— Grand dieu ! soupire Lily de l'autre côté de la pièce. Combien de fois en l'espace d'une heure penses-tu regarder ton téléphone ? Dépose-le ! Tu l'entendras sonner de toute façon !

Nous sommes mardi et ça fait désormais quatre jours que Chris s'est envolé pour des destinations diverses. Aux derniers nouvelles, il doit se trouver quelque part en Europe, je pense qu'il est à Paris, mais avec le décalage horaire c'est difficile de vraiment se tenir au courant. J'en sais quelque chose, je l'ai vécu pendant plus d'un an.

Chaque message, chaque minute d'appel est un vrai petit moment de bonheur, je n'ai donc pas très envie de le rater sous prétexte que Lily veut ouvrir la boutique le plus vite possible. Si vite qu'elle s'est rendue au marché aux fleurs dimanche matin pour passer ses premières commandes. Elle a bien failli m'emmener avec elle car, je cite : « ta tête est en train de devenir célèbre et pourrait nous procurer quelques réductions ». Elle a pourtant changé d'avis, à la dernière minute et à ma plus grande joie. De toute façon, son talent de négociatrice a été plus utile que ma présence, j'en suis persuadée. Et puis, elle a également eu sa photo dans quelques presses à scandale, ça l'a peut-être aidé aussi.

Lily a donc passé son dimanche et son lundi à recevoir les fleurs qui mettent moins de temps à faner, de décorations ou encore de vases en tous genres. Du coup, elle m'a réquisitionnée durant les prochains jours (c'est du moins ce qu'elle dit, parce qu'il faudra au moins tout le voyage de Chris pour vraiment s'occuper de tout ça).

Elle veut qu'on ouvre boutique le lundi prochain. Elle est complètement cinglée. Je ne dis pas que ce n'est pas faisable, je dis que ça risque d'être très compliqué.

Je suis quand même pourtant là, à viser des étagères, bouger les meubles et déposer des vases encore vides sur ces derniers.

Je comprends son envie de travailler, car ça me fera aussi du bien de retrouver une certaine « routine ». Et puis, depuis son arrivée à Los Angeles elle s'ennuie un peu. Oui, elle s'ennuie, dans une ville aussi belle que Los Angeles où il y a des milliers de choses à voir. Mais bon, dans un certain sens, ce n'est pas évident de jouer la touriste sans savoir si la journée sera calme ou non. Mais elle a choisi cette vie autant que moi le jour où elle a organisé ce voyage avec l'aide de Chris.

— Et si personne ne vient ? dis-je d'une voix apeurée.

— C'est vrai, admet-elle ironiquement, personne ne voudra venir acheter des fleurs à la fiancée d'un des acteurs les plus bankables de ces cinq dernières années.

— Je ne sais pas ce que je préférerais, j'avoue d'une petite voix, ne pas avoir de clients ou en avoir.

— Qu'est-ce que tu racontes encore ?

— Si c'est pour avoir des clients qui veulent prendre des photos ou qui tentent de me poser des questions...

— Je les enverrais gentiment paître, m'apprend ma collègue avec un sourire en coin.

— Ouais, je ne préfère pas avoir de clients en fait, je ris en lui lançant un morceau de papier bulle dans la tête.

Une léger tintement se fait retentir et nous nous relevons automatiquement, nous tournant vers la porte d'entrée. Est-ce que les gens ne savent pas lire le panneau à l'entrée qui indique pourtant que la boutique n'est pas ouverte ? Surtout que les stores sont également fermés !

Le nouvel arrivant est un jeune homme dans la vingtaine avec des yeux et cheveux bruns ainsi qu'une barbe peu fourni. Quelque chose dans la forme de son visage et de son nez me disent quelque chose. De plus, le fait qu'il porte une chemise à carreaux accentue cette impression de déjà-vu.

— C'est fermé, annonce sèchement Lily.

— Même pour la famille ? s'exclame dans un rire le nouvel arrivant. Enfin, futur famille, mais on n'est plus à quelques mois près.

Et puis, c'est là que je comprends qui il est.

— Tu es Justin ? j'en déduis avec amusement en me remémorant les photos que j'ai aperçues lors de mon week-end familial.

— Dans mes bras belle-soeur ! m'invite-t-il à faire en s'approchant de moi.

Justin n'attend pourtant pas que je lui donne la permission pour m'enlacer, mais son allégresse et sa joie de vivre me poussent à lui rendre son étreinte avec beaucoup de bonheur.

— Chris ne m'a pas averti de ta venue !

— Il n'était pas au courant, m'annonce-t-il un peu ennuyé. Je ne savais pas qu'il partait en tournée promotionnelle. Je lui ai envoyé un message il y a quelques heures, avant le décollage, mais je n'ai pas encore eu de réponses. Je tombe mal...

Mon beau-frère se gratte l'arrière de la tête, visiblement gêné de débarquer à l'improviste.

— Bien sûr que non ! Je suis vraiment ravie que tu sois venu, j'avais hâte de pouvoir faire ta connaissance. Oh et voici Lily, ma meilleure amie.

Lily, qui n'a pas parlé durant la minute écoulée, serre machinalement la main de Justin en guise de salut.

— Est-ce que vous êtes tous obligés d'être aussi canon dans la famille ? ronchonne-t-elle avant de s'éloigner de nous et de se rendre dans la réserve.

Justin, un peu dans un état second après cette rencontre expresse avec Lily me regarde bizarrement.

— Elle fait souvent des commentaires dans ce genre-là ? me questionne-t-il à la fois perplexe et hilare.

— Accroche-toi, je lui conseille en croisant les bras, ce n'est que le début.

Lily revient juste à l'instant, avec dans ses bras mon sac et ma veste qu'elle me tend en arrivant à ma hauteur.

— Occupe-toi de lui, m'ordonne-t-elle d'une mine triste. J'ai pas envie qu'il soit dans mes pattes toute la journée et tu ne peux pas lui dire de s'en aller, ce serait impoli.

— Dit la fille qui est en train de me considérer comme un meuble, commente Justin en faisant mine de tousser.

Par politesse, j'ai envie de demander à Lily si elle est sûre d'elle, mais je vois bien que ça ne servirait à rien et nous mènerait de toute façon à quitter la boutique.

— Et il reste combien de jours le frangin canon ? l'interroge Lily alors que j'enfile ma veste.

— Quelques jours, répond-il en haussant un sourcil avant d'ajouter sans aucune once de considération. Si ça ne dérange bien évidemment pas Lily la meilleure amie.

— Lily la meilleure amie est enchantée qu'Aby fasse la connaissance du frangin canon, nie-t-elle avec un large sourire. Tant que ce frangin canon n'agit pas comme July l'aînée et mette mal à l'aise ma sœur. Oh et Lily la meilleure amie passera dîner avec vous, sois-en sûr.

— Attends quoi ? l'arrête Justin. Qu'est-ce qui s'est passé avec July ?

— Oh elle a...

— C'est bon ! la coupé-je aussitôt en attrapant mon sac. À tout à l'heure Lily !

Je pousse alors vivement et précipitamment mon nouvel ami vers la porte d'entrée, ravie de pouvoir m'extirper de cette journée pour laquelle je n'étais pas du tout motivée. Mais, à peine sommes-nous sortis de la boutique, que quelques paparazzi nous tombent dessus et nous mitraillent avec leur appareil. Justin ne semble pas ennuyé, loin de là. Il doit y être habitué et, au vu de sa carrière musicale, toute publicité est bonne à prendre.

Nous rejoignons rapidement et en silence le 4x4 de Chris que j'ai pris pour me rendre à la fleuristerie. Je n'ai pas encore ma propre voiture, mais il est clair que je prendrais quelque chose de moins voyant, de moins gros. Quelques minutes plus tard, soulagée d'être loin d'eux, je suis plus apte à reprendre une conversation, Justin me devance d'ailleurs.

— Qu'a pu bien faire ma chère soeur ? m'interroge-t-il bien malgré moi.

— Disons qu'elle a simplement fait son rôle d'aînée, résumé-je dans l'espoir que la conversation s'arrête là.

— Ma soeur est irrécupérable, soupire-t-il en détournant le regard vers la vitre. Elle a parfois tendance à en faire trop.

— Lily est pareille, je lui apprends en me mordant la lèvre, j'espère que tu ne prendras pas peur.

— Je pense que je suis assez fort pour supporter, m'assure-t-il avec un sourire. Je tiens à m'excuser de ne pas avoir pu être là.

— On ne peut pas tous se libérer, surtout que tu vis à New-York. J'espère que ce n'était rien de grave en tout cas.

Je lui adresse un sourire le temps d'une demi-seconde, avant de reposer mon regard sur la route.

— Pas du tout ! rit-il très heureux. Qu'est-ce que t'as dit Chris sur moi ?

— Que tu étais musicien, que tu vivais à New-York où tu essayais de percer avec ton groupe, que tu faisais du football américain quand tu étais au lycée et qu'il tient beaucoup à toi. Évidemment il m'a raconté quelques anecdotes mais je pense qu'il préférait que je te découvre lors de notre rencontre.

— C'est un bon résumé, approuve-t-il. On avait un entretien avec un label en fait.

— Et comment ça s'est passé ?

— On a eu le contrat ! m'annonce-t-il très fièrement. C'était totalement inespéré... On perdait vraiment espoir depuis quelques mois.

— Comme quoi, les miracles ça arrive.

— Comme toi et Chris ? compare-t-il sérieusement.

— En quoi Chris et moi c'est un miracle ? je m'étonne en fronçant les sourcils.

— Je désespérais qu'il se case avec quelqu'un. Qu'il te présente à la famille, c'était très soudain et très surprenant. Mais alors qu'il nous annonce son mariage, ça... ça c'était totalement dingue ! Je m'y attendais pas !

— Et tu crois que je m'y attendais peut-être ? plaisanté-je. Il y a certains moments où je trouve cette histoire presque surréaliste. Il y a un peu moins d'un mois, j'étais fleuriste en Angleterre. Regarde où j'en suis maintenant.

— À porter une très jolie robe à fleurs ?

— Tu as vu l'avant-première ? je m'exclame avec étonnement.

— Eh bien c'était la seule façon pour moi de voir à quoi tu ressemblais. Qu'est-ce que ça t'a fait au fait ?

— Honnêtement ? Je me suis pas vraiment sentie à l'aise. J'avais l'impression d'être épiée sous toutes les coutures. Mais j'ai fait quelques rencontres agréables.

— T'es la nouveauté, ça s'estompera avec le temps. C'est comme au lycée.

— Je n'aimais pas le lycée, je lui apprends aussitôt. La seule amie que j'avais c'était Lily.

— Dis-toi que Chris est ta Lily du tapis rouge.

J'éclate de rire sans le vouloir. La comparaison est plutôt amusante, il faut l'avouer et j'ai hâte de la répéter aux deux principaux intéressés.

Nous arrivons à la maison une quinzaine de minutes plus tard. East reconnaît automatiquement le nouvel arrivant, c'est du moins ce que je suppose lorsque je le vois sauter sur Justin. Après des embrassades bien gluantes, de la part du chien je tiens à le préciser, nous passons dans le jardin après avoir préparé quelques rafraîchissements. La journée est belle : le soleil ne tape pas trop fort et une légère brise passe de temps en temps pour nous apporter le climat idéal à une fin d'après-midi.

Installés à la terrasse, nous faisons connaissance pendant deux bonnes heures. Je lui parle de ma vie passée en Angleterre, de ma rencontre avec Lily à l'âge de dix-sept ans, mais je lui passe mes histoires d'amour : je n'ai pas envie d'en parler, je ne lui fais pas encore assez confiance et il n'y a aucune raison que je lui dévoile une partie de ma vie dont je ne suis pas fière. De plus, je trouve ça inutile de me plaindre sur les quelques jours horribles que j'ai pu traverser alors que des femmes traversent, en ce moment même sûrement, bien pire que moi.

Quant à lui, il me fait part d'anecdotes sur sa relation avec Chris. J'apprends avec stupéfaction une information que mon fiancé m'a délibérément cachée : sa rivalité avec son frère durant la période du lycée.

— Il n'en a pas dit un mot ! j'émets avec tristesse.

— Je suis certain qu'il y a des tonnes de choses que je pourrais t'apprendre à propos de notre famille, m'assure-t-il avec un sourire en coin.

— Pas étonnant, je viens à peine de les rencontrer. Mais pourquoi cette rivalité ?

— J'étais jaloux de lui, glisse-t-il d'une petite voix. Du coup, je suis devenu assez agressif à son égard parce que, de mon point de vue, je n'arrivais jamais à l'égaler. Sauf pour les cours, mais ça c'est une autre histoire. On a carrément une période de... De trois mois je crois, où je n'ai plus voulu lui adresser la parole après quelques taquineries de sa part. Il n'a pas compris pourquoi je réagissais ainsi. On était tous les deux des gosses, on n'avait pas la maturité nécessaire pour comprendre la situation. J'étais idiot de me comparer à lui alors que je savais faire d'autres choses.

— Mais c'est toi qui a créé cette comparaison maladive avec lui ? le questionné-je. Ou c'est à cause de commentaires que pouvaient faire les gens autour de vous ?

— C'était plutôt moi, admet-il en hochant de la tête. Nos parents ont toujours agi de manière à nous individualiser. Ils ne nous mettaient pas en compétition. Ils ne nous faisaient pas des commentaires du genre : « hey ! Quand ta soeur était au lycée elle avait toujours des très bonnes notes ».

— Veinard, le complimenté-je un peu tristement.

— Relation difficile avec la famille ? en déduit Justin visiblement attristé pour moi.

— À un tel point qu'ils ne sont pas invités au mariage, j'acquiesce en gardant tout de même un sourire heureux. Mais c'est Lily que je considère comme ma famille pour tout t'avouer.

**

Coucou mes marshmallows ♥

Je vous présente Jack Falahee que j'ai décidé de prendre comme avatar pour Justin, le petit frère de Chris. J'espère que la rencontre Lily-Aby-Justin vous a plu, ainsi que ce nouveau personnage. Je pense le faire intervenir de temps à autres d'ailleurs. Je trouve que ça manque de personnages masculins dans l'histoire, pas vous ? ;)

À demain ♥