𝟥𝟥 | 𝖬𝗂𝗀𝗋𝖺𝗂𝗇𝖾.
🎵 Stɑrboy - The Weeknd ft. Dɑft Punk
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ೃ⁀➷ 𝒥e parlais très peu avec Emerson, et lui aussi parlait peu d'ailleurs. Mais je savais qu'il se souciait de moi silencieusement. Je sentais souvent ses regards vers moi, pour savoir si j'allais bien. Et il avait compris qu'aujourd'hui, ce dont j'avais le plus besoin, c'était de m'aérer l'esprit.
Nous traversâmes le centre de Philadelphie et empruntâmes un trajet que je commençais à connaître. Mais à un moment, nous bifurquâmes sur une route sinueuse et quittâmes les lumières de la ville. Nous étions maintenant dans un coin plus rural et calme, loin des klaxons des taxis et des grondements des moteurs. Emerson me fit signe de m'arrêter devant une petite brasserie.
Nous garâmes nos motos sur le bas-côté et entrâmes à l'intérieur. Il faisait bon et l'odeur de la nourriture m'était agréable. Emerson tira une chaise dans un coin et m'invita à m'asseoir dessus. Puis, il prit place en face de moi. Le crâne lisse d'Emerson reflétait la lumière du lustre suspendu au-dessus de nos têtes. Ses tatouages sombres recouvraient tout son corps et j'avais peine à les distinguer les uns des autres. Physiquement, Emerson avait tout l'air d'une brute alors que c'était l'une des personnes les plus gentilles que je connaisse.
— Allez, dis-moi ce qui te tracasse Evans. Je suis pas de bon conseil, mais j'ai une bonne oreille.
Je lui lançai un petit sourire avant de lui répondre.
— Tu ne trouves pas que tout le monde se comporte bizarrement en ce moment ?
— Pas tout le monde, mais une personne, oui.
— Qui donc ?
— Toi.
— Moi ? m'exclamai-je interloquée. Je ne vois pas en quoi.
Emerson émit un petit rire amusé.
— J'ai remarqué que toi et le Chef vous êtes plus proches qu'avant. J'ai pas raison ?
Je sentis mes joues se chauffer de honte. Soldat Jayden, nous avons été repérés.
— Pas vraiment. C'est juste qu'il est plus... avenant.
— Bien sûr, fit Emerson faussement convaincu en avalant une gorgée de vin.
Je poussai un soupir d'exaspération comprenant que la balle n'était pas dans mon camp.
— Tu sais, reprit le grand gaillard, le Chef est différent depuis que t'es arrivée ici. Enfin surtout depuis la cérémonie du Gouverneur. Il se préoccupe beaucoup de ton cas. Il s'assure que tu sois constamment surveillée, en particulier depuis l'incident à l'Euphoria.
Je fixais mes genoux qui tremblaient nerveusement sous la table. Je ne savais pas quelles étaient les réelles intentions de Jayden envers moi.
— C'est vrai que depuis l'Euphoria, il a changé, murmurai-je. D'ailleurs, ce soir-là, il était vraiment... terrifiant. J'avais l'impression de voir quelqu'un d'autre. Pourtant, je ressentais parfaitement sa présence et cela m'a calmée.
— Ça fait bizarre la première fois qu'on le voit comme ça.
— Il mangeait des bonbons.
— Je sais.
— Il a tué deux hommes.
— Oui.
— Et t'appelles ça seulement « bizarre » ? C'est complètement fou, Emerson !
Celui-ci hochait la tête sans grande conviction. Apparemment, même les membres du Club avaient du mal à trouver une explication rationnelle à son comportement.
— Je ne retournerai donc jamais à l'Euphoria, repris-je en soupirant.
— C'est mieux comme ça. Cette boîte est louche de toute façon.
— Comment ça ?
— Ben tu sais, y a beaucoup de vieux cons là-bas, mais surtout un gros tas de trafiquants, m'expliqua Emerson. Drogue, armes et j'en passe. En fait, l'Euphoria est l'endroit où se font ces trafics et les échanges foireux. Faut faire attention à ne pas tomber sur la mauvaise personne ou bien tu finis la gorge tranchée.
J'écarquillai les yeux, tombant des nues. Mes battements cardiaques s'accélérèrent au fond de ma poitrine.
— Des... trafics d'armes ? Et de... drogues ? bredouillai-je horrifiée.
— Fais pas cette tête Evans, on fait pareil, dit Emerson comme si c'était la chose la plus normale.
— C'est pas vrai..., soufflai-je en prenant mon visage entre mes mains.
— Le problème à l'Euphoria ce ne sont pas les trafics, mais les personnes qui les font. Ces gars sont mauvais, ils sont responsables de massacres inimaginables si tu savais.
— Euh... Emerson, changeons de sujet, tu veux ?
Il secoua la tête.
— Parle-moi de toi. Tu as une famille ?
Un sourire chaleureux étira ses lèvres et ses yeux se mirent à briller.
— J'ai une femme, Alice et une fille, Miranda. Elle va avoir sept ans, c'est bientôt son anniversaire.
— Tu ne les vois pas souvent alors, murmurai-je compatissante
— Le soir, si j'arrive à rentrer avant qu'elles ne soient endormies. Ou le week-end quelques fois, me confia-t-il avant de boire une gorgée d'alcool. Tu sais Evans, y a un truc que j'aimerais beaucoup faire.
— Qu'est-ce que c'est ?
— J'aimerais venir chercher ma fille à l'école une fois et montrer à tous ses p'tits camarades qu'elle aussi a un père, déclara-t-il en regardant le fond de son verre. Les enfants se moquent d'elle, ils disent que son père ne l'aime pas et que c'est pour ça qu'il ne vient jamais la voir. Mais si tu savais à quel point je l'aime, putain. Si tu savais, Evans.
Je lui pris la main et lui adressai un tendre sourire. J'étais sûre que nous pouvions trouver une solution afin qu'il puisse voir sa fille grandir. Nous passâmes le reste de la soirée à parler d'elle et de toutes les bêtises qu'elle avait pu faire depuis son plus jeune âge. Nous rentrâmes vers minuit à la villa, nous n'avions pas vu l'heure passer. Emerson me déposa devant le portail et repartit directement chez lui.
Je rentrais à l'intérieur sur la pointe des pieds. Aucune lumière allumée. A priori, tout le monde devait dormir. Après m'être rapidement douchée, je sortis de la salle de bain afin de regagner ma chambre et croisai un fantôme étonnamment vivant sur le palier. Il me fixait de ses yeux perçants, me figeant sur place.
— Jayden, soupirai-je soulagée.
— Viens.
Il me tendit sa main que j'attrapai d'un geste hésitant. Il m'entraîna au deuxième étage. Je n'y allais que très rarement alors je me demandais ce qu'on allait bien pouvoir faire là-haut. Nous arrivâmes devant une petite porte blanche que Jayden ouvrit avec une clef qu'il venait de sortir de sa poche. Avant de la pousser, il me chuchota :
— Je te promets de te dire toute la vérité un jour, mais tu dois encore patienter. En attendant, laisse-moi te montrer quelque chose.
Jayden poussa doucement la porte dans un grincement sourd. Il attendit que je pose un pied à l'intérieur avant d'allumer la vieille lampe suspendue au plafond. Cette pièce n'avait pas l'air de servir souvent, vu les toiles d'araignées qui en couvraient chaque recoin. Elle était presque vide à l'exception d'une guitare posée contre un mur.
Et d'un piano blanc au beau milieu de la pièce. Un vrai piano à queue. J'avais appris à jouer de cet instrument à une époque, mes parents m'en avaient offert un lors de mes treize ans, peu après mon accident. Mais un peu plus tard, ma mère m'en a puni et m'a interdit d'en jouer. Elle a revendu l'instrument sur un site internet malgré mes supplications.
Je m'approchais prudemment de ce somptueux piano et fis glisser délicatement ma main sur ses touches brillantes. J'exerçai une petite pression sur l'une d'elle et un doux son vint tinter contre mes oreilles. Jayden referma la porte derrière nous. Il attrapa la guitare que j'avais aperçue et s'assit sur une petite chaise en bois. Il m'invita à faire de même d'un signe de la main.
Je le vis se remuer durant plusieurs secondes, sûrement pour trouver la position qui lui convenait le mieux. Puis, ses doigts fins se mirent à gratter les cordes en fer, émettant une gracieuse mélodie dont les vibrations m'emportèrent avec elles. Jayden paraissait à la fois concentré et plongé dans ses propres émotions. Les cordes continuaient de vibrer sous ses doigts agiles, tandis que mon esprit quitta ma tête pour se plonger entièrement dans cette musique envoûtante. Mon corps se balançait machinalement sur la chaise, comme si chaque note le portait.
Jayden finit cette mélodie par un accord harmonieux, avant de lever sa main. Ses yeux glaciaux rencontrèrent les miens encore une fois. Aucun de nous n'avait dit quoique ce soit depuis que nous étions entrés dans cette pièce.
Son regard quitta mon visage et s'attarda de nouveau sur la guitare. Il se remit à jouer, mais cette fois, c'était une mélodie plus mélancolique. J'avais l'impression d'avoir déjà entendu ce morceau quelque part, mais je ne me rappelais plus où, ni quand. Il me fit ressentir un tas de sensations inconnues. Mon corps se souleva et vint se poser devant le piano. Mes doigts se posèrent sur les touches et instinctivement, je pressai chacune d'elle délicatement au rythme de la musique. Il ne m'était pas compliqué de trouver les notes correspondantes à la tonalité et à la rythmique donnée. C'était comme si je les connaissais déjà.
Soudain, une douleur lancinante me traversa le crâne. Je m'arrêtai brusquement de jouer et pris ma tête entre mes mains. Je me laissai tomber sur le sol et j'entendis Jayden accourir vers moi.
— Liz ? Ça ne va pas ?
La panique se faisait ressentir dans sa voix ce qui n'arrangeait rien, sa respiration avait changé. Je ne savais pas ce qu'il m'arrivait, cela ne m'était jamais arrivé auparavant. Ou peut-être que si.
Dans tous les cas, cette douleur insupportable ne s'estompait pas, bien au contraire. Des larmes commencèrent à dévaler mes joues tandis que les bras de Jayden enroulèrent le haut de mon corps et ma tête se posa contre son torse. Un geste simple mais qui me calma aussitôt. Cette douleur...
— Tu te sens mieux ?
Je hochai la tête contre lui, ne voulant pour rien au monde quitter son étreinte.
— Je... Je ne savais pas que... que tu savais jouer du piano, bredouilla-t-il.
— J'ai appris il y a longtemps, répondis-je difficilement. Je suis tout aussi surprise de voir qu'il me reste des notions.
Je le sentis glousser avant de me serrer un peu plus fort. La migraine s'atténuait peu à peu, mais j'avais toujours du mal à ouvrir les yeux.
— Tu sais... Je t'avais dit que la musique me permettait d'évacuer mes émotions et en quelque sorte... les contrôler.
— Que t'est-il arrivé ?
— Tu n'es pas prête à l'entendre.
— Jayden, pourquoi tu refuses à chaque fois que je t'aide ? m'indignai-je vexée. Tu penses que je suis faible c'est ça ? Ou que je ne pourrais pas comprendre ?
Il poussa un profond soupir signalant qu'il allait céder.
— Il y a environ cinq ans, je me suis enfui de l'endroit où j'étais retenu enfermé. Là-bas, j'ai été torturé pendant trois ans.
Il marqua une pause qui dura plusieurs secondes. Il était très difficile pour lui d'évoquer ce sujet et je m'en voulais déjà de lui avoir posé la question. Son regard était rempli de souffrance, mais ses lèvres continuaient de sourire.
— Je le ressens encore. Dès que je suis sur le point de m'endormir, tout refait surface.
C'était la pire vision que j'avais eu de lui jusqu'à aujourd'hui. Parce qu'il souffrait, mais qu'il tentait toujours de me convaincre qu'il allait bien. Je passais ma main sur ses joues pour lui montrer mon soutien.
— Voilà de quoi sont faits mes cauchemars. J'ai perdu tous ceux que j'aimais par la même occasion. Tout ça à cause de mes putains de conneries de gamin.
La mâchoire serrée, il tentait de prononcer ses mots le plus distinctement possible malgré la colère et le tourment.
— Je n'en peux plus... J'aimerais que tout ça finisse...
Sa voix se brisa sur ses derniers mots, ce qui déclencha les larmes qui perlaient déjà le long de mes cils. Je l'embrassais sur la tempe, fermant les yeux pour approfondir ce contact. Je ne savais pas exactement comment je devais agir avec lui, surtout dans des moments comme celui-ci. Je ne le connaissais pas encore assez pour savoir quelles réactions étaient les plus adaptées. La seule chose dont j'étais sûre, c'était qu'il avait besoin de moi.
— Je suis tellement désolé de ne pas pouvoir tout te dire. Mais je dois te protéger. Pour que tout ça finisse, il faut que je te protège.
Je ne voyais pas de quoi il parlait, mais je ravalais les questions qui débordaient de ma bouche.
— Y a-t-il quelque chose que je dois savoir ? Je veux dire, pour ma sécurité ?
Jayden secoua vivement la tête.
— Il y a une personne en ce moment même qui te veut du mal. Qui sait ce qu'il te fera s'il t'attrape.
— Il faudrait qu'il commence par me trouver.
Jayden se redressa brusquement pour me faire face. Son visage exprimait clairement le regret et la désolation. Il fronça des sourcils et je vis sa mâchoire se contracter.
— Il t'a déjà trouvée, Liz.
Mon cœur rata un battement en entendant cet aveu.
— Co... Comment ça ? demandai-je en tremblant.
— J'ai un frère. Un frère jumeau. C'est la pire personne que je connaisse, c'est un être détestable qui mérite de crever. Dis-toi qu'il est si persuadé de m'être supérieur qu'il continue de m'appeler petit frère.
— Je... Je le connais ?
Jayden hocha la tête.
— Tu l'as rencontré à l'Euphoria.
Oh. Bordel. C'est pas possible. J'espère que c'est une blague parce que si c'est la vérité, je suis déjà morte.
— Ne me dis pas que...
Tout concordait. Comment n'avais-je pas pu faire le rapprochement plus tôt ? Ces mêmes cheveux clairs, ces mêmes yeux...
— Ray...
Je n'avais jamais réellement vu son visage. La première fois, à l'Euphoria, il était à peine éclairé par les néons de l'étage violet. La deuxième fois, dans le centre de Philadelphie, il portait une casquette et des lunettes de soleil. En plus de ça, l'aura qu'il dégageait était complètement différente de celle de Jayden. Sa corpulence, sa voix, tout était différent. Pourtant, leurs traits étaient les mêmes.
T'es complètement idiote Eli, qu'est-ce que t'es idiote putain.
Mon corps se mit à trembler en me rappelant que je lui avais parlé il y avait seulement quelques jours, et je savais que c'était une énorme connerie. Qui sait quelles informations il avait pu apprendre sur moi à ce moment-là.
— Jayden. Je... Je dois t'avouer quelque chose.
Celui-ci me lança un regard interrogateur, me demandant de continuer.
— Je... J'ai croisé Ray, il y a quelques jours, je devais rejoindre Palm' au Rusty, mais je me suis perdue et je me suis retrouvée dans une vieille ruelle pourrie et Ray est venu m'aider à retrouver mon chemin mais je ne savais pas que...
— Tu as fait quoi ? me coupa-t-il.
— Je suis désolée...
— Merde.
Il se leva soudainement et sortit de la pièce en trombe, sans un autre mot.
Je n'avais même pas la force de me relever après cette annonce. J'avais fait ami-ami avec le type qui voulait ma mort. On ne pouvait pas faire pire. J'étais définitivement la reine de la connerie.
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