Je préfère ne pas en parler. Oui, j'ai juste envie d'oublier les derniers jours qui se sont écoulés. Entre questions beaucoup trop intimes et proximité dangereuses des paparazzis, mes nerfs ont été mises à rudes épreuves et ont bien failli craquer plus d'une fois. J'ai vainement espéré que les scénarios imaginées dans ma tête n'auraient été qu'exagération. Parfois je me sens ridicule à cause de cette naïveté qui me fait aspirer à des choses totalement illusoires dans la ville des strass et paillettes.

J'ai tenté de résister à la pression. Je voulais me prouver à moi-même que j'étais assez forte pour gérer cette étreinte qui me suivait à chaque fois que je sortais de la fleuristerie. Mais je n'ai déjà pas eu assez le temps de les affronter quand il s'agissait de bonnes nouvelles, concernant mon couple avec Chris, alors des mauvaises... Non, je n'étais vraiment pas prête à affronter des monstres assoiffés de la moindre déclaration de ma part. Comment les considérer comme des humains alors qu'ils n'ont aucun respect pour moi et qu'ils n'attendent qu'une chose : que ma patience faiblisse et que je leur donne n'importe quelle réaction. Que ce soit un simple mot ou une bousculade, un rien pourrait les amuser et faire couler de l'encre à mon sujet. Et ça, je le refuse pertinemment.

Peut-être que j'exagère un peu. Que je parle sous le coup des émotions et en particulier de la haine qui m'anime depuis que l'information sur mon passage à l'hôpital a été rendu publique.

Entre Lily et moi, Adam a beaucoup de boulot. Il doit calmer la première sur ses envies de violences envers ces vautours qui s'impatient devant notre boutique et il fait de son mieux pour me rassurer, me disant qu'ils vont finir par se calmer, que d'ici quelques jours un autre scandale éclatera. Ça marche comme ça ici, à Hollywood. Du jour au lendemain, vous pouvez passer de « total inconnu » à « star internationale » et puis... retomber dans l'anonymat. Tout est éphémère et rien n'est acquis. Une seule rumeur, qu'elle soit vrai ou fausse, peut détruire une carrière ou en construire une.

J'ai parfois du mal à comprendre comment Chris peut subir ça quotidiennement. N'a-t-il jamais eu envie d'arrêter ? Est-ce pour ça qu'il n'a pas encore fondé de famille ? Parce qu'il ne voulait pas que la femme qu'il aime supporte ça ?

Adam a probablement raison. Je ne suis qu'une nouveauté et ça s'estompera d'un jour à l'autre. Le plus tôt sera le mieux, évidemment. Surtout pour Chris, cette histoire n'a vraiment pas plu à son manager et ils se sont pris la tête deux fois en l'espace de quatre jours. Cette histoire et le fait que son employé ne se soit pas rendu aux autres avant-premières, ça ne lui a vraiment pas plu. Heureusement, il ne semble pas plus horrible que celui qui m'avait traité de pétasse... Ou était-ce pute ? Je n'arrive même pas à m'en souvenir et je pense qu'il ne vaut mieux pas m'encombrer l'esprit de mauvais souvenirs.

Alors, j'essaie de m'occuper du jardin qui manque cruellement de plantes et de fleurs en tous genres. Chris n'a vraiment pas la main verte et son extérieur a absolument besoin de couleurs et d'odeurs. D'un peu de gaieté quoi !

Je m'atèle à cette tâche depuis mon levée, soit il y a trois heures de cela. Chris a tenté de m'aider, mais c'était peine perdu et je lui ai gentiment demandé d'aller faire quelques courses pour moi avant qu'il ne fasse plus de dégâts dans le parterre de fleurs sur lequel nous étions en train de bosser. Ça c'était il y a une heure et les pas qui essaient de se faire discrets derrière moi ne sont pas ceux de Chris.

— Salut Lily, salué-je mon invité sans me retourner. Tu sais très bien que la discrétion n'est vraiment pas ton fort.

— Qui ne tente rien n'a rien ! chantonne-t-elle joyeusement en s'installant à mes côtés dans l'herbe. Je fais juste que passer.

— Tu as mieux à faire ? je m'étonne avec une pointe d'humour.

— Je pensais aller me promener un peu et découvrir la ville, m'explique-t-elle de bonne humeur. Mais avant je voulais te donner ceci.

Elle me tend un grand album assez épais ce qui me fait sourciller.

— T'es d'humeur nostalgique ? je fais remarquer amusée.

— Ce ne sont pas des photos ! Ouvre !

Je m'exécute, avant de me faire un peu plus engueuler et je comprends en très peu de temps de quoi il s'agit. Sous mes yeux, des tonnes d'images répertoriées par thème et catégorie. Il y a des robes, des plans de tables et leur décorations, des compositions florales et tout un tas d'autres choses.

— Quand as-tu trouvé le temps de faire ça ? m'exclamé-je très surprise par la masse de travail que ça a dû prendre de tout trouver.

— Quand je dis que je travaille à la boutique, commence-t-elle à expliquer, ça ne veut pas forcément dire que je travaille pour la boutique. Il y a une légère nuance !

— Merci Lily, je lui apprends un peu émue, ça me touche beaucoup.

— Dans des moments pareils, je pense qu'il vaut mieux se tourner vers le futur et ton mariage c'est exactement ce qu'il te faut. Et puis, comme Chris est là, je pense que c'est le moment adéquat pour en parler. La date approche et je ne sais pas quand il repartira en tournée ou en tournage !

— Dans deux semaines, je soupire en baissant la tête et en refermant l'album. Le tournage ne durera qu'un mois, mais quand même.

— La boutique sera ouverte, le temps passera plus vite, tu verras !

Lily m'embrasse la joue avant de se lever.

— Et puis, reprend-t-elle toujours joyeuse, on aura de quoi s'occuper entre le boulot et la préparation du mariage. Tu as deux semaines pour prendre les décisions les plus importantes en compagnie de ton cher mari. Et je te conseille de t'y plonger dès qu'il rentre avant d'avoir fleuri tout le terrain !

Nous échangeons un rire et Lily s'en va presque aussitôt. Je referme l'album et le dépose à mes côtés, avec un peu d'appréhension. J'ai encore l'impression que quelque chose va nous tomber sur la tête... Mais Lily a raison, je dois profiter des bonheurs de la vie et ce mariage en fait partie. J'ai parfois du mal à réaliser que je vais me marier, que je vais m'unir à quelqu'un pour le reste de ma vie. C'est une sensation étrange, je suis à la fois très excitée et très anxieuse. Ça et les événements de ces derniers jours, c'est vrai que j'aurais bien besoin de mettre mes sentiments sur pause l'espace de quelques heures.

« Je devrais peut-être commencer à faire du yoga » je pense en entrant dans une profonde réflexion. « Ou de la méditation. Taper dans un punching-ball ça pourrait être sympa aussi. Ça m'éviterait de frapper d'autres personnes ».

J'essaie avec tant de forces de trouver une solution à mes problèmes émotionnels, que je n'ai pas entendu East débarquer dans le jardin et... attraper avec sa gueule l'une des plantes que j'étais sur le point d'enterrer. Je me retrouve alors à le poursuivre dans le jardin, à faire le tour de la piscine une bonne dizaine de fois et à éviter de tomber pratiquement le même nombre de fois. Finalement, il finit par s'allonger de tout son long devant la porte vitrée de la cuisine, essoufflé et la bouche pleine de terre. Chris arrive à ce moment-là et il ne lui faut peu de temps pour éclater de rire tandis que je fais de mon mieux pour sauver ce qu'il reste de la plante. Le chien arbore un air joyeux, comme conscient de sa connerie... ou alors c'est parce qu'il voit son maître totalement hilare.

— Tu t'occupes de débarbouiller ton chien ! je fais savoir à mon compagnon faussement vexé par le temps qu'il met pour se calmer.

Je range les quelques outils que j'avais sortis pour jardiner, loin de moi l'envie qu'East y fasse ses dents ! J'attrape ensuite la boîte et l'album d'idées et rentre dans la cuisine, passant près d'un Chris vachement moins amusé lorsqu'il voit la saleté sur son chien.

Après avoir rangé la boîte et déposé l'album sur l'un des plans de travail de la cuisine, je m'adonne à la préparation d'un casse-croûte, mon ventre s'étant mystérieusement réveillé lorsque j'ai décidé de que mon travail était terminé pour aujourd'hui. Je suis rassurée de trouver plus de choses dans le réfrigérateur ou les placards, on ne peut pas dire que Chris était un as de fourneaux lorsque j'ai emménagé, ni qu'il y avait de la diversité dans les aliments qu'il achetait. Heureusement, ça a changé. Sinon je n'aurais pas eu énormément de choix pour me rassasier...

Le temps que je me prépare à manger et que je déguste mon met, Chris s'est amusé à laver son chien grâce au tuyau d'arrosage. Il s'est ensuite empressé de rentrer à l'intérieur et de fermer la porte avant qu'East ne puisse rentrer.

— Quoi ? s'étonne-t-il. Il fait bon ! Il va sécher au soleil !

— Dis plutôt que t'as la flemme !

— Bien ! J'ai la flemme, admet-il en s'installant à mes côtés. C'est quoi ça ?

Son ton surpris me fait immédiatement comprendre qu'il parle de l'adorable cadeau de Lily.

— Lily est passée, j'explique avec un sourire. Elle m'a fait une sorte... d'album d'idées pour le mariage. Elle voulait qu'on ait pris toutes les décisions importantes avant... avant ton tournage.

— Je ne suis pas sûr d'être vraiment utile, fait-il savoir d'une moue ennuyée.

— Chris...

Si le futur marié pense qu'il va pouvoir éviter ces discussions, il se trompe lourdement ! Un mariage c'est à deux et je ne compte pas l'organiser seule... Enfin, pas vraiment seule car il y aura Lily, Scarlett et sûrement la famille de mon futur conjoint, mais je ne ferai rien sans lui. Hormis ce qui touche à mon apparence, ça va de soit.

— Mais je veux bien faire des efforts ! ajoute-t-il un peu plus joyeusement. Bien, par quoi commence-t-on alors ? L'endroit où tu veux qu'on se marie probablement ? Tu devrais demander à Scarlett le numéro de celui qui a tout organisé. Il pourrait te faire des visites de salles pendant que je ne suis pas là. Surtout qu'il faut se dépêcher pour réserver, vu qu'on se marie dans un peu plus de trois mois...

— T'avais déjà réfléchi à certaines détails ? je prends la parole très amusée par son intervention.

— Je ne préfère pas répondre à cette question ! tente-t-il d'esquiver avec un sourire en coin. On dit souvent que les hommes sont moins investis dans l'organisation, mais je pense que c'est faux. Ça dépend des gens non ? Parfois ça peut même être la femme qui est moins pointilleu sur les détails !

J'acquiesce de la tête, tout sourire en remarquant qu'il compte vraiment m'aider à préparer... En tout cas du mieux qu'il le peut.

— Bon par contre, reprend-il sur un ton réjoui, je n'aurais pas à m'occuper des fleurs !

— Tu n'en avais déjà pas ton jardin ! je le taquine en glissant ma main dans la sienne.

C'est avec une joie surprenante que nous passons pratiquement six heures à parler du mariage, de l'endroit où se déroulera la cérémonie, la réception, le style de repas que l'on souhait+ne, le nombre d'invités. Chris m'a exactement donné ce dont j'avais besoin ces derniers jours : un moment de répit.