07
— À quoi penses-tu ?
Je ne suis pas réellement sûre de penser à quelque chose en particulier. Je sais juste que là, je suis tellement bien. Je suis dans ses bras, ma tête sur son épaule et ses doigts effleurant ma peau. Il me procure d'exquises caresses et elles me font hérisser le poil. Je n'arrive pas à ouvrir les yeux, ne serait-ce qu'une seconde, pour le garder. Je veux que le temps s'arrête et que ce moment dure pour l'éternité.
Jake est arrivé il y a un peu plus de quatorze heures et le temps a un goût différent maintenant qu'il est là. Chaque seconde passe a une vitesse folle et est une bénédiction pour mon cœur. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, allongée tout contre lui et le sourire béat. Je sais juste que la sensation que ça me procure embellit tout. Tout est une chose étrange depuis qu'il est entré dans ma vie. Le temps et les émotions sont deux choses que je dois à nouveau apprendre, canaliser et gérer.
— Je ne veux pas que tu partes, je lui murmure.
Je sens l'un de ses bras se refermer un peu plus autour de ma taille tandis que sa main libre quitte mes cheveux pour se déposer sur ma joue. De son pouce, il exerce une légère pression sur mon menton, m'obligeant ainsi à lever la tête et, par la même occasion, m'invitant à ouvrir les yeux.
— Ne fais pas ça, me supplie-t-il presque d'une voix peinée.
Instinctivement, je baisse le regard, peu fière d'avoir ruiné un moment qui était si parfait après des semaines d'attente.
— Nous avons deux semaines devant nous avant que, laisse-t-il sa phrase en suspens.
« Avant que tu partes faire la promotion de l'un de tes films aux quatre coins du monde », je termine pour moi-même. Il ne m'a toujours pas dit combien de temps toutes ces escapades allaient lui prendre. ll attend peut-être que je l'interroge, ce qui ne risque pas d'arriver ce soir. Je le ferai sûrement dans quelques jours, voire quelques heures avant son départ. Je vais profiter des quatorze prochains jours sans les gâcher par mes doutes et ma tristesse d'en être bientôt séparés. C'est le moment présent qui importe, il faut que je m'imprègne ça quelque part, si possible en plein milieu de mon cerveau en grosses majuscules entourées de néons.
— Tout ira bien, me glisse-t-il à l'oreille.
Je referme les yeux en hochant doucement la tête. Je lui fais confiance désormais. Peut-être pas à cent pour cent vu ses antécédents. Il va devoir la gagner, lui qu'il l'a déjà perdue deux fois.
Lorsque je me réveille le lendemain matin, je suis surprise de me retrouver une nouvelle fois seule dans mon lit. Un sentiment de déjà-vu m'envahit l'espace d'un instant lorsque j'entends des bruits d'ustensiles provenant de la cuisine. Je reste calme. Il lui sera difficile de mettre le feu à ma cuisine en préparant le petit-déjeuner, n'est-ce pas ? Et puis, un petit-déjeuner au lit, comment refuser ? Eh bien, je peux refuser au bout de sept minutes, précisément, lorsque je ne le vois pas arriver et que mon ventre émet une symphonie de gargouillements en tous genres. Adieu le lit, mon estomac passera toujours avant tout !
Arrivée dans la cuisine, je comprends rapidement que j'ai bien fait de ne pas attendre : une guerre a éclaté sur toutes les surfaces, de la table de salle à manger au comptoir, rien n'a été épargné.
— Tu sais, des céréales, ça aurait été parfait aussi, je commente un peu surprise. Mais qu'est-ce que tu essayais de faire ? Un gâteau ?
— Je vais absolument tout ranger ! me rassure-t-il visiblement honteux. J'essayais de faire un petit-déjeuner à l'anglaise.
— Je crois que tu devrais avancer par étape. En premier, tu peux me faire des céréales, en mettant le lait après les avoir mis, tu vois ?
— Arrête de te moquer de moi !
— Sinon quoi ? Je crois qu'une cuisine brûlée, c'est l'une des pires choses que tu puisses me faire, plaisanté-je en éclatant de rire.
— Et elle continue en plus...
— Oh pardon monsieur le susceptible !
Je m'approche de lui à pas léger avant de l'enlacer et, une fois mise sur la pointe des pieds, de glisser un bref baiser sur la commissure de ses lèvres.
— J'apprécie l'attention, je lui assure avec un sourire rieur. J'apprécierai encore plus lorsque je retrouverai ma cuisine propre et impeccable. Tu sais, je ne suis pas maniaque, mais je n'ai jamais eu ma cuisine dans un si piteux état.
— Je te promets que je ne suis pas aussi bordélique d'habitude, c'est juste que je ne trouvais rien. Je ne suis pas chez moi, j'ai donc dû ouvrir les armoires et sortir un tas de choses pour accéder aux ustensiles que je voulais.
— Attends, t'es en train de dire que ma cuisine est mal rangée après y avoir foutu le bordel ? C'est pas un peu l'hôpital qui se fout de la charité ?
— J'essayais juste de t'expliquer que j'étais perdu, c'est tout. Loin de moi l'idée de remettre en cause ton rangement. De toute façon, je crois que je suis le moins bien placé pour faire un commentaire là-dessus.
— Sur ce point-là, nous sommes parfaitement accord !
Nous échangeons un rire avant que je ne m'approche du frigo pour me saisir du lait.
— Je peux savoir ce que tu fais ? m'interroge-t-il toujours derrière les fourneaux.
— Hum, je prends du lait.
— Du lait ? Pourquoi du lait ?
— Pour me faire un bol de céréales.
— Et mon petit-déjeuner ?
— Tu parles du déjeuner que tu as laissé cramer en trouvant des excuses sur le bordel que tu as foutu dans ma cuisine ? Merci, non merci, je crois que je vais me contenter d'un petit-déj » plus rapide à préparer. Mais si toi tu veux absolument, ton petit-déj » anglais, je t'en prie, continue, j'aurais une jolie vue en attendant.
— Une vue ? Sur quoi ?
— Sur tes fesses. D'après Lily, tu fais partie du top dix des plus beaux postérieurs de stars, est-ce que tu le savais ?
— Tu crois sérieusement que ce genre d'informations me sont essentielles ? Désolé madame, je ne tape pas « top dix des fessiers » sur Google avec l'espoir de m'y trouver !
— Donc tu vas me dire que tu n'es pas au courant que tu as été couronné comme le célibataire le plus convoité par un de ces innombrables magazines ?
— On a sûrement dû me le dire... Mais toi, comment tu peux le savoir ? me demande-t-il d'un air suspect.
— Non mais arrête de me regarder comme ça voyons ! Tu crois vraiment que je suis le genre de filles à m'intéresser à ça ?
— Lily, comprend-il aussitôt. C'est si évident !
— Apparemment, pas si évident. Tu as hésité !
— C'était pour rire.
— Les mensonges, c'est mal !
Je m'installe à table après m'être parée de tout ce dont j'avais besoin. Jake, quant à lui, soupire en voyant le désastre tout autour de lui et surtout dans la poêle.
« Petit-déjeuner anglais » pouffé-je le plus silencieusement possible. Mon estomac ne supporterait pas de manger ce type de repas tous les matins. C'est beaucoup trop copieux pour moi. Une barre de céréales, quelques biscuits, c'est beaucoup mieux. Et puis, je n'aime ni les haricots et le bacon, ce qui n'aide pas.
L'homme qui partage désormais ma vie s'affaire à sauver ce qui peut l'être (c'est-à-dire, très peu de nourriture) et s'installe à table.
— C'est pas avec ça que tu vas réussir à rassasier ton estomac, constaté-je. Si tu veux, je veux bien partager mes céréales avec toi.
— Oh mais c'est qu'elle est d'humeur charitable.
Je lui tire la langue telle une enfant de sept ans avant d'entamer le repas le plus important de la journée. En parlant de ça...
— Tu veux faire quoi aujourd'hui ? Tu as une envie ?
— Je crois que le soleil est au rendez-vous, on pourrait aller faire une promenade ? propose-t-il.
Je suis réticente à ce sujet et il le sait, mais il est vrai que nous ne pouvons pas non plus restes cloîtrés chez moi durant ces deux prochaines semaines.
— Ne t'en fais pas, j'ai des casquettes et des paires de lunettes dans ma valise.
— Tu penses vraiment que c'est suffisant ?
— On est dans une petite ville Aby, personne ne va nous prendre en photo. On va passer inaperçus, fais-moi confiance.
— Tu es au courant que tu n'es pas voyant ? Tu ne peux donc pas m'affirmer et me promettre ça, tu ne vois pas l'avenir.
— Non mais c'est mon milieu et ma routine, j'ai quand même des connaissances dans ce domaine.
— Mais on nous a peut-être vus à l'aéroport.
Jake ne répond rien et quitte subitement la table pour rejoindre ma chambre. Il en revient moins d'une minute plus tard, son téléphone à la main.
— J'ai vérifié, il n'y a aucune photo. Conclusion, personne ne nous a vus. Seconde conclusion, nous pouvons sortir sans avoir peur.
— D'accord, approuvé-je bien plus rassurée. Mais je tiens à te rappeler que c'est une petite ville, le tour va être vite fait. D'ailleurs, j'ai peur que tu t'ennuies pendant que je serai au travail et tu ne vas quand même pas m'y accompagner tous les jours.
— T'en fais pas, j'ai des trucs à faire et j'ai loué une voiture. Il faudra aussi que j'aille à Londres en milieu de semaine pour récupérer des scénarios.
— Tu penses que je pourrais en lire quelques uns ? je m'enthousiasme aussitôt.
— C'est confidentiel Aby, mais il est possible que je te fasse assez confiance pour t'en faire lire un ou deux.
— Il est possible ? Tu ne tiens pas à ta vie Jake !
— Je vous prie d'accepter mes plus plates excuses Lady Abigail, me présente-t-il avec un terrible accent anglais.
— C'était, sans le moindre doute, le pire accent anglais que j'ai entendu de ma vie. Rassure-moi, tu n'as jamais dû l'utiliser jusque-là ? Parce que si t'as auditionné avec, il est évident que c'est à cause de ça que tu n'as pas eu le rôle. Tu devrais prendre des cours, sincèrement.
— Quoi de mieux pour apprendre que de vivre chez une Anglaise ?
Je lève les yeux au ciel : voilà qu'il m'utilise pour gagner des points de compétences dans sa carrière d'acteur, je rêve ! Je lâche un rire avant de prendre une des dernières cuillères de mon bol de céréales. Sa douceur et sa chaleur arrivent à apaiser ma légère angoisse d'être repérée. Si Jake a l'habitude, car cela va souvent de pair avec une carrière au cinéma ou à la télévision, ce n'est pas du tout mon cas. J'aime que ma vie soit privée, je peine déjà à entretenir un compte Facebook, alors l'idée d'être exposée ne me plaît pas beaucoup. J'essaie de ne pas trop y penser ou de songer à ce qui pourrait arriver. Pour le moment, j'ai juste envie de profiter de sa présence, car je sais que son agenda sera l'une des choses les plus difficiles à gérer durant notre relation.
— Tu m'as pas beaucoup parlé de ton nouveau manageur. Il est comment ?
— Plutôt cool. Très drôle aussi. Il a une dizaine d'années en plus que moi, donc ça veut dire qu'il a pas mal d'expériences et j'ai eu de très bon retours de personnes qui avaient travaillé avec lui auparavant.
— Donc, au premier abord, il ne t'a pas paru... problématique ? Il ne sentait pas l'alcool ?
— Non, rien de tout ça. De toute manière, je me suis protégé avec le contrat, je n'ai plus envie d'être lié avec des personnes qui voudront me manipuler ou que je jugerai problématiques.
— Tu t'es protégé avec le contrat ? Qu'est-ce que tu entends par là ?
— Tu veux vraiment qu'on parle affaires ? Tu ne veux pas plutôt qu'on aille se glisser sous la douche et qu'on passe la journée à profiter du temps fabuleux ? Je trouverai ça plus amusant que de parler de clauses et de pourcentages, pas toi ?
— Si, bien sûr que si. Mais j'ai aussi envie que tu me parles de ton métier, de ton quotidien. Ça fait partie de toi et je veux apprendre à te connaître, à tout connaître.
— Je vais trouver quelque chose de plus intéressant à te raconter que le détail d'un contrat, qu'en dis-tu ?
J'acquiesce d'un signe de tête et me décide à finir mon bol de céréales. Avant que je n'aie pu me lever et commencer à ranger, Jake m'arrête aussitôt en me promettant de tout nettoyer. Je le vois à sa tête, il culpabilise d'avoir foutu une de ces pagailles. Intérieurement, j'en ris. C'est une anecdote de plus à ajouter à notre histoire. Extérieurement, je fais mine d'être embêtée par tout ce bordel, mais je ne suis pas très convaincante. De toute manière, de nous deux, c'est lui qui joue le mieux la comédie.
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