C'est vrai. Je me suis endormie très rapidement. Mais la nuit a été des plus mouvementées et baignées de cauchemars. Entre chacun d'entre eux, je me réveillais en sursaut et il me fallait une bonne demi-heure pour me rendormir, inondée par des souvenirs, par des peurs, par des doutes... et par des scénarios quant à ma prochaine rencontre avec l'homme qui m'a détruite à une époque. Ça ne se finissait jamais bien.

Avec tout ça, on ne peut pas dire que je suis reposée et il est impossible de calculer le temps réel que j'ai pu passer à dormir. La nuit n'a pas été réparatrice, mais ça je m'y attendais.

Je suis crevée et, même en sachant pertinemment que je n'arriverais plus à m'endormir et à reprendre des forces, je ne trouve pas le courage de sortir de mon lit... enfin de celui de Lily dans lequel elle n'a d'ailleurs pas passé la nuit.

Se lever... ça signifierait qu'une nouvelle journée commence et que je dois trouver une solution à un problème qui m'a prise de court et que je ne veux pas affronter. Je donnerais tout au monde pour le faire disparaître.

Le problème, évidemment... mais lui aussi. J'aimerais qu'il n'est jamais existé, que nos routes ne se soient jamais croisées.

J'aimerais aussi que la faim dans le monde et la guerre cessent d'exister. Je rêve un peu trop.

Mais les rêves s'estompent quand je perçois des voix dans la pièce d'à côté : le salon. Je m'extirpe du lit brusquement, tentant de faire face à l'idée qui vient de me traverser l'esprit. Ayant dormi tout habillée, je n'ai pas à me soucier de l'apparence que j'ai. J'ouvre alors, d'un geste rapide, la porte de la chambre et je soupire, à la fois triste et en colère, en voyant à qui j'ai affaire. Lily ne m'a pas écoutée et j'aurais dû m'en douter. Je lui lance un regard plein de fureur : je me sens trahie.

— Avant que tu ne t'énerves, prend-elle la parole, je n'ai jamais promis que je n'allais pas l'appeler. Et quoi que tu dises, on n'aurait rien pu faire sans eux.

Chris est installé de l'autre côté de la pièce. Des trois personnes, enfin quatre avec moi, présentes, il est le seul à être debout. Il a du mal à rester en place et je perçois de la colère dans ses yeux. Une colère redoutable à laquelle j'aimerais ne jamais avoir à affronter. Mais plus les secondes passent, des secondes d'un silence très pesant, plus je le vois se détendre, un minimum en tout cas. En quelques enjambées, il se retrouve à mes côtés et m'enlace, sans attendre. Son étreinte est délicate, longue et forte. Elle se veut protectrice et rassurante, mais c'est sans grand succès. Je me laisse faire, j'essaie, même l'espace d'un instant, d'oublier. Je fais au mieux pour profiter de sa présence...

Une présence que je ne comprends.

— Quelle heure est-il ? je me surprends à dire.

— Un peu plus de sept heures, me répond le second homme de la pièce.

— Mais vous étiez en Europe, je me souviens avec perplexité. Comment avez-vous fait pour être ici ?

— Tu veux vraiment avoir une migraine dès le matin avec la question des décalages horaires ? me rétorque maladroitement Lily. On a d'autres sujets plus importants.

Je reste dans les bras de Chris parce que, étrangement, je commence à me sentir un peu en sécurité. Je suis toujours en colère contre Lily, mais je décide de la mettre en suspens, le temps qu'on trouve une solution.

— Je suis désolée, j'exprime avec sincérité. Je n'ai jamais imaginé que tout ceci arriverait.

— Tu n'es en rien responsable des agissements d'une autre personne.

Je lève la tête, surprise que ces propos aient été dits par Adam, l'attachée de presse à qui je suis en train de donner du boulot supplémentaire et qui devrait être exaspéré, en tout cas je n'aurais pas pu lui en vouloir si tel avait été le cas.

— Je te promets qu'on fera au mieux pour trouver la meilleure des solutions, rajoute-t-il d'une voix compatissante.

— Je suis aussi désolée pour la tournée promotionnelle, expliqué-je un peu plus mes excuses.

— Y a pire dans la vie, tente de me rassurer Chris. J'avais plus important à faire ici. Tu es plus importante qu'un tapis rouge Aby.

Mes yeux se plongent dans les siens et pour la première fois depuis hier soir, je sens une force en moi grandir. Une certitude apparaître quelque part dans ma poitrine : quoi qu'il arrive, il sera là.

— Est-ce que tu es prête à en parler ? me questionne Adam très compréhensif.

Je me retourne vers mon interlocuteur et hoche de la tête. De toute façon, je vais devoir le faire à un moment donné ou un autre, autant le faire le plus rapidement possible. Je m'installe dans le divan libre, rejointe très rapidement par Chris. Je jette un regard un Lily, puis un sourire, j'essaie de lui faire comprendre que je ne lui en veux pas. Ou, en tout cas, que je ne lui en veux plus. De sa part, il fallait s'attendre à ce qu'elle prenne l'initiative de toute façon. Je repose ensuite mon attention sur Adam et c'est là que je remarque, en le dévisageant quelques longues secondes, son teint fatigué. Il n'a pas beaucoup dû dormir cette nuit et c'est de ma faute. Entre le décalage horaire et ce nouveau problème, ça n'a pas dû être évident de trouver le sommeil.

— On ne pourra pas vraiment adopter de stratégie avant que tu aies pu le voir, m'apprend-il. Mais est-ce que tu te sens prête pour ça ? Nous pouvons tenter de l'attaquer en justice pour tentative de chantage et intimidation si tu le souhaites.

— Non, je réponds avec un calme certain. Ça ne servirait à rien. Quelles sont les autres options ?

— Eh bien reprend-il la parole un peu mal à l'aise, Lily m'a fait part de sa requête. Nous pouvons le payer pour qu'il ne parle pas de cette histoire et, bien évidemment, lui faire signer un accord pour ça ne sorte jamais. Nous pouvons également ne rien faire, avec la certitude qu'il parlera.

— Même si on lui fait signer un accord de non-divulgation, intervient Lily en se levant, rien ne nous dit qu'il le respectera. Il empochera à la fois notre argent et celui des journalistes. Et l'attaquer en justice n'y changera pas grand chose, la presse à scandales sera encore plus friande d'avoir des informations sur le déroulement.

Nous tournons nos regards impressionnés vers Lily. A-t-elle dormi de la nuit ou l'a-t-elle passé à réfléchir et à s'informer sur ces procédures judiciaires et les possibilités qui s'offrent à nous ?

— Ben quoi ? soupire-t-elle en se mettant à marcher, j'aime bien les séries politiques et judiciaires.

— Lily n'a pas totalement tort, affirme Adam d'une voix ennuyée, c'est un risque qui peut se présenter.

— Un risque que j'aimerais éviter, murmuré-je pleine de doute quant à la marche à suivre.

— Tu n'es pas obligée de prendre une décision maintenant, tente de me rassurer mon fiancé. Attendons de voir ce qu'il demande.

Je tourne le dos à ma nouvelle famille, au bord d'une nouvelle crise de larmes. Comment puis-je me décider ? Comment est-ce que je vais arriver à lui tenir tête ? Je ne me sens pas assez forte et je pense que je ne serai jamais prête. L'espoir que tout s'arrangera s'est volatilisé aussi rapidement qu'il est apparu, mais ce n'est pas très étonnant de ma part. Voir le verre à moitié vide et me démoraliser est une seconde nature chez moi.

— On devait aller dîner chez Scarlett, je me rappelle après une demi-heure de conversation.

— Je l'ai appelé hier soir pour annuler, m'informe Lily d'une voix rassurante. Ça l'a inquiété mais j'ai fait de mon mieux pour qu'elle ne pose pas trop de questions.

Je la remercie d'un sourire, puis je décide de fausser compagnie à nos invités le temps d'aller prendre une douche et de passer d'autres vêtements. Le temps de souffler l'espace d'un instant aussi. Ce sont deux amis et mon fiancé, mais je me sens prisonnière d'une cage depuis une bonne dizaine de minutes. Je dois me décider, trouver la solution parfaite (ce qui est impossible) ou choisir l'une de celles que me propose Adam. C'est beaucoup. Ça et son retour, c'est trop à gérer pour ne pas craquer.

Alors, arrivée dans la salle de bain de Lily, après avoir attrapé quelques vêtements dans sa garde-robe, je craque et je me remets à pleurer. Je laisse tout sortir, le plus silencieusement, alors que j'ai pourtant envie de crier de toutes mes forces ma frustration.

Juste un peu de bonheur, ce n'est pas possible ? Je viens à peine d'arriver, après avoir décidé de changer radicalement de vie. Qu'on me laisse en paix. Je n'ai pourtant pas l'impression de demander la mer à boire ! Quelle tempête risque encore de me frapper de plein fouet après ça ? Impossible pour moi d'en avoir la moindre idée, vu que je n'ai déjà pas imaginé ce qui est en train de se produire.

Je mets plus de temps que d'habitude pour sortir de la salle de bain (une bonne heure) et je ne suis même pas totalement prête. Je ne suis ni maquillée et mes cheveux sont relâchés n'importe comment.

Je vais devoir descendre à la boutique et l'attendre. Je me promets de retourner me préparer correctement quand l'heure sera venue. Je refuse de paraître avec aussi peu de classe devant un homme qui m'a fait tant de mal. Ce serait lui montrer qu'il a encore une emprise sur moi. Et puis, il faut que je cache ces cernes et ces yeux rouges dus aux larmes qui n'ont pas cessé de couler depuis hier soir.

Il est bientôt neuf heures, mais j'ignore à quel moment il compte se pointer. Je n'ai pas « envie » de le rater ou, en tout cas, pas envie qu'il attende devant la boutique au risque qu'un paparazzi vienne lui poser des questions et qu'il décide finalement de tout lui raconter. D'un autre côté, mes jambes flageolantes et ma préparation à moitié terminée m'empêchent de me rendre au rez-de-chaussée. Sans un mot, Lily disparaît du salon après avoir franchi la porte qui mène aux escaliers.

— Je devrais peut-être venir, suggère Chris.

— C'est une mauvaise idée, commente Adam qui s'est fait très silencieux.

J'approuve d'un signe de tête, mais mon fiancé ne semble pas pour autant résolu à l'idée de m'accompagner.

— Chris, reprend son attaché de presse en se redressant légèrement. Ce mec est probablement au courant que tu es en tournée promotionnelle. S'il te voit là, ça va lui donner plus d'importance qu'il n'en a déjà et ses exigences pourraient être plus considérables. Crois-moi, il vaut mieux laisser les filles gérer. Lily serait plus utile que moi dans cette situation.

Adam s'arrête soudainement, surpris lui-même de la phrase qu'il vient de prononcer.

— Ne lui dites pas que j'ai dit ça, supplie-t-elle avec un sourire coupable.

Je laisse un sourire se dessiner sur mon visage. Grâce à Adam, c'est la première fois que ça m'arrive aujourd'hui. Spontanément et sincèrement en tout cas. Celui que j'avais quand j'ai vu Chris dans le salon était plutôt crispé et un peu forcé.

Je finis par rejoindre la salle de bain, une dizaine de minutes après l'avoir quitté. Je me mets au travail, loin d'être pourtant motivée. Quand je sors, j'ai retrouvé la même tête qu'hier, quand j'étais insouciante et heureuse. Après avoir essayé de trouver du réconfort et des forces dans l'étreinte avec Chris, je descends les escaliers d'un pas lourd et lent. Je reste pourtant coincée dans l'arrière-boutique de longues minutes, incapable de mettre un pied dans la pièce principale où m'attend Lily. Où j'ai rendez-vous avec le diable ou l'un de ses fils.

**

Coucou mes marshmallows ♥

Je sais que j'avais dit un chapitre par semaine... Au final, je ne voulais pas attendre, donc je vous ai publié ce chapitre. J'espère qu'il vous a plu !

Prêt(e)s pour la confrontation entre Aby et Will ?

À bientôt, bisous ♥