— Alors ? je demande en prenant ma paire de ciseaux et en m'installant sur la chaise haute.

— Alors quoi ? reprend Chris en regardant la pièce d'un air distrait.

— Oh tu as sincèrement cru que j'allais encore parler et que tu allais m'écouter ? j'éclate de rire. Tu peux toujours courir, j'ai appris ma leçon, je ne referai la même erreur. Ça, tu peux me croire.

— Très bien, très bien, grogne-t-il gentiment avant de devenir s'installer en face de moi.

J'attrape quelques roses avant de lever la tête vers Chris, très silencieux, qui semble déconcerté par la tâche que je lui demande.

— Eh bien, j'attends, je m'impatiente avec un sourire amusé.

— C'est que...

— Que ? continué-je perplexe.

— D'habitude, quand quelqu'un veut savoir quelque chose sur ma vie, il me pose des questions.

— Je ne suis pas une animatrice de télévision ou une intervieweuse, je lui fais gentiment remarquer. Avec moi, tu es libre de dire ce que tu veux. Hormis si tu as encore peur que je contacte la presse.

— Bien sûr que non ! me contredit-il en posant doucement ses poings sur la table, C'est d'autant plus difficile car je ne sais pas par quoi commencer.

— Par... le commencement peut-être ? le nargué-je en entreprenant de couper quelques tiges.

— T'es une marrante dis donc ! reconnaît-il en posant sa tête sur sa main. Tu vas faire quoi avec toutes ces roses ?

— Je vais sûrement en faire un bouquet vois-tu ! Mais ne change pas de sujet, je ne parlerai plus jusqu'à ce que tu te mettes à parler de toi. Je t'ai dit que ça ne marcherait plus.

Je lui lance mon regard le plus sérieux et il ne faut qu'une minute pour que Chris démarre enfin son récit... Et qu'il ne s'arrête qu'une heure après. Je l'ai écouté très attentivement, curieuse d'en savoir un peu plus sur lui, sans passer par un nombre incalculable d'interviews. Je ne sais d'ailleurs pas si les informations qu'il m'a données sont connues ou non du grand public, je m'en fiche un peu à vrai dire. J'ai appris certaines choses sur le monde du cinéma, comme la différence entre un agent, un attaché de presse et un manageur. Diable, comment peut-il avoir besoin d'autant de personnes ?

J'ai également eu la joie de découvrir quelques petites anecdotes amusantes sur ses tournages.

À force de l'écouter, je fais le lien avec certaines choses qu'il a pu me dire sur Internet et la réalité que j'ai pu apercevoir sur certaines unes de magazine que je retrouve en librairie.

Par exemple, lorsque Chris m'a parlé de sa vie sentimentale, je me souviens avoir lu qu'il sortait avec une top-model très célèbre (dont j'ai oublié rapidement le prénom) depuis plusieurs mois. Mais ce n'est pas pour faire plaisir à ses parents, comme il a pu me le dire sur Internet, mais tout simplement à son manageur. Des célébrités qui sortent avec des célébrités, ça fait vendre des magazines et une star n'est rien si on ne parle d'elle. Je n'approuve pas vraiment, voire pas du tout, ces méthodes. Pour tout avouer, je trouve ça tellement triste et ridicule !

— Donc tu sors avec une fille que tu ne connais pas vraiment, pour qu'on parle de toi ? récapitulé-je en baissant la tête et en attrapant un vase près de mes pieds.

— On peut dire ça comme ça. Disons que c'est, en partie, pour faire parler d'elle. On a le même manageur.

— « On peut dire ça comme ça » ? répété-je incrédule. Tu veux dire ça comment ? demandé-je un peu sur la défensive.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? dit-il aussitôt en ayant remarqué mon changement d'humeur.

— Rien, je réponds en reprenant une voix chaleureuse.

— Non, dis, j'aimerais bien avoir ton opinion.

Mes doigts effleurent pendant quelques instants les pétales de la rose que je tiens en main. Ce n'est pas ma vie et exprimer mon avis de la sorte me rend très mal à l'aise. De quel droit ai-je de critiquer son mode de vie alors qu'il m'a accordé suffisamment de sa confiance pour débarquer et tout m'avouer ? 

— J'ai toujours adoré regarder des films ou des séries, commencé-je avec un faible sourire, et je ne me suis jamais vraiment intéressée à la vie de mes acteurs préférés. Pour tout dire, je m'en fichais. Pourtant, désolée pour ma naïveté, je trouve ça malhonnête... et même plutôt malsain, que tu doives également jouer un rôle dans la vie réelle. Je trouve ça encore plus immoral si des enfants sont impliqués dedans. Et, au vu de ta déclaration, j'ai désormais le pressentiment que c'est le cas dans certains couples de stars. Déjà que quelques-uns sont affublés de prénoms un peu trop... originaux, si en plus ils naissent dans une vie de mensonges, c'est très triste.

Je baisse la tête et me concentre sur mon bouquet de roses, Chris quant à lui reste silencieux. Je ne dis d'habitude pas les choses de manière aussi franche, mais quelque chose m'a poussé à lui dire ce que je pense de cette histoire. Désormais, je me sens coupable d'avoir manqué de tact. Voilà à peine deux heures que nous sommes ensemble. J'ai dû le pousser à parler de lui et je l'ai attaqué à la moindre occasion. Quelque chose ne tourne définitivement pas rond chez moi.

— Je te prie de m'excuser, je n'aurai pas dû dire ça. Après tout, je n'y connais rien, tenté-je de m'excuser en gardant les yeux baissés.

— Non, ce n'est pas grave, m'assure-t-il d'une voix compréhensive. Je comprends ton point de vue et je pense pareil.

— Alors pourquoi agis-tu ainsi ? je l'attaque légèrement bien malgré moi en relevant le regard. Je veux dire, qu'est-ce qui t'en empêche de changer ? C'est ta vie. Pas celle de ton manageur à la noix.

— « Mon manageur à la noix » ? répète-t-il en retrouvant le sourire. Quelle insulte mademoiselle Griffiths !

— Ne te moque pas ! l'avertis-je en pointant mes ciseaux dans sa direction et en riant.

— Qui ça ? Moi ? Me moquer ? Bien sûr que non ! rétorque-t-il en reprenant son sérieux en une fraction de seconde.

Nous riions quelques secondes de plus avant de redevenir silencieux.

— Alors, que comptes -tu faire ? je reviens à l'assaut peu de temps après.

— À propos de..., commence-t-il en m'invitant à finir.

— De..., continué-je en tentent de me rappeler du prénom de sa petite amie.

— Clara ? me questionne-t-il avec un sourire rieur.

— Ouais Clara, désolée je n'ai pas la mémoire des prénoms, m'excusé-je à moitié honnête.

— Je pense faire quelque chose qui enragera mon agent, avoue-t-il pas vraiment triste par sa future séparation.

— Je peux te poser une question ?

Il m'invite à poursuivre d'un signe de tête et je me pince légèrement les lèvres, je sais que je vais m'aventurer sur un terrain glissant.

— Si tu joues avec la presse, si tu bernes tes fans, commencé-je à demi-mot, comment savoir que tu ne me fais pas la même chose ?

Chris détourne le regard un instant, ma question l'a déstabilisé et, dans un sens, cela m'amuse.