Le coût de la vie
C'est avec difficulté que j'avançais, pas à pas, tentant de maitriser le mieux possible le bruit causé par les étranges raquettes suomen qui empêchaient mes pieds de s'enfoncer dans l'épaisse couche de neige. Il venait de neiger, la veille, et, par conséquent, toutes les traces de la forêt avaient disparu, comme si un immense coup de brosse avait été passé sur le tableau blanc de son sous bois. Les hauts cèdres élançaient leurs pointes vers le ciel bleu, tandis que les autres sapins courbaient l'échine sous le poids de l'eau gelée, tombée du ciel telle une malédiction sur leurs épaules solides mais fatiguées par les ans. Sous leur couvert, notre petite escouade avançait à pas lents, en tentant de faire le moins de bruit possible. Faa'kehn, un épais gaillard au cou large comme un tronc, ouvrait la voie en observant chaque recoin de la forêt avec attention. Je le suivais de près moi même suivie de Da-jee-ha. Les deux étaient armés d'un arc, tout comme moi, et leur carquois pendait à leur ceinture, fermé par un opercule savamment décoré.
Il était venu le moment de la chasse.
Je n'avais moi même jamais chassé. J'avais toujours considéré cette activité comme particulièrement peu productive, étant donné que l'élevage nourrissait déjà suffisamment la population, et que je ne voyais aucun intérêt à tuer un animal pour le plaisir. Cependant, alors que je suivais à pas de velours le déplacement prudent de Faa'kehn, et que l'excitation se prenait de moi, je croyais pouvoir comprendre l'attirance que cette activité pouvait avoir sur certains. L'adrénaline de la discretion, la solitude au milieu de l'immensité de la nature, la poursuite de la proie... c'était comme un combat. Un combat entre l'homme et la nature, où le premier tentait désespérément de prouver, probablement à nul autre que lui même, sa domination. Je continuai à penser que c'était un bien étrange passe temps, et que je ne voyais que peu d'intérêt à m'y impliquer grandement. Je doutais de ressentir autant d'émotions si palpitantes durant une partie de chasse occidentale. Celle ci était tout à fait différente.
Car ni Faa'kehn, ni Da-jee-ha n'étaient là pour le plaisir. Ils étaient là pour nourrir les leurs, comme leurs parents avant eux, et leurs grands-parents avant leurs parents, et ce depuis l'aube des temps. Les quelques lectures que j'avais pu faire m'avaient appris que les suomen n'avaient adopté l'élevage de mouton de manière généralisée que depuis moins de trois siècles. Auparavant, autant leur culture que leur besoin d'être sans cesse en mouvement pour échapper à de potentielles répressions les empêchaient de s'adonner à cette activité pour se nourrir, ce qui expliquait sans doute la très faible population de l'époque, population qui n'avait fait que grandir depuis. Da-jee-ha et ses acolytes étaient donc là en chasseurs expérimentés, connaissant leurs proies, la manière de les traquer, de les tuer, et même d'en ramener suffisamment pour le reste de la tribu. La viande n'était plus un met aussi courant que par le passé, m'avait-on dit, l'augmentation de la population ayant rendu cela impossible. Pourtant, les moins de deux cents habitants d'Ar'henno ne me semblaient point trop nombreux, mais cela devait faire beaucoup de chevreuils et de chamois à tuer pour tous les fournir en chair fraiche.
La grande question qui pouvait se poser était alors: que faisais-je là, entre ces deux chasseurs expérimentés, armée d'un arc dont Da-jee-ha avait passé quatre jours à m'enseigner l'utilisation, tant bien que mal - mes doigts ainsi que mes bras étaient encore terriblement douloureux de ces longues heures d'entrainement, durant lesquelles j'avais pu constater que les enfants du villages âgés de 8 ans étaient meilleurs que moi. En bref, ma présence ici faisait tâche, et j'en étais parfaitement consciente. Mais Da-jee-ha avait insisté. On pouvait même dire qu'elle m'avait forcée. C'était, m'avait-elle expliqué, une forme de rite initiatique pour moi. Elle semblait déterminée à prouver au reste de la tribu que je n'étais pas simplement la kowo logeant chez eux et qu'ils aimaient bien, mais une vraie membre de leur famille. Et c'était quelque chose dont j'étais à la fois terriblement ravie et atrocement terrifiée, car je n'étais pas sûre d'être à la hauteur de ce qui était attendu de moi. Pour aller sur le terrain, déterrer quelques comtes bancaires secrets, poser les bonnes questions au bon moment ou jouer de mes charmes pour obtenir des réponses, j'étais la meilleure; mais en ce qui concernait l'idée d'être capable d'ôter la vie d'un être vivant, j'étais bien moins à l'aise. Et, quand bien même j'y parviendrai, j'avais peur de ce que cela impliquerait. Da-jee-ha voulait-elle m'intégrer définitivement? Elle semblait peu disposée à me laisser repartir. Mais que diraient les autres habitants? Et... serait-je capable de survivre indéfiniment à Ar'henno? C'était une vie plaisante, calme et paisible, mais si éloignée de mes standards habituels. Ne plus pouvoir aller shopper pendant des heures et acheter des dizaines de tenues que je ne mettrai jamais? Débattre ardemment sur les réseaux sociaux, ou simplement pouvoir faire des recherches internet? Rien que l'idée d'un café suffisait à me mettre l'eau à la bouche, et je n'étais pas sûre d'être capable d'accepter l'idée de rester à jamais à Ar'henno. Si je n'avais clairement aucun désir de quitter la vallée à ce moment, je ne me projetai que difficilement y grandir, y vieillir, sans jamais retourner à la civilisation que j'avais toujours connue. Et, de toute manière, je n'étais pas suomen. Je n'avais pas les silhouettes élancées, les yeux gris, la force naturelle et les traits fins de ce peuple. Je n'avais ni leur vécu, ni leur tradition, je ne parlais même pas leur langue. Dans ces conditions, comment prétendre être un membre de la famille proche et non pas une cousine éloignée qui, bien qu'elle soit rarement vue au réunions de famille, est appréciée de tous.
Je l'ignorai, et j'avais tenté de mettre les points sur les i depuis notre départ d'Ar'henno, mais il me fallait avouer que la tâche était ardue, et que la concentration demandée par le trajet sinueux au cœur de la forêt de nouveau vierge rendait toute réflexion profonde assez complexe. Les seuls bruits qui résonnaient dans l'immensité blanchie par la neige était celui de nos pas sur la neige, ainsi que celui d'un vent léger, changeant régulièrement de direction, ce qui causait de brusque tournants de la part de notre guide afin de toujours rester face à lui. On entendait par moment les piaillements de quelques rares petits oiseaux et les croassements de corneilles, planant haut au dessus de nos têtes, peut être conscientes du potentiel festin qui les attendaient si elles parvenaient à chaparder notre butin. Faa'kehn avait déjà pisté plusieurs pistes. Un lièvre, difficile à attraper, et que je n'aurais de toute manière jamais pu toucher au vu de mes piètres compétences d'archère. Un renard, ce qui m'avait ainsi appris que ces derniers finissaient volontiers au menu des suomen également. Et, enfin, une harde de chevreuils, ce qui m'étonna quelque peu, au vu de l'épaisseur de la neige. Je me demandais comment ces herbivores pouvaient se nourrir, mais peut être l'avaient-ils pu avant la dernière chute de neige, et descendaient-ils en directions de terres plus clémentes pour y paitre tranquillement. Faa'kehn et Da-jee-ha, eux, semblaient connaître les raisons de leur présence, car ils m'entraînèrent sans la moindre hésitation à l'écart de la piste, qui continuait sur notre droite, le long d'une arête rocheuse, gardant le vent de côté, cette fois-ci. Nous escaladâmes une butte, traversèrent une clairière immaculée, dont la beauté me frappa de plein fouet, avec ses milliers de cristaux reflétant la lumière du soleil tel un diamant à mille facettes, puis descendîmes dans une ravine dont certaines roches étaient visibles. Les arbres morts entravaient notre avancée, et ils semblaient que jamais personne ne soit venus les enlever, mais mes deux compères avançaient sans la moindre hésitation, jusqu'à un petit surplomb donnant sur un petit lac, encaissé dans une sorte de marmite naturelle aux pentes raides sur la majorité du pourtour. Le simple fait que j'ai pu constater qu'il s'agissait bel et bien d'un lac en disait beaucoup, car nous en avions croisé d'autre en chemin, mais tous étaient gelés et recouvert d'une épaisse couche de neige, leur donnant plus des airs de large clairières que de bassins aqueux. Hors, celui là n'était pas gelé, bien au contraire. Son eau d'un bleu profond reflétait la montagne qui le surplombait comme un miroir légèrement trouble, alors qu'il semblait que sa surface fumait légèrement. Une source chaude, probablement... A vrai dire, autour de ses rives, apparaissaient, là où la boue n'avait pas tout envahi, quelques touffes d'une herbe jaunâtre que la harde de chevreuils broutait, l'œil alerte.
Mon coeur accéléra. Ma gorge se serra. Da-jee-ha me fit m'agenouiller au sommet de notre surplomb, et Faa-kehn en fit autant. Nous n'étions qu'à quelques dizaines de mètres de imposants animaux, mais l'un d'entre eux se tenait à l'écart, plus proche de nous, et semblait se contenter de quelques maigres branches d'un arbuste dont le tronc s'enfonçait dans la boue. Le regard de Da-jee-ha était clair. C'était lui, ma cible. Je déglutis, et saisis l'arc qui m'avait été prêté pour l'occasion d'une main tremblante. La sensation n'était plus aussi étrange que quelques jours auparavant, les longues heures de pratique ayant servi, mais la cible était d'autant plus impressionnante que les troncs et cibles de paille sur lesquels je m'étais entrainée. C'était un être vivant, doté de sensation, d'émotions, de ressentis. Une petite merveille de l'évolution, qui avait réussi à gagner à la difficile loterie de la vie, à laquelle tant de jeunes ne survivaient pas, échappant ainsi à la maladie, aux accidents, aux prédateurs. Une existence à laquelle je devais mettre fin d'une flèche.
Ma main tremblait d'autant plus lorsque je saisis mon propre carquois pour en ôter le couvercle en cuir et saisir l'une des flèches que j'avais moi même empennée. J'encochai silencieusement, malgré mon coeur tambourinant violemment contre ma cage thoracique. Devais-je le faire? Cela n'avait pas à être moi, après tout. Faa'kehn et Da-jee-ha avaient chacun probablement tué des dizaines de bêtes comme celle-ci, et pourtant aucun d'entre eux n'esquissait le moindre geste. Leurs arcs étaient en bandoulière, leurs carquois désespérément fermés, et leurs regards terriblement déterminés. Devais-je vraiment le faire? Une chose était sûre, je ne le voulais pas. Mais cette chair était la promesse d'un repas pour le reste de la tribu. Etait-ce cela le test qu'on souhaitait me faire passer? Ou était-ce celui de savoir si j'étais capable de supprimer mes émotions pour abattre de sang froid un être vivant? Difficile à dire. Je souhaitai véritablement faire mes preuves. Douloureusement. Etre acceptée autant par Da-jee-ha que par le reste de la tribu était comme un miracle après tout le mal que mes actions avaient pu leur faire, comme un espoir inespéré de retrouver un lieu auquel appartenir après avoir perdu mes précédents.
Mais cette appartenance n'était pas gratuite. Tout comme la communauté se donnait pour moi, je devais me donner en partie pour elle. Ce sentiment d'appartenance pouvait être vu comme un simple don, mais tant que je la considérerais ainsi, alors je ferais jamais partie intégrante de la tribu. Car appartenir à un lieu, ce n'est pas simplement recevoir, c'est également donner. Donner de soi, être capable de surmonter ses plus grandes peurs, ses appréhensions, pour le bien de tous. Quel était le but de ce test? Je choisissai de croire qu'il s'agissait de prouver que j'étais digne d'appartenir à la tribu. Que, si celle-ci venait à traverser une dure période, j'étais capable de prendre sur moi pour aider à sa survie. Etait-ce le vrai test auquel j'étais soumise? Je l'ignorai. Mais, malgré le tremblement de ma main, je bandais mon arc, ainsi que mon buste, me relevant de la position recroquevillée que j'avais jusque là. Mes protège avant-bras en cuir serrèrent ma peau lorsque mes muscles se raidirent. Je ralentis ma respiration, limitant ainsi le nuage de buée qui en sortait à chaque expiration, et visais. Le flanc ou la tête m'avait-on dit. Peu confiante en ma capacité à toucher la deuxième, je visais donc le premier. La distance n'était pas si grande. J'avais fait pire à l'entrainement, et le chevreuil bougeait peu, trop concentré sur sa mastication. Je pris une grande inspiration, ajustait une dernière fois mon tir, et relachait la corde sans fermer les yeux. Le bruit de la détente se répercuta dans la petite cuvette, et plusieurs bêtes relevèrent la tête dans ma direction. La flèche siffla. Et toucha sa cible.
Immédiatement, ce fut la débandade. Le reste de la harde partit en trombe, montant la pente raide, et disparaissant dans la forêt, abandonnant derrière eux leur pair blessé, qui fit quelques pas avant de s'effondrer sur le flanc. Il n'avait même pas couru. Je baissai mon bras, et fut soudain prise de tremblement, alors que l'adrénaline redescendait, alors que je voyais le sang de la bête se répandre sur le sol, au milieu de la boue laissée par la fonte de la neige. Da-jee-ha me saisit par l'épaule.
-Viens. Devoir achever grand cerf. Lui souffrir.
-J-je... je ne peux pas faire ça. Dis-je d'une voix blanche, en repensant à l'imposant couteau de chasse glissé dans ma ceinture. Une flèche, c'est une chose, mais...
-Toi prendre sa vie pour nourrir la notre. Devoir accorder mort rapide. Et flèche... douloureuse.
Mon regard flancha en croisant celui de Da-jee-ha. J'y lu de la compréhension, et, lorsqu'elle se leva, je compris qu'elle allait faire elle même ce que je ne pouvais me résoudre à accomplir, sous le regard réprobateur du silencieux Faa'kehn. En voyant sa démarche assurée dévaler le petit surplomb pour s'approcher de l'animal blessé, un autre sentiment me saisit - de la culpabilité. J'avais choisi de montrer que j'étais digne de faire partie de la tribu, et en conséquence, avait décoché ma flèche. J'avais en effet condamné le pauvre animal. Pourtant, je refusai d'aller jusqu'au bout. Si je n'étais pas capable d'aller au bout de ce que j'avais débuté, j'aurai dû ne pas tirer au premier abord. Peut être... était-ce cela, le test.
-Attends! Criai-je en bondissant sur mes pieds, mon cœur accélérant encore, au point de m'en faire mal.
Ma main tremblante, autant de froid que de peur, farfouilla le long de ma ceinture pour y saisir l'épais couteau qui y trônait, tout en dévalant la courte pente. Da-jee-ha, agenouillée auprès de l'animal, me regardait. La démarche peu assurée, je vint me placer à côté d'elle, genoux dans la boue, et arme à la main. Je crois que, rarement dans ma vie, j'ai autant désiré être ailleurs - n'importe où. Je savais déjà à quel endroit il me fallait frapper. Je tentais tant bien que mal d'éviter de voir le gros œil noir de l'animal, qui semblait me fixer, m'implorer. De le sauver ou d'achever ses souffrances? Je ne voulais pas le savoir. Saisie de spasmes, je me forçai cependant à garder les yeux ouverts tout en posant ma main sur la fourrure du cou de l'animal, la lame de mon couteau le long de sa carotide. D'un coup sec, je tranchai, et je sentis autant la fermeté de la chair que les spasmes qui secouèrent la peau sur laquelle ma main était posée. Un jet de liquide noir se déversa pendant un court instant, puis ce fut terminé. Cependant, l'œil vide du chevreuil semblait encore me regarder, et me crier: "Pourquoi?".
Je fus saisie d'une terrible nausée. Je me levai, et titubais quelques pas plus loin mais parvint à retenir le vomissement qui remontait. J'avais lâché mon couteau, qui trônait, planté dans la boue comme si je l'avais poignardée. Une main se posa sur mon épaule, tandis que je luttais pour tenter de reprendre ma respiration, et la voix de Da-jee-ha me murmura à l'oreille.
-Bravo...
-Il n'y a rien à féliciter la dedans! Fis-je, prise d'un soudain accès de rage. Comment peut on prendre plaisir à ôter des vies de cette manière?
-Exactement. Rétorqua-t-elle, et je vis alors Faa'kehn agenouillé devant la dépouille, les yeux fermés, comme s'il était en train de prier. Toujours devoir se rappeler prix de vie. Ca être plus important pour guerrier.
Da-jee-ha alla rejoindre son compère, et, pendant quelques instants ils restèrent immobiles, les yeux fermés, les mains posées sur la fourrure de l'animal, avant de prononcer une courte incantation et de se relever. Faa'kehn saisit alors la dépouille et, d'un simple mouvement la fit basculer sur son épaule, avant de repartir en direction du village sans un mot de plus.
-Viens. Me dit alors Da-jee-ha, me tendant une main que je saisis telle une bouée de sauvetage.
Lorsqu'elle commença à retirer son épais blouson, j'eu cependant un doute.
-Que fais tu?
-Toi avoir sang sur les mains. Prendre bain pour laver.
-Par cette température? M'exclamai-je.
-Eau très chaude. Se contenta-t-elle de justifier.
Elle était déjà quasiment nue. Les suomen n'avaient visiblement pas la même notion des sous vêtements que nous, le seul que je l'avais vue enlever étant un large bandeau de tissu qu'elle avait enroulé autour de la poitrine, et qu'elle défit sans laisser apparaître la moindre gêne, que ce soit vis à vis du froid ou de ma présence. Ce n'était pas la première fois que je voyais son corps nu. Même si lors de notre première rencontre, lorsqu'elle m'avait lavée en signe de bienvenue, elle était restée vêtue, mes nombreux séjours à Ar'henno et mon incapacité à descendre à la source sans être accompagnée l'avait habituée à se doucher en ma compagnie. Sa présence dans la salle souterraine était suffisante à me rassurer, après tout. Mais dans la semi pénombre du souterrain, percée par l'unique ampoule qui en ornait le plafond rocheux, le jeu d'ombre et de lumière sur son corps sculptural était bien différent de l'image qui apparaissait face à moi, sous la puissante lumière du soleil matinal, réfléchi de toute part par la neige agissant comme une armée de projecteur braquant leur éclairage sur la perfection de ses formes, sur les nombreux tatouages aux symboles mystérieux et ésotériques qui s'enroulaient autour d'elles, sur les cicatrices qui le parcellaient comme autant de preuves de l'unicité de ce corps. Tous les magazines du monde, tous les sombres films érotiques disponibles sur internet, toutes les photos secrètes révélées au grand jour, ne pouvaient se rapprocher de la beauté d'un tel spectacle, tandis qu'elle s'enfonçait dans l'eau, en troublant la surface, sa silhouette brouillée par la vapeur s'élevant du petit lac, telle une apparition d'un autre monde. Elle m'invita à la rejoindre, et, après une longue hésitation, je m'exécutai, ôtant mes épais habits, tremblant dans le froid malgré la chaleur bienvenue des rayons du soleil, avant d'entrer rapidement dans l'eau. Elle était chaude, en effet, comparé à la température de l'air, mais était loin d'être brûlante. Cependant, je me sentis immédiatement détendue, et ce fut comme si le souvenir du chevreuil s'était évanoui.
Pendant un long moment, nous restâmes là, à ne rien dire, sans rien faire d'autre que de profiter de la douce chaleur de la source. Puis, Da-jee-ha pointa du doigt une petite plante qui poussait sur le bord de l'eau, entre deux rochers.
-Toi cueillir, Kinn'rehi.
-Qu'est-ce? Demandai-je.
Elle me sourit.
-Ca être cadeau de bienvenue de moi dans ma famille.
Je ne sus que répondre. La petite plante semblait rabougrie, chétive, à peine capable de survivre. J'avais du mal à comprendre en quoi elle avait le moindre intérêt.
-Ca être Jek'lo. Ajouta-t-elle. Moi aider toi à la préparer en rentrant.
-A préparer quoi?
-Potion. Pour fête village. Faite par toi même. Preuve toi membre village.
Je fus à court de mots.
-Les habitants seront-ils d'accord avec ça? Demandai-je. Ils m'acceptent en tant qu'invitée, mais...
-Tout ira bien. Assura-t-elle. Moi décider. Moi, et moi seule.
Je ne sus si cela devait me rassurer, mais je saisis la petite plante délicatement entre mes doigts, me demandant si elle serait suffisante pour créer un quelconque onguent. Mais une chose était sûre, cette petite plante qui ne payait pas de mine signifiait soudain beaucoup à mes yeux.
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