— Les acteurs jouaient bien, mais ce que j'ai vraiment adoré, c'est les costumes.

— C'est ce qui fait le sel des films historiques, acquiesça-t-il.

— Le maquillage, en revanche, reprit Liliane avec un sourire aux lèvres, c'était une catastrophe.

— Une catastrophe? Scintillantes sur le visage de Fred, deux billes noisettes étonnées, et contentes de l'être, la fixèrent.

— Oui, et pourtant c'est une époque et une classe très documentées. Ils n'ont pas mis de blanc - la céruse -, sur le visage des femmes nobles... Bien sûr, il ne s'agit pas de mettre de la véritable céruse, c'est bourré de plomb, et complètement toxique - d'ailleurs, on le savait depuis l'Antiquité, tu imagines un peu-, mais plein de substituts existent. La craie, par exemple!

Fred, qui ne semblait plus écouter son monologue avec grande attention, ses cheveux châtains devant des yeux qui semblaient voler vers l'horizon, vivre des aventures formidables, tout en restant fiché sur l' escalier qu'ils venaient de descendre,- réagit soudainement à sa dernière phrase. Il releva sa tête et prononça d'un air très sérieux:

— Les actrices auraient eu une véritable face de craie.

— C'était un standard de beauté à l'époque! répondit Liliane, après avoir émis deux ou trois gloussements, secouée par la dérision qu'emportait chez lui le sujet du réalisme historique à l'écran, ayant choisi de se raccrocher à cette information évidente comme à une bouée dans la mer.

— Peut-être, mais moi, répondit-il lentement en s'approchant d'elle et se délectant de chaque pas, je préfère les jolies peaux ambrées comme la tienne.

De très près, le visage de Fred était un voyage à refaire, une randonnée que l'on fait dans la même montagne mais par d'autres chemins, savourant ainsi de nouveaux points de vue, et, comparant tel arbre du paysage à la vision qu'on en avait autrefois, s'émerveillant de ce que quelque chose peut être à la fois si semblable et si différent selon ce qui l'entoure. Et c'était monts et vallées que son visage, bosquets, arbres vigoureux, roches fières et ardentes et frondaisons douces et luxuriantes de ses dix-neufs ans. 

Il approcha sa main de son visage et traça le contour de sa pommette. La pression qu'exerçait ses doigts sur sa peau était beaucoup trop forte. Son cœur s'accéléra. Elle ne pouvait pas tenir plus longtemps. Liliane se dégagea brusquement. Une main en arrière, l'autre posée sur la pommette victime de la douce caresse. Une expression de terreur intense étirait chacune des parcelles de son visage.