussisse à te sortir de ce maudit lit, n'est-ce pas ? dit-il en pointant son chien d'un mouvement de menton.

Le blond se releva, non sans une dernière caresse pour le Doberman et une grimace pour son cadet.

— C'est le seul qui a de bonnes raisons de me faire lever surtout, grommela-t-il.

Puis, tâtant le contenu de ses poches, il demanda :

— Tu m'en files une ? Tae m'a taxé la fin de mon paquet ce matin.

— Donc c'est moi que tu taxes à la place ? Entre toi et Tae, je vais commencer à vous les faire payer à l'unité.

— Ah oui ? questionna Yoongi avec un sourire en coin en s'approchant du jeune homme. Tu prends quoi comme forme de paiement ? Chèques, espèces ?

Il fit encore un pas, si proche qu'il lui suffirait de tendre la main pour glisser ses doigts dans les mèches corbeaux du plus jeune, son rictus encore plus aguicheur et joueur sur sa bouche.

— Orgasmes ?

— Hyung, souffla son amant en roulant les yeux, à la frontière de l'embarrassement et de l'excitement sourd.

Le jeune homme laissa un rire glisser de ses lèvres, de bonne guerre, et parcourut le peu de distance entre eux pour plonger sa main dans la crinière ébène de son sigisbée, comme il voulait le faire depuis qu'il était venu le rejoindre dans leur spot secret. Il laissa son pouce caresser la douceur de sa joue, une, deux fois, avant de se pencher et de capturer ses lippes des siennes. C'était doux, languide, tendre, comme si le baiser s'étiolait dans le temps, dans cette paresse bienvenue qu'accordait le soir qui tombe. Le baiser de deux hommes qui se connaissaient par cœur, et qui réapprenaient à se connaître à chaque instant.

Là-bas, ce n'était que la brutalité du béton et du sang et de la laideur humaine. Les billets froissés tâchés de carmin. Les doigts qu'on écrase sous ses bottes pour une info. Ici, sous ces arbres, à l'abris du vent et sous la protection des étoiles, ils pouvaient être eux. Ils pouvaient être ensemble, sans rester sur leurs gardes, sans craindre le prochain coup du sort.

Quand Yoongi rouvrit les yeux, ils étaient de nouveau sur le matelas. Bam était allongé à leurs pieds, et il pouvait ressentir la chaleur de son pelage à travers son bas de jean. Son bras droit avait été réquisitionné par Jeongguk comme oreiller de fortune, et sa main gauche jouait mollement avec son briquet, le regard brièvement accroché par la flamme comme un papillon de nuit.

— On est bien, là, chuchota le noiraud contre son épaule.

Il n'y avait que eux ici.

— Hmm.

— Imagine, si on vivait ici pour toujours.

Yoongi ne répondit pas, mais laissa un sourire gracier ses lèvres. Peut-être que Jeongguk le sentait sans même avoir besoin de le regarder – parce qu'à vrai dire, il n'y avait pas grand-chose que le plus jeune ne connaissait pas de lui.

— On va s'endormir comme ça, murmura-t-il en se blottissant davantage contre son aîné.

— Hmm.

— La dernière fois qu'on a fait ça, on s'est pris la pluie.

— Hmm.

— Hyung.

Il tendit le bras pour écraser le reste de cigarette hors du matelas, avant de se réinstaller pour faire face à son amant.

— Dors, gamin, répondit-il silencieusement en embrassant sa tempe.

Il sentit un baiser contre sa nuque, et s'autorisa lui aussi à fermer les yeux.

---

Que la Lune était belle.

Le zéphyr avait des teintes plus bleutées que la veille, ce soir-là, et Yoongi ne pouvait qu'admirer l'astre depuis son fauteuil. Enfin, fauteuil – c'était en réalité des sièges d'une vieille voiture qu'Hoseok avait trouvés sur un parking abandonné lors de repérages. Ils avaient tous grommelé à la perspective de les démonter et de se les trimballer de la ville jusqu'ici, mais ils en étaient tous heureux, au final.

Il ne pourrait compter le nombre de soirées qu'ils avaient fait là, à la belle étoile, emmitouflés dans leurs vestes trop fines, à refaire le monde. Parfois, Seokjin comptait encore les liasses qu'ils avaient arrachées par la violence, mais la plupart du temps, la lassitude des évènements les rattrapaient bien vite, et ils s'affalaient dans leur salon de fortune avec les bières pas chères qu'ils avaient achetées sur le chemin, si ce n'est volées. Riant avec l'insouciance de ceux qui sont sur le fil précaire entre l'adolescence et la vie adulte ; trop vieux pour croire aux contes de fées, trop vieux pour ne pas user de leurs poings, mais encore trop jeunes pour affronter toute la dureté que leur monde leur réservait.

Yoongi respira l'air à pleins poumons – il y avait quelque chose de si relaxant, que d'être là, loin de la pollution et de l'odeur de l'hémoglobine et de la pisse et du sexe des rues de passe, de la fumée des cigarettes et de l'herbe bon marché qu'ils vendaient et des pilules écrasées et de tout ce qui rendait leur ville laide. Il y avait presque un parfum de délivrance, ici.

Le blond n'avait pas réalisé qu'il avait fermé les yeux, rouvrant les paupières en entendant les aboiements joyeux de Bam. Il ne l'avait pas entendu venir, mais Jeongguk était là, au milieu de la piscine désaffectée, courant en rond, le canidé le suivant en bondissant. Le silence et le paisible des lieux furent troublés, à leur plus grande joie, par ses éclats de rire toujours aussi communicatifs, et de là où il était, le jeune homme ne put s'empêcher de sourire à son tour.

En bien des aspects, Jeongguk était l'une des meilleures choses qui lui soit arrivé.

Il arrivait que ses mains tremblent encore lorsqu'il prenait son visage en coupe, de ses mains qui puaient le gasoil, effrayé de briser la fleur de cristal qu'il était, effrayé de sa propre monstruosité. Mais Jeongguk l'embrassait toujours comme s'il était le centre de son univers, celui qui recollait les morceaux de son cœur, et ici, dans ce cosmos hors du temps et des hommes, Yoongi avait tendance à le croire.

Non sans un grognement, il se leva de son siège, piétinant machinalement des pieds contre le béton pour faire circuler son sang dans les jambes, et, fourrant ses mains dans ses poches, s'approcha lentement du duo. Le Doberman sentit très certainement sa présence, puisqu'il détourna son attention du noiraud pour venir se précipiter à ses côtés, la langue pendante et le soubresaut affectueux dans ses pattes.

— Parfois je me demande si c'est pas toi son père, remarqua Jeongguk avec une moue boudeuse en voyant que son propre chien préférait son hyung à lui.

— Je ne savais pas que tu avais un daddy kink, railla l'autre.

Il échappa à la tape bien méritée contre son torse dans un gloussement. Son cadet fit mine d'être agacé par la situation, se tournant pour observer un instant la Lune, belle et croquante, mais ne put rester longtemps dans son rôle en sentant les grandes mains de son petit-ami se faufiler sous son T-shirt. Hummant doucement de contentement, il laissa sa tête retomber mollement contre la bonne épaule du blond avec un sourire discret – Yoongi n'était pas celui qui était le plus bavard en sentiments et en actes de tendresse, mais il acceptait le peu qu'il lui offrait comme un alcoolique assoiffé.

Deux trous noirs destructeurs qui s'attiraient l'un l'autre tels des aimants.

Yoongi pressa un baiser contre la base de ses cheveux, affectueux, avant de se détacher de lui pour palmer son paquet – et grogna, en réalisant qu'il était de nouveau vide.

— Tu me passes une clope ? Tae a dû encore me dévaliser dans la journée.

Le noiraud fit un son, à mi-chemin entre un grognement et un ricanement, et lui tendit une clope avant d'allumer celle qui était déjà entre ses phalanges bandées de pansement.

— Je ne sais pas ce que tu ferais sans moi.

— De toute évidence, pas grand-chose, admit l'aîné sans aucun mal.

Il tira une première bouffée, laissant la fumée empoisonnée se teinter des couleurs pastels du petit soir, avant de demander :

— Les gars ne viennent pas d'ailleurs ?

Jeongguk haussa des épaules à ses côtés.

— Namjoon et Jimin devaient régler des affaires ce soir, je crois ? Pour les autres, j'en ai aucune idée.

Il inspira la nicotine un instant, avant d'ajouter avec un regard plein de malice :

— Ce qui fait qu'on a tout l'endroit pour nous ce soir...

— Quel romantique, railla Yoongi après avoir rejeté la tête en arrière sous le coup de l'alacrité. Une piscine abandonnée, et un matelas tellement crasseux qu'on ne sait pas d'où Hoseok l'a sorti ? Mon genre d'homme, vraiment.

Mais au lieu de se joindre à lui dans la moquerie enfantine, son copain fronça des sourcils.

— Ce n'est pas du champagne, mais j'ai de la bière dans mon sac à la place ? Et si je regarde bien il doit me rester un pochon de Joonie-hyung quelque part, je peux te rouler un joint si tu veux ?

Yoongi secoua la tête avec un regard impossiblement tendre, laçant de nouveau ses mains le long des hanches du plus jeune pour le stopper dans son monologue anxieux.

— C'est parfait, love. Sérieusement. Toi, moi, la Lune. C'est tout ce que je demande.

— Je te l'ai dit, murmura le noiraud près de son visage en enroulant ses bras autour de son cou en réponse. On pourrait vivre ici pour toujours. On pourrait être bien, ici.

Bam se pressa entre leurs jambes. Le blond sourit. Le baiser qui s'en suivit avait un goût d'éternité.

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Because there has never been parallel in the first place
Maybe that's why we tried to reach the balance
If it was love, and if this is what love means
Is there really a need to keep repeating ourselves ?

— seesaw

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Que la Lune était belle.

Aussi longtemps qu'il vivrait, Yoongi était persuadé qu'il ne se ferait jamais à l'idée de cet astre sélénien, comme une protectrice de tous les mauvais maux. Pas des siens du moins, mais suffisamment réconfortante pour panser les plaies une fois dans le caniveau. Elle était encore ronde, gourmande, là dans le ciel argenté, l'étoile qui le guidait quand la réalité était trop lourde, quand ses mains n'étaient que couvertes de sang et d'essence, quand il saisissait le couteau, quand il regardait son visage fatigué dans le miroir.

Il avait brisé le psyché de tain que Jimin avait ramené un soir, incapable d'affronter son propre reflet, des années de colère et d'injustice désespérée arrivant à son point culminant. Aucun des garçons n'avait commenté son excès de colère — son copain s'était contenté de nettoyer ses phalanges avec cette douceur dont lui seul avait le secret, silencieusement. Les bris de glace restaient dans un coin, derrière les fauteuils de voiture.

À présent, Jeongguk courrait derrière Bam sur le bitume usé et jonché de mauvaises herbes, et c'était comme si tous ses problèmes étaient insignifiants.

Il fallait qu'il se connecte avec la réalité, lui avait dit la thérapeute la seule fois où il s'était pointé à un rendez-vous, avant de s'enfuir car incapable de faire face à la laideur de ses souvenirs. Il fallait qu'il apprécie le moment présent, qu'il prenne les évènements comme ils venaient. Il arrivait trop souvent que son esprit vagabonde et qu'il ne distingue plus la Terre du Ciel, l'Enfer du Paradis, ce monde d'un autre, et il ferait tout pour que ce petit spot secret soit exempté de ses doutes lugubres et des ombres des tic-tacs de l'horloge.

Yoongi inspira à fond. Ça sentait les restes de nicotine et le parfum des pins, le brûlé du dernier feu de camp. Il sentait le sol sous ses pieds, dur, concret, tangible. Il entendait les rires des deux comparses. Il était présent.

Il se redressa, et Jeongguk l'accueillit avec une cigarette déjà tendue pour lui, mais le blond lui demanda tout de même s'il pouvait lui en prendre une, parce que son paquet était de nouveau vide. Il fallait vraiment qu'il s'en rachète un.

— C'est drôle, ces petits rituels qu'on a, nota-t-il en essayant d'allumer son briquet.

Le plus jeune sourit doucement, ne faisant aucun commentaire sur ses doigts tremblants, et posa sa tête contre son épaule.

— Toi qui me demandes une clope, toi qui m'embrasses. Bam qui court. Le lever de Lune.

— Hmm, approuva bassement Yoongi en soupirant d'aise.

— On pourrait être bien là, pour toujours.

Il ferma les yeux. La cigarette avait un goût d'immortalité.

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Que la Lune était belle.

Le ciel au-dessus de sa tête. Le vent sur ses joues. Le goût de nicotine et de bière pas chère sur la langue. Le matelas de fortune sous son corps. Les rires de Jeongguk et les aboiements joyeux de Bam. Il était présent. Il était là.

Il se redressa, et Jeongguk lui proposa une clope, mais Yoongi murmura, peut-être plus pour lui-même que pour son compagnon, s'il pouvait lui en prendre une. Le Doberman courait entre leurs jambes.

— Les gars ne viennent pas d'ailleurs ?

Le noiraud haussa les épaules, avant de glisser sa main le long de sa nuque pour jouer avec ses mèches. Le mentholé avait tourné au blond sale, mais le plus jeune semblait aimer cette couleur sur lui, alors il repoussait le jour où Seokjin lui teindrait de nouveaux les cheveux.

— Je sais pas. Je pense pas. Ce qui veut dire qu'on a tout l'endroit pour nous ce soir...

Yoongi laissa un ricanement lui échapper, prêt à dire que la piscine abandonnée n'était pas le summum du luxe et du romantisme, mais... Mais les mots avaient un goût trop familier dans la bouche. Une sensation désagréable qu'il ne pouvait nommer. Normalement, les habituelles plaisanteries du plus jeune lui tiraient un sourire, et pourtant il y avait quelque chose qui était différent que les autres fois. Ou trop semblable, il ne saurait vraiment dire.

Avant même qu'il n'ait le temps de creuser, de comprendre ce qu'il ressentait, Jeongguk aplanit son froncement de sourcils de son pouce d'un mouvement tendre, et l'embrassa chastement.

Le blond oublia ce qui le tracassait.

Le baiser avait un goût de pérennité.

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If we didn't have feelings for each other
If we didn't think of each other
Would we have dragged it out like this?

— seesaw

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Lundi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam. Yoongi le regardait en souriant en tirant sur sa cigarette qu'il lui avait taxée. La bière bon marché était presque vide à ses pieds. Ils s'endormirent sur le matelas dans les bras de l'autre. La Lune était belle.

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Mardi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam. Yoongi le regardait en souriant en écrasant sa cigarette. Ils s'embrassèrent sur les fauteuils défoncés. Ils étaient bien là. La Lune était belle.

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Mercredi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam. Yoongi le regardait en souriant. Il n'était plus sûr de sentir le sol sous ses pieds. Il n'était plus sûr d'être vraiment présent. Il n'en avait cure. Jeongguk lui embrassa la nuque. La Lune était belle.

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Jeudi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam. Yoongi le regardait en souriant en tirant sur sa clope. Bam vint lui lécher le visage. Jeongguk le fit jouir sur le lit. La Lune était belle.

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Vendredi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam. Yoongi le regardait en souriant. La Lune était belle.

Et quand ils s'allongèrent sur la couchette défoncée, et que le plus jeune dormait déjà dans ses bras, Yoongi laissa son visage s'enfouir dans les mèches charbon rebelles de son cadet, inspirant profondément son parfum comme si c'était la dernière chose qui le maintenait lucide.

Ils étaient trop dépendants l'un de l'autre, comme si la présence de l'autre leur était vitale, essentielle et ô que nécessaire pour vivre. Peut-être était-ce vrai, en fin de compte. Peut-être était-ce toxique, aussi, mais ni l'un ni l'autre ne voulaient être le premier à avouer cette vulnérabilité honteuse. Ils ne connaissaient que la véhémence de la rue pour savoir comment s'aimer correctement, alors ils faisaient comme ils pouvaient. Ce n'était pas parfait, bien loin de là, mais ils avaient le mérite d'essayer ; l'échec faisait partie, inévitablement, de l'équation.

Ils se faisaient du mal, ils se faisaient du bien, comme l'astre dans les nuages qui naissait et s'endormait tous les matins – dans cet endroit, dans leur petit coin reclus du monde, Yoongi oubliait tous les mots horribles qu'ils se criaient et les menaces et les insultes et les coups, pour ne retenir que les murmures doux et les baisers et les caresses et les yeux admiratifs et aimants.

Parfois, Yoongi le regardait dormir, et il repensait à tout ce qu'ils avaient vécu, avant que leurs vies ne tombent en poussière, dominées à présent par la drogue et les cocktails molotov et la sensation de la lame sur leur peau et les deals foireux dont ils en sortaient à peine vivants.

Parfois, Yoongi le regardait dormir, et se demandait s'ils pouvaient être vraiment bien, tous les deux, loin de tout, comme Jeongguk le répétait tant et tant de fois. Est-ce qu'ils pourraient être heureux ? Est-ce qu'ils le méritaient ? Il avait peur que s'il goûtait à une nuit de bonheur, il en devienne complètement accro, plus que les médocs et que toutes les autres merdes qu'il transportait dans son sac. Peut-être était-ce pour cela qu'il aimait tellement cette piscine insalubre, finalement. Parce qu'il y avait ici une chimère presque parfaite d'une vie meilleure.

Mais ce soir, alors que la nuit laissait tomber son manteau sombre sur les deux amoureux, fraîche couverture qui le poussa à se blottir encore plus contre le noiraud, il ne put empêcher l'étrange picotement de ses yeux.

— Tu me manques, chuchota-t-il contre le cou de Jeongguk. Comment tu peux me manquer alors que tu es là tous les jours ?

Il s'endormit, les larmes honteuses dévalant ses joues trop maigres, persuadé de rejoindre Jeongguk dans les bras de Morphée.

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— Ils sont où les gars ?

L'éther splendide ne parvint pas à soulager le front soucieux de Yoongi. C'était tout juste s'il avait contemplé le satellite au-dessus de sa tête quand il était arrivé, et peut-être que la Lune jalousait de n'avoir l'attention pleine et entière de son rêveur préféré.

Il adorait être en compagnie de Jeongguk, là, seuls au monde, comme protégés de tout ce qui pourrait les atteindre, mais cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas vu les autres visages familiers de ses frères de cœur qu'il ne pouvait que s'interroger.

Chacun venait quand bon lui semblait ici, il le savait, mais tous se débrouillaient, par un lien invisible qui les unissait sans qu'ils en aient réellement conscience, pour se retrouver au moins une fois par semaine. Là, tous entassés sur les fauteuils de voiture, les crépitements du feu de camp murmurant quelques sombres mélodies dans l'encre de la nuit, et les lueurs des flammes déridant leurs traits.

Le noiraud gratta distraitement derrière la tête de Bam, silencieux, et Yoongi réprima un frisson, ce même sentiment étrange qui parcourait ses veines dans un battement de cœur qui ne lui plaisait guère. C'était... C'était comme si Jeongguk prenait le temps de trouver une réponse adéquate.

Il se redressa, lentement, de toute sa grandeur, de ses épaules plus musclées que lorsqu'il l'avait connu et de ce menton haut et fier, avant de tourner la tête vers lui. Un drôle de sourire était peint sur ses lèvres, un qui n'atteignait pas tout à fait ses yeux mais qui faisait l'affaire, qui faisait l'illusion.

— Je ne sais pas, hyung, répondit-il simplement de son éternel haussement d'épaules nonchalant. Je crois que Namjoon avait des affaires à régler.

Il sortit son paquet de cigarettes de sa poche de veston et en tendit une vers son aîné, comme une distraction empoisonnée.

— Mais ce n'est pas grave, hyung.

Yoongi aurait presque pu deviner le goût perfide des mots sur sa langue avant même que Jeongguk ne les prononce.

— On a tout l'endroit pour nous ce soir.

Le blond était un homme faible, et accepta la tige de nicotine tendue vers lui comme un bonbon coloré ; mais même le bruit du zippo qui s'allume et la première bouffée de tabac ne furent suffisants pour détendre le froncement de sourcils.

Il y avait... une étrange sensation de déjà-vu.

— Tu m'as déjà dit ça hier. Et avant-hier.

— Parce que c'est vrai ! répliqua Jeongguk dans un rire – comme si le tourment de son petit-ami était matière à sourire. Tu sais très bien que Namjoon doit de l'argent à So-hee depuis le deal raté de la dernière fois. Sûrement que les autres gars l'aident à faire plus de transactions pour rassembler la somme le plus vite possible.

— Et nous, pourquoi on ne les aide pas ?

— Parce qu'on est bien là, soutint le noiraud avec un autre haussement d'épaules.

Comme si c'était suffisant à tout expliquer. Comme si c'était suffisant pour justifier l'absence étrange de ses meilleurs amis depuis des semaines. Ou ne serait-ce que des jours, en fin de compte ?

Le jeune homme ne lui laissa pas l'opportunité de continuer davantage sur ce chemin étriqué ; enroulant ses bras autour des hanches de son amant, il rapprocha leurs corps jusqu'à ce qu'ils ne fassent qu'un, jusqu'à ce qu'il soit impossible de distinguer où commençait Jeongguk et où finissait Yoongi. Il avait toujours aimé le rendre à court de mots rien que par une simple caresse, et peut-être en abusait-il, mais pour rien au monde Yoongi n'aurait voulu se détacher de cette embrassade — préférant, à la place, soupirer d'aise, fermant les paupières et appréciant les dessins mystérieux que son cadet dessinait sur sa peau.

— On a tout l'endroit pour nous ce soir, répéta-t-il, infiniment plus près de ses lèvres. Qu'est-ce que tu as envie de faire ?

Le blond franchit les quelques millimètres qui les séparaient en guise de réponse. Ils finirent sur le matelas défoncé, Jeongguk entre ses jambes et sa bouche sur son cou, les gémissements comme douce mélodie de ce petit soir, la Lune comme seule témoin de leur amour incandescent.

Un orgasme, et Yoongi oublia ce qui le tracassait.

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Travelling to memories
Things I wanna erase

— amygdala

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Que la Lune était belle.

Il avait tagué un second graffiti à l'hommage de l'astre, près du miroir brisé au fond de la piscine désaffectée. Ses mains étaient encore tachées de peinture, mais c'était mieux que lorsqu'elles étaient recouvertes d'essence, et Jeongguk jouait distraitement avec ses doigts, alors il avait l'impression d'avoir tout gagné. Allongés sur ce matelas de fortune, la tête du noiraud posée sur son épaule valide, ils se partageaient une autre cigarette – une fois n'est pas coutume.

Yoongi ne se souvenait plus de sa journée, mais il se souvenait du besoin d'exutoire qu'il avait ressenti lorsqu'il était venu jusqu'ici. Respirant pour la première fois l'air pur du sous-bois comme si sa poitrine avait été comprimée depuis trop longtemps. Il était tellement habitué, à l'odeur de la mort et de la haine et du doute, laide et irascible qui infiltre les vêtements et colle à la peau, que, parfois, il oubliait le parfum de l'innocence et des péchés pardonnés lorsqu'il arrivait enfin à leur spot secret.

Jeongguk jouait encore avec ses mains, laissant ses pouces gracier les écorchures de ses phalanges et les traces de coups, mais il n'en dit mot – se contentant de lacer leurs doigts ensemble, et Yoongi devinait sans grand mal le sourire timide peint sur ses lippes. Il pouvait se battre pour lui, il pouvait se mettre en danger pour lui, il pouvait le faire crier jusqu'au petit matin, une fois que la Lune était partie, mais il était encore timide lorsqu'il s'agissait de ces petites attentions. Et, une fois n'est pas coutume, le blond réalisait de nouveau que Jeongguk était l'une des meilleures choses qui lui soit arrivé.

Silencieux, un murmure dans le souffle du vent et de la vieille stéréo qui passait un morceau de rap qu'ils connaissaient par cœur, son sigisbée chuchota :

— On pourrait être bien là.

Et Yoongi se détestait pour remettre en question ses paroles, pas quand ils profitaient tous deux de l'instant, mais il y avait cette sensation étrange qui devenait de plus en plus récurrente, s'infiltrant dans ses poumons et suffoquant son esprit. Quelque chose qu'il ne saurait nommer, qui lui échappait peu importe ô combien il cherchait, comme un mot lointain que l'on a sur le bout de la langue mais que l'on n'arrive à attraper. Il aurait pu se taire, rien dire, fermer les yeux et l'embrasser, mais à la place, la langue lourde et antipathique, il dit :

— Pourquoi tu dis toujours ça ?

Jeongguk marqua une pause, et si Yoongi ne le connaissait pas mieux, il n'aurait pas décelé la façon, discrète, dont il s'était figé. Il tira une autre taffe de sa cigarette, d'une lenteur irritante, avant de tourner la tête vers le blond, se tournant sur le matelas pour mieux pouvoir admirer son profil.

— Parce que c'est vrai, souffla-t-il, comme la plus indéniable des réponses.

Et sûrement que ça l'était, parce que l'espace d'un instant, Yoongi aurait voulu le croire. Ses prunelles étaient si franches, si jeunes et si candides, que c'était comme si la Lune avait accroché toutes les étoiles du ciel dans la nuit de ses orbes. C'était de ce regard-là qu'il était tombé amoureux. C'était de cette sincérité spontanée, brute et magmatique qui vous tacle comme un tsunami qu'il avait juré de l'aimer de tout son être, de tout son soûl, jusqu'à ce que son corps ne soit qu'une coquille vide et que son âme lui appartienne tout entier.

Et Yoongi ne pouvait que le croire. Oui, ils pourraient être bien là. Pour toujours. Ils n'avaient besoin de rien de plus, et ils le savaient, et sûrement que le blond était égoïste de vouloir plus, de remettre ces évidences en question, de ne pas voir cette réalité comme un axiome certain.

Alors il se tut, car la dernière chose qu'il voulait sur cette planète était de blesser le plus jeune, même s'il le faisait beaucoup trop de fois pour qu'on lui accorde les portes du Paradis. À la place, il laissa son pouce caresser la douceur de sa joue, les vallées de son nez, les ravins de son menton, et l'attira vers lui pour l'embrasser.

Il était là. Il était présent. Le lit sous ses pieds, Bam à moitié allongé sur ses jambes, les cheveux ébènes entre ses doigts, le corps de l'autre contre le sien. Il était là. Il était présent.

Jeongguk s'endormit bien vite contre son épaule, mais Yoongi observa l'astre sélénite brillant au-dessus d'eux jusqu'à ce que les premiers rayons du lever du soleil ne le dévorent.

Ses doutes ne partirent pas, cette fois-ci.

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Lundi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam en riant. La Lune était belle. Il lui tendit une cigarette, et Yoongi essaya de comprendre quand était né cet automatisme.

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Mardi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam en riant. La Lune était belle. Il lui dit qu'il ne savait pas où étaient les gars, et Yoongi aurait pu mettre sa main à couper qu'il lui cachait quelque chose, mais son sourire lava tout soupçon, au moins le temps d'une nuit.

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Mercredi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam en riant. La Lune était belle. Yoongi voulait lui demander ce qu'il avait fait de sa journée, mais il semblait qu'il ait oublié, lui aussi. Tous les moments qu'il ne partageait pas avec lui n'étaient d'aucune importance, de toute façon.

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Jeudi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam en riant. La Lune était belle. Yoongi était las de toujours tout remettre en question, alors il le laissa l'embrasser pour ne plus penser à tout cela. Il était sûrement fatigué, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas pris ses médicaments.

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Vendredi, Jeongguk courait sur le bitume derrière Bam en riant. La Lune était belle. Il lui dit qu'ils pourraient être bien là, pour toujours. Ces mots avaient un goût de cendre dans la bouche de Yoongi.

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Is there really a need to keep repeating ourselves ?
It seems we're both tired of each other and holding the same cards
Well, then

— seesaw

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Ce fut samedi que tout s'effrita, et que Yoongi explosa.

Il attendit Jeongguk, assis sur le rebord de la piscine abandonnée. Il ne saurait dire quand est-ce qu'il était arrivé exactement. Les derniers jours se brouillaient, se ressemblant, se serrant et se déliant dans un souffle de fumée pour se ressembler ; et, chaque jour, il avait l'impression de remonter à la surface seulement quand il arrivait dans ce spot secret. Tout ce qu'il y avait avant n'avait plus d'importance. Peut-être était-ce l'adrénaline qui le fatiguait, peut-être était-ce les médicaments, mais il n'en avait cure.

Il inspira profondément. Il n'avait pas fumé de la journée et cela le démangeait, alors il se concentra sur ça. Sur le tressautement nerveux de ses jambes. Sur le bout de ses doigts qui l'irritait. Sur la sensation étrange qu'il ressentait depuis quelque temps, battant avec son cœur à l'unisson pour distiller un doute méfiant dans ses veines. Il était là. Il était présent.

Par terre, en contrebas, non loin de leur salon de fortune, il y avait le miroir qu'il avait brisé. Personne n'avait récolté les débris, et Yoongi ne saurait dire si c'était une bénédiction ou non. Il n'avait pas osé se pencher de nouveau au-dessus des éclats, depuis ce jour où ses phalanges étaient revenues ensanglantées et que le bruit crissant du bris de verre avait retentit dans la forêt dans un frisson – un de ces bruits qui le hantait encore la nuit, parfois plus que tous les autres fantômes et autres vieux démons qui se cachaient derrière ses cernes. Il savait que s'il le faisait, son reflet ne serait que plus immonde encore, plus cauchemardesque, et il refusait de s'infliger cela. Il avait suffisamment de mal à se maintenir la tête hors de l'eau pour replonger de la sorte.

Il y avait une petite voix, laide et mauvaise et méprisable, qui lui intimait de saisir un tison de psyché – peu importe si cela entaillait sa paume – pour se regarder. Que son ombre lui apporterait toutes les réponses aux questions qu'il n'osait pas encore se poser.

Mais la voix se tut bien vite, alors qu'il entendit déjà les aboiements joyeux de Bam, là, derrière les arbres. Une, deux secondes, où la Lune dans l'horizon pâle ne brilla que plus intensément, et Yoongi devina la silhouette de Jeongguk émerger du petit sentier. Le noiraud était si beau comme ça, d'une beauté jeune et franche et sincère, le souffle tiède du crépuscule jouant le long de ses joues comme une vieille amie.

C'était drôle, la sensation qui jouait dans son cœur — car peu importait si Yoongi le voyait tous les jours, comme une constance bienvenue dans sa vie suffisamment misérable, le blond tombait amoureux comme au premier jour à la seconde où il le voyait. Pas lentement, comme lorsqu'on s'endort et que ses sentiments sont pareils à une évidence lors du réveil, mais abruptement, une chute vertigineuse à couper le souffle, dans un tournis égaré et emballé.

Cela lui faisait peur, parfois, d'aimer Jeongguk plus qu'il ne s'aimait lui même.

Le noiraud s'approcha vers lui avec un grand sourire, et Yoongi se laissa tomber de son perchoir pour planter sa bouche contre la sienne dans un baiser intense et bref, et pour jouer un instant avec Bam, non sans une léchouille de sa part.

Son cadet lui tendit silencieusement une cigarette, mais il lui demandait tout de même s'il pouvait lui en piquer une. C'était drôle, ces petits rituels – n'était-ce pas ce qu'il avait dit la dernière fois ?

Pourtant, en allumant le tabac de son briquet, il avait la désagréable impression qu'il manquait quelque chose. Un élément central pour compléter le joli tableau qu'ils peignaient là. Alors, après s'être mordu la lèvre inférieure pour masquer son inconfort, le jeune homme demanda :

— Ils sont où les gars ?

Il avait presque oublié la réponse générique que lui offrait Jeongguk tous les soirs. Presque. Mais lorsque ce dernier se figea à l'entente de sa question, imperceptible pour n'importe qui d'autre – mais Yoongi n'était pas n'importe qui d'autre –, tout lui revint en mémoire d'une force inouïe, une claque qui laissait une marque incandescente sur sa pommette. Cette sensation de déjà-vu désagréable.

Avant même que Jeongguk n'ouvre la bouche, Yoongi put deviner ce qu'il allait dire.

— Je ne sais pas, ils ont des trucs à régler je crois. Mais c'est pas grave. On a tout l'endroit pour n–

— Allons les aider alors.

Cette fois-ci, le noiraud devint rigide, avant de tourner la tête, les yeux alarmés grands ouverts, vers son aîné. Une, deux longues secondes à le dévisager. Sa voix était blanche et hésitante quand il parla enfin :

— Pourquoi ?

— Parce qu'ils ont sûrement besoin de nous ? Cela fait... putain, je sais même pas combien de temps ça fait depuis que je ne les ai pas vu. Ce "truc" qu'ils doivent régler leur prend de toute évidence beaucoup de temps et d'énergie. Si on les aide, ils finiront plus tôt, et ils pourront venir profiter de la soirée avec nous.

Jeongguk fronça des sourcils, avant de lâcher, rapidement :

— Ils n'ont pas besoin de nous.

— C'est ridicule, répondit Yoongi avec un petit rire incrédule, secouant la tête. Ce n'était pas toi qui me disait qu'on devait une grosse somme d'argent ? On peut au moins les aider pour quelques deals. Je suis sûr qu'il y a des preuves à effacer, tu sais que c'est moi qui m'occupe de ça normalement.

Il fit un pas en direction du chemin, mais Jeongguk retint son bras, et cela lui fit l'effet d'une gifle. Une seconde – avec cette impression âcre et insolente que cette jolie chimère qu'était cet endroit commençait à s'effriter pour laisser place à une vérité plus disgracieuse encore. Yoongi cligna les yeux, stupéfait, regardant un instant la main aux phalanges presque blanches autour de son poignet, avant de remonter le regard vers son petit-ami avec un froncement de sourcils. À quoi jouait-il ?

— Gguk, vraiment, c'est ridicule. C'est quoi l'intérêt d'avoir un coin secret à nous 7 s'ils ne sont jamais là ? Je te l'ai dit, plus vite on les aide, plus vite on finit, plus vite on revient ici.

Il pensait que sa proposition ne laissait place à aucune protestation, mais il lui suffit d'un infime mouvement pour qu'il sente encore la prise autour de sa manche, de plus en plus forte.

— Tu ne peux pas partir, murmura le noiraud d'un ton sans appel.

Ses yeux... ses yeux étaient différents. Différents de ce que Yoongi voyait tous les jours, différents même de la vulnérabilité qu'il s'accordait parfois. Peut-être était-ce ses ongles plantés dans le cuir de sa veste ou ce qu'il trouva à l'intérieur de ses orbes, les émotions si étranges et contradictoires avec le Jeongguk qu'il était d'habitude, mais le blond se stoppa, un instant. Que se passait-il ?

— Tu ne peux pas partir, répéta l'autre. Tu dois rester là.

— Pourquoi ?

Jeongguk souffla, comme si c'était une évidence, encore une fois.

— Parce qu'on pourrait être bien là, juste tous les deux ! Tu étais d'accord !

— C'est toi qui disais ça, Gguk. On reviendra, je te promets, mais au moins pour ce soir on p–

— Non !

Son cri avait raisonné avec stupeur dans le silence lourd de la piscine abandonnée, au point où même Bam s'était tût à leurs pieds, les sens en alerte. Yoongi ne sentait plus le sol sous ses pieds, mais ce n'était pas important, à présent, pas quand son amant avait un regard désespéré, presque animal, plongé droit dans le sien.

— Lâche-moi, articula difficilement le blond. Tu me fais mal.

Il se défit de sa prise d'un mouvement sec avant que Jeongguk ne puisse faire quoique ce soit. Ses yeux étaient durs, et il savait qu'il s'interdisait de regarder son amant de cette façon, mais la colère et les vestiges de la perplexité étaient trop tentants. Voilà qu'ils retombaient dans ce cercle vicieux, cette boucle corrompue et venimeuse où ils se faisaient encore du mal. Il serra la mâchoire pour s'empêcher de dire des mots qui le blesseraient plus que de raison, qu'importe si sa bouche avait un goût métallique à force d'avoir trop mordu sa langue.

Yoongi lui tourna le dos pour repartir ; et sûrement aurait-il dû se douter que le noiraud tenterait de nouveau de l'arrêter, pour une raison qu'il ignorait encore, mais il ne s'attendit pas au poids soudain dans son dos. Jeongguk serrait son torse avec la fureur d'un homme qui n'a plus rien à perdre, l'empêchant physiquement de faire un pas de plus – la caresse aurait pu être séduisante, dans une autre situation, mais à présent l'aîné dut réfréner le hoquet de douleur qui secoua son abdomen.

Et, d'une voix lacée d'hystérie, le plus jeune vint troubler une nouvelle fois la pesante chappe de plomb qui couvrait l'endroit :

— Tu ne peux pas partir. Tu ne dois pas partir ! Pourquoi veux-tu t'en aller ?

Il semblait être tombé dans les vagues pithiatiques et névrosées de la folie, et le blond ne pouvait que le regarder s'enfoncer dans les courants sans pouvoir faire quoique ce soit.

— Gguk, sérieusement, je–

— Tu ne trouves qu'on est pas assez bien là, tous les deux ?

Yoongi tenta de se dégager de son emprise, comparable à une serre de métal, mais Jeongguk avait bien grandi depuis, et il maudissait mentalement Hoseok de lui avoir donné autant de paquets lourds à transporter. Il glissa ses bras sous ceux de son cadet, mais le noiraud ne resserra que davantage sa prise autour de lui.

— Lâche-moi, tu me f–

— Je t'ai toujours dit qu'on pourrait être bien, là, pour toujours ! répéta-t-il, la voix éperdue et délirante.

— Sérieusement, Gguk, lâche moi !

Dans un mouvement désespéré, il réussit à se défaire de sa poigne, et la force du geste le conduit à trébucher sur quelques pas, le souffle court.

Yoongi se redressa, confus face à ce soudain changement de comportement, observant d'un regard interdit le jeune homme qui tentait lui aussi de calmer sa respiration. Qu'est-ce qui lui prenait ? Les mots étaient là, sur le bout de sa langue, prêts à attaquer, mais quelque chose lui disait qu'il n'aurait pas de réponse satisfaisante.

Il ne sentait plus le sol sous ses pieds, n'avait plus la sensation de picotis au bout de ses doigts, n'avait rien pour s'ancrer dans cette étrange réalité que le regard de Jeongguk. Les secondes s'effritèrent affreusement lentement dans le sablier du temps, si bien qu'il ne saurait dire combien de temps ils avaient passé, à se jauger, les mètres entre eux comparables à un fossé.

Le jeune homme secoua la tête, plus pour lui-même que pour Jeongguk, avant de se retourner. Un pas, deux, et le jeune homme ne fit rien pour l'arrêter, hormis ce chuchotement, si bas qu'il crut un instant que son esprit lui jouait des tours, mais claquant dans son cœur comme un coup de feu :

— Si tu m'aimais, tu resterais avec moi.

L'hystérie avait fait place à l'abattement, le regret triste et découragé. Brisé. Fatigué. Impuissant. Détruit. L'illusion friable d'une vie parfaite dans ce paradis de bitume craqua encore un peu plus, et il n'avait qu'une envie – de gratter la croûte de peinture taguée pour découvrir ce qu'elle recouvrait. Une fois qu'il verrait le sinistre tableau qui s'y cachait, voudrait-il le briser lui aussi, comme le reflet de tain là-bas derrière les fauteuils ?

Si tu m'aimais, tu resterais avec moi.

Yoongi ne se figea pas, mais la cadence de ses pas s'altéra. Il jeta un regard au ciel rose et pastel et si magnifique, avant de secouer de nouveau la tête. Il était résigné, sautant par-dessus le rebord de la piscine abandonnée, laissant ses bottes écraser les feuilles et la terre sous ses pieds dans un bruit distant. Le sentier vers la ville, loin de leur coin secret, était là, tout proche, à seulement quelques enjambées.

Son cœur tambourinait si fort dans sa poitrine. Il inspira à fond, sentant le regard de son cadet planté dans son dos, et avança – sauf que ses pas étaient si longs, si lents, léthargiques, s'étirant dans le temps comme lorsqu'il embrassait Jeongguk ou qu'il prenait une bouffée de cigarette, quand il avait l'impression que ces petits plaisirs avaient le goût d'immortalité.

Mais là, à présent... était-ce une seconde d'éternité, ou le début de la mort qui s'allonge ?

Quand il posa pied sur le chemin, la Lune explosa dans le ciel, en milliers d'éclats de miroir.

---

It's about time we put an end to it
All right, a boring seesaw game
Someone has to get off of this seesaw

— seesaw

---

Le silence. Lourd, épais, entrecoupé parfois de bruits mécaniques.

Bip.

Des lumières, froides, crues, loin des reflets tendres du zéphyr au lever de Lune, un picotement désenchanté dansant devant sa vision.

— Hyung ?

Cela sonnait lointain, comme s'il était sous l'eau, sa vision trouble et ses oreilles semblables à du coton – le grincement d'une chaise qui tombe, l'aura de quelqu'un au-dessus de lui, un parfum familier et réconfortant et si réel.

— Hyung ? Hyung ! Oh putain, que quelqu'un appelle un médecin !

Bip.

Yoongi ne put que fermer de nouveau les yeux, à la recherche de ce rêve si agréable. Il était bien, là-bas.

Lorsqu'il les rouvrit de nouveau, le monde autour de lui était encore étouffé. Sourd. Ahanant. Oppressif et oppressant, aussi.

— Je ne comprends pas, dit la même voix familière de tout à l'heure.

— Il répond, ce qui est un bon signe, mais il n'est pas encore tout à fait réveillé.

Bip.

— Quand ?

— Je ne peux pas vous dire avec certitude. Après trois ans de coma, cela peut prendre du temps.

Yoongi essaya d'ouvrir la bouche, de parler, de faire ne serait-ce qu'un bruit, mais rien ne sortit. Il n'était même pas sûr d'avoir réussi à ouvrir les paupières en entier. Il voulait demander ce qu'il se passait, où il était, où était Jeongguk et les autres. Il voulait lever la main, arracher les tubes qui rentraient dans son corps et qui le démangeaient, mais ses membres étaient lourds comme du béton. Seules les ténèbres lui répondirent comme une vieille amie, l'entraînant dans leurs tentacules sournoises.

Il se réveilla petit à petit, comme l'astre sélénien qui monte de plus en plus dans le ciel une fois que le soleil s'est couché ; puis la sensation de larmes sur ses mains, et il se réveilla d'un seul coup.

Il grogna en ouvrant les paupières, son environnement si vivace qu'il ne put que les refermer – le blanc, le cru, le lumineux, les bips des machines. Où était-il ? Où était Jeongguk ?

— Hyung !

La même voix de la dernière fois, des mains qui se pressaient contre ses bras, un visage au-dessus du sien. Yoongi mit du temps à le reconnaître, encore trouble et l'esprit en vrac, si bien que le nom ne réussit à franchir ses lèvres, lentement, un tempo après, presque intelligible.

— J– ?

Dans le brouillard médicamenteux, il devina un sourire, un de ceux qu'il aimait tant voir.

— C'est moi, hyung. C'est Jimin. Tu es à l'hôpital. Tout va bien.

---

Il mit du temps à reprendre ses esprits, des jours, des heures, il ne saurait dire. Les médecins passaient, mais souvent, il n'en avait conscience que trop tard – tout était encore flou dans sa tête, tout se mélangeait, et c'était là une sensation aussi familière qu'inconfortable. Mais Jimin était toujours à son chevet, imperturbable, un roc, une présence sûre et réconfortante.

Quand il fut suffisamment lucide pour se redresser et manger de lui-même et ne pas voir en double, il se tourna vers son cadet :

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Où est Jeongguk ?

Jimin lui offrit un petit sourire et une main apaisante, pour lui demander en retour :

— De quoi tu te rappelles ?

Yoongi mit du temps à répondre. Il avait beau l'air plus conscient et alerte que lorsqu'il avait ouvert les yeux pour la première fois, mais ses souvenirs étaient encore trop confus pour réussir à démêler le songe de la réalité. Il lui arrivait même de ne pas réussir à manger par lui-même, son esprit désordonné et emmêlé. Il inspira à fond – l'odeur de désinfectant chimique, le rêche des draps sous ses doigts, le blanc trop blanc des murs, la main du jeune homme dans la sienne. Il était là. Il était présent.

— Je me souviens de la piscine. Du... hm... des fauteuils. Du matelas. De Jeongguk. De Bam. Du coucher de soleil. De la Lune.

Jimin resta silencieux, et le blond était peut-être encore un peu dans les vapes, mais il n'aimait guère le sourire un peu triste qui graciait ses lippes. Alors, avec cette étrange sensation qui avait accompagné son sommeil, il demanda encore :

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Sa voix était si faible, un souffle. Le cœur qui battait si fort dans sa poitrine. Attendant avec une impatience morbide et craintive ce qu'on pourrait lui dire.

Où était Jeongguk ?

— Il y a... Il y a eu un incendie, commença prudemment Jimin à ses côtés. Tu sais, tu étais toujours celui qui se débarrassait des preuves, avant ? Tu as toujours aimé le feu. Tu faisais tout cramer, peu importe ce qu'il fallait faire disparaître. Et tu as toujours aimé fumer, aussi. Ce jour-là... tu avais les mains encore pleines d'essence quand tu as allumé ton briquet.

D'une lenteur terrifiée, le jeune homme baissa les yeux jusqu'à ses bras. Laids, carbonisés, la peau cicatrisée d'une hideuse façon, les doigts monstrueux à côtés de ceux si lisses de son compagnon. Yoongi déglutit comme il put la boule qui s'était formée dans sa gorge. Il ne s'était pas encore regardé dans le miroir, même lorsqu'il avait eu assez de force pour se rendre aux toilettes tout seul, et le fait de voir ce que son corps était devenu, là, sous les lumières artificielles trop crues et trop blanches, était semblable à mille coups de poignards.

Ce qui était peut-être plus dur encore, c'était qu'il n'avait aucun souvenir de ce soir-là ; ne pouvant qu'écouter, mortifié, le cœur au bord des lèvres.

— Tout ton appartement s'est enflammé. Je sais pas si c'est les fumées, le choc, les médocs ou un peu de tout, mais tu étais coincé à l'intérieur, évanoui. C'est... C'est Jeongguk qui est venu te chercher.

Il sut, à cet instant-là.

La réponse était écrite sur le visage de Jimin, sur ses yeux humides et sur sa bouche déformée dans un rictus triste. Ce frisson froid et horrible qui parcourut sa colonne vertébrale. Il sut, mais il demanda quand même, dans un murmure, effrayé de la réponse qu'il connaissait mais qu'il ne pouvait pas entendre.

— Où est-il ?

Une larme roula sur la joue juvénile.

— Jimin.

— Je suis désolé, hyung.

— Jimin. Où est-il ?

Bip.

— Il n'a pas survécu.

Une autre larme.

— Je suis sincèrement désolé, hyung.

Un temps. Les secondes qui s'effritèrent de nouveau dans le sablier. Un souffle, une douleur dans la poitrine. Un sanglot qu'il n'avait pas conscience de pleurer.

Et puis, petit, confus, perdu, presque silencieusement :

— Je l'ai tué ?

Le visage de Jimin se liquéfia en un masque de peine, avant de se redresser pour l'approcher de lui, le prenant dans ses bras. Yoongi griffa ses biceps pour se libérer, mais ses pleurs étaient si erratiques, si forts et destructeurs, qu'il finit par s'accrocher à son cadet comme à une bouée de sauvetage.

Tout prenait sens, à présent. Le songe sans fin que son cerveau lui avait offert pour le préserver dans le coma, pour le préserver du deuil.

Cette dernière journée qu'ils avaient passée ensemble avant que tout ne parte en cendres, quand Jeongguk courait avec Bam sur le bitume et que Taehyung lui avait piqué toutes ses cigarettes. Cette impression que le noiraud lui manquait, alors qu'il était à ses côtés dans cet onirisme nébuleux. Le miroir brisé pour ne pas voir la réalité en face.

Les autres qui n'étaient pas là, parce qu'ils étaient vivants, et que Jeongguk était mort, et que Yoongi était en lévitation sur cette frontière poreuse entre le trépas et la survie.

Le Jeongguk joué par son inconscient qui lui suppliait de rester dans leur endroit secret, parce qu'ici, le jeune homme était en vie, et que partir de ce cosmos reclus signifiait le perdre pour toujours. Et cela, son esprit en avait bien conscience, il se le refusait.

— Je suis désolé, chuchota Jimin contre ses cheveux.

Les larmes écorchèrent son visage comme les éclats explosés de la Lune dans son rêve cauchemardesque.

---

Living will be more painful than to die.
Do you still want to live ?

— hyyh notes

---

Que la Lune était belle.

Rosée, si sculpturale dans le firmament d'un orange pâle, et si familière. Fascinante. Envoûtante. Il comprenait pourquoi il s'en était rappelé, même jusque dans son coma, comme un point de repère, une constance bienvenue. Il comprenait pourquoi Jimin se l'était fait tatouer dans le dos. Il comprenait pourquoi Bam dormait toujours près de l'astre que son maître lui avait dessiné.

La piscine désaffectée était comme dans ses souvenirs, mais avec plus de mauvaises herbes et encore plus de graffitis. Hoseok avait jeté le matelas, les fauteuils de voiture avaient été volés, et les bris de miroir avaient disparus.

Yoongi s'assit sur le rebord en béton, avec cette impression de déjà-vu qu'il accueillait à présent comme une vieille amie. Il avait toujours aimé cet endroit, mais se l'imaginer en songe, son corps inconscient et léthargique, était la preuve que la préciosité de tous les instants qu'il avait passés ici. Il avait presque l'impression de revoir ses souvenirs, comme des pantins de fumée, courir le long du bitume avec l'écho d'un rire, lointain. Des réminiscences du passé qu'il se forçait de se rappeler.

Bam traîna ses pattes jusqu'à lui, avant de s'asseoir à ses côtés dans un couinement fatigué. Se souvenait-il aussi de sa jeunesse ici, à courir derrière eux dans un aboiement amusé ?

Le jeune homme fourra ses mains dans ses poches, mais n'en sortit aucune cigarette. Il n'en avait plus, de toute façon, ni même de briquet. Les couleurs étaient si magnifiques, au-dessus d'eux, que c'était là la seule distraction dont il ait besoin, en fin de compte.

La Lune lui souriait comme une amante, et le blond lui rendit un petit rictus, quoiqu'un peu triste. Le vent vint à sa rencontre, dans un baiser, redécouvrant la forme de son nez, de ses cils, de son cou, comme si cela faisait une éternité qu'il ne l'avait pas vu. Il n'avait jamais osé revenir ici depuis son réveil à l'hôpital, de peur que la brutalité de sa nouvelle réalité lui revienne au visage.

Mais c'était là qu'ils avaient été les plus heureux, bercés dans ce cocon loin de tout, alors Yoongi pouvait bien s'infliger cette peine, après toute la douleur qu'il avait causée.

Le Doberman allongea sa tête sur ses genoux, clignant lentement des paupières, et il ne put s'empêcher de le caresser distraitement. Ils restèrent un instant comme ça, comme une seconde d'éternité, à écouter les bruits de la forêt.

— Tu avais raison, souffla enfin le blond dans le silence de leur spot secret.

Il tendit son visage mélancolique vers la Lune, ignorant la larme solitaire.



— On aurait pu être bien là, tous les deux. 



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