Dans un autre monde, à une époque antérieure.

Je m'appelle Sébastian et j'ai été vendu à l'âge de sept ans à des monstres. Je ne regrette rien. Paradoxalement, je n'aurais jamais su ce qu'était le vrai bonheur sans ceci.

Je ne me souviens pas vraiment de mon enfance, de mes parents ou de mon lieu de naissance. Je sais juste que j'ai été abandonné et recueilli par un couple sympathique qui avait une fille de mon âge, c'est-à-dire cinq ans. Au début, d'après les dires, je ne parlais pas. Mais grâce à leurs efforts et au caractère de leur fille, Marie, je m'adaptai très vite.

Ces deux ans sont passés assez vite, je m'amusais, je considérais ce couple comme mes propres parents, j'étais logé et nourri, tout allait pour le mieux. Vraiment.

Je me souviens du père qui passait sa main dans mes cheveux, de la mère qui répétait tous les jours à quel point elle me trouvait mignon et intelligent pour mon âge, de Marie qui aimait jouer avec moi. Je ne pouvais faire autrement que de la suivre. Elle était tellement enjouée, tellement gentille et souriante que j'aurais fait n'importe quoi pour elle.

Nous vivions dans une grande maison, ce qui me fais dire aujourd'hui que cette famille n'était pas pauvre et peut-être même très riche, vu les conditions dans lesquelles on vivait.

En gros, tout était pour le mieux. Jusqu'au jour où nous avons reçu la visite de deux hommes. Marie et moi étions cachés et nous écoutions les parents parler à ces étrangers dans le salon. Bien évidemment, nous ne comprenions rien. Je me souviens juste du regard fataliste de la mère et du soutien apporté par son mari à côté d'elle. Les deux hommes vinrent souvent à la maison après ça. Je ne leur accordais pas plus d'importance.

Puis un jour, alors que Marie et moi jouions dehors, les parents et les deux hommes vinrent nous chercher. La mère s'approcha de moi, mit un genou à terre, me prit par les épaules et me dit :

‑ Sébastian, tu vas devoir partir avec ces messieurs aujourd'hui.

‑ Pourquoi ?

‑ Parce qu'il le faut. C'est pour ton bien.

Et j'ai obéi. Sans discuter, J'ai suivi les deux hommes jusque dans leur calèche, accompagné du faux sourire de la mère, du regard triste du père et d'un :

‑ Reviens vite !

Crié par une Marie souriante. Je suis monté dans la calèche et je suis partis.

Pour toujours. Je ne les ai jamais revu.

Je n'ai jamais su pourquoi ils avaient fait ça.