Trente-quatrième virage
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Trente-quatrième virage.
En voyant la façon dont les yeux de Lord s'écarquillèrent et dont son visage vira au cramoisi avant qu'il ne détourne le regard, Scandal se sentit immédiatement coupable. Il tenta de se reprendre d'une voix un peu nerveuse :
— ... on en parlera que si tu en as envie, bien sûr. On n'est absolument pas obligés d'en parler. Si tu préfères, je peux fermer les yeux sur ce qui s'est passé hier et faire comme si rien n'était jamais arrivé... Ton choix.
Le blond se racla la gorge et ajouta :
— Mais... ce serait plus sain – je suppose – si on en parlait. Parce que bon... c'était quand même intense hier. Je sais que l'alcool était impliqué, mais quand même... Tu avais l'air de refouler pas mal de trucs. Et là, c'est à peine si je t'ai un peu frotté et tu es déjà dur.
Lord devient encore plus rouge si c'était possible. S'il avait pu, il se serait caché six pieds sous terre.
— Non, non... ne t'inquiète pas, reprit Scandal, c'est normal, c'est tout à fait normal. On est plus sensible quand ça fait longtemps... même moi, j'ai pas baisé depuis ce foutu confinement forcé, alors je...
C'en était trop. Beaucoup trop. C'est le moment que choisit Lord pour regagner un peu de confiance avant que tout ça n'aille trop loin.
— Ta gueule, Scandal.
Profitant que le biker blond soit aussi désemparé et nerveux, Lord le frappa au visage avant de le prendre par surprise et de le faire à son tour basculer sous lui. Il le fit rouler sur le ventre et lui replia un bras dans le dos pour l'immobiliser. Cette fois, il se plaça bien hors de la portée de son genou.
— Leçon numéro un : ne baisse jamais ta garde.
— Tu cherches à éviter la conversation.
Lord serra le bras de Scandal dans son dos jusqu'à ce que son adversaire émette un grognement de douleur. Ce n'était que le juste retour du bâton après ce que son ami lui avait fait quelques minutes plus tôt.
— Allez, admet la défaite.
— C'est bon, c'est bon... tu as gagné, grimaça Scandal.
Lord relâcha la pression sur son bras et se releva, heureux de ne pas avoir perdu la face. Scandal roula et s'assit, jambes allongées, pour faire face à Lord.
— Alors... on ne va jamais reparler de hier ? redemanda le blond. Dis-le-moi clairement et j'arrêterai.
Lord soupira.
— Qu'est-ce que tu veux savoir ? C'était assez clair pourtant, non... ?
Enfin, à ses yeux, c'était plutôt self-explanatory. Ils n'avaient pas besoin d'en discuter longuement. Si Scandal était assez intelligent, il avait déjà compris ce qu'il y avait à comprendre.
— Depuis combien de temps ? demanda Scandal en le fixant avec intensité.
Lord était mal à l'aise, mais il ne pouvait pas juste tourner les talons et s'enfuir s'il voulait être considéré comme un adulte. À quel moment son admiration pour Scandal s'était-elle transformée en autre chose ?
— Deux... trois ans... je ne sais plus exactement.
Scandal écarquilla les yeux, étonné et choqué de ne pas s'en être rendu compte avant, alors que ça faisait si longtemps. Lord était son meilleur ami... comment avait-il fait pour ne rien remarquer avant alors qu'il le connaissait comme le fond de sa poche ?
— Comment es-tu parvenu à le cacher si bien ?
— Je ne dirais pas que je l'ai si bien caché que cela. Tout le monde s'en est rendu compte... sauf toi.
Scandal allait faire une blague, mais il se retint. La discussion était trop sérieuse. À la place, il baissa les yeux.
— Je suis désolé, Lord... J'aurais dû m'en apercevoir. J'ai dû te faire souffrir sans le vouloir.
Lord secoua la tête.
— Tu n'as pas à t'excuser de quoique ce soit. Si j'avais voulu que tu le saches, je te l'aurais dit moi-même. Je ne peux m'en prendre qu'à moi.
— Qu'est-ce que tu attends de moi ?
Le plus jeune soupira.
— Rien du tout. J'aimerais simplement qu'on puisse rester amis... Je ne peux pas forcer des sentiments qui ne sont pas réciproques.
Depuis le départ, il s'était préparé à être rejeté. Ce ne serait rien de nouveau sous le soleil. Lord pouvait vivre avec le fait que ses sentiments ne lui soient pas retournés, mais il ne pourrait pas vivre en perdant cette amitié si précieuse à ses yeux.
Scandal haussa un sourcil.
— Qui te dit qu'ils ne sont pas réciproques ?
Le cœur de Lord rata un battement.
— S'il te plaît, Scandal, ne plaisante pas avec ça. Ce n'est pas drôle.
Le blond se releva pour lui faire face.
— Je ne plaisante pas.
Pour une fois, le visage du jeune homme n'exprimait ni l'amusement ni la moquerie. Les yeux bleus de Scandal brillaient d'un sérieux que Lord ne lui avait que rarement vu.
— Tu n'as pas à te forcer, tu sais.
— Je ne me force pas. C'est vrai que c'est... nouveau, mais... quand tu as disparu et que nous avons reçu la lettre de ce psychopathe avec ta photo... mon monde a chaviré. Je ne dormais plus, je ne mangeais plus... J'ai cru que j'allais mourir parce que tu n'étais plus là.
Scandal étira le bras pour attraper la main de Lord dans la sienne. Lord frissonna. Il voulut retirer ses doigts, mais son ami le retint en poursuivant :
— J'étais prêt à me faire tatouer un R sur la main pour que tu penses à moi chaque fois que tu verrais ta cicatrice... Je ne t'ai même pas demandé ce que tu en pensais avant. J'ai pris conscience que j'ai toujours été foutrement égoïste quand il s'agit de toi. Je cherche constamment ton attention, je te monopolise... Je veux être le seul à tes yeux.
— Tu as toujours été le seul. Tu le sais.
Ce n'était pas difficile : il n'y en avait pas deux comme Scandal.
— Je n'avais pas pris conscience que tu avais tant grandi... que tu étais devenu mon égal. Puis, quand tu m'as embrassé hier... il y a eu un feu d'artifice dans ma tête. Je ne pouvais penser qu'à une chose : « j'espère qu'il recommencera » Mais tu avais bu et je ne pouvais pas profiter de toi ou de ton état... et si tu regrettais ?
C'était le moment précis où Scandal avait réalisé que Lord n'était décidément plus un gamin. Sa langue était beaucoup trop insistante, ses bras trop puissants... Son ami pouvait le mettre facilement au tapis... et pas que dans le cadre d'un combat amical.
— Je ne regrette pas, affirma Lord, mais je craignais de perdre ton amitié. Je préfère me cacher et ne jamais dévoiler mes sentiments, quitte à ce que ce soit douloureux, plutôt que de cesser d'être ton ami.
Et c'était le plus honnête qu'il ait été depuis longtemps.
— Voyons..., soupira Scandal en se pinçant l'arête du nez de sa main libre. On est ensemble et on ne s'est pas lâchés depuis... quoi ? Plus de dix ans ? Je suis déçu que tu aies pensé, après tout ce temps, qu'il me suffise de si peu pour te rejeter... C'est mal me connaître.
— Je suis certain que tu aurais agi de la même façon, protesta Lord en le fixant. Tu couches à droite et à gauche, tu me parles toujours de tes plans cul... je n'ai jamais pensé que j'avais la moindre chance...
Les yeux de Scandal pétillèrent de malice.
— Tu penses pouvoir être à la hauteur ?
Lord leva les yeux au ciel.
— Franchement... hier, je me suis demandé ce que j'avais de moins que ce « Raf » ... ou ce qu'il pouvait faire de plus que moi. Ça m'a rendu fou de le voir te draguer comme ça...
— Tu pourrais essayer.
— Quoi ?
— De me séduire.
Scandal pensait que Lord allait se dégonfler, qu'il rougirait en détournant les yeux, voire qu'il l'insulterait. Mais à sa grande surprise, le jeune homme, certes, rougit, mais surtout, il se recula de quelques pas et, sans le lâcher du regard, commença à faire lentement passer son T-shirt au-dessus de sa tête...
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