En jean, blottis l'un contre l'autre, ils savouraient leur contact mutuel. Peau contre peau. Ils avaient besoin de ce contact. Besoin de sentir qu'ils étaient là l'un pour l'autre.

Erwan avait l'esprit en ébullition. Cinq phrases s'y entrechoquaient. Les mots de T - Je ne mérite pas ta pitié. Les mots de Doyen - vous ne l'êtes plus pour longtemps. Ceux de Clara - Je crains qu'il ne soit mauvais pour vous. Ceux de Thibault - Quitte-le avant qu'il ne soit trop tard. Ceux de Loris - Bientôt, il t'abandonnera. Il avait envie de hurler. Il avait l'impression que sa tête allait exploser sous le poids de toutes ces mises en garde qu'il ne comprenait pas. Tout le monde semblait connaître T mieux que lui alors même qu'il était son petit ami. Cela avait le don de l'agacer. De l'agacer profondément. Mais il avait pris sa décision : tant que T ne lui révèlerait rien ou qu'il ne décèlerait rien de mauvais venant de lui, il ne le quitterait pas.

Le physique abîmé de Clara le hantait. Son regard éteint. Sa pâleur. Sa maigreur. Ses plaies. Tout en elle n'était que douleur, voire mort. Erwan ne pouvait s'empêcher de frissonner en la revoyant dans son esprit.

Une sonnerie de portable vint briser le charme de leur union. Celui d'Erwan. Il soupira et faillit décrocher, mais se retint juste à temps.

Inconnu.

La sonnerie cessa. Puis recommença. Erwan sentit son souffle s'accélérer.

-T...

Aussitôt, il sentit T se rapprocher de lui.

-Qu'y a-t-il, Erwan ?

Erwan inspira profondément.

-Il recommence. Loris recommence.

Il vit T serrer les mâchoires et l'entendit pousser un juron.

-Je vais le tuer. Je l'avais pourtant prévenu.

La sonnerie continuait de retentir. Erwan n'eut pas le temps de réagir : T lui avait déjà arraché le téléphone des mains.

-Pourquoi t'obstines-tu ?cracha-t-il.

Erwan frémit : il était soulagé de ne pas être à la place de Loris. Quand T était en colère, mieux valait ne pas être sa cible...

-Non. Tais-toi. Tu te tais, d'accord ?

Le jeune homme déglutit : que se passait-il ?

-Non. Arrête de t'en prendre à lui. Tu sais très bien que ça ne changera rien.

Il aurait tellement aimé pouvoir entendre les propos de Loris...

-Ça fait  longtemps que j'ai cessé de t'appartenir, répliqua sèchement T. Laisse-le tranquille. Je ne plaisante pas.

Erwan le vit raccrocher et lui tendre son portable. Il le prit en tremblant et le reposa sur sa table de nuit. Lorsqu'il se retourna vers T, il vit que celui-ci avait fermé les yeux pour tenter de se calmer.

Tais-toi. Tu te tais, d'accord ?

Pourquoi avait-il demandé à Loris de se taire ? Son ex-petit ami savait-il quelque chose que lui-même ignorait ? Etait-ce grave ?

Il vit T lever le bras. Instinctivement, il recula. Le geste de son ami s'interrompit.

-Erwan ?

Sa voix était douce à présent. Mais Erwan ne parvenait plus à se détendre.

-Ne me frappe pas, murmura-t-il.

-Est-ce vraiment ce que tu as cru ?

Erwan ne répondit pas.

-Je ne te ferai jamais le moindre mal. Je pensais que tu le savais.

-Je...Je ne sais rien. Rien du tout. T, je ne sais rien sur toi.

Il vit le regard de T se voiler de tristesse.

-J'en ai conscience, crois-moi. Mais je ne supporte pas l'idée de te faire peur ou mal.

Lorsqu'il lui ouvrit les bras, Erwan n'hésita qu'une seconde avant de venir s'y blottir. Son esprit n'était plus qu'un magma informe. Il avait l'impression que T lui dissimulait de plus en plus de choses à mesure que le temps passait. Plus il se questionnait, moins il avait de réponses. Mais il aimait T. Il l'aimait et il ne laisserait jamais rien les séparer.