Espoir Obscur
Je ne reçu plus la moindre visite ni de la part de Moh'lag, ni de l'un de ses sous fifres, à l'exception des rares fois où une gamelle était négligemment jetée au travers de la petite trappe aménagée dans la porte. Il me fallait alors ramper jusqu'à l'emplacement approximatif où j'avais cru voir atterrir ma portion de nourriture quotidienne dans le faible rayon de lumière rasant sous la porte, éteint avant que j'ai le temps de l'atteindre. C'était donc dans une obscurité mate et terrifiante qu'il me fallait trouver cette gamelle et en dévorer le contenu comme un animal, mes membres étant toujours liés dans mon dos. C'était également à moi de retirer la gamelle de la zone de nourrissage, mes geoliers ne prenant même pas la peine d'enlever les précédentes, et risquant d'en renverser le contenu en la faisant atterrir sur le contenant précédent. J'ignorai combien de temps j'avais passé dans cette cave, à attendre qu'on vienne me chercher pour m'emmener ailleurs probablement en terre suomen, où il serait plus simple et moins risqué de me garder enfermée. Je passais la majorité du temps dans un état de semi torpeur, lovée dans l'un des coins de la pièce, comme si la présence des deux murs contre mon dos pouvait faire disparaître la noirceur d'encre de la pièce. Je dormais, puis me réveillai, tiraillée par la douleur de mes membres torturée, et devait prendre le temps de surmonter les crises de panique qui menaçaient de me faire perdre ma lucidité toute relative. L'idée de rester enfermée dans ces conditions jusqu'au jour de ma mort prématurée ne venait rien arranger, et j'avais déjà décidé de jouer le tout pour le tout au moment où je serai inévitablement déplacée. Ils devraient alors me sortir, ne serait-ce que pour me faire monter dans un véhicule, et là serait ma seule chance de me débattre, crier, hurler même, afin de tenter d'alerter quelques passants ou quelques voisins. J'économisai mon énergie en m'attachant, en m'agrippant telle une enfant à la robe de sa mère à cette dernière lueur d'espoir.
J'avais largement eu le temps de réfléchir aux autres possibilités. Thomas ne resterait probablement pas sans rien faire, mais était-il seulement encore libre? Après tout, je m'étais évanouie dans mon appartement, et si les traditionnalistes avaient pu y avoir accès, ils avaient dû soit enfoncer des portes, soit avoir une clef, et j'avais donné la mienne à Thomas lorsqu'il était sorti pour aller extraire nos rush des griffes de notre producteur. Nokomis en avait également une, mais il semblait peu probable que Moh'lag lui l'ai subtilisée, auquel cas elle se serait douté de quelque chose. Et si Thomas avait également été enlevé, rien ne disait que Moh'lag décide de le garder en vie comme moi... Quant à Nokomis... je priais pour qu'elle ne fasse pas de bêtise, mais cela était bien peu probable. Elle avait été plutôt claire sur ses intentions au moment de partir, et elle ignorait à quel point l'opportunité que lui avait offerte Moh'lag était empoisonnée. Elle ne devait pas être au courant du lieu où je me trouvais, ni même du fait que j'ai été enlevée à nouveau. Peut être même avait-elle déjà été arrêtée. Déjà été nourrie des mensonges de la cheffe des traditionnalistes à mon sujet. J'avais confiance en elle, je savais qu'elle n'y croirait pas aussi facilement, mais, dans le même temps, le doute s'insinuait un peu plus en moi chaque seconde que je passais dans ces ténèbres souterrains qui m'étouffaient. Je lui avais menti, après tout... peut être ses sentiments pour moi ne seraient suffisants à résister aux mots empoisonnés de Moh'lag et ses laquais? Après tout, Nokomis était une jeune femme qui avait une fâcheuse tendance à agir sur des coups de tête pas toujours profondément réfléchis au préalable...
Je voulais lui faire confiance. Croire qu'elle parviendrait à ne pas se laisser attraper, malgré les machinations de Moh'lag. Croire que, cela terminé, elle viendrait elle même me sauver de ma triste situation. Mais ces espoirs étaient les divagations enfiévrées d'une femme en proie à une panique constante, et consciente que sa vie ne tenait plus qu'à un fil.
Lorque la lumière se ralluma, et que la raie passant sous la porte vint disperser l'obscurité, je quittait ma position prostrée dans un coin pour commencer à ramper vers la trappe de laquelle devais surgir ma ration quotidienne de nourriture. Cependant, lorsque j'entendis des clefs tourner dans la serrure, je compris qu'on venait pour moi. Je me préparais mentalement, alors que la peur et l'adrénaline se répandaient dans mes veines, me tirant de la torpeur qui m'avait enlacée depuis mon arrivée. Ma gorge se serra, et je me préparai à vendre chèrement ma peau. La porte s'ouvrit, et l'intensité lumineuse vint me brûler la rétine au point que je du détourner le regard.
-Eh bien, te voilà dans un sacré état, Rosonn. J'ai presque envie de rester pour admirer le spectacle.
La voix était grave et ironique. Je relevai un visage que je savais empli d'un espoir indicible, et, lorsque je reconnu le visage de Santoni, des larmes coulèrent sur mes joues malgré moi, et je commençais à hoqueter pathétiquement, mes poumons trop compressés sous mon propre poids pour réussir à reprendre correctement leur souffle tandis que je sanglotais.
-Wow, wow, du calme Rosonn... je vais te détacher. Putain, c'est une position de sadique dans laquelle ils t'ont saucissonnée.
Il sortit un imposant couteau de sa ceinture. Il avait également un revolver à la main, qu'il posa au sol tandis qu'il commença à découper mes liens. La corde lâcha, et ma colonne vertébrale se détendit soudainement alors que mon menton ainsi que mes genoux vinrent heurter violemment le sol.
-Hey, bouge pas, j'ai pas fini. Grogna-t-il, tout en s'attaquant aux liens qui tenaient mes chevilles et poignets.
Lorsque ceux ci furent à leur tour libérés, je tentai de me relever, mais mes bras sur lesquels je tentais de me hisser me firent défaut et je faillis m'effondrer, simplement retenue par le bras de Santoni.
-Ouais, tu es vraiment pas en état là.
-Je peux marcher. Lui grognai-je en réponse, me dégageant de son emprise et séchant mes joues humides d'un revers de manche.
Joignant le geste à la parole, je me mettais devant en m'appuyant sur le mur. Mes muscles encore endoloris par le temps passé dans cette position inconfortable me hurlaient de les laisser se reposer, mais je refusais de me montrer vaincue.
-Qu'est ce que tu fais là? Lui demandai-je.
-Si froide, Rosonn... ironisa-t-il. Peut être aurai-je dû te laisser un peu plus longtemps.
Face à mon regard, il ne tenta pas de continuer sur cette lancée et expliqua les raisons de sa présence.
-Eh bien, comme discuté, j'ai décidé de pousser un peu plus mon enquête sur les liens de notre ami commun Grimeau avec l'Epaggelia. Mais j'ai également repensé à la présence de ces suomen qui le suivaient, et je me suis donc également renseigné à leur sujet. Et quand j'ai entendu parler du fait que tu avais disparu, juste après les révélations sur ton enlèvement, en plus... j'ai rendu une petite visite aux différents QG dont j'avais déjà relevé l'existence. C'est les troisième que j'explore, et il est moins peuplé que les autres. Je ne m'attendais pas vraiment à t'y trouver, à vrai dire, mais il faut croire que j'ai eu de la chance.
-Rien ne t'obligeai... à venir me chercher. Fis-je remarquer. Notre relation est purement professionnelle.
-Exactement. Et si mon employeuse disparait, je ne suis pas payé. De plus... je crois avoir percé quelques mystères de plus desquels nous devrons parler. Ton acolyte est dans le coin?
-Mon... acolyte?
-L'autre toutou que tu traines toujours avec toi lorsque tu viens me voir. Tu ne sais pas où il est?
Je me mordis le pouce, tout en titubant vers la sortie en m'aidant du mur. Thomas avait donc lui aussi été abducté... mes peurs se révélaient fondées. Je n'avais plus qu'à espérer qu'il ne lui soit rien arrivé. Peut être était-il enfermé dans un autre des qg des traditionnalistes sur Paris.
-Il te reste combien de QG sur ta liste?
-C'est... le dernier que je connaisse. Admit-il. Et les gardes que j'ai pu y trouver n'étaient pas très causants.
Je compris ce qu'il voulait dire en remontant à l'étage, et en trouvant l'homme qui avait ouvert la porte à Moh'lag inanimé.
-Tu arrives à maîtriser des guerriers suomen... fis-je remarquer.
-La technique est assez simple. Rétorqua-t-il. Suffit qu'ils ne te voient pas arriver. Maintenant sortant de là, je doute, qu'il reste le seul très longtemps.
Nous sortimes dans la rue. La maison était une petite demeure miteuse d'un quartier qui l'était tout autant. Il n'y avait pas grand chose pour la faire sortir du lot, et je réalisai que si j'avais dû attendre que quelqu'un vienne me sortir de là par hasard, j'aurai pu attendre très longtemps. Il faisait nuit noire. Santoni me fit monter dans sa voiture, et le confort des sièges parvint presque à me faire oublier ma peur principale. Heureusement, mon esprit fut réveillé par les pleins phares d'une voiture qui passa dans la rue.
-Joder! La Lemp'herta! Murmurai-je.
-Quoi? Lança Santoni, qui venait de prendre place sur le siège conducteur.
-Santoni! Est-ce qu'ils ont arrêté des suomen récemment?
-Eh bien, ceux qui se sont rendus en disant être les auteurs de ton enlèvement, mais...
-Pas eux! Ceux qui déterrent des corps!
-J'en ai pas vraiment entendu parler, mais-
-Conduis, vite! Au cimetière! Je te dis la route! L'interrompis-je.
-Maintenant? Tu ne veux pas déjà...
-No, maintenant! On aura le temps pour le reste plus tard!
Visiblement un peu désarçonné, Santoni démarra. Pendant de longues et stressantes minutes, nous conduisimes au coeur d'un Paris endormi, vers le cimetière dans lequel avait été inhumée la dépouille de Hen'Ruay, depuis bien trop longtemps. Je n'avais pas réellement conscience du temps que j'avais passé sous terre, mais j'esperai simplement que, si la Lemp'herta de Nokomis avait lieu le soir même, je puisse l'empêcher, ou du moins la protéger, elle. J'avais besoin d'elle, plus que jamais. Si Thomas avait lui aussi disparu, je ne savais quoi faire seule... j'avais besoin de son soutiens, ne serait-ce que pour le retrouver lui. Et je refusais de la laisser retourner en prison.
Lorsque nous arrivâmes au cimetière, tout semblait calme. Il ne semblait pas y avoir de suomen, mais pas non plus de forces de l'ordre, censées garder le lieu contre les premiers.
-Ca m'a l'air plutôt calme. Fit remarquer Santoni.
-Je vais voir. Dis-je en ouvrant la portière et en m'éloignant sur mes jambes encore peu assurées, tandis que Santoni jurait derrière moi en me disant de ne pas y aller seule et en cherchant désespérément une place pour se garer.
Nous étions à une grille secondaire du cimetière, ouverture de fer dans l'enceinte bétonnée de cette antre de mort. Je jetais un long regard entre les barres de la porte fermée, et cherchais la moindre trace de mouvement dans l'immense enceinte. Evidemment, même si des suomen étaient à l'oeuvre, ils avaient développé l'art de la discretion pour ce genre d'expedition, et je ne m'attendais pas à voir quoi que ce soit. Après tout, tout ce dont je voulais m'assurer, c'était que rien ne leur arrive. S'ils arrivaient à leur fin, tout serait pour le mieux, mais les propos de Moh'lag m'avaient laisser penser qu'elle voulait s'assurer que ça n'arrive pas. Je remarquai cependant une activité étrange, à l'autre bout de l'enceinte, en partie cachée par les nombreuses croix et caveaux qui parsemaient l'enceinte. Du mouvement, et surtout... une lumière bleutée.
Mon coeur rata un battement.
-Hey, ça va pas de te barrer comme ça? Râla Santoni en me rejoignant. Tu-
Je ne lui laissais pas le temps de finir, et me mis à courir en longeant l'enceinte extérieure du cimetière. Mes muscles endoloris me hurlaient si fort de cesser de les maltraiter, que j'avais l'impression qu'un incendie s'était déclenché dans mes cuisses. La fatigue accumulée semblaient cependant s'être évaporée sous la chaleur de la lucidité et de la peur que j'avais ressenti en apercevant la lumière des sirènes de police à l'autre bout du cimetière, au niveau de l'entrée principale. Ce n'était pas possible... c'était un si mauvais timing! Je courus à perdre haleine, espérant que mes yeux m'aient trompé, ou que cette lueur bleue soit peut être autre chose, puisque je n'avais rien vu de clair ressemblant à un véhicule de police, après tout. Mais, en vérité, je n'avais rien vu du tout. Les obstacles bouchaient la vue directe entre les deux grilles. Tout ce que je pouvais faire, c'était prier tandis que ma tête commençait à me faire mal, mes poumons à s'enflammer et mes jambes à devenir de moins en moins stables à chaque foulée. Je tournai au coin de la rue, et mes pires craintes devinrent réalité, lorsque j'entrevis les deux fourgons de police, dont les sirène éclairent silencieusement la rue à tour de rôle. En désespoir de cause, je courus aussi vite que me le permettait l'état de mon corps et de mes muscles. Et, tout en m'approchant, je vis les silhouette d'hommes être poussés à l'intérieur des fourgons par des policiers en cuirasse, comme s'ils s'étaient préparés pour une émeute. A peine à quelques mètres de la grille, mes jambes décidèrent qu'elles ne pouvaient me mener plus loin, et je m'écoulais au sol. L'un des policier tout proche s'approcha de moi.
-Madame, tout va bien? Vous ne pouvez pas rester là, il y a une intervention en cours.
C'est alors que mes yeux la virent. Poussée hors du cimetière par un policier au moins deux têtes plus grand qu'elle, elle semblait en pleine forme, mais ses mains menottées et son visage sombre disaient autrement.
-Nokomis! Criai-je en tentant de me relever malgré le policier tout proche et mes jambes de coton.
Son visage se tourna dans ma direction, et je lis la surprise dans son regard, tandis que je me jetais dans sa direction, moins portée par mes jambes que par le déséquilibre lorsque j'avais tenté de me relever.
-Ester! Me répondit-elle, en tentant de se défaire de la prise de l'homme qui la menait jusqu'au fourgon pour venir dans ma direction.
-Nokomis!
Un bras vint arrêter ma course, en m'empêcher d'approcher plus. L'un des policier m'avait saisie, pour m'empêcher de m'approcher.
-Lachez là! Vous n'avez pas le droit de l'emporter! Hurlai-je à plein poumon avec les forces que j'avais gardée pour hurler au cas où je devais le faire pour sauver ma vie, tout en me débattant pour tenter de me défaire de la prise du policier qui m'avait arrêtée.
-Ester! Qu'est ce qui t'es arrivée? Tu vas bien? Me répondit Nokomis, entrainée dans le fourgon sous une série de flash lumineux des quelques journalistes qui avaient réussi à avoir le scoop.
-Nokomis! Non!
-Madame, calmez vous, ou je vous embarque aussi! S'enerva le policier, mais je n'avais que faire de ses protestations.
Je voulais la toucher. L'arracher aux prises de ces hommes, détruire les menottes qui enserraient douloureusement ses poignets. Mais elle était poussée, malgré mes supplications, inexorablement vers la porte de fourgon!
-Prends soin de toi, Ester! Hurla-t-elle alors qu'elle résistait pour ne pas s'y laisser pousser. Je t'aime!
-NOKOMIS! Hurlai-je quand on l'y fit disparaitre définitivement.
Une main me saisit par l'épaule et me força à reculer, tout en éloignant le policier qui me retenait.
-NOKOMIS! Continuai-je à hurler, priant pour qu'elle m'entende, même à l'intérieur de son fourgon. JE TE SORTIRAI DE LA, TU M'ENTENDS? NE CROIS PAS T'EN TIRER COMME CA!
-Madame... reprit le policier sur un ton menaçant.
-Excusez la, officier. Susurra Santoni, qui me tenait par l'épaule et m'empêchait, de sa poigne de fer, de me jeter de nouveau dans la mêlée.
Je tentais de me défaire de sa prise, de le mordre, de le frapper, mais il referma ses bras imposants autour de mes épaules. Mon visage à quelques centimètre du sien, je lui criai les pires insultes qui me vinrent à l'esprit, tout en tentant de m'échapper, de jeter un coup d'oeil au fourgon dont je venais d'entendre la porte claquer, alors que des larmes recommençaient à innonder mes joues. Mais rien n'y fis, et je ne pus qu'entendre, le véhicule démarrer, et s'éloigner dans mon dos, tandis que je pleurai toutes les larmes de mon corps sur son épaule, pathétiquement, serrant les plis de son t-shirt comme une enfant.
-Tu n'y pouvais rien, Rosonn... me dit-il à l'oreille.
-Ferme la, Santoni. Sanglotai-je. Ferme la...
Il avait raison, et je le savais. Mais le sentiment qui m'envahissait en cet instant là était si immonde que je ne parviens toujours pas à l'exprimer en mots.
Un sentiment de défaite, de déchirement, de détresse et de solitude intense, mêlée à un désir profond et une tristesse sans fond.
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