8 - Séduction
Un poids lourd semble m'écraser la poitrine, m'empêchant de reprendre ma respiration. La nausée me tiraille, alors qu'une vive douleur pulse dans mon crâne. J'ouvre brutalement mes paupières, cependant, le peu de luminosité de la pièce ne me permet pas de savoir où je me trouve. Durant un court instant, tout se brouille dans mon esprit. Des images distordues, des murmures indistincts, des fragments de mon cauchemar. Est-ce que je suis encore dedans ? Ou est-ce que je suis réveillé ?
Puis lentement, ma vision s'ajuste, et le blanc immaculé du plafond de ma cellule m'apparait.
Je ne rêve plus, je suis de nouveau dans cette réalité cruelle et implacable qu'est ma vie en prison. L'humidité et le froid glacial de la cellule viennent me brûler la rétine, et je me rends compte que des larmes sont coincées dans le creux de mes yeux. Je mets du temps à décider de relever mes mains jusqu'à mon visage, pour venir frotter mes paupières afin de chasser toute trace d'eau. Je n'arrive pas à me souvenir de mon cauchemar, mais ce n'est pas plus mal.
Mais ce dont je me souviens à contrario, ce sont les évènements de la veille. Ma captivité, si je puis dire, dans cette pièce dédiée à la tuyauterie. Puis mon altercation avec ce maton hostile et corrompu. Et finalement, les menaces de représailles de la part d'un des frères Ziegler.
On ne peut pas dire que ma journée était une réussite.
Surtout que j'ai évidemment manqué la balade extérieure du jour, car j'ai pris trop de temps à reprendre mes esprits, et à chercher mon chemin. J'ai donc préféré me cacher à la bibliothèque, car je sais que là-bas, il n'y a que très peu de détenus, et en général, ce sont les plus calmes, ou les plus âgés. Quand il était l'heure de prendre ma douche, je m'y suis rendu, la boule au ventre. Cependant, il n'y avait pas grand monde à l'horaire que j'ai choisi. Il n'y avait aucun des frères Ziegler. Il n'y avait personne que je connaissais, en réalité.
Du moins, je crois. Je ne faisais pas attention à ceux qui m'entouraient. Le soir, je n'ai pas été dîner. Je n'avais pas faim. Même les gâteaux offerts gentiment par Maître Cha ne me donnaient pas envie. Je suis donc resté dans mon lit, recroquevillé sous ma fine couverture, qui est en réalité un drap. Je n'ai pas été dérangé, jusque tard, dans la soirée. Une sonnerie a retenti, et j'ai légèrement paniqué, mais ce n'est pas grand chose. Juste l'appel. C'était mon premier, depuis que je suis ici.
Je pousse un léger soupir, avant de jeter un coup d'œil vers la petite fenêtre au bout du lit superposé. Le soleil peine à se lever aussi, on dirait. Il est sûrement très tôt. Mais je n'ai plus sommeil. Je me redresse en position assise, puis vient refermer les pans de ma veste, plutôt chaude, je dois bien l'avouer. Mon avocat pense vraiment à tout. Bien plus que moi. J'étais pourtant quelqu'un d'assez organisé et prévoyant. Avant mon incarcération.
Ça me parait si lointain, l'époque où j'étais dehors. Libre. Alors que c'était seulement il y a quelques jours.
Une décharge électrique dans l'épaule me fait grimacer, et j'appuie sur cette dernière, où j'ai probablement un bleu. Je peux remercier ce garde, Nell. C'est lui qui m'a poussé contre le mur. En y mettant toute sa force. Il avait la volonté de me blesser. En repensant encore à toute cette histoire, je viens poser mes mains à plat sur mes jambes, afin d'observer le dos de mes mains. Mes phalanges sont douloureuses, elles aussi. Je me suis ouvert, en frappant si fort cette fichue porte métallique.
Mais ce n'est pas ça le pire, non. C'est mon cou. Il me brûle. Je peux encore sentir la main d'Alaric Ziegler sur ce dernier. Par réflexe, je viens glisser mes doigts sur ma peau, qui n'a probablement pas grand chose, cependant, intérieurement, j'ai l'impression qu'il m'a marqué au fer rouge. Sa poigne était si dérangeante, que je ne parviens pas à l'effacer de ma mémoire.
A tout bien y réfléchir, le souvenir de la poigne de Taehyung sur mon cou n'était pas si incommodant que ça. Au contraire. Mais avec les récents évènements, je peine à m'en rappeler. Comme si la main du tatoué avait effacé toute trace du patron. Et je n'aime vraiment pas ça. Mais j'ai conscience que je ne devrais pas. De toute façon, Taehyung a décidé de m'ignorer toute la journée de la veille. Comme si je n'existais pas.
Comme s'il ne m'avait pas coincé dans les douches.
Je peine sincèrement à le suivre. Le rosé m'a pourtant dit qu'il n'aimait pas jouer au chat et à la souris. Alors c'est quoi son problème, au juste ? Il m'envoie des regards assassins et me menace subtilement la semaine A, m'ignore la semaine B, et sous-entend qu'il peut devenir mon protecteur la semaine C. Je ne le comprends définitivement pas. Il est comme une énigme qui refuse d'être résolue. Un véritable mystère. Est-ce que Jimin parvient à discerner son caractère ?
Car au final, il semble avoir tellement de facettes, que je ne peux deviner laquelle est la vraie.
Je finis par laisser mon cou tranquille, puis sors du lit pour descendre discrètement à l'échelle, essayant de faire le moins de bruit possible. Kim Taehyung semble encore dormir, je ne vois pas son visage, et je ne compte pas m'y risquer. Je m'avance jusqu'au toilette pour vider ma vessie, avant de fermer la cuvette pour tirer la chasse d'eau, espérant masquer au maximum le bruit. Qui sait ? Peut-être qu'il se transforme en véritable démon des enfers s'il est dérangé dans son sommeil.
Je me crispe en entendant les draps se froisser dans mon dos. Il bouge peut-être dans son sommeil ? Encore une fois, étant bien trop trouillard pour vérifier, je ne me retourne pas, et me dirige jusqu'au lavabo pour me laver les mains. Je grimace légèrement au contact du savon sur mes blessures, mais essaie de ne pas m'y attarder. Dans le miroir face à moi, j'aperçois du mouvement, du coin de l'œil. Et cette fois-ci, je ne peux pas l'ignorer.
Il vient de se lever, et il me fixe à travers le miroir.
J'éteins l'eau, puis ne bouge plus, laissant mes mains au-dessus du lavabo, les gouttes glissant sur mon épiderme. Mon souffle devient peu à peu erratique, d'autant plus lorsque le criminel décide de s'avancer vers moi, d'un pas lent mais assuré, et je ne le quitte pas des yeux. Comme une proie ne doit pas lâcher son prédateur, pour assurer sa survie. N'est-ce pas ? J'ai une chance de m'en sortir vivant ? Sans nouvelle plaie à mon compte ?
Alors que je peine à raisonner convenablement, une sensation étrange me fait tressaillir. Un frisson glacial parcourt mon dos, comme si quelqu'un venait de m'effleurer. Et c'est le cas. Car ma nuque se tend instantanément en sentant un souffle chaud l'effleurer. Il est là. A quelques centimètres de moi. Il me touche presque. Mon cœur s'emballe soudainement, mais je me force à ne pas bouger, à ne pas trahir ma panique. Il est là, juste dans mon dos.
Il me scrute, de haut en bas, à travers nos reflets. Taehyung penche légèrement sa tête sur le côté, comme pour mieux me voir, et je manque de défaillir à ce geste. Il détaille tout mon corps, sans oublier la moindre parcelle. Il s'attarde sur mon gilet. Sur mes yeux gonflés. Sur ma chevelure en bataille. Sur mes lèvres rongées. Sur mon cou strié. Et enfin, il quitte le miroir pour laisser ses pupilles sombres retombées sur mes mains, encore humides, au-dessus du lavabo, comme s'il m'avait ordonné de ne pas bouger.
Et peut-être qu'il l'a pensé. Et que je l'ai entendue.
Bien que je peine à réfléchir, je parviens tout de même à déceler une chose. Kim Taehyung a un immense contrôle sur ma personne. Et ce, sans avoir besoin de parler. Il lui suffit de simplement être là. Sa présence même, semble me soumettre. Il n'a pas besoin de faire quoi que ce soit. Uniquement son souffle, son odeur, cette aura autoritaire, suffisent à me paralyser sur place. Face aux Ziegler, je parviens un minimum à garder contenance, à essayer de me débattre, à leur répondre.
Mais pas face à lui.
Le criminel s'approche encore, réduisant le peu d'espace qu'il y avait entre nous, et je peux sentir son torse contre mon dos. Mais il n'y a pas que ça. Car sa main vient lentement remonter le long de mon corps, jusqu'à atteindre mon épaule, où il y dépose ses doigts d'une lenteur calculée, et ce contact déclenche une nouvelle vague de frissons sur tout mon corps. Je ne l'avais pas remarqué, mais j'ai quitté ses yeux, pour examiner sa main à la place. Je me retrouve à essayer de deviner son prochain mouvement.
Kim Taehyung possède toujours autant de bagues, et malgré le peu de luminosité dans la pièce, je peux également déceler les quelques veines qui serpentent sous sa peau. Puis ses doigts finissent par se mouvoir, d'une curieuse délicatesse, il effleure ma clavicule, pour finir son chemin sur la base de mon cou. Et je ne dis rien, bien trop captivé par ce qu'il est en train de me faire. De provoquer, chez moi. Car je suis incapable de deviner pourquoi il fait ça, dans quel but.
Est-ce un geste menaçant ? Ou alors.. tout autre chose ?
-Tu trembles. Sa remarque me ramène presque à la réalité, je dis bien presque, car j'ai toujours autant l'impression d'être en transe.
Néanmoins, il a raison. Et ça me frappe de plein fouet. Je tremble, légèrement, mais c'est perceptible. Surtout que son corps à lui, collé à mon dos, est totalement immobile.
-Pourquoi ? Finit-il par demander de sa voix grave, alors que sa main se resserre doucement autour de ma gorge.
Un éclair de panique traverse mon esprit. Cette position si familière me rappelle l'attraction de la veille, avec le frère Ziegler. Il me tenait exactement comme ça, par le cou. Cependant, c'est avec effroi, que je me rends compte que les sensations sont tout autres, avec Kim Taehyung. Là où la poigne d'Alaric était brutale et étouffante, celle du noiraud est tout autre. Je peine à garder contenance, et mes poings viennent soudainement s'agripper aux rebords du lavabo, si bien, que mes jointures blessées doivent probablement blanchir sous la tension.
-Je.. je.. ne sais pas. Bégayé-je difficilement, d'un ton presque inaudible.
Étonnement, ma réponse provoque chez Taehyung un léger rire expiré, auquel je ne m'attendais absolument pas. Il n'a pas l'air menaçant, et pourtant, il est toujours aussi intimidant.
-Vraiment ? Demande-t-il sur un ton presque moqueur, alors que ses doigts desserrent leur pression, pour venir glisser cette fois-ci jusqu'à ma nuque, chatouillant mes quelques mèches de cheveux au passage.
Et soudainement, le criminel vient exercer un léger appui sur ma nuque, m'obligeant à m'incliner quelque peu la tête. Ce n'était pas douloureux, c'était uniquement pour me faire comprendre qu'il avait un contrôle total sur moi. Mais ça, je le savais déjà. Mon cerveau peine à analyser correctement la situation, une fois de plus. Par contre, je peux très bien sentir un changement, derrière moi. Mon dos n'est plus collé à lui, par contre, le bas de mon corps l'est.
-Dis-moi Jungkook. Est-ce que tes tremblements sont liés à ta crainte, ou à ton excitation ?
Son murmure me traverse comme une lame. Ce n'est pas une question anodine, il me force à réfléchir, à affronter ce que je ressens. Néanmoins, ma gorge nouée et ma bouche sèche m'empêchent de lui répondre. J'aimerais dire quelque chose, me défendre, essayer de le contredire, mais les mots ne viennent pas.
Car au fond, je ne sais pas. Ou peut-être, que je ne veux pas savoir.
De la crainte, ou de l'excitation ? Face à lui, la différence me semble si fine. Son pouce vient légèrement caresser ma peau sensible, comme pour me faire réagir, me forcer à répondre.
Je détourne le regard lorsqu'il vient chercher le mien à travers le miroir, plaçant son menton proche de mon épaule. Je ne veux pas. Non. Je ne veux pas admettre ce qui est en train de se passer. Ce que je suis en train de ressentir. Cette chaleur grandissante dans le creux de mes reins.
Qu'est-ce que ça serait plus simple, si ce n'était que de la peur. Mon corps entier est tendu, mes muscles sont raides, et mon esprit est comme paralysé. Et pourtant, cette étrange chaleur commence à envahir mon corps, contre toute logique. Il fait si froid dans cette cellule, mais son aura est si brûlante. Le contraste est violent.
-Et si je te montrais la différence, mh ? Poursuit Taehyung d'un ton doucereux, chaque mot glissant de sa bouche sonne comme du venin sucré.
Ma poitrine se soulève subitement, et cette fois-ci, mes genoux vacillent. Je ne parviens plus à contrôler mon corps, comme si ce dernier ne réagissait qu'à l'homme dangereux qui se trouve derrière moi. Il émet une nouvelle pression sur ma nuque, me forçant à me pencher davantage, pas trop non plus, juste assez, à sa guise.
Mon corps tressaille une fois de plus lorsque sa seconde main vient frôler ma hanche, pour remonter lentement sous ma veste et venir attraper ma taille, qui paraît si fine, si fragile, dans sa poigne de fer. Et dans cette brume oppressante qu'il a tissée tout autour de moi, mes pensées décident elles aussi de me jouer des tours, m'envoyant des images obscènes, qui ne sont pas adaptées pour un pareil moment de tension. Ou alors, elles le sont peut-être ?
-Tu veux que je m'arrête ? Souffle-t-il proche de mon oreille.
Je peine à formuler une réponse convenable, ma bouche s'entrouvre légèrement, mais il n'y a qu'un faible soupir qui en sort. Si je lui réponds pas la positive, est-ce qu'il s'arrêtera réellement ? Non, ce n'est pas la question que je me pose réellement. C'est plutôt, est-ce que j'ai envie qu'il s'arrête ? Je devrais, avoir envie qu'il s'arrête.
Il s'agit de Kim Taehyung. Je ne peux pas me permettre de désirer un homme tel que lui !
-Je..
-Tu..?
-Je.. ne sais pas..
-Tu n'as pas l'air de savoir grand chose.
Ce n'était pas un reproche, plus comme une remarque. Quand il m'a demandé pourquoi je tremblais, plus tôt, je n'ai pas su lui donner une vraie réponse. Tout comme maintenant. Parce que je suis perdu. Là voilà, la raison. Je suis tiraillé entre plusieurs émotions. Je sais qu'il n'est pas quelqu'un de bien. C'est un criminel. Je devrais le fuir, tout comme je souhaite fuir les trois frères.
Mais je n'y arrive pas.
-C'est.. Les mots se perdent une fois de plus, car sa poigne sur ma taille s'est resserrée, me coupant presque la respiration.
-Je ne suis pas du genre à avoir envie de quoique ce soit, quand la personne face à moi est sceptique.
Et je ne sais toujours pas pourquoi, mais je ressens son affirmation comme quelque chose d'atrocement séduisant. Je me gifle mentalement, me sentant encore plus idiot d'avoir de telles pensées. Cependant, ce qu'il vient de me dire sonne réellement comme une délivrance. Contrairement aux jeunesses hitlériennes, Kim Taehyung ne me fera rien, si je ne le veux pas.
C'est bien ça, qu'il a voulu dire ? N'est-ce pas ? Est-ce qu'il vient donc, de me demander mon consentement ?
S'assurer du consentement de son partenaire, c'est la règle d'or. Il ne faut pas l'applaudir non plus, car c'est quelque chose de normal, que toute personne sensée devrait faire. Mais provenant d'un criminel, du chef d'un réseau de malfrats, d'un détenu, oui, c'est plutôt inédit. Kim Taehyung a l'air d'être le genre d'homme à prendre, sans jamais demander la permission, agissant selon ses propres désirs et intérêts, au-dessus des règles. D'une autorité incontestée, il semble se moquer pas mal de l'avis d'autrui, son pouvoir et ses décisions étant l'ultime loi.
Oui, un peu comme si tout lui appartenait. Et pourtant, il a l'air de s'intéresser à moi. A chercher à savoir ce que je pense. Ce que je souhaite. Alors je dois m'assurer qu'il dit la vérité, que je n'ai pas rêvé ses paroles.
-Je ne veux pas.. avoir mal. Terminé-je difficilement, le regard toujours rivé sur le lavabo de notre cellule.
Son pouce caresse une fois de plus ma nuque, et mon pouls s'emballe d'autant plus face à ce geste si doux, si contrôlé, si attendu.
-Qui a dit que tu allais avoir mal ?
-Vous.. vous n'allez pas me faire de mal ?
-Tout dépend où se situe ta tolérance à la douleur. Réplique-t-il dans un faible rire expiré, et j'ose relever les yeux jusqu'à lui.
L'intensité de ses pupilles sombres me frappe, mais ce qui me surprend, c'est son sourire. Un rictus en coin, non pas malsain, plutôt comme, charmant ?
-Je..
-Je ne compte pas te blesser, reprend le noiraud sans me laisser finir, sauf si tu me le demandes.
Mon estomac se tord, et je n'ai pas le temps d'essayer de bredouiller quelque chose, une fois de plus, car sa main dans ma nuque vient effleurer de nouveau mon cou, avant d'empoigner sans trop de fort mon menton pour me redresser subitement, dévoilant mon cou au passage.
-Qui t'as fait ça.
Ça ne sonnait pas comme une question, mais comme un ordre.
Toute forme de séduction dans sa voix a disparu, pour laisser place à quelque chose de bien plus sombre. Il fixe mon cou strié, et je devine qu'il parle de la marque laissée par la poigne du frère Ziegler. Et un éclair passe, comme une idée, plutôt farfelue, mais je tente, avec le peu d'audace que je parviens à rassembler.
-Pourquoi..?
A travers nos reflets, le patron penche de nouveau sa tête sur le côté, puis fronce les sourcils. Il m'observe sans détour, d'un regard pénétrant qui semble chercher à m'assujettir, ou à me transmettre une menace voilée. Il me prévient, je crois. Oui, il m'avertit, que si je ne lui réponds pas, cela risque de tourner au vinaigre.
-C'est.. Alaric Ziegler. Je baisse le regard, ne parvenant plus à soutenir le sien.
-Tu lui avais pourtant dit, que tu avais déjà un protecteur.
-Il faut croire que.. que le mensonge.. n'a pas fonctionné..
-Le mensonge ?
Je relève de nouveau les yeux vers lui, timidement. Il n'a pas l'air surpris, mais il me pose tout de même la question. Il sait de quoi je parle, je le sais très bien. Alors, je peine à lui donner une réponse convenable.
-Oui le.. la.. la protection..
-Ce n'est plus un mensonge, Jungkook.
Je crois rêver un instant, et pourtant, j'ai bien entendu. Il a bien murmuré ces quelques mots à mon oreille, sans me lâcher du regard, ne voulant rien louper des mes réactions. Qui ne se font pas attendre. Mes pupilles s'écarquillent, mes lèvres se décollent, mes sourcils se réhaussent et ma respiration se coupe brutalement. Comme si le temps s'était arrêté, durant un court instant.
Ce n'est plus un mensonge ? Alors, il se considère comme mon protecteur ? Depuis quand ?
-Mais.. alors.. je..
-Contente toi de continuer à te faire discret. De ne pas créer de problèmes. D'être sage. Et tout se passera bien pour toi. Tu sais faire ça, n'est-ce pas ?
N'arrivant plus à me prononcer, j'en tiens à acquiescer, bien que difficilement, à cause de sa main encore sur ma mâchoire. Cependant, celle-ci disparaît rapidement, tout comme sa poigne sur ma taille d'ailleurs. Il s'éloigne de quelques centimètres, provoquant un immense courant d'air à mon encontre.
-Bon garçon.
[...]
Installé nonchalamment sur le banc, une jambe de chaque côté de ce dernier, je tapote nerveusement mon crayon sur mon cahier, qui lui aussi, repose sur le banc. Je peine à me concentrer, trop perturbé par la proximité de Kim Taehyung et de ses compères. Depuis la scène de ce matin, entre le criminel et moi, il ne m'a plus rien dit, ni même regardé. Ce midi, j'ai mangé en leur compagnie, sous la pression du rosé, évidemment, je ne me serais jamais pointé à leur table sans y être invité. Surtout lorsque j'ai croisé le regard assassin de Min Yoongi..
Et quant il fût l'heure de la balade, Jimin m'a aussi entraîné à sa suite.
Il m'a abandonné, depuis que l'on s'est installé sur ces bancs - moi en retrait. Il discute avec son fiancé officieux. C'est le jeune détenu d'ailleurs, qui m'a donné ce crayon et ce carnet vierge, il m'a dit que c'était pour la Une du New York Times que je dois rédiger pour lui. J'essaie donc de me concentrer là-dessus, mais je suis bien trop occupé à penser à ce matin, à ce qu'il s'est passé dans la cellule. Je sursaute lorsque les fesses du rosé se posent à côté du cahier, et je relève les yeux jusqu'à lui.
-T'es encore sur Terre JK ? Je cligne plusieurs fois des yeux, afin de me reconnecter au monde réel.
-Hm, oui, bien-sûr.
-Ça n'avance pas trop dit. Il désigne du menton la pauvre feuille vierge que je martelais de mon crayon il y a encore un instant.
-Ça va venir, il faut juste que je trouve le visuel.
-Le visuel ?
-Oui, la manière dont mes idées seront organisées.
-Ah. J'ai besoin de savoir un truc. Chuchote-t-il en se penchant légèrement vers moi.
-Oui ? Je jette un coup d'œil au groupe de détenus installés un peu plus en hauteur, avant de me reconcentrer sur Jimin.
-La blessure, à ton cou, c'est pas Taehyung, je me trompe ? Je toussote face à sa question, comme si je craignais que le concerné nous entende.
-Non, bien-sûr que non.
-Ouais, donc c'était l'aîné des Ziegler ?
-L'aîné ?
-Alaric.
-Oh. Oui.. Comment tu sais ça ? Demandé-je quelque peu gêné, ne souhaitant pas me remémorer les images de notre altercation.
-T'as rien remarqué ? Vraiment ?
Je fronce les sourcils inconsciemment et je viens examiner la cour dans son ensemble, m'attardant sur chaque groupe de détenus, avant de trouver ce dont il parle. Les frères Ziegler. Du moins, deux d'entre eux. Le troisième a disparu. Enfin, il n'est pas là. Alaric Ziegler manque à l'appel.
-Il n'est pas là ?
-Yep. J'ai su que quelqu'un, sans citer de nom, avait envoyé notre cher adepte d'Hitler en isolement.
-Taehyung ?
-Pss ! Baisses d'un ton, je suis pas censé en parler. Mais tu me connais maintenant, je suis curieux. Alors racontes JK, il s'est passé quoi entre vous ?
-Entre.. Alaric et moi..?
-Mais non idiot, entre Kim et toi.
C'est la première fois que je le vois l'appeler par son nom de famille. J'aurais pu rire, si le contexte était différent, et que mes joues ne devenaient pas cramoisies.
-Qu'est-ce que tu vas t'imaginer..
-Allez, à d'autres. C'est écrit sur ton visage toute façon.
-Tu peux pas demander à ton copain ! Murmuré-je en m'agitant sur le banc, n'arrivant pas à rester en place.
-Taehyung n'est pas du genre à raconter ses ébats à Yoongi.
-Ses éba- Il n'y a rien eu de ça ! M'exclamé-je sans contrôler mon timbre de voix, et plusieurs têtes se tournent vers nous.
Ne souhaitant pas affronter un regard en particulier, je me mets à fixer la page blanche sous mes yeux. Si celle-ci pouvait m'avaler tiens !
-En discrétion t'as eu 0/10 toi. Me reproche le rosé toujours dans un murmure, alors que l'attention sur nous se dissipe peu à peu.
-Je n'ai pas.. avec Taehyung.. Non, je n'ai pas fait ça.
-Ça va je juge pas, si tu savais ce qu'il se passait dans la cellule voisine à la tienne.
Je ne mets pas longtemps à réaliser qu'il parle de la sienne de cellule. Cependant, contrairement à lui, je n'ai pas trop envie de savoir. Imaginer mon ami pratiquer le sexe ne me dérange pas tant que ça. Entre amis, on peut parfois se partager pas mal de secrets. C'est plus Min Yoongi, qui me dérange. Il est si froid, implacable, presque malveillant.
-Pas trop envie de savoir..
-Et bien moi si. Allez JK, je veux trop savoir. Il s'est forcément passé quelque chose ?
Pour qu'il vire Alaric Ziegler de la circulation, effectivement, il s'est passé quelque chose. Je ne m'attendais d'ailleurs pas à ce qu'il réagisse si.. comment dire.. si exagérément ? Comment a-t-il fait pour envoyer un détenu en isolement ? Est-ce que c'est facile ? Est-ce qu'il a inventé un mensonge ?
-Il.. Il m'a juste dit que.. Enfin, tu sais, qu'il était bien mon protecteur. J'ai bien eu du mal à l'avouer.
-Wow, la dinguerie.
-Mais je n'ai pas.. On n'a pas..
-Ça ne saurait tarder. Je relève subitement la tête vers le jeune détenu qui m'envoie un clin d'œil emplit de sous-entendus.
-Quoi..?
-Et bien oui, il s'attend sûrement à ce que vous.. Il laisse volontairement la fin de sa phrase mourir pour la remplacer par un sourire suggestif.
-Mais.. Je suis pas prêt pour ça.
-C'est-à-dire ?
-Et bien.. On n'a pas de préservatif.
Est-ce que mon unique doute repose vraiment sur le simple manque de protection ? Je me gifle mentalement pour avoir sortie une bêtise comme celle-ci. Je devrais être effrayé à l'idée d'avoir un rapport avec un criminel. Avec quelqu'un que je crains. Avec une personne si intimidante.
Avec un détenu, tout simplement !
-Quoi, juste ça ? Ricane mon ami en secouant la tête.
-Je sais pas.. C'est, on est en prison, alors..
-Et alors ? Tout le monde baise ici, ils veulent juste pas le dire. Et tu peux facilement trouver des capotes, je te signale.
-Mais.. c'est pas juste ça..
-Tu cherches des excuses ? Tu sais, si tu m'avoues que tu as envie de lui, je ne vais pas aller lui répéter.
-Il est menaçant, troublant et.. impressionnant..
-C'est tout ? Ça n'empêche pas de désirer quelqu'un ça, au contraire.
Est-ce que c'est l'impression que je donne ? Me chercher des excuses ?
-C'est pas.. juste des excuses. Tenté-je pour me défendre, sans trouver d'autres arguments.
-JK, si tu n'avais pas envie de lui, tu me l'aurais tout simplement dit, et la conversation se serait stoppé à ce moment-là.
Ok, alors en plus d'être curieux, il est très bon en analyse. Je suis foutu..
-J'ai.. Si, j'ai quand même peur de lui.
-Là, effectivement, ça peut poser problème. Mais attends, tu as choisi Taehyung comme protecteur alors que tu as peur de lui ? Dis-moi JK, tu serais pas un peu maso ?
-Je.. Tu penses ? Ma soudaine inquiétude le fait rire de nouveau.
-C'est pas grave si tu l'es hein. En plus, on est enfermé ici, quoi de mieux pour assouvir ces besoins ?
-Je pense pas l'être Jimin..
-Alors pourquoi tu as choisi Taehyung ?
Parce qu'il m'obsède.
Non, je ne peux pas répondre ça, je vais passer pour quelqu'un de vraiment bizarre.
-Et toi, pourquoi tu as choisi Yoongi ?
-Ouh la contre-attaque. J'aime bien. Je m'incline.
Sa réponse me provoque un léger sourire, et je griffonne sur mon carnet, avant de me mettre à écrire quelque chose, attirant de nouveau l'attention du rosé qui parcourait la cour du regard.
-Tu es inspiré ?
-Maintenant, oui.
-Tu écris quoi ?
-Je vais pas te spoiler quand même.
-Oh allez, toute façon j'ai rien d'autre à faire que t'écouter.
-Je vais commencer par ta personnalité.
-Ma personnalité ? Tu m'intéresses.
-J'en dirai pas plus.
-T'es pas drôle JK. Soupir le jeune détenu en enfonçant ses mains dans ses poches.
Il y en a des choses à dire, sur la personnalité de Jimin !
❝ ❞
ALERTE protection confirmée..
J'ai beaucoup aimé écrire la première partie entre les deux protagonistes !
Je veux vraiment conserver cette tension, ce côté intimidant, presque secret, tout en faisant un clin d'œil au consentement, OF COURSE !
Alors Taehyung, homme capable ouuuu ? Je devrais même dire, protecteur capable ouuuu ?
PS: je suis tombée malade samedi dernier, j'ai eu 3 jours d'arrêt.. Je pensais que j'allais pouvoir écrire mais au final j'étais clouée au lit :')
PS 2: du coup je sais pas du tout s'il y aura un chapitre la semaine pro, MAIS normalement il y en a un !!
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