Le vingt août était un jour spécial : c'était l'anniversaire de Mikey. On était tous réunis dans sa chambre, avec des verres de coca et des saladiers remplis de bonbons. Les garçons ne se dérangeaient pas pour les dévorer, malgré Emma qui les grondait pour qu'ils en laissent à tout le monde, mais je n'osais pas y toucher par peur qu'on parle de mon poids. Le matin même, ma mère m'a donné une tape dans la main alors que j'essayais de me resservir en riz. Bref, on avait organisé un concours sur Pro Evolution Soccer, et Mikey explosait tout simplement chacun de ses adversaires. Normal, il passait plus de temps à jouer qu'à s'entraîner au dojo, sous prétexte que c'était un petit génie.

Draken a fini par débarquer avec un gâteau au chocolat serti de bougies et tout le monde s'est mis à chanter. On s'est assis en cercle, Emma a distribué des assiettes et je l'ai aidée. Mikey a soufflé les bougies et tout le monde a applaudi. Puis, il a décrété que le gâteau était à lui, l'a pris dans ses mains, et a croqué dedans.

— Putain t'abuses ! s'est écrié Mitsuya. Je me suis fait chier à cuisiner ce gâteau, alors tu vas partager avec tout le monde !

Mikey s'est mis à bouder, on a découpé le gâteau en six et chacun s'est servi.

— Sérieux, t'as douze ans et t'es toujours aussi petit, a dit Pah-chin.

— Tu verras, quand je serai au lycée, je vous dépasserai tous ! s'est défendu Mikey.

— Ouais, c'est ça. En plus tu trouveras jamais de copine à ta taille. Quoique, en vrai, Madoka...

— Quoi Madoka ? je suis intervenue.

— Bah, t'es à sa taille, vu comment t'es minuscule, a développé Pah-chin.

— C'est ta teub qu'est minuscule connard.

Il y a eu un silence de deux secondes, puis j'ai provoqué l'hilarité générale. Mikey se tenait le ventre et était tombé à la renverse, incapable de respirer. Draken tapait sur le sol et Pah-chin ne pouvait s'empêcher de rire aussi. Avec Pah-chin, on aimait bien se lancer des piques à chaque occasion. On faisait ça pour amuser la galerie, et puis aucun de nous deux n'était très fort avec les mots.

Moi, je repensais à ce qu'il avait dit. Je n'avais jamais vu Mikey comme autre chose qu'un ami. A vrai dire, pour moi, l'amour, c'était un truc de grand. J'avais certes un faible pour son grand-frère, mais c'était plutôt une sorte d'admiration secrète de petite fille.

Après s'être amusés comme des fous, Emma m'a prise à part et on s'est assises en tailleur dans un coin de la pièce.

— Alors ? a-t-elle dit.

— Alors quoi ?

— Ben, t'as le béguin pour mon frère ?

Impossible de garder mon expression habituée de blasée.

— Euh, bah, je sais pas...

— Tu peux tout me dire, je répèterai rien ! Je peux même t'aider. T'es trop mignonne, alors je t'autorise à sortir avec lui.

— Je sais pas vraiment, je trouve qu'on est bien comme ça pour l'instant.

— Pas grave, si tu sais pas encore. Moi aussi, j'ai un crush, tu sais. Mais il est idiot et il ne comprend rien alors que je lui envoie plein de signaux.

— C'est qui ? ai-je dit soudainement intéressée.

— C'est... C'est Draken.

J'ai hésité à attraper ses mains comme dans les films, mais comme je ne savais pas si ça se faisait dans la vraie vie, j'ai planté mes yeux dans les siens.

— Je suis sûre que tu vas y arriver, Emma, ai-je affirmé. Tu as tout mon soutien. T'es vraiment une fille super, il va bien finir par réaliser.

Puis, Kunai est apparue de nulle-part et nous a chacune attrapées par les épaules.

— Alors, on parle de potins amoureux ? a-t-elle dit en chuchotant à moitié.

Emma lui a expliqué la situation, et je suis sûre que si elle pouvait grignoter du popcorn en l'écoutant, elle l'aurait fait.

— Vous avez de la chance, d'avoir quelqu'un, a-t-elle soupiré. Moi, j'ai personne de chez personne... A chaque fois que je rencontre un garçon, c'est toujours pareil. Soit il finit par me dire que je suis pas assez blanche, soit c'est des fétichistes bizarres. Bref, je voudrais vraiment un mec, mais ils sont tous bêtes comme leurs pieds.

— Tu trouveras forcément quelqu'un, Kunai... et puis même si c'est pas pour maintenant, on s'en fiche un peu, parce que les garçons c'est souvent naze, et que ce qui compte c'est les amis.

— Emma a raison, ai-je ajouté. Tu as une personnalité tellement rayonnante que tu attires tout le monde, amoureux comme amis.

Kunai nous a rapprochées pour nous câliner. Sur le coup, je me suis tendue, mais j'ai réussi à me relâcher au fur et à mesure. En fait, c'était même agréable. J'ai souri si fort que j'aurais pu avoir des courbatures le lendemain. A cette époque, la vie n'était pas tout le temps belle, mais assez pour me rendre heureuse. J'aimais mes amis, j'aimais Mikey, et tout était tellement plus simple.