Désormais ils roulaient en ville, et malgré la timidité de l'éclairage des rues, les néons vieillissants des enseignes de fast-food  indiquaient qu'ils avaient quitté le rectangle noir. Leur lumière fluorescente fardait légèrement le béton gris qui les entourait immédiatement, pour mieux révéler la laideur de ses contours. 

Ils passèrent devant le magasin de sac-à-mains de contrefaçon, devant le petit bazar qui lui permettait de décorer son appartement quand elle en avait le cœur, et devant la quincaillerie qui, elle l'avait lu hier, fermerait ses portes dans deux semaines.

 Liliane se blottit contre le siège face à cette décevante et réconfortante familiarité. Elle se lèvera demain comme elle s'était levée ce matin, et toutes les choses dont elle avait cru qu'elles pourraient bouleverser sa vie - la rendez-vous inespéré avec Fred, cette drôle de poupée qui aurait pu la protéger -, n'étaient que des mirages. Sa vie, jour après jour, s'enfonçait dans une morosité et une difficulté toujours grandissantes, comme cette pauvre voiture qui, à l'instant même, s'enfonçait dans des rues de plus en plus sombres et de plus en plus étroites, mais toujours  praticables et uniformes. 

Le marchand de sable déposait de petits grains dorés sous ses paupières, quand le chauffeur s'arrêta. Liliane releva la tête. Ils étaient arrivés. Elle détacha sa ceinture et entreprit d'ouvrir la porte, quand il l'arrêta en lui remettant la poupée du tableau de bord qu'il avait détachée et il déclara: "Voici comment invoquer la Santa Muerte..."