Lorsque nous arrivons chez Clara, l'odeur du couscous vient caresser mes narines. Ah, le couscous de Clara ! Ce parfum me rappelle mon enfance. Après qu'il m'avait battu, elle me soignait et me donnait un bol de semoule parfumée d'épices. C'était le calme après la tempête, la guérison après la douleur, la lumière après l'obscurité.

Je me suis toujours dit que Clara portait bien son nom. S'il est associé dans mon esprit à une totale noirceur, Clara m'apparaît au contraire comme un rayon de soleil au milieu de la nuit. La perdre me ferait replonger dans le noir, or cette pensée m'est insupportable.

Au moment où je vais pour l'embrasser, elle se retourne et je me fige. Elle a pleuré : ses yeux sont rouges. Le cœur battant, je me précipite vers elle.

-Clara ! Que se passe-t-il ?

Sans répondre, je vois son doigt tremblant pointer quelque chose derrière moi. Je me retourne...et je la vois soudain. Mon sang se glace.

Sur la table trône une enveloppe ouverte. Avec l'adresse de Clara rédigée de son écriture.

Je la prends en tremblant et reviens vers Erwan.

-Viens, on monte.

Il me prend la main, ses doigts s'accrochent aux miens et il me suit à l'étage sans un mot. Une fois dans ma chambre, je m'assieds sur mon lit et pose l'enveloppe à côté de moi. Erwan vient s'asseoir de l'autre côté.

-Qu'y a-t-il, T ?

-C'est son écriture.

Je la reconnaîtrais entre mille. J'ai vécu suffisamment de temps avec lui pour pouvoir l'identifier.

-Quoi ?souffle Erwan. En es-tu sûr ?

-Certain.

-Ouvre-la.

Mon esprit le veut, mais mon corps le refuse.

-Ouvre-la, T.

-Je n'y arrive pas.

Je frémis lorsque sa main se pose sur mon bras.

-Je suis là. Je suis avec toi et ne t'abandonnerai pas. Tu le sais, non ?

-Tu es parti lorsque tu as appris le jeu, je lui rappelle alors.

Je sais que je suis plus fautif que lui dans cette histoire, mais son absence m'a tout de même fait très mal.

-Je suis désolé...Je sais que je n'aurais pas dû.

Je lui souris : il est pardonné.

-Ouvre-la. Ce sera fait et tu seras soulagé.

Tremblant de peur, je finis par reprendre l'enveloppe. Je l'ouvre, en sors la lettre et compte mentalement jusqu'à trois avant de la déplier. Je prends une profonde inspiration et commence ma lecture.

Très chère Clara,

J'ai le plaisir de t'annoncer que je ne vous ai oubliés ni l'un ni l'autre. Vous avez beau me fuir, vous êtes toujours sous mon emprise.

Je n'ai pas l'intention de te laisser me le prendre. Il m'appartient. Vous m'appartenez tous les deux. Je tiens à vous rappeler que tu n'es pas sa tutrice légale, contrairement à moi, et que j'ai par conséquent tous les droits sur lui. Si je porte plainte, tu perdras. Et crois-moi, je le ferai. Il est à moi.

Joseph.

Mes yeux s'écarquillent, mes mains se crispent sur la feuille et je me mets soudain à hurler.