7 - L'écho de la rage
Le bruit assourdissant indique l'ouverture de la grille métallique, et tous les détenus, y compris moi, avançons en direction de la salle dédiée aux parloirs. Pour l'instant, je n'ai pas encore le droit au parloir fermé, alors je suis obligé de rencontrer mon avocat ici, heureusement, il y a plusieurs tables carrés, où les prisonniers s'y rendent. Ils saluent leurs familles, leurs enfants, leurs femmes, leurs parents.
Pour ma part, je balaye la salle des yeux, puis tombe finalement sur mon visiteur.
Maître Cha. Mon avocat, il est là, devant moi, à quelques mètres. Voir son sourire fait naître quelques larmes dans le coin de mes yeux, et je m'avance jusqu'à lui, d'un pas un peu plus précipité que je ne le voudrais. Il se lève lorsque j'arrive à son niveau, et il se laisse également faire lorsque je le prends dans mes bras, ne cherchant pas à me repousser. Il a sûrement deviné que j'en avais besoin.
Et qu'est-ce que ça fait du bien, d'être dans les bras d'une personne qui veut notre bien. D'une personne qui nous soutient depuis bien longtemps. D'une personne qui croit en notre innocence. Ce n'est pas un détenu, c'est un avocat. Ses vêtements sentent atrocement bon, la lessive. Du parfum également.
-Bonjour Maître Cha. Je finis par me détacher de lui, souriant nerveusement, avant d'essuyer rapidement mes larmes.
-Juste Eunwoo, Jungkook.
-Oui, pardon, Eunwoo. Répété-je en m'installant sur la chaise, il prend place face à moi, et inconsciemment, j'attrape ses mains, et il en fait de même.
Il doit avoir l'habitude, lorsque des clients à lui sont envoyés pour la première fois en détention.
-Comment est-ce que vous allez ? Me questionne alors l'avocat, le visage sérieux, malgré son regard qui se veut rassurant.
-Ce n'est pas exceptionnel. Mais ça pourrait être pire. Rétorqué-je en essayant de conserver mon faible sourire.
-Vous savez que vous pouvez consulter un psychologue ici, c'est gratuit pour les détenus.
-Oh. Non, je ne savais pas.
-N'hésitez pas si le besoin s'en fait ressentir.
-Oui, merci.
-Je vous ai apporté quelques affaires. Il lâche finalement mes mains pour prendre un sac à dos qui reposait à terre, puis il le met sur la table.
Je jette un coup d'œil derrière-moi, là où se trouve le garde.
-Vous avez le droit ?
-Bien-sûr, le contenu est vérifié à mon arrivée. Et il sera contrôlé une fois de plus lorsque vous quitterez le parloir.
Maître Cha ouvre alors le sac, pour me montrer brièvement son contenu. Et en voyant toutes ces affaires, les larmes manquent une fois de plus de remonter, mais je parviens à les retenir.
-Une veste chaude, pour le changement de température. Je vous ai également mis quelques affaires à mettre sous votre combinaison. Au fond, il y a des biscuits sucrés et salés, ça peut vous réconforter, la nourriture n'est pas réputée pour être des meilleures, ici. N'hésitez pas à me réclamer autre chose, j'ai encore vos affaires à mon cabinet.
C'est vrai que j'ai dû rendre mon appartement, alors Maître Cha m'avait proposé de stocker une partie dans la réserve de son cabinet. Je lui en suis très reconnaissant.
-Merci, mais je n'ai pas de quoi vous payer, une fois de plus.. Vous pouvez toujours vendre mes affaires si jamais vous-
-Ça me fait plaisir Jungkook. Je vous offre tout ça, parce que je n'ai pas pu prouver votre innocence lors du procès. Je déglutis difficilement avant de lui sourire de nouveau, un peu plus sincèrement.
-Ce n'est pas de votre faute. Mais merci beaucoup, je vous en suis très reconnaissant. Déclaré-je en m'inclinant légèrement.
-Je continue de chercher des éléments de preuves Jungkook. Ça n'a rien donné pour l'instant, mais je n'abandonnerai pas.
-Encore merci Eunwoo, sincèrement.
-Alors dites-moi, comment ça se passe, votre semaine d'intégration ? Les détenus ne sont pas virulents avec vous ?
Je pince violemment mes lèvres entre elles en pensant à Kim Taehyung. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de lui parler de lui. S'il apprend que j'ai parlé de lui à un avocat, il risque peut-être de faire le lien, et de me reconnaître. Non, je me suis juré de ne plus parler de Jong Jungho, celui qui a témoigné à ce procès. Il n'est plus, je suis redevenu Jeon Jungkook, et je le resterai.
-Ça va, c'est pas si mal. Je me suis fait un ami.
-Oh, vraiment ?
-Oui, il a l'air plutôt sincère.
-Faites tout de même attention à vous Jungkook.
-Oui, bien-sûr.
Je ne compte pas lui parler des frères Ziegler non plus. Je ne veux pas l'inquiéter, alors qu'il se démène déjà pour essayer de me sortir de là, alors que je ne peux même plus le payer..
-Vous pouvez me téléphoner quand vous le voulez Jungkook. On pourra fixer ma prochaine visite. Sauf si j'ai du nouveau avant, je viendrai vous voir plus tôt.
-D'accord, on peut faire ça. Je lui renvoie son sourire alors qu'une nouvelle sonnerie retentit.
-Fin des visites ! Un agent pénitentiaire indique qu'il est temps de se quitter.
-Bon courage Jungkook. Je suis avec vous.
-Merci beaucoup Eunwoo.
On se lève tous les deux et une fois de plus, je le prends dans mes bras, savourant encore un court instant cette sensation de sécurité, de normalité. Je lui offre un dernier regard avant de récupérer le sac pour passer de nouveau ces grillages que je déteste tant.
[...]
De retour dans ma cellule, je reviens à la réalité lorsque mes yeux se posent sur le drap taché de sang qui recouvre l'entrée. J'étais encore dans ma petite bulle, à me dire à quel point j'ai de la chance d'avoir un avocat si bienveillant. Quand j'entre dans l'espace étroit, je tombe immédiatement sur Taehyung, installé sur le bord de son bureau, alors que Yoongi est sur la chaise. Je me fige en voyant qu'ils relèvent leurs regards perçants sur moi.
Avant de fixer mon sac.
Ils ont également cessé de discuter entre eux. Il y a tout un tas de papier sur le bureau, et j'y vois même une arme blanche. Un tout petit couteau, qui semble avoir été fabriqué avec les moyens du bord. Ça me refroidit instantanément, et je me détourne de cette vision gênante et anxiogène. Je m'avance doucement jusqu'à l'échelle, essayant d'oublier vainement les regards brûlants dans mon dos.
Pourquoi ils ne parlent pas ?
-C'est quoi ça ? La question provient de l'homme à la chevelure cendrée.
Et cette constatation me terrifie. J'ai su que ce n'était pas Kim Taehyung qui m'avait interrogé, car je sais reconnaître sa voix. C'est atrocement perturbant.
-Pardon ? Avant d'atteindre l'échelle, je m'arrête pour jeter une œillade timide dans mon dos.
Contrairement aux pupilles du patron qui sont souvent dénuées d'émotions, qui ne laissent rien transparaître, c'est tout le contraire avec celles de Min Yoongi. Ses yeux semblables à ceux d'un lynx me transpercent d'une haine et d'une méfiance non dissimulée. Il me déteste, lui, j'en suis sûr, ça n'en fait aucun doute.
-Je t'ai posé une question. Siffle le cendré en se levant subitement pour s'avancer vers moi.
Si vite, que je prends peur et recule d'un pas, mais ça ne sert à rien, puisque Yoongi m'atteint tout de même, avant de m'arracher le sac des mains. Et j'aimerais beaucoup, réussir à lui tenir tête. Lui dire d'aller se faire foutre, et récupérer mon sac. Mais je ne peux pas. D'une, parce que je sais qu'il a appuyé sur cette gâchette dans ce hangar, à deux reprises. De deux, car il a tué ce pauvre homme qui était déjà blessé par ses soins. De trois, parce qu'il est effrayant.
Et de quatre, parce que le regard sombre de Taehyung est posé sur ma personne. Et ça me fige sur place. J'ai l'impression qu'il m'analyse, qu'il attend de voir une quelconque réaction de ma part. Qui ne viendra pas. C'est comme s'il me testait, en quelque sorte. Sans rien dire.
-Qui t'a donné ça ? Ce n'était pas vraiment une question, plus un ordre, provenant du cendré qui vient tout juste de fouiller le contenu du sac.
-Mon avocat..
L'homme de main de Taehyung se contente d'hausser rapidement ses sourcils, avant poser brutalement mon sac sur mon torse, m'indiquant au passage de le réceptionner. Malgré la douleur qui se propage dans mon torse, je ne dis rien, et récupère simplement mon sac à dos pour venir le mettre sur mon lit, sans un mot de plus. Puis finalement, je quitte de nouveau ma cellule, ne souhaitant aucunement rester ici une minute de plus.
Je me sens humilié.
-JK. Je sursaute de nouveau, puis me retourne vers ma cellule.
Cependant, la voix provient de la cellule voisine à la mienne. Finalement, j'aperçois la tête de Jimin dépasser. Tiens, je ne savais pas qu'il était mon voisin.
-Oh, salut. Chuchoté-je pour ne pas attirer l'attention des deux criminels dans ma cellule.
-Ça te dit de venir avec moi chez le coiffeur ? Me propose alors le rosé en sortant de sa cellule pour venir attraper mon bras pour m'éloigner du couloir.
Je devine qu'il ne veut pas prévenir son copain, lui aussi.
-Il y a un coiffeur ici ?
-Evidemment. Josh était coiffeur pendant ses études. Il a mal tourné, mais ses compétences sont restés ! S'exclame alors le jeune détenu une fois que nous sommes dans l'escalier.
Il place sa main sur mon épaule pour me faire avancer à ses côtés, comme s'il ne voulait pas que je refuse sa proposition.
-Tu fuis quelqu'un ? Je finis par lui demander, étant donné que ça me démangeait de savoir.
J'apprécie sincèrement Jimin, mais je n'ai pas trop envie qu'il m'embarque dans des histoires louches.
-Oui ! Mon fiancé. Il est chiant en ce moment. Il me laisse plus seul une seconde.
Finalement, il joue la carte de l'honnêteté.
-Mais il va pas m'en vouloir si je t'accompagne ? Il a pas l'air de m'apprécier..
-Yoon' n'apprécie personne, pour ta gouverne.
-J'ai pas trop envie de me le mettre à dos tu sais..
-Il te fera rien, il est doux comme un agneau, quand il le veut bien.
-J'ai du mal à te croire.. Il vient de fouiller dans mes affaires, et il s'est montré plutôt agressif avec moi.
Face à ce que je lui décris, le rosé cligne plusieurs des yeux, faisant mine de réfléchir, avant de sourire faussement.
-Ça doit être une mauvaise journée. T'inquiètes, il te fera rien.
Je n'y crois pas une seconde..
-Et pourquoi il ne te laisse pas seul une seconde, du coup ?
-Trop méfiant. Fin', encore plus ces derniers temps je veux dire.
-Mais là il ne va pas-
-Je suis pas seul, regarde, je suis avec toi.
Pas sûr que ce soit en sa faveur, et encore moins en la mienne..
Jusqu'à maintenant, je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi Jimin a décidé de se mettre avec quelqu'un comme Min Yoongi. Ce n'est pas cet environnement qui l'y a poussé, puisqu'ils sont ensemble depuis bien plus longtemps, d'après le rosé. Ils n'ont l'air d'avoir rien en commun. Surtout au niveau caractériel. Jimin est quelqu'un de jovial, de blagueur, presque charmeur. Il donne envie de poursuivre la discussion. Tandis que l'homme de main de Taehyung semble rigide, distant et glacial. Sans parler de son extrême méfiance à l'égard de quiconque croise son regard.
Et il est désagréable. Tout l'inverse du rosé, entre autres.
-Je peux te poser une question indiscrète ?
-Tu poses tout le temps des questions indiscrètes, une de plus ou une de moins. Rétorque le jeune détenu avec un regard malicieux.
-Arrêtes.. t'es pareil.
-Je suis curieux de nature, c'est vrai.
-Je le suis aussi. Je suis journaliste je te rappelle.
-Hm, vas-y, je répondrai à ta question uniquement si tu décides de faire un article sur moi.
-Un.. quoi ? Tu veux que.. j'écris un article sur toi ? Le rosé m'offre un de ses sourires qui transforme ses yeux en croissant de lune.
-Yep. Juste pour moi, tu sais, je veux voir à quoi ça ressemble d'apparaître à la une des journaux. T'es parfait pour ce rôle.
-Tu es sérieux ?
-Bien-sûr. Je te paye si tu veux. Mes sourcils se haussent et je deviens soudainement plus intéressé par sa proposition.
-Combien ? Par réponse le fait rire.
-On perd par l'nord hein ! J'sais pas, tu veux combien ?
-Et bien.. Qu'est-ce que tu penses de 15 000 won ?
-Marché conclu. Vas-y, poses ta question.
J'en reviens à mon analyse sur leur couple plus qu'étrange, de l'extérieur.
-Qu'est-ce que tu lui trouves, à ton fiancé ? Je veux dire.. Sans vouloir te vexer, vous êtes carrément opposé, l'un à l'autre.
Le prisonnier lâche mon épaule pour s'éloigner de quelques centimètres, afin de mieux m'observer, les paupières plissées, la lèvre inférieure coincée entre ses dents. Puis finalement, il expire un petit rire par le nez pour revenir se coller à moi, alors que nous marchons en direction du coiffeur. Encore un point qui marque leurs différences : Jimin est très tactile, contrairement à Yoongi qui a l'air de vouloir conserver une certaine distance de sécurité avec tout le monde, y compris avec son patron - oui, je les ai observé.
-Je m'attendais à une question plus personnelle. Rigole mon récent ami, avant d'hocher la tête.
-Du coup..?
-C'est vrai qu'en apparence, on a l'air différent. Mais t'es pas au courant que les opposés s'attirent ?
-Et bien, oui, je présume que ça doit être vrai dans votre cas.
-Pour être un peu plus précis JK, je n'étais pas le même homme, lorsque l'on s'est rencontré. Du moins, j'étais un peu plus réservé. Et moins extravertis.
Je n'arrive pas à l'imaginer autrement qu'avec ce caractère et ses humeurs actuelles.
-Et lui ? Il était déjà comme ça ?
-Comme ça ? Rit légèrement le rosé.
-Enfin.. Tu sais, un peu..
-Je plaisante, je te charrie. Et oui, il était déjà comme ça. Il a toujours, été comme ça.
J'ai l'impression qu'il m'avoue des choses, tout en restant énigmatique. Un peu comme s'il ne voulait pas révéler réellement qui était son copain. Sauf que j'ai une petite idée, de qui est Min Yoongi. Capable de tuer quelqu'un de sang froid. Je déglutis difficilement en repensant à tout ça. Et je ne peux m'empêcher de me demander, est-ce que Jimin aussi, il le sait ?
Je ne lui demanderai clairement pas. Beaucoup trop dangereux. Autant s'il sait, que s'il ne sait pas.
-Et Taehyung ?
Je n'ai pas pu m'empêcher de poser la question. Mais en voyant le sourcil gauche du jeune détenu se lever de manière suggestive, je regrette instantanément mon manque de réflexion et de tact. Il va croire que je m'intéresse à Kim Taehyung.
-Navré pour toi le nouveau, mais je ne te donnerai aucune info' sur Taehyung.
-Ce n'est pas-
-L'article portera uniquement sur moi, n'est-ce pas ? Renchérit le rosé avec un clin d'œil, et je soupire discrètement, soulagé.
-Oui, évidemment. Et dis-moi, tu veux être sur la Une de quel journal ?
-Le 'New York Times' ! Je le vaux bien, tu ne trouves pas ? Comme pour me prouver qu'il a raison, il se place devant moi pour me bloquer la route, avant de faire un tour sur lui-même, tout en se désignant de ses propres mains.
Ça, ça me fait rire.
-Ouais, tu le vaux bien. Ricané-je en prenant à mon tour son bras pour le faire avancer, faisant mine d'être désespéré par son égocentrisme.
-Une star internationale, voilà ce que je mérite d'être.
-Tu peux être la star de la prison de Chungju, si tu veux. Pouffé-je en secouant la tête.
-J'le suis déjà, pour ta gouverne.
[...]
Josh est effectivement le coiffeur de la prison. Après avoir rafraîchi la coupe de mon nouvel ami, ce dernier l'a payé pour son travail. Au moins, je sais que si j'ai besoin de me faire couper les cheveux, il faudra que j'aille dans l'aile en face de la nôtre, et que je me rendes à la cellule de Josh. Rez-de-chaussée, couloir de gauche, cellule en face de l'escalier. Il ne faudra pas que j'oublie.
En souhaitant revenir à notre aile, nous avons été interpellé par un gardien, qui m'a plutôt mal parlé, en m'indiquant qu'il était l'heure de la sortie extérieure, et qu'on devait dégager du couloir si l'on ne voulait pas d'ennuis. Et j'ai noté quelque chose d'intéressant, car lorsque Jimin s'est retourné vers lui, sans rien dire, juste en le fixant, le maton a perdu ses couleurs. Il est devenu blanc comme un linge. Et il a bégayé quelque chose, comme quoi nous ne devons pas traîner, au risque de louper notre balade du jour, avant de déguerpir.
Cette réaction a juste confirmé quelque chose que je pensais déjà : Kim Taehyung, et toutes les personnes qui l'entourent, ont clairement des traitements de faveurs. Ils règnent en quelque sorte ici, à la prison de Chungju. Les détenus ne les cherchent pas, les agents pénitentiaires n'ont plus. Ils ont du pouvoir. Ou alors, Taehyung leur confère ce pouvoir. Quoiqu'il en soit, c'est une information des plus intéressantes.
-Vas-y, j'te rejoins, j'ai quelque chose à faire avant. M'avait dit Jimin, accompagné d'un sourire, avant de se séparer de moi au carrefour d'un couloir.
C'est donc comme ça que je me retrouve seul, à chercher calmement le chemin jusqu'à la cour. Cependant, je ne retrouve évidemment pas. Pourtant, j'ai une bonne mémoire visuelle. Il faut croire que les couloirs d'une prison ne m'inspirent pas tant..
-Putain. Marmonné-je dans mes dents, surtout qu'il n'y a personne, pas même un garde à qui demander mon chemin, quitte à me faire engueuler une fois de plus.
Un courant d'air froid me frôle le dos, et des frissons apparaissent sur mes bras. Comme un mauvais pressentiment. Finalement, je comprends que mon sixième sens a raison de me prévenir, puisque des pas se font entendre dans mon dos. Et je ne sais pas pourquoi, mais la peur me paralyse, et je continue simplement de marcher droit devant moi, sans oser me retourner.
Les pas se rapprochent, si vite, que je n'arrive pas à réfléchir correctement.
Ma destinée finit par arriver assez vite, et j'entends une porte métallique s'ouvrir sur ma droite, et je suis stoppé dans mes mouvements par une poignée de fer sur le col arrière de mon costume. Je n'ai pas le temps de protester puisque je suis envoyé brutalement dans cette pièce sur ma droite, avant que le bruit métallique de la porte se refermant arrive jusqu'à mes oreilles. Totalement essoufflé, je me redresse pour me retourner à la hâte, ma paralysie ayant cessée.
Il n'y a personne. Juste moi, face à cette lourde porte, fermée.
Je reprends lentement mon souffle, puis jette des œillades autour de moi. Cet endroit ressemble à une remise, où tout un tas de tuyauteries sont disposés ici et là. J'essaie de ne pas céder à la panique, et me dirige jusqu'à la porte, il n'y a plus aucun bruit. La, ou les personnes qui m'ont enfermé ici, sont définitivement partis. Lentement, j'essaie d'ouvrir la porte, grâce à la poignée, mais cette dernière semble close. Ou alors, elle ne s'ouvre que de l'extérieur.
Ne pas, céder, à la, panique.
Il est évident, au vu de ma situation et de l'endroit actuel où je me situe, que je cède à la panique. Je viens donc frapper violemment contre la porte métallique, de mes deux poings, aussi fort que je le peux, essayant de faire résonner les murs. Sur un malentendu, un prisonnier peut passer par-là, et venir m'ouvrir. Ou alors, un des gardiens de prison ?
-Ouvrez cette porte ! Dans ces cris de frustration, je sens la colère prendre place.
Toute la panique et la terreur que je ressens depuis que je suis arrivé en prison commencent à avoir raison de mes nerfs. J'ai ressenti beaucoup d'indignation, un sentiment d'injustice, depuis le verdict de mon procès, car je n'avais pas fait ce pour quoi l'on m'accusait.
Mais là, c'est carrément une frénésie de colère.
Quelque chose, que je n'avais jusqu'alors jamais ressenti. Un trop plein, si intense, que toutes les émotions négatives se transforment subitement en rage. Je frappe cette porte à m'en faire mal au poing, à m'en écorcher la peau, à m'en blesser les tendons. Je défoule tous ces ressentiments, cette détresse, ces craintes, contre la porte qui n'avait rien demandé. Je suis tellement en colère, contre ceux qui m'en veulent, contre ceux qui m'ont fait ça, contre la terre entière. Mais surtout, contre moi-même.
Je suis immensément déçu de moi, déçu de mon impuissance. Je me sens tellement faible. Cette vulnérabilité qui me pousse à devoir aller à l'encontre de mes valeurs. Je suis vulnérable, seul et délaissé.
Ce n'est qu'après plusieurs minutes d'acharnement que je finis par abandonner, les bras ballants, laissant mes larmes, que dis-je, mes sanglots prendre le dessus. Je laisse mon front tomber contre cette porte froide, et je pleure à chaudes larmes. J'ai tant retenu ces pleurs, qu'aujourd'hui, je ne peux plus rien y faire. Je finis par m'accroupir, enlaçant mes épaules par mes propres mains. Le silence de la pièce est brisé par mes pleurs déchirants.
Pourquoi est-ce qu'il a fallu que ça tombe sur moi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un tel sort ?
Je ne cherche même pas à essuyer mes larmes, ou à arrêter mes sanglots. Ma psychologue m'a toujours conseillé de laisser mes émotions s'exprimer, même si pour ça, je dois pleurer. Extérioriser. Après une longue crise, elle me disait de sortir, d'aller me changer les idées, d'aller dîner avec des collègues, de draguer en boîte. Mais même ça, je ne peux plus le faire, puisque je me retrouve enfermé entre ces murs. Encore plus maintenant que l'on m'a poussé dans cette pièce sombre et lugubre.
Néanmoins, j'essaie. Je ferme mes paupières, aussi fortement qu'elles me le permettent, et je pense à de bonnes choses. Des souvenirs heureux, des anecdotes foireuses, des rires partagés, des caresses d'autrefois.
Malheureusement, ces pensées ne suffisent pas à apaiser la douleur qui me ronge de l'intérieur. Tout cela me semble si lointain, comme un rêve qu'on ne parvient plus à saisir. Il ne reste que ce froid glacial, cette lourdeur dans ma poitrine, ce maux qui me retourne l'estomac. Je renifle bruyamment, puis me relève, non sans difficulté, le corps meurtri et l'esprit en lambeaux. Le bruit de mes sanglots s'estompent peu à peu, remplacé de nouveau par ce vide inquiétant.
-Ressaisis-toi Jungkook.. Marmonné-je péniblement, avant d'essuyer l'humidité sur mon visage, bien que ma vision soit encore brouillée.
Au final, il vaut mieux que je me retrouve dans cet état lorsque je suis seul. Je n'aurais pas supporté une nouvelle humiliation de la part de Min Yoongi, un regard persistant de la part de Kim Taehyung, ou des questions intrusives de la part de Jimin. Bien que ce dernier soit l'unique note positive dans ma vie à la prison de Chungju.
-Ok, ça va aller. Ça va, aller. Je me le répète, essayant de convaincre mon cortex cérébrale que c'est la réalité.
Je ne m'y connais pas plus que ça en psychologie, mais je sais très bien que l'on peut faire croire tout un tas de choses à son cerveau. Espérons qu'il finisse par gober ce mensonge.
Alors que je m'efforce à reprendre le contrôle de mes émotions, un martèlement distant résonne dans le couloir, rompant le silence oppressant de la pièce. Un écho de pas se fait entendre, des pas lourds et précipités. Lorsque je finis par entendre cliquetis métallique caractéristique des clés que possèdent les gardiens, j'essuie rapidement le reste de mes larmes. Le cœur battant à tout rompre, je viens frapper de nouveau à la porte, sans la tambouriner pour autant.
Le but est de prévenir de ma présence, sans pour autant paraître pesant, ou paniqué.
Finalement, les bruits de pas cessent, juste derrière cette porte, et enfin, cette dernière s'ouvre brutalement. Deux silhouettes imposantes m'apparaissent, des agents pénitentiaires, visiblement agacés. J'ouvre alors la bouche, à la fois pour les remercier, et au passage, pour m'expliquer. Néanmoins, je n'en ai pas le temps, puisque l'un d'eux agrippe soudainement mon bras pour me sortir de cette pièce lugubre, avant de me pousser sans plus attendre sur le mur opposé, que je me prends violemment, provoquant une vive douleur dans mon épaule droite.
-Qu'est-ce que tu fiches là-dedans ? M'agresse-t-il en se rapprochant pour me faire face, alors que je tourne le dos au mur, m'empêchant de venir presser mon épaule.
Je ne dois pas montrer que j'ai mal. J'ai l'air suffisamment faible comme ça.
-Quelqu'un m'y a enfermé !
-Ça doit être ça. Cette zone est interdite aux détenus. C'est écrit dessus.
-Alors pourquoi la porte était ouverte ?! Au lieu de simplement acquiescer, m'excuser, et partir, je décide de répondre, ne supportant plus cette atmosphère et leurs accusations.
C'est moi la victime dans l'histoire !
-Parce que tu réponds en plus ? Siffle le maton qui m'a bousculé en venant prendre le col de ma tenue.
Il fait ma taille, mais il est bien plus costaud que moi. Malgré tout, j'essaie de ne rien laisser paraître, ne voulant pas lui montrer qu'il m'intimide. Et puis, ils sont tout de même deux, et je suis seul. Une fois de plus.
-C'est bien ce que je pensais, rétorque-t-il en me lâchant brutalement, c'est quoi ton nom, que j'aille te mettre un avertissement.
Je déglutis discrètement face à l'annonce. Ça ne fait même pas une semaine que je suis entré ici, et je vais déjà me prendre un avertissement. Je crois qu'au bout de trois, c'est l'isolement, non ?
-C'est bon Nell, laisse passer pour cette fois. Je n'ai pas le temps de répondre à la question du gardien, puisqu'une voix intervient en ma faveur.
Je tourne la tête vers la droite, et c'est avec une horreur que je peine à dissimuler que je découvre qu'il s'agit de l'un des frères Ziegler. Celui qui semble le plus âgé.
-T'en mêles pas Alaric. Tu devrais être dans la cour, alors vas voir ailleurs si j'y suis. Réplique Nell d'un ton mauvais, sans me lâcher du regard.
Le deuxième agent ne semble pas réagir beaucoup, il est très jeune, sûrement nouveau ici. Le genre de maton facilement manipulable par ses supérieurs, comme ce Nell. L'homme tatoué fait un pas vers nous, me laissant un petit sourire en coin que je n'aime vraiment pas. Le genre de sourire à provoquer des cauchemars à n'importe qui.
-Je peux te donner le double la semaine prochaine. Déclare alors Alaric Ziegler, avant de passer sa langue sur sa lèvre inférieure, attendant que le trentenaire accepte la proposition.
Et malheureusement pour moi, il recule d'un pas, résigné.
-Le double. Accepte le garde avant de me jeter un dernier regard d'avertissement, puis de partir, le deuxième agent sur ses talons.
-Laisse-moi tranquille. Lancé-je froidement avant de partir dans le sens opposé, en espérant que la cour se trouve par là.
C'est sans compter sur l'insistance de l'adepte du nazisme, qui me rattrape en quelques enjambées. Mes muscles se crispent vivement lorsqu'il vient attraper ma nuque, pour y exercer une légère pression. Il ne m'arrête pas, il se contente de me suivre, si proche de moi, que j'en ai la nausée. Sentir la pulpe de ses doigts rugueux contre ma peau me donne presque des vertiges, mais j'essaie de rester concentré, espérant tomber sur un groupe de détenus à qui je pourrais demander mon chemin.
-J'espère que je ne t'ai pas poussé trop fort.
Mes sourcils se froncent lorsqu'il murmure cette phrase, proche de mon oreille. Je crois comprendre ce qu'il me dit, et la suite confirme mes pensées.
-Tu n'es quand même pas tombé ? Se moque Alaric en se rapprochant encore plus de moi, et je me décale tellement sur la gauche, que je manque de finir écrasé contre le mur.
C'est peut-être ce qu'il cherche à faire.
-Lâche-moi. Je finis par m'arrêter, essayant de le faire lâcher prise en plaçant ma main sur son avant-bras.
Grossière erreur, car ce n'est pas parce qu'il n'est pas accompagné de ses deux autres frères qu'il en est moins dangereux. Il me lâche, pour une milliseconde, car il vient empoigner mon cou dans le but de me plaquer contre le mur, et une vague de panique grimpe en flèche, je la sens naître au creux de mon ventre pour envoyer un signal à mon cerveau. Ce dernier en a marre, d'être stimulé de cette manière, un peu trop à son goût pour aujourd'hui.
-Il est où, ton soi-disant protecteur, mhh ?
Le frère Ziegler rapproche subitement son visage du mien, observant chaque détail de mon expression, me rendant atrocement mal à l'aise. Et sans prévenir, il vient passer sa langue sur mon visage, de ma mâchoire à ma pommette. Comme si cela allait annuler cette atroce sensation, je ferme vivement mes paupières, tandis que tous mes muscles sont figés.
-Ou alors, tu n'en as tout simplement pas.
Après avoir murmuré cette ultime phrase, le tatoué me lâche, et se contente de partir de son côté, comme si de rien n'était. Mais je ne suis pas dupe, il ne compte pas s'en arrêter là. Tout comme ses frères. Lorsqu'il a totalement disparu de mon champ de vision, je viens presser le dos de ma main sur ma joue, essuyant frénétiquement toute trace de bave, comme si j'allais effacer le souvenir de sa langue sur mon épiderme.
Une douche me semble être une nécessité. Tout comme l'idée d'avoir un véritable protecteur, d'ailleurs.
❝ ❞
Les montagnes russes pour les émotions de Jungkook aujourd'hui !
Il commence par être rassuré par son avocat, puis il tombe sur Yoongi et Taehyung (qui l'ignore totalement) dans sa cellule, il continu sa journée en plaisant avec Jimin, et il termine avec Ziegler :')
Pour ceux qui sont en manque de contact entre les deux protagonistes, attendez un peu que je publie le prochain chapitre..
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