17. La loi du plus fort
D'aussi loin que je me souviennes, j'ai toujours aimé l'école. C'est peut-être stupide, mais quand j'y étais je me sentais en sécurité. Je me disais que rien de grave ne pouvais m'arriver, tant que je serais dans l'enceinte. J'étais nouveau dans mon quartier, mais me suis rapidement fait à mon collège.
Lorsque j'ai emménagé ici, à St-Tropez, pour la première fois, une ville huppée de la Côte d'Azur, j'ai pensé : "putain ! Il n'y a que des bourges aux environs ! .
Avant, j'habitais à" Pavalas-les-Flots"
Pour ceux qui ne seraient pas du coin, c'est une cité balnéaire près de la Méditerranée. Elle se trouve à 3 heures de St-Tropez.
Ce n'était pas comparable à mon nouveau chez moi, mais j'aimais la quiétude de la ville.
Malheureusement, mon père avait été muté. En plus de cela, mes parents qui ne roulaient pourtant pas sur l'or avaient choisi de m'envoyer étudier dans une école privé de la Côte d'Azur, où l'éducation était qualifiée comme étant "la meilleure".
J'ai alors fait ma rentrée en cinquième année là-bas. Très vite j'ai fait la connaissance de Saddie et Ali avec qui je suis devenu inséparable. Mais mon bonheur n'a pas duré. Rien ne dure en ce bas monde. Un beau jour, ton monde vole en éclat. Tu ne sais pas pourquoi ? comment ? Pas même ce que tu as fait pour mériter ce qui t'arrives. C'est juste une injustice de plus dans la vie !
Je ne sais par quel méthode Alex a réussi à me faire parler de mon passé.
C'est un marabou ou un hypnotiseur. Je me suis enfoncée sur ma chaise et saisi la cigarette qu'il m'a tendu.
Vous savez déjà que fumer me détend plus que l'atteinte d'un orgasme. C'est une toxine réactive chez moi, avec un effet immédiat, parfois auto-destructeur.
Qui sait, je suis peut-être accro au testostérone plus que je ne le pense.
J'allume ma clope et tire une taffe.
Direction le "Pays Des Merveilles" !
Je suis archi détendu.
Alex me pose une question et j'y répond posément.
— Comment te sens-tu maintenant ?
— Mieux !
Je reporte les yeux sur ma cigarette. Bizarrement celle-ci n'en a pas la forme. On dirait que quelqu'un l'a roulé. Elle est fine dans le bout et épaisse à l'avant. A première vu cela pourrait ressembler à une cigarette mais en réalité, c'est loin d'être le cas. On dirait un... un joint ! Ouais, c'est exactement ça !
Sans déconner ?!
— Il faudra que tu me donnes l'adresse de ton dealer, mec ! Je m'exclame, d'une voix pâteuse.
Je tire une nouvelle taffe et prends mon temps avant de souffler la fumée, en renversant la tête. Je ferme les yeux sous l'extase.
Aussitôt ma phrase est balayé d'un refus.
Alex fronce les sourcils. Il répond ensuite d'une voix ferme.
— Hors de question ! J'ai eu assez de mal pour m'en procurer. Ce sera la première et la dernière fois que tu en fumeras.
C'est encore un stratagème pour libérer la parole. J'aurais dû m'en douter ! Il est plus rusé qu'il ne paraît.
Je ris malgré-moi.
— C'est une variété d'herbe Inca. Celle-ci à des vertues apaisante, contrairement au cannabis classique. Tout repose sur la quantité. Il faut savoir doser les choses que l'on aime. Avec elle, je ne mets pas en danger ta santé.
Alors c'est ça le deale ? Me droguer sans mon consentement, en me faisant ingérer une drogue sensée me détendre ?
J'espère qu'il se fout de moi ?
— Putain Alex, si mon père...
Il me coupe dans mon élan, avec sérénité.
— Ton père doit rester en dehors de ça.
Évidemment.
Je hoche la tête, convaincu.
Cette herbe marche du tonnerre !
— Et si tu reprenais le cours de ton histoire ? Me suggère Alex.
Je lève le bras et pointe mon index sur lui. J'affiche un sourire niais. Je ne peux plus m'arrêter de rire et sourire. Je suis trop détendu pour refuser quoique ce soit.
— Ok, je vais tout te raconter.
Alexander affiche un sourire satisfait.
Il pivote sur sa chaise et croise les jambes, intéressé.
— Dis-moi.
Où en étais-je ?
****
J'avais tendance à faire confiance aveuglément aux autres, en leur donnant crédits. Je ne me méfiais pas de mes camarades ni de ce qu'ils pouvaient me faire. J'étais du genre à rire de bon cœur et à faire l'imbécile sur ma chaise. J'étais aussi le premier à faire des bêtises.
Avant mon arrivée, la classe manquait de dynamisme. Je les trouvais amorphes, avachis sur leurs bureaux, les yeux presque clos. Ils étaient sur le point s'endormir encore une fois, lorsque la porte s'est ouverte sur moi et le directeur.
Ce dont je suis certains c'est que personne ne se doutait de mon arrivé. À leurs yeux je n'étais qu'un étranger. Quelques élites figuraient parmi eux, mais ça n'a pas durer. À l'école réside la loi du plus fort et avoir des amis nous rends intouchables. Ce n'est pas vos bonnes notes qui vous sauveront ou augmenterons votre popularité, mais la quantité de personnes autour de vous.
Les populaires eux, fonctionnent en bande. Ils se défendent et se soutiennent quoiqu'il arrive. Ils ne se déplacent jamais seuls et ne ressentent pas d'angoisse, ni mal aise en passant les portes de l'école.
Quitte à choisir la solitude, ils préféraient passer le reste de leur vie entourés.
Entre plastiques similaires, les couples s'étaient vites établies. Ils avaient des paires parfaitement compatibles !
Je partais avec un avantage : celui d'être le nouveau. J'avais alors l'embarras du choix.
Les autres venaient facilement à moi. J'avais beau être petit, ils ne le voyaient pas.
J'ai eu le choix dès le début, de choisir mes amis. Mais j'ai préféré ne pas en faire et laisser mon cœur décider à ma place. Je voulais me lier avec des gens qui partageraient les mêmes centre d'intérêt que moi. Or je ne voyais aucun de mes camarades à qui ce rôle pouvait convenir. Tous étaient déjà en groupe. Quant aux élites et populaires, ils ne fallaient même pas y penser. Je pouvais d'ores et déjà faire demi-tour.
Quand j'ai rencontré Ali et Saddie, de seul, je suis passé devenu un groupe. Nous formions un trio atypique que les autres aimaient reluquer sans cesse. Pourquoi, et bien, parce que nous ne leur ressemblions pas.
J'aimais être en compagnie de mes meilleures amies. Elles m'apportaient du réconfort et un peu de sécurité. Seulement, nous n'étions pas dans la même classe. Le sort avait décidé que nous ne serions jamais unis en cours et cela tout au long de nos années. Par la suite je suis allée en filière ES, Saddie en S et Ali en L. Ce qui n'a pas aidé.
Nous nous étions vu à la plage central de St Tropez et déjà nous étions très complices. Avant même de nous apercevoir que nous fréquentions la même école.
Le midi je restais au self. Je mangeais en vitesse et quittait le réfectoire sans me faire repérer. Puis retrouvais mes amies quelque fois à la pause. Le plus souvent nous nous rejoignîmes au Déli-Bazar, après les cours.
Mon cauchemar avait débuté lorsque j'avais tenté de tenir tête à un garçon. Paul-Edan. Il était dans une classe supérieur, en 4e. Je l'avais surpris en train de causer du tord à une plus jeune que lui.
Aussitôt, Je lui avais dit de la laisser tranquille.
J'avais du culot, je n'avais pas hésité à lui rappeler le règlement intérieur et les sanctions qu'il risquait. Seulement, vouloir jouer les justiciers à l'école, était un acte irréfléchi. Il n'y a pas de justice. C'était à nous de la faire nous-même. Même si la plupart du temps nous ne revendiquons pas notre statut.
Les harcelés ne parlent jamais, les filles violées ne dénoncent jamais leur violeurs, par honte ou timidité et les voleurs se montrent en pleins jour, sans craindre d'être attrapés. Quant aux intellos, ils restent de l'autre côté de la cour, loin des populaires et des élites qui dominent dans la hiérarchie.
Ils ne se mélangent qu'entre eux et pas autrement. Ce serait de la folie pur ! Lorsque nous appartenons à un clan, c'est pour la vie. Au lycée nous garderons l'étiquette qui nous a été collée. Il est quasiment impossible, voir très dur, de s'en détacher.
Si un populaire ou une tierce personne avait décidé que vous étiez une "pédale", comme ils catégorisent vulgairement les homosexuels, vous l'étiez et rien d'autres.
Ce jour là, je n'aurais pas dû l'ouvrir. Jusqu'à présent, je n'attirais pas l'attention. On me laissait tranquille. Mais cela a changé brutalement lorsque j'ai pris la défense de ma camarade. Une fille jugée insipide par les autres. Moche. Cet argument leurs donnaient le droit de la persécuter et tourner en dérision.
Elle se tenait adossée contre son casier, terrifiée. La terreur était perceptible sur son visage. Elle se tenait les bras, en enfonçant ses ongles, dont le vernis écaillés, reflétait son rang.
Je me suis jeté devant elle et fait barrage avec mon corps, malgré ma petitesse.
Paul-Edan m'a dévisagé d'un air moqueur.
C'est à cet instant que j'ai vu l'insigne sur sa veste. Il faisait à la fois partie des élites et des populaires. Autrement dit, il était intouchable des élèves, ainsi que des professeurs. Son rang était le plus haut dans la hiérarchie et nul doute qu'il le savait puisqu'il jouait de ses avantages.
Il n'y avait que les élites qui portaient des vestes de blazer classieuses, avec des écussons épinglés sur leur poitrine. De cette façon, ils se distinguaient des autres.
Notre école était adepte des uniformes.
Les filles portaient des vestes jaunes et jupes quadrillées du même coloris. Les garçons eux étaient en bleu et habillés dans la même nuance que les costumes des ministres.
Toutefois, pour les familles défavorisées, de vieux uniformes d'anciens élèves leurs étaient prêtés dès la rentrée, en échange d'une attitude studieuse. Ils devaient fournir plus d'efforts s'ils ne voulaient pas perdre leurs bourses.
L'établissement étant privé, il fallait persévérer, et cela, peu importe les difficultés. Le favoritisme était réservé aux plus aisés. Même si à St Tropez il existait une dominante du côté des riches qui gentrifiaient le territoire, les démunies ne se laissaient pas dominés. Parmi les populaires certains avaient un passé troubles.
En défiant Paul-Edan, je me mettais à dos toute la principauté du collège. Je n'avais pas conscience de cela étant encore nouveau. Mais ma tendance à la rébellion face à l'autorité sentencieuse, avait été le piège de tous mes tourments.
J'avais omis ses copains, qui me raillaient derrière leur leader. Ils étaient quatres.
Tous portaient une montre en or véritable et autre bracelet, des bagues en anneaux. C'étaient des gosses de riches. Leurs fringues ne sentaient pas mauvais. Ils s'aspergeaient des litres de parfums et avaient leurs chauffeurs privés. Contrairement aux autres, ils n'étaient pas escortés par leurs parents, ne prenaient pas de transports en commun. Pour la plupart seulement qui voulaient être avec leurs amis.
— Tu dois être nouveau, je n'ai jamais vu ta tête dans les couloirs ! Au cas où tu ne le saurais pas, demi portion, ce que je fais ne te regardes pas. Maintenant tire toi de là !
Il m'a empoigné par le col et poussé contre le casier, juste à côté de la fille dont-il s'apprêtait à malmener. Cette dernière à sursauté d'effroi et me dévisageait en écarquillant des yeux ronds, bouche-bée.
J'ai tout à coup senti une douleur fulgurante se propager dans ma colonne vertébrale et me suis recroquevillé.
Les autres ont ri de nous.
— Laisse-le Paul, tu vois bien que ce bouffon veut juste se la raconter ! C'est qu'une mauviette.
Après avoir entendu les dires de son pote, je pensais qu'il en resterait là, or ce ne fut pas le cas. Il m'a jeté un regard froid, puis à fait semblant de partir, lorsqu'il s'est retourné brusquement pour me donner un violent coup de poing dans le ventre, avant de tourné les talons, suivi de sa bande.
Eux riaient comme des tordus. Ils échangeaient des messes basses, dans mon dos et me raillaient.
Quant à moi, j'étais cloué sur place par le coup que ce crétin de Paul-Edan venait de m'infliger. J'avais la respiration coupé. J'étais plié en deux, incapable de me redresser.
Je fixais le sol, muet.
Jusqu'ici je n'avais rien fait de mal, seulement voulu aider une innocente. Je voulais lui éviter d'être harcelée. Au final, j'ai pris sa place.
La fille en question a poussé un cri de terreur. J'ai alors pensé qu'elle partait chercher de l'aide, or une fois de plus je m'étais trompée. Elle ne comptait pas me sauver comme je l'avais fait pour elle. Au contraire, elle voulait sauver sa peau.
C'était chacun pour soi !
Elle s'est empressée de partir, dans une direction opposée à celle de ses harceleurs et disparu au loin.
Je les regardé fuir, impuissant.
Le lendemain j'ai recroisé Paul-Edan et sa bande dans les couloirs. Seulement, quand nos regards se sont croisés, j'ai compris qu'il était en train de se passer quelque chose.
A présent, j'étais devenu une cible à abattre.
D'une façon ou d'une autre, ils m'avaient choisi. Mais pas comme je l'aurais imaginé. J'étais le profil parfait que recherchait un harceleur. J'étais heureux de vivre et gentil. Au delà de ma différence de taille et de mes cheveux bouclés, mon caractère les inuspportaient. J'avais eu le culot de leur tenir tête, à eux les élites.
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