02
Une chance... J'en ai envie, mais est-ce seulement une bonne idée ?
Je pourrais poursuivre la discussion en le repoussant plus profondément dans ces retranchements. Cependant, cela ne servirait à rien. J'ai eu les réponses à mes questions. Quant à la possibilité de lui faire à nouveau part de la blessure qu'il a causée, je ne suis pas très certaine que ça ferait avancer les choses.
— Si tu avais appelé, tu aurais su que je n'étais plus avec Carver.
Son visage s'illumine presque instantanément. L'évocation de ma rupture le fait sourire, alors que j'ai culpabilisé durant plusieurs jours. Si j'avais essayé, on aurait pu former un beau couple. Oui, c'est certain... Mais il n'y aurait pas eu cette alchimie que j'ai avec Jake. J'ai tout balancé d'un revers de la main pour des émotions que je ne savais pas encore réciproque à l'époque. Je n'ai parfois aucune logique.
— Je t'en veux toujours, rajouté-je très sérieuse.
Jake s'approche doucement de moi et, cette fois-ci, je ne bouge pas d'un iota. Je n'attends plus que ça désormais.
— Et tu n'es qu'un crétin, murmuré-je.
Il n'est plus qu'à quelques centimètres de moi et mon cœur bat la chamade. Jake lève la main et efface les dernières larmes qui se frayent un chemin sur mes joues avant de détailler chaque parcelle de mon visage, de me sourire tendrement. Plus les secondes passent, plus l'envie de goûter pleinement à ses lèvres se fait forte.
C'est finalement moi qui fais le premier pas en m'approchant de lui et en déposant un baiser sur ses lèvres. Je crois que j'ai pris cette initiative, car le premier n'a été qu'un baiser volé. Je voulais décider cette fois-ci, plutôt que de me faire surprendre. C'est aussi une manière de lui faire comprendre que je lui laisse une seconde chance. Une dernière chance. Je ne lui pardonne pas, loin de là. Pas déjà. S'embrasser ne suffira pas, il va devoir faire des efforts et me prouver sa bonne volonté.
Cependant, j'oublie tout ça, l'instant d'un baiser. J'oublie ces quatre dernières semaines assez pénibles, pleines de colère et de tristesse. J'oublie la conversation, les messages laissés en plein milieu de la nuit et une Lily si enragée qu'elle était prête à prendre le premier avion pour lui remonter les bretelles, en imaginant qu'elle ait pu passer outre la sécurité des studios. J'oublie Carver et les paparazzis. J'oublie tout, car la seule chose dont je rêvais est en train de se produire et c'est la seule chose qui importe en ce moment. Le sentir contre moi, posséder ses lèvres pour une durée indéterminée, le garder le plus longtemps possible avant qu'il ne m'échappe à nouveau.
Le baiser volé n'est rien face à celui-ci. Le premier était trop court, trop bref pour que je ne puisse en saisir toute la portée. Si rapide, qu'il m'a semblé irréel, comme s'il n'avait jamais eu lieu. Alors que le deuxième... Oh ! Le deuxième est plus long, mais surtout plus intense. Il me retourne l'estomac et y fait naître des papillons. Il me rend faible et forte à la fois. Je me sens décoller.
Et je le suis vraiment. Jake me soulève du sol et j'encercle instinctivement sa taille et mes jambes et lui m'entoure de ses bras.
C'est drôle comme un seul baiser peut tout effacer. Si un seul a cet effet-là, que vais-je ressentir lors des suivants ?
Je ris contre ses lèvres, à la fois heureuse de la situation, soulagée d'un poids et ébahie, car jamais, ô grand jamais, je n'aurais pu espérer un tel dénouement, ni même aurais été capable de l'imaginer.
Mes mains, qui se sont glissées dans ses cheveux et sur sa nuque, ont trouvé un chemin vers ses épaules et font légèrement glisser une partie de la veste en cuir de son propriétaire. Suffisamment pour inciter ce dernier à me donner un coup de pouce en me lâchant un bref instant. La seconde après, le vêtement trouve sa place sur le parquet de mon hall d'entrée.
La situation s'accélère et me coupe le souffle. J'arrête bien malgré moi ce vrai premier baiser que j'apprécie tant et qui provoque en moi des émotions que je n'avais jamais ressenties auparavant. Ma respiration est saccadée, à la fois par mes sentiments et le manque dû à ce baiser passionné. Ma tête reste tout de même le plus près possible de celle de Jake, tandis que je m'accorde quelques secondes pour reprendre mon souffle tout en lâchant quelques petits rires de bonheur. Mes doigts caressent doucement ses lèvres, à peine quittées, et ces dernières s'étirent un peu plus. Je ne pourrai oublier, pour rien au monde, ce sourire qui me réchauffe le cœur en ce moment.
— Ne suis-je pas trop lourde ? murmuré-je amusé.
Jake ne peut s'empêcher de rigoler et ça me fait fondre de l'intérieur.
— Je pourrais rester comme ça toute la nuit, m'assure-t-il.
Je lui adresse un sourire, peu certaine quant à sa résistance.
En le regardant, une autre envie née en moi. Celle de lui expliquer ce qui s'est passé, de mon côté, ce fameux soir. Enfin, plutôt ce qui ne s'est pas passé. La tentation est forte, mais j'ignore si c'est le bon moment pour lui faire part d'une telle chose. Je décide pourtant de le faire, voulant probablement laisser cet épisode derrière nous le plus vite possible.
— Je n'ai pas couché avec lui, lui annoncé-je un peu gênée.
Ma gêne disparaît aussi rapidement qu'elle est apparue lorsque j'aperçois le même sourire que celui qu'il arborait lorsque je lui ai dit que j'avais rompu avec Carver. Il paraît soulagé.
— Pourquoi ? m'interroge-t-il.
— Parce que tu es apparu le soir où... où on devait sauter le pas. Je t'ai vu et ça m'a comme...
— Figé ? termine-t-il. J'ai été comme figé moi aussi.
— Tu as disparu pourtant si vite... J'ai dû faire la statue plus longtemps que toi.
Jake ouvre la bouche, probablement pour s'excuser une nouvelle fois, mais je l'arrête en déposant à nouveau mes lèvres sur les siennes. Ce geste le fait rire.
Je n'arrive pas à trouver les mots, mais quelque chose en moi... me donne des ailes. Cette même chose qui me pousse dans ses bras. J'ai peur de brûler mes nouvelles ailes, de les perdre trop vite en commettant une bêtise. Mais j'en ai drôlement envie. Il y a cette passion, nouvelle et vivifiante, et cette confiance, instinctive et plus forte que tout. Je n'ai pas eu la chance de ressentir ça pour un homme depuis bien longtemps. Une émotion si intense qu'elle m'empêche de penser. De peser le pour et le contre de la situation. D'analyser. Je ne réfléchis plus, j'agis.
Pour la première fois depuis longtemps, je me sens libre et en sécurité avec un homme. Libre de faire, de dire. De ne plus être l'Abigail inquiète des conséquences de ses actes. Je suis spontanée et c'est Jake qui me rend comme ça.
— Tu ne vas plus t'enfuir ? le questionné-je.
— M'enfuir, plus jamais. Mais si tu souhaites que je parte, je partirais.
Nous échangeons un regard et puis un rire. Pourquoi le jetterais-je à la porte après tout ce qu'il vient de se passer ? Non, impossible. C'est plutôt l'inverse. Si je le pouvais, je le garderais enfermé durant plusieurs jours.
— Repose, le prié-je d'une douce vois.
Jake obéit, quoiqu'un peu déçu. Cependant, je sais comment faire disparaître cette moue. J'approche lentement ma main de la sienne avant de m'en emparer, sans quitter ses yeux. J'ai envie de me souvenir de ce moment toute ma vie : de son regard plein de tendresse à son sourire si apaisé.
Je fais un pas en arrière, l'invitant à me suivre en l'attirant un peu vers moi. Jake lâche un nouveau rire en se retrouvant de nouveau à quelques millimètres de moi. Il s'abaisse légèrement pour m'embrasser, mais je l'évite en marchant à reculons. Il rigole encore et je fais de même. Un pas en avant pour lui, un pas en arrière pour moi, jusqu'à atterrir dans le salon sous le son des éclats de rire.
— Mais arrête de t'en aller loin de moi ! se plaint Jake.
Je lâche sa main sous son regard étonné et m'éloigne encore de lui de plusieurs pas. Jake fronce les sourcils avant de réduire la distance qui nous sépare en deux grandes enjambées. Si rapidement qu'il m'est impossible de m'extirper de ses bras puissants qui viennent m'entourer. Je me retrouve donc prisonnière, coincée entre lui et une porte.
— Tu ne veux déjà plus de moi ? s'exclame-t-il faussement déçu.
Il est si proche de moi que j'arrive à sentir son parfum. Mais la proximité n'est pas encore suffisante à mon goût. Je décide de ne pas lui répondre, du moins pas avec des mots. J'ai une manière plus amusante et plus subtile de le faire.
Nos visages ne sont pas loin l'un de l'autre et je le vois résister pour ne pas reprendre possession de mes lèvres. Une, deux, trois secondes s'écoulent et il cède à la tentation. J'en profite pour faire glisser l'une de mes mains dans mon dos et me saisir de la poignée de la porte que je fais tourner. Une fois ouverte, je perds un peu l'équilibre et je suis rattrapée presque aussitôt par l'une de ses mains.
Notre entrée dans la nouvelle pièce le stoppe dans son élan, le temps pour lui de visualiser où nous sommes. Lorsqu'il aperçoit le lit, il me jette un regard plein d'interrogation et d'incompréhension. Il s'apprête à prendre la parole, mais hésite.
Je n'ai aucune idée de ce à quoi il pense. Peut-être se demande-t-il ce qu'il me passe par la tête. Très probablement en fait. Néanmoins, il n'a pas le temps de faire sortir ses interrogations, je ne lui en laisse pas l'occasion. Je préfère l'arrêter, avant qu'il ne commence à gâcher ce moment avec des questions qui n'ont pas lieu d'être. La seule chose qui compte, c'est que nous en avons envie tous les deux.
À partir du moment où je ferme la porte, nos baisers reprennent de plus belle et ne s'arrêtent plus.
Aurais-je pu espérer pareil instant ?
L'un de ses bras entoure ma taille tandis que ma main libre se pose sur sa joue. Je le sens me serrer, un peu plus, sans jamais me lâcher, comme s'il avait peur de me voir disparaître si jamais il dé-serrer son étreinte.
Jake n'ose pas faire grand-chose. Il doit se sentir encore coupable de ses actes et des erreurs qu'il a pu commettre. Mal à l'aise à l'idée de faire un geste mal placé. Je ressens de l'appréhension, peut-être même de la peur de sa part. C'est pour ça que je prends les devants, ce qui est un peu en contradiction avec la personne que je suis. Ou que j'étais.
Ce que j'étais. Cette idée me fait sourire. C'est du passé, Jake m'aide à faire naître une nouvelle personne.
Je glisse mes mains sur sa chemise à carreaux, la déboutonnant avant de la faire disparaître comme la veste, il y a quelques minutes.
— Je ne vais pas m'envoler, arrive-t-il à murmurer.
Mon regard croise le sien. Il n'y a pas de doute ni de peur. Juste de la douceur et un peu d'inquiétude.
— J'en ai envie, je lui assure.
— Tu es sûr ?
— Sûre et certaine.
Jake scrute mon regard un bref moment avant de céder.
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