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Au cœur de la haine

Les mots de Santoni n'avaient pas grand chose pour me rassurer. Savoir qu'il était un "homme d'action" était à peu près à l'opposé de la posture de conciliation que j'aurai aimé entretenir, autant avec Da-jee-ha qu'avec le reste de la tribu d'Ar'henno. Je n'aimais moi même pas particulièrement l'Epaggelia- en réalité, je le haïssais, même, comme toute personne sainement constituée. L'idée qu'un réseau souterrain ait pu se hisser au sommet de la pègre grâce, entre autres, au trafic de la sexualité de centaines d'êtres humains, dont des enfants, avait de quoi motiver à ressortir les fourches et les torches, d'autant plus lorsque ledit trafic, auprès de gens influents, permettait de faire se fermer les bouches même les plus réticentes. Je n'avais pas le grief personnel de Santoni contre le syndicat. Il n'avait jamais attenté à un membre de ma famille, je n'avais pas été l'une de leur nombreuses victimes, et je n'avais jamais eu à subir aucune menace de leur part avant de les découvrir par l'intermédiaire de Marc Lange, l'homme qui avait tenté d'entrainer l'organisation avec lui dans sa chute. 

Les souvenirs de cette enquête, menée aux côtés d'autres enquêteurs et des forces de l'ordre combinées de plusieurs pays, avaient toujours un impact fort sur moi, et ils l'ont encore aujourd'hui. Néanmoins, si j'avais choisi de ne plus penser à cette enquête, outre le fait qu'il semblait évident que beaucoup de tort n'avait pas été puni, c'était la scène finale du procès de Hadès, auquel j'avais assisté, quelques mois après son arrestation. L'homme n'avait même pas tenté de se défendre, conscient que son cas était désespéré, mais qu'il sortirai de toute manière avant sa mort, et assez riche pour passer le reste de sa vie sous les tropiques. Il avait proféré ces mots avec aplomb, devant une audience scandalisée, un juge pantois, un avocat désespéré, et les nombreuses victimes de son réseau ayant put être sauvées, de jeunes filles, pour beaucoup. Le souvenir de leurs regards vides, de leurs attitudes soumises, et des traces des sévices qui marquaient leur corps prépubère m'avait plus marquée que toute expérience dans ma vie. C'était si insidieux, si immonde, si abject, et pourtant, c'était réel. C'était bel et bien arrivé. 

Le dossier fermé, j'avais tourné la page pour tenter d'oublier ces images, et, peut être, pour ne pas me rappeler que la quasi intégralité des clients de l'Epaggelia étaient restés, eux, impunis, intouchables, leurs noms n'ayant pas quitté les lèvres pourtant si promptes à la vantardise de Hadès et de ses lieutenants. Refermer la boîte de Pandore est plus simple que de réaliser qu'une grande partie des démons qui l'habitaient s'est évanouie dans la nature. L'Epaggelia avait survécu, mais peut être n'était-ce que ses activités criminelles plus classiques, et que celles-ci ne lui permettraient pas de survivre longtemps... je m'étais lourdement trompée. Repenser à tout cela m'emplissait d'une rage brûlante, et l'idée de découvrir que le syndicat avait peut être réouvert sa branche proxénétisme, causant la souffrance de centaines, voir de milliers d'autres enfants et êtres humains, suffisait à me pousser à exiger de Da-jee-ha qu'elle cesse toute affaire avec eux. Et puis, il fallait que j'agisse avant que "l'homme d'action" ne nous mette tous les deux dans une situation plus qu'inconfortable, me disais-je. Ainsi, en allant me glisser dans mes draps le soir même, je me promettais de confronter mon hôtesse dès le lendemain matin. 

J'avais sous estimé la soif d'action de mon compagnon de voyage. 

Au coeur de la nuit, alors que l'air glacial des Alpes s'était abattu sur la vallée et dans les demeures, dont les cheminées avaient tus les craquements et bruissements de leurs feux depuis des heures déjà, une rumeur s'éleva, me tirant des affres du sommeil. D'abord simplement ennuyée par ce bruit de fond tout de même assez sonore pour me réveiller, je mis quelques secondes à réaliser qu'il s'agissait de cris et des protestations d'une foule qui ne semblait pas particulièrement de bonne humeur. A Paris, cela n'aurait rien eu d'étonnant, chaque foule de parisiens en étant une telle. Mais nous étions au coeur des Alpes, au milieu de nulle part, à plusieurs heures de route de la première trace de grande foule, loin de tout. Il ne pouvait pas y avoir mille sources pour un tel brouhaha, et je me jetai donc, fébrile, sur mon manteau avant de dévaler l'échelle menant à ma plateforme à vive allure. 

Les rares allumages électriques de la maison de Da-jee-ha éclairaient la pièce principale de leur lumière jaunâtre, ainsi que le dos de la maîtresse des lieux par la porte ouverte donnant sur l'extérieur. Je m'approchais avec précaution, pour réaliser que la foule des villageois se pressait face à elle, dans l'obscurité de la nuit, leurs visages légèrement éclairés par les raies de lumières filtrant par l'ouverture. Je déglutis, et saisis mon courage à deux mains avant de m'approcher. La clameur s'éleva encore plus lorsque j'apparus derrière elle, et je compris que, quoi qu'il se soit passé, ce n'était pas sans rapport avec moi.

-Que se passe-t-il? Demandai-je.

-Kinn'rehi... répondit-elle. Présence de toi par rendre choses plus faciles. 

Je n'eus pas besoin de plus d'explications, en voyant un Santoni plutôt amoché, balloté par la foules de guerriers qui criaient autant pour Da-jee-ha que pour lui dans leur langage. Mon sang se glaça, mais je ne fis pas de geste dans sa direction pour lui venir en aide. J'ignorai ce qu'il avait fait, et lui marquer maintenant mon soutiens pouvait nous condamner tous les deux. Da-jee-ha haussa le ton et, d'un seul mot qui sembla longtemps résonner dans la montagne, intima le calme à la foule. 

-Tiens... grogna-t-il au milieu des suppliques. Salut, Rosonn.

Il était en piteux état. Son oeil gauche était enflé, et sa joue ouverte saignait tout autant que son front. Ses vêtements mis à mal le laissaient bien peu protégé face au froid glacial de la nuit Alpine et de la neige dans laquelle il atterrit quand celui qui le tenait par le col en eut assez de le secouer tel un prunier.

-Qu'est ce que tu as fait, estupido? Soupirai-je, sentant un terrible mal de crâne pointer le bout de son nez. 

-Rien de bien sorcier. Déclara-t-il en haussant les épaules. J'ai asséché la source dans laquelle l'hydre s'abreuve. 

-Lui mettre feu à réserves de nous. Soupira Da-jee-ha. 

-TU... commençai-je, avant d'être à court de mot et de me poser une main sur mon front.

Je venais à peine de me réveiller, et c'était déjà beaucoup de choses à ingurgiter. 

-Oui, vos réserves. Commenta Santoni. Vous voulez dire la drogue que vous faites passer en douce par ici, et que vous gardez bien gentiment cachée dans votre mine. Pratique... pas de police, dans ce coin, et, même si ce n'est pas très accessible, il est si simple d'aménager une piste d'atterrissage de fortune...

Je tournai mon visage vers Da-jee-ha. On pouvait difficilement faire plus direct comme accusation, et si Santoni y avait bien mis le feu... j'avais eu peur pendant un instant qu'il ait brûlé les réserves de nourriture, auquel cas nous étions finis. Mais ce n'était pas le cas, simplement une importante cargaison de contrebande cachée dans le lieu qui semblait être à l'origine de tous mes tourments. Da-jee-ha fronça les sourcils.

-Toi pas avoir leçons morale à faire, kowo. Dit elle d'un ton glacial et condescendant. Vous consommer drogues. Nous simplement survivre. 

-En recevant des armes en échange de ces marchandises que vous faites passer, j'imagine. Continua Santoni.

-Tu ne peux pas faire cela, Da-jee-ha. Intercédai-je. Certes, vous avez besoin de ces armes, mais ces organisations sont nocives pour le reste du monde autant que pour vous. Ils ne se satisfont jamais de simplement quelques accords, ils font ça pour le profit uniquement. Et vous n'avez pas besoin d'autant d'armes, tu ne crois pas? Ce n'est pas un marché équitable!

-Silence! Me coupa Da-jee-ha, qui semblait fulminer. Toi croire moi heureuse trafiquer avec kowos langue-de-plomb? 

-Alors pourquoi le faire? Répondis-je sans me démonter.

-Nous besoin! S'exclama-t-elle. Pas juste armes! Matériel! Vêtements! Médecine! Nous vivre coupés reste monde, mais nous pas pouvoir vivre sans lui. Si nous vouloir indépendance, nous devoir chercher autre voie! Gouvernement jamais envoyer assez vaccins et pilules! Suomen résistants, mais pas immortels! 

Son envolée enflammée fut accueillie par un cri d'assentiment du reste de la tribu, qui ne devait pourtant pas avoir compris un mot de ce qu'elle venait de dire. L'un d'entre eux empoigna Santoni, qui sembla soudain bien moins assuré de son coup, et ma propre situation sembla soudain bien plus précaire. Si ce que Da-jee-ha venait de dire était vrai, alors cela expliquait beaucoup plus simplement les liens qui pouvaient s'être tissés entre des traditionalistes prêts à tout pour être le moins dépendants possibles du reste de la France, et une Epaggelia qui avait vu là une parfaite opportunité de faire entrer ses marchandises à moindre coût, tout en ayant un monopole sur les produits de première nécéssité dont les suomen avaient besoin.

-Lui condamner nous! S'exclama de nouveau Da-jee-ha en pointant Santoni du doigt. Lorsque neige fondre, kowos langue-de-plomb revenir, et pas trouver leur drogue! Eux être en colère! Eux pas fournir médecine! Combien enfants et anciens mourir par faute lui? 

Nouvelle clameur. La foule commença à scander un mot, un seul mot, en rythme de plus en plus rapide, tandis que certains d'entre eux accouraient, étant allés chercher leurs armes dans leurs propre demeure pour assister au spectacle. Je blêmis. La justice suomen était, sans le moindre doute, probablement bien plus expéditive que celle à laquelle Santoni et moi étions soumis, et je me mis à craindre très sérieusement pour notre sécurité. Le rythme s'accéléra, les guerriers ballotaient Santoni de plus en plus fort, arrachant bouts de tissu, de cheveux, voir de peau, à chaque passage. Ce dernier, cependant, restait stoïque, et endurait la violence dont il était victime avec dignité, sans broncher. Da-jee-ha elle même semblait prise par la folie sanguinaire qui commençait à animer la tribu, ses yeux étant aussi froids que si Santoni était une biche qu'elle s'apprêtait à abattre pour nourrir les siens. 

-Da-jee-ha! L'implorai-je. Tu ne peux pas! 

-Il condamner miens. Moi condamner lui. 

-Nous trouverons un autre moyen...

-Pas toujours exister autre moyen, Kinn'rehi. 

-Il y a toujours, la question est simplement de savoir si vous êtes prêts à l'entendre! Tu fais confiance à ces langue-de-plomb pour fournir aux tiens des biens aussi précieux à leur vie que des médicaments? Mais que fera tu quand vous serez devenus si dépendants d'eux que vous ne pourrez plus rien leur refuser? Quand, en échange de ce qui sauve vos vies, ils demanderont bien plus que de simplement stocker quelques caisses dans vos mines? Tu en veux à Santoni parce qu'il a condamné les tiens? Mais Santoni, lui, a vu les siens être condamnés par ces kowos langue-de-plomb. Il sait à quel point ils sont maléfiques. Tu ne crois pas qu'il a, lui aussi, un droit à la vengeance?

-Lui avoir un droit, et moi avoir un droit à mienne si sa vengeance tuer ma famille! 

Désespérée, je me plantai face à elle, la séparant ainsi de la foule malmenant toujours un Santoni muet, et restai immobile.

-Si tu veux le tuer, Da-jee-ha, alors... tu devras me tuer, moi aussi, car j'étais complice de son acte. 

Da-jee-ha fronça les sourcils.

-Toi mal mentir, Kinn'rehi.

-Je ne mens pas. Il m'a parlé de ces caisses dans la mines, et j'étais tout aussi atterrée que lui. Le discours qu'il tient maintenant, je te l'aurai tenu demain. Ces gens ont tout fait pour m'empêcher de faire paraître le documentaire, ils ont réduits nos espoirs en miette, ont révélé notre secret, avant de tenter de me faire taire définitivement. Sa vengeance est tout autant la sienne que la mienne, et, si tu considère qu'il est juste de le punir, alors tu dois considérer comme injuste de ne pas me punir, moi. 

Da-jee-ha me fixa longuement. Son regard aiguisé, son visage de marbre, ses cheveux si blonds, presque blancs, tout dans sa carrure faisait penser à une statue imposante, intimidante, et elle le savait. Elle me défiait. Et je résistais. Notre combat de regard sembla s'éterniser, mais je savais que la moindre trace de faiblesse de ma part signerait peut être la mort de Santoni. Et, tout autant que je ne voulais pas qu'il meure, je refusai que les habitants de ce village que j'aimai tant en soi ses bourreaux, avec Da-jee-ha en tant que juge et jurée. 

-Pourquoi toi pas sans parler? Finit-elle par soupirer. Pourquoi toi te mettre en danger pour lui?

-Car il m'a sauvé la vie, Da-jee-ha. Car sans lui, je serai toujours le jouet de Moh'lag. Et car je refuse que tu sois celle qui condamne l'homme qui a sauvé ma peau pour protéger les intérêts de ceux qui ont tenté de m'assassiner. Tu... tu vaut plus que cela, Da-jee-ha. Vous valez tous plus que cela. Nokomis m'a appris que le monde des suomen était un monde d'honneur guerrier, mais où est-il dans cette parodie de justice, Da-jee-ha? Dis le moi!

-Toi avoir trop haute opinion de nous, Kinn'rehi. Nous sauvages. 

-C'est faux, et tu le sais. 

-C'est vrai, Kinn'rehi.

-Non, c'est faux. Si tel était le cas, je serai morte ce soir là, dans les flammes proches de la mine, criblée de flèches. Mais Hen'Ruay m'a sauvée. Et toi aussi.

-NON! S'écria Da-jee-ha, me faisant sursauter, ainsi que tous les autres. MOI PAS SAUVER KINN'REHI! Moi... moi... voulais Kinn'rehi morte. Moi sauvage. 

-Je sais que tu m'en as voulu pour la mort de Kaya'olm. Lui répondis-je avec un ton que je voulais compréhensif. C'est tout à fait normal. Mais ça ne fait pas de toi une sauvage, mais une humaine...

-Non, Kinn'rehi... toi pas comprendre. Moi pas seulement vouloir toi morte. Moi... participer. Moi demander Taa'kangow'a amener toi ici! Moi donner mine pour enfermer toi! Moi... vouloir... tuer toi de mes mains! Pour reprendre vie de Kaya'olm volée! Moi... moi... pas dormir de savoir toi en vie dans joli manoir! Moi rêver percer toi de mille flèches, moi imaginer tête de toi sur pique, moi... moi... pas être personne digne amitié de toi, Kinn'rehi. Si Hen'Ruay pas arrêter moi... Moi être à la place de Tor'neh. Moi sauvage.

Da-jee-ha avait crié ces mots comme si ils lui avaient brûlé la gorge pendant si longtemps qu'elle ne pouvait les garder imprononcés plus longtemps. Son visage déchiré par un complexe mélange de colère, de culpabilité et de douleur, avait perdu tout de son impassibilité habituelle, et fuyait mon regard comme la peste. Ses bras étaient resserrés autour de son buste, et elle semblait simplement... fragile. Les mots qu'elle venait de prononcer, ils m'avaient frappée comme un bélier enfonce la porte d'une cité ennemie. C'était l'aveu d'une haine profonde, inscrite par le sang dans ma chair. C'était l'aveu de son implication centrale dans toutes les souffrances dont j'avais été victime depuis ma première rencontre avec les suomen. Comme si tous ceux que j'avais blâmés jusqu'ici, Tor'neh, Moh'lag, moi même, n'avaient finalement été que des marionnettes dirigées par la douleur insupportable de la perte de Da-jee-ha. Je lui avais ôté Kaya'olm, la femme qu'elle avait aimé plus que sa propre humanité, et elle avait en conséquence rejeté celle-ci pour me faire payer le prix fort. 

Je restai un long moment sans voix, à fixer Da-jee-ha dans le froid glacial, tandis que le reste de la tribu se taisait, consciente de la tension immense qui venait de s'instaurer entre nous deux. La cheffe de tribu lança quelques instructions d'une voix secouée mais toujours aussi indiscutable, et la troupe se dispersa. Deux des guerrières partageant la demeure de Da-jee-ha rentrèrent à l'intérieur en trainant Santoni derrière elle, nous laissant seules, face à face, sur le perron, sous les flocons de neige qui avaient commencé à tomber. 

J'ouvris la bouche, mais je ne sus quoi dire. Le choc était tout simplement trop grand, et pourtant, cela faisait tellement de sens. J'avais considéré comme acquise la bonté de Da-jee-ha par la manière dont elle m'avait accueillie et traitée, malgré ce que je lui avais fait. Mais elle était humaine. Elle n'était pas une sainte prête à pardonner le pire des actes par simple gentillesse, ou parce que mon visage lui convenait. Elle aurait dû me haïr au point de ne même pas me laisser passer le perron de sa porte, elle aurait dû me cracher au visage, me renvoyer aux traditionalistes, voire même me tuer elle même, de ses propres mains, dès qu'elle m'avais vue. Mais elle ne l'avait pas fait. Pas parce qu'elle était d'un naturel si bon qu'elle en était presque une sainte, non. Mais... dans ce cas... pourquoi?

Pourquoi étais-je en vie, logée chez elle, encore maintenant?

Lorsque je rouvris une seconde fois la bouche, je savais ce que je voulais savoir.

-Si tu voulais tant me tuer, alors pourquoi suis-je en vie?

Ses yeux s'écarquillèrent, et elle détourna une nouvelle fois le regard.

-Hen'Ruay... entendre parler enlèvement toi. Elle pas aimer Taa Kangow'a, mais... elle connaître moi. Elle savoir... douleur. Elle convaincre moi de... pas y aller. 

-Tu n'as pas été Tor'neh, Da-jee-ha. Lui souris-je. Tu n'étais pas sur l'aplomb ce soir là. S'il y a un sauvage, c'est lui, pas toi.

-Mais moi pas l'empêcher! S'exclama-t-elle. Moi dire à Hen'Ruay: "moi pas tuer la kowo, mais moi pas empêcher mort! Toi faire ce que toi vouloir, et Ukko décider de son sort!"

-Et elle a réussi. Ukko semble avoir été de mon côté. Et même là, rien ne t'obligeais à m'accueillir chez toi, et pourtant tu l'as fait. 

-Hen'Ruay... pas prévenir de ça. Quand toi apparue... moi vouloir la frapper de amener toi, car moi... devoir accueillir toi selon tradition. Mais toi être... pitoyable. Comme animal apeuré. Et quand toi devoir aller au bain... expression de terreur de toi... rappeler moi quand réveil au milieu de nuit, cherchant Kaya'olm. Moi... comprendre que toi avoir déjà payé cher. 

-Da-jee-ha...

-Mais moi sauvage, Kinn'rehi. Sans moi, toi vivre loin, en paix, dans grande maison pleine de vitre au dessus mer. Toi jamais blessée, torturée, tirée dessus! Toi... vivre en paix. Moi... ruiné vie de toi.

-Tout comme j'ai ruiné la tienne, Da-jee-ha. Lui répondis-je avec douceur. Pendant que tu parlais, j'ai... essayé d'imaginer ce que je ferai si j'apprenais la mort de Nokomis, et... je crois que j'agirai comme toi. A la différence que même Hen'Ruay aurait eu bien du mal à m'en empêcher.

Da-jee-ha eut un souffle que j'assimilai à un léger rire, et je souris. Aussi étrange que cela puisse paraître, je ne ressentais pas la moindre animosité pour cette femme. Etait-ce vrai qu'elle avait ruiné ma vie? Je ne pouvais pas le dire à l'époque, mais, maintenant, je peux affirmer que non. Dans le meilleur des cas, elle l'avait même sauvée. Si ce n'était pas elle qui avait demandé à me voir morte, quelqu'un d'autre s'en serait chargé. Les traditionalistes l'auraient probablement fait de toute manière. La différence avait été que c'était elle qui avait posé cette prime sur ma tête. Elle, la compagne de l'Aylie morte par ma faute. Quel coup de com magistral ce devait être pour Moh'lag! Mais, paradoxalement, c'était précisément parce que c'était elle, qui connaissait Hen'Ruay, qui avait la maturité de se laisser convaincre de ne pas céder entièrement à la haine, c'était précisément parce que c'était elle que j'en avais réchappé. En y repensant, ma survie s'était jouée à un nombre incroyable de coïncidences improbables. Peut être qu'Ukko avait, en effet, été de mon côté? Cela expliquait peut être pourquoi je semblais payer le prix de ma survie par tous les malheurs qui m'avaient frappée les uns après les autres. 

Je m'approchai, et pris doucement Da-jee-ha dans mes bras.

-Ma vie actuelle... est bien différente de celle d'avant, c'est vrai. Lui dis-je. Pero, dans cette vie, j'ai trouvé ce qui s'approche le plus d'une mère que jamais auparavant. J'ai découvert un peuple dont je ne soupçonnait rien de la complexité, et, avec lui, un nouveau foyer. J'ai trouvé une cause qui vaut la peine de donner son sang pour elle. Et... j'ai trouvé l'amour. Alors, je devrai peut être même te remercier d'avoir souhaité ma mort.

-Toi pas le faire, s'il te plait. Grinça-t-elle avec une grimace, à laquelle je répondis par un rire.

-Vale, vale, tu n'es pas une sauvage pour avoir voulu me faire souffrir autant que je t'ai faite souffrir, Da-jee-ha. Ne t'en veux pas autant... la culpabilité ronge de l'intérieur. Je le sais, pendant des mois, je n'ai cessé de me répéter tout ce que j'aurai pu faire différemment. Ne pas mentir à Nokomis. Sauver Hen'Ruay. Ne pas publier un mauvais documentaire. Mais... il est trop tard pour y changer quoi que ce soit, et je ne peux décemment pas t'en vouloir après tout ce que tu as fait pour moi.

-Mais-

-Oui, tu as voulu me tuer à une époque. La coupai-je. Pero, du temps où je t'ai connu, tu n'as voulu me tuer que quelques minutes avant de me prendre en pitié, et d'allumer la lumière pour moi malgré la nouvelle lune. De tout le temps où je t'ai connue, tu n'as été que soutiens, accueil, conseil et gentillesse, tant que j'ai parfois peur d'en abuser. Alors ne t'en veux pas trop. Et... je suis heureuse que tu m'en ai parlé.

Da-jee-ha hocha la tête, avant de se défaire de mon étreinte. Elle avait retrouvé son impassibilité, mais la rougeur de ses yeux laissait peu de doute sur les larmes qui y avaient coulé. La toujours mature, calme et autoritaire Da-jee-ha reparaissait, recouvrant la vulnérabilité qui avait éclaté au grand jour. Cela me rappelait une réflexion que j'avais eu, un jour, au sujet de Nokomis: la dureté et la force tant mise en avant par les suomen cache souvent des sentiments et vulnérabilités profondément refoulées, mais qui finissent par exploser. 

-Ukko'nehrté... souffla-t-elle en s'asseillant sur le banc de pierre flanquant la porte fermée, légèrement recouvert de neige. Toute tribu a vu moi dans triste état. Grand déshonneur.

-Je suis sûre qu'ils comprendront. Lui répondis-je en prenant place à ses côtés. 

-Kaya'olm... dire même chose. Que moi pas devoir toujours paraître parfaite. 

-Il se pourrait que je l'ai dit quelques fois à Nokomis également. Peut être a-t-elle un peu trop appris de toi.

-Nokomis... oui. Toi avoir bon œil. Nokomis être enfant difficile, mais très loyale et douée. Au lit aussi.

-QU- Je ne suis pas sûre de vouloir savoir cela. Dis-je, affreusement gênée tandis que Da-jee-ha, elle, semblait ne pas considérer cela comme un sujet difficile.

-Quand Kinn'rehi avoir elle dans ton lit, souvenir que tout ce que elle connaître, je appris à elle. Elle très douée. Beaucoup de doigté.

-D-D'accord, très bien, je prends note. Répondis-je, espérant mettre fin à la conversation.

Après un court silence, Da-jee-ha reprit.

-Kinn'rehi... ça question étrange, mais... moi pas savoir à qui poser. Toi... penser que moi pouvoir aimer à nouveau? Moi... avoir le droit?

Mon sourire fut légèrement amer, en pensant à ma part de responsabilité dans cette question, ainsi qu'au temps que j'avais passé à me persuader que mon traumatisme vis à vis des hommes m'empêcherai de jamais retomber amoureuse, me faisant ignorer par la même voix les signaux on ne peut plus visibles de mon attirance pour Nokomis. 

-Ce n'est pas toujours facile, mais bien sûr que tu as le droit. Rien ne presse, cependant. Il faut... laisser le temps aux blessures de guérir. Parfois, tomber amoureuse peut les aider à cicatriser, cependant.

-Hm. Ton ami... être très digne pendant que tribu frapper. Très honorable. Moi... épargner lui. Parler avec reste tribu demain. 

-Por dios, muchas gracias... fis-je, un lourd poids levé de mes épaules. Je t'assures qu'il y a d'autres moyens. On y réfléchira, et on trouvera. 

-Oui. Moi devoir punir lui tout de même, cependant.

-Oui, j'imagine. 

-Et... quelqu'un essayer appeler toi plusieurs fois, depuis plusieurs jours. Moi pas dire, car moi... peur toi repartir. 

-Des appels? Pour moi? Mon avocat, probablement. Il va encore m'ennuyer, s'il n'a pas réussi à me joindre... 

Je poussai un long soupir, avant de me laisser aller contre l'épaule de Da-jee-ha. La buée de ma respiration vint se mêler à la sienne, tandis que nous fixions le ciel. Il y avait plus d'étoile que je n'en avais jamais vu, et, plus que jamais, je me sentis à ma place.

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