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Chapitre 11

- Non, c'est pas vrai, tu me fais une blague ?

Comme il l'avait prédit, Seungmin ne fut pas des plus ravis en entendant la nouvelle. Il était debout, au milieu du salon, les bras le long du corps, la bouche ouverte et les yeux gros comme des billes. Il avait été pris de court et cela se voyait.

- Hmm... Non ?

Changbin ne savait pas quoi faire, il était partagé entre l'envie de rire à la vue de son ami, mais il ne l'aurait pas pris au sérieux et aurait surement été vexé en plus de cela, et l'envie de partir en courant s'enfermer dans n'importe quelle pièce de leur appartement qui lui épargnerait les coups.

- Seo Chanbgin, qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans ta tête ?

Il lui lança un coussin au visage, facilement évité, le noiraud se serait attendu à plus violent.

- Seung, prend le temps de m'écouter s'il te plait. Cette fois-ci c'est vraiment sérieux, il est sûr de lui comme il ne l'a jamais été, c'est ce qu'il m'a dit mot pour mot.

- Mais et toi dans cette histoire ? Tout ce que tu viens de traverser, tout le chemin parcouru ! Tu sautes dans le vide pour retourner à la ligne de départ ?

- Non, bien sûr que non. Je reste le même, fais-moi confiance pour une fois.

- Ne dis pas ça.

- Dire quoi ?

- « Pour une fois », répéta Seungmin, comme si je ne le faisais jamais. Changbin, on va pas relancer le sujet mais tu sais très bien tout ce que je pense à ton sujet, alors ne dis ça.

- Désolé, oui je le sais, c'était maladroit. Mais il n'empêche que j'ai repris les choses en main alors tu n'as aucune inquiétude à avoir.

***

C'était un samedi après-midi, Changbin se trouvait en compagnie de Chris et sa femme, et leur adorable petit chiot. Ils profitaient des derniers rayons de soleil de la semaine qui allaient laisser place à la pluie dans peu de temps. Ils discutaient de tout et de rien, comme les bons vieux amis qu'ils étaient. Le plus petit prit un moment pour observer la scène d'un point de vue extérieur, le couple était en train de tenter de rattraper Oji qui avait décidé de n'en faire qu'à sa tête. C'était quelque chose qu'il n'avait jamais vraiment prit le temps de faire, et aujourd'hui, cela lui paraissait indispensable. Dans son esprit, il a toujours été conscient de la chance qu'il avait de posséder des gens comme eux à ses côtés, des gens bienveillants, amusants, volontaires et heureux, mais c'est comme si cette pensée était devenue trop « normale ». Il savait sa chance, et cette connaissance était prise comme acquise et s'était intégrée dans une routine. Pourtant, maintenant qu'il prenait le temps de vider son esprit et de regarder autour, il se rendait compte à quel point il avait négligé les bienfaits de s'accorder cet instant pendant des années. Cet instant qui lui permettait d'apprécier le goût de la vie et de la remercier pour lui avoir tant donné. C'était quelque chose qu'il appréciait faire depuis peu et désormais cela lui semblait tout à fait naturel.

Une sonnerie le sortit de sa rêverie et il s'empressa de décrocher en voyant le nom de Jisung apparaitre sur son écran. Ils échangèrent quelques paroles et raccrochèrent au moment où Chris s'approchait de lui en reprenant son souffle de sa course poursuite effrénée.

- C'était... C'était qui ?

- Jisung, lui sourit-t-il, tu te souviens de lui ?

- Bien sûr... comment... l'oublier ?

- Il vient de m'annoncer qu'il a du nouveau sur la famille Hardy, et cette fois, ça tient la route.

Sous le choc, le blondinet oublia de respirer, le rendant encore plus rouge et plus essoufflé qu'il ne l'était. Il resta un moment pantois avant de reprendre ses esprits.

- Mais... Je... Enfin... Bafouilla-t-il. Je croyais que c'était fini tout ça.

- Techniquement, oui, ça l'était pour moi. Mais de son côté Ji n'a jamais vraiment arrêté ses recherches.

- J'en connais un à qui ça ne va pas plaire.

Changbin fit la moue et ramena ses cheveux en arrière, il était à peu près certain de la manière dont Seungmin allait réagir. 

- J'aviserai le moment venu. De toute façon il n'y aucune raison de s'en faire, ni pour lui ni pour toi, dit-il, je vous assure que tout ira bien. J'ai compris la leçon. 

Chris hocha simplement la tête, il ne pouvait que le croire sur parole après l'avoir observé durant toute la journée. Il était vrai qu'il avait l'air bien plus relaxé que les mois précédents, l'air plus serein, et il n'y avait rien de plus beau à voir. Changbin était une si belle personne, il était dévoué et il méritait pour une fois de recevoir également tout le bonheur que lui pouvait donner, telles étaient les pensées de ses amis. 

***

Cette fois-ci, Chris avait également été convié à leur petite réunion. Au vu des nouvelles qu'il avait à annoncer, Jisung avait jugé judicieux d'avoir également son point de vue et, surtout, qu'il ne manque aucun détail. Bien qu'il fût heureux d'avoir finalement trouvé quelque chose, le blondinet n'était pas aussi ravi de la nature de ces choses, car c'était bien plus grave que tous les scénarios plausibles que Changbin lui avait partagés. 

En arrivant dans le petit parc vide à cette heure-ci, un sourire lui fendit le visage malgré les circonstances. Il aurait bien évidemment préféré qu'ils se retrouvent tous joyeusement autour d'un verre, mais les voir tous regroupés lui faisait un petit quelque chose au cœur. Après tout, Seungmin était sa seule connaissance de base, puis sa nature joviale l'avait poussé à bien s'entendre avec les deux autres jeunes hommes et il n'aurait jamais cru s'entendre aussi bien avec eux. Jamais il n'aurait cru pouvoir partager plus que de banales paroles avec eux, il pouvait néanmoins les considérer dès à présent comme des amis. « Ami » était un mot qui lui était très cher car, aussi étonnant que cela puisse sembler, Jisung n'en avait que peu. Des contacts, ça il en avait des tas ; mais des gens sur qui compter en cas de soucis, beaucoup moins. 

- Merci d'être tous venus. Je préfère vous prévenir maintenant, ça va pas être super amusant, ni pour vous ni pour moi. 

Ils acquiescèrent de concert, Changbin s'était préparé à cette éventualité, et il était prêt à tout entendre. Jisung activa son mode « professionnel » et commença par leur réexpliquer toute l'histoire, partant du jour de l'inscription de la petite jusqu'à ce fameux dossier qui s'était avéré être erroné. Il reprit chaque fait chronologiquement, un par un, pour rafraichir la mémoire de tout le monde et leur exposer les informations qu'il avait en sa possession. Il fit une petite pause avant de commencer la narration des nouvelles recherches qu'il avait effectuées, pour permettre de souffler un peu autant à lui qu'aux autres. Il ne savait pas trop comment ils allaient réagir émotionnellement, et mieux valait être prévenant. Il attaqua le vif du sujet plus ou moins sereinement en leur racontant ses péripéties avec un contact plus que têtu qui exigeait quelques contreparties, c'était un petit passage pour détendre l'atmosphère. Enfin, après ceci, il commença à énumérer les nouvelles informations obtenues. Le premier point était le dossier médical des parents stipulant avec certitude que les deux étaient bel et bien stériles, diagnostiqués à un très jeune âge les empêchant d'avoir un enfant. Le deuxième point, celui qui faisait basculer les choses, étaient leurs casiers judiciaires non-vierges. Ils avaient déjà été accusés de nombreuses années auparavant d'enlèvement d'enfant. Tout n'était pas renseigné correctement, mais Jisung avait appris que les faits avaient eu lieu dans un parc, que l'enfant avait grandi avec eux puis avait fini par s'enfuir une fois plus âgé. Les deux adultes avaient été condamnés mais, surement pour une raison de défaillance de la justice, ils n'avaient pas été emprisonnés. Puis, venait le dernier point, le plus problématique. Cet enlèvement n'était pas leur dernier crime, il y a quelques années de cela, ils avaient réitéré cette action au sein d'une maternité. Une petite fille qui venait de naitre avait été arrachée à ses parents biologiques et, vraisemblablement, il s'agissait d'Elynn. Ils n'avaient pas perdu de temps pour fuir le pays après leur acte, ils avaient même très certainement reçu une aide extérieure. En s'éloignant de leur pays natal et en élevant cette petite fille comme la leur, c'était une parfaite vie de famille qu'ils menaient désormais. 

Jisung avait eu raison de prendre des pincettes, le coup était dur à encaisser pour tous. Changbin ne pouvait pas se réjouir que son intuition fût bonne dès le premier jour, la situation était trop grave. Un instant de silence suivi, laissant à chacun le loisir de faire surchauffer son cerveau. Aucun mot ne venait pour qualifier la tempête de sentiments et d'interrogations qui les prenait. Quelles solutions s'offraient à eux ? Que devaient-ils faire de ces informations ? Comment pouvaient-ils aider ? Avaient-ils même le droit d'intervenir ? Était-ce leur place ? Certaines réponses leur paraissaient plus évidentes que d'autres, il leur était tout bonnement impossible de rester passif et de ne pas agir alors même qu'ils ont la connaissance d'un crime juste sous leurs yeux. Mais le problème était de savoir quoi faire, concrètement, quel rôle pouvaient-ils jouer ? 

- Bon, je pense qu'il y a urgence, on doit trouver un truc, commence Seungmin. On ne peut pas ne rien faire alors que nous avons toutes les preuves. 

- Par quel moyen ? On va au commissariat leur dire que nous avons enquêté de notre propre chef sur une famille parce que Changbin avait une intuition ? Soyons réaliste, il va nous falloir mieux que ça. 

- On pourrait bien contourner ce problème en faisant un signalement autre, mais Elynn est une enfant heureuse. Je veux dire, elle n'a évidemment pas conscience qu'elle n'est pas dans la bonne famille et ses « parents » l'aiment. Elle n'est pas battue, elle ne manque de rien, ils ne l'ont pas enlevée pour lui faire du mal, c'est un acte purement égoïste pour leur propre bonheur, ce qui signifie qu'elle n'est pas en danger. Je ne peux pas faire un signalement sans de bonnes raisons, conclut le noiraud. 

Ils se retrouvaient bloqués face à une situation entièrement nouvelle pour eux. Ils ne pouvaient pas se permettre de spéculer, les enjeux étaient bien trop élevés. Quoiqu'ils fassent, ils n'auraient pas le droit à l'erreur pour ne pas empirer la chose et, cette fois-ci, vraiment mettre la vie de la petite fille en danger. 

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