Chapitre 8 - ... ou dans les montagnes russes
Aleksander
Quelques heures plus tard
— Réveillez-vous.
Je réintègre la réalité avec peine, me retirant de la somnolence qui m'avait accueillit dans la chaleur douillette de mon bureau parisien. La carrure sombre et imposante de mon garde du corps tranche avec la blancheur immaculée qui nous entoure.
Les grondements de tonnerre se rapprochent dans le battement constant de l'averse aux fenêtres. Quelques feuilles sont balayées, ajoutant une palette de jaune et d'orange au tableau morose. Le ruissellement des larmes célestes m'hypnotise.
— Ne vous rendormez pas, maître.
Je sursaute et me redresse dans mon fauteuil tant bien que mal, mes muscles protestant à chacun de mes gestes dans mon costume sur-mesure.
— Cesse de m'appeler ainsi, marmonné-je en réprimant un bâillement. Je ne suis pas Père.
En vingt ans, je n'ai rien accompli pour mériter un titre. J'ai seulement eu la chance d'une naissance favorable en tant qu'héritier d'un illustre duc de Russie.
Je frotte mes paupières qui picotent mais ma tête bascule en avant. Le sommeil autrefois refuge est devenu un calvaire marqué par mes cauchemars éveillés que je fais à son sujet.
Treize jours noirs pour Ayden, treize nuits blanches pour moi.
Pour distraire mon esprit, j'avais visionné onze épisodes de Game of thrones avant qu'Érik ne m'extirpe de force du manoir ce matin.
Quel sérieux manque d'éducation.
Alors que je lutte contre Morphée, j'appelle sur mon portable le rayon de soleil de mon existence. Malgré trois tentatives, Ayden ne répond pas.
— Je suis sûr qu'il est moins distant avec les filles qu'avec moi, soupiré-je blasé.
Son absence d'une année nous a éloignés et son comportement des derniers jours n'est guère encourageant. La reprise de ses antidépresseurs devrait me rassurer, pourtant mon mauvais pressentiment ne me quitte pas.
Heureusement, il travaille dans l'entreprise familiale ce jour. Un doigt sur le téléphone fixe devant moi, j'apostrophe mon assistante :
— Clarence ? Va me chercher mon ingrat de frère je te prie.
— Je suis navrée mais il est absent. Il n'a donné aucune nouvelle.
Mon corps se tend sur ce détail qui ne lui ressemble pas. Je vérifie les données de son bracelet connecté mais rien ne s'affiche. Ni sa fréquence cardiaque ni sa localisation. À son retour dans la région, Père lui a offert cet objet par précaution et Ayden ne l'aurait jamais retiré sans autorisation.
Personne ne désobéit à Père.
La seule hypothèse à cette anomalie me glace le sang.
Ayden a été enlevé.
Un flash aveuglant zèbre le ciel parisien. Un signe divin confirmant l'horrible vérité.
Mon cœur s'affole des scénarios de mon esprit. Des malfrats voudraient s'emparer de la fortune de nos parents. Ou bien, connaissant son expertise en informatique, des terroristes le forceraient à commettre un cyber-attentat. Ou encore, séduite par son charme indéniable, une perverse le retiendrait dans sa cave. L'identité de la coupable m'apparaît et je prends une profonde inspiration pour contenir la tornade de colère et d'angoisse qui m'agite.
Margot, ma pire ennemie numéro deux.
Alors que la première sonnerie retentit à mon oreille, je remarque qu'Érik est lui aussi concentré sur son portable.
— Il est...
Je ferme les yeux, anticipant la facilité de mon interlocutrice à menacer ma bienséance.
— Je ne m'attendais pas à ton appel après deux semaines loin des mondanités, déclare Margot avec sa voix mielleuse. Le prince a fini de bouder ?
— Mon temps est bien trop précieux pour le perdre en ta compagnie, ma chère.
— Dire que c'est toi que ton père a choisi comme directeur commercial... Ayden est mille fois plus compétent.
Mes mâchoires et mes poings se contractent. Cette peste aime prétendre que mes capacités frôlent le ras des pâquerettes mais je l'ignore.
— En parlant de lui, où est-il ? Où est Ayden ?
— Dans mon lit, pourquoi ?
Le regard plissé, j'ai beau réfléchir, je ne parviens pas à intégrer cette information.
— Que ferait-il dans ton lit puisqu'il a déjà le sien ?
Un rictus moqueur s'échappe de l'autre côté de la ligne.
— Tu as besoin d'un dessin ? On baise et tu nous déranges.
— Mensonge ! Jamais il ne te touchera, pas même avec un torchon !
— Je préfère avec sa bite.
Mes yeux s'écarquillent et je plaque une main sur ma bouche ouverte tandis qu'elle éclate de rire.
— Tu... Tu... Tu es d'une vulgarité sans nom ! Je vais en informer ta mère et crois-moi qu'elle...
Un gémissement rauque suspend mon indignation et j'en tremble.
Non... C'est... C'est impossible...
— Je te laisse. Mon chéri est insatiable, comme toujours.
— Ce n'est pas ton "chéri" ! m'exclamé-je en tapant du poing sur la table. C'est mon frère et tu vas me le rendre tout de suite !
Elle avait coupé avant la fin de ma tirade, me laissant avec une multitude d'interrogations qui cognent dans mon crâne douloureux.
— Il est...
Pour une raison inconnue, l'hostilité d'Ayden envers elle est pire que la mienne. Il n'y a qu'une explication à ce rapprochement dégoûtant.
Margot l'a saoulé pour abuser de lui.
Mon estomac se comprime par l'horreur et de la bile remonte mon œsophage, laissant un goût acide dans ma bouche. Les coups dans ma poitrine deviennent erratiques. Je suis au bord du malaise mais il n'est pas question de faillir. En tant qu'aîné, je dois être fort pour le protéger.
N'aie pas peur Ayden, je viens te sauver.
— Il est...
— Érik ! l'interpellé-je en bondissant de mon siège. Envoie le RAID et le GIGN chez cette criminelle !
Je fonce vers la sortie mais le colosse blond barre le passage.
— Il est chez lui, annonce-t-il de sa voix grave.
— Laisse-moi sortir ! Il est avec elle, je l'ai entendu !
— L'infirmière vient de passer pour la prise de sang. Il dort.
Secoué par ces brusques changements de tension, mes jambes chancèlent et je m'appuie contre le mur. La surface rugueuse m'offre une stabilité alors que la pièce tourne autour de moi. Mon imagination débordante me joue des tours et la fatigue n'arrange rien.
C'est idiot. Je suis idiot.
— Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt ?! Cela te fait plaisir de me voir souffrir ?! Quel sadique tu es !
Derrière ses lunettes, ses pupilles ébène me transpercent.
— Je l'ai dit trois fois. Vous n'écoutez pas.
— Tu ne t'exprimes pas assez fort, voilà tout, réfuté-je en esquivant son regard paralysant.
Je sors mon carnet miniature de mon veston et l'ouvre à la dernière page listant les personnes que je destine à l'Enfer. J'ajoute un bâton aux nombreux coups bas de cette menteuse de Margot.
— Elle a failli m'assassiner d'une crise cardiaque, pesté-je alors que je retrouve un pouls normal. Que dit l'infirmière ?
Avare en mots, sa lecture du rapport tient en quelques syllabes :
— Tension faible, possible anémie.
— Il est en train de mourir ! Je veux le voir !
Il lève les yeux au plafond comme si j'étais la chose la plus agaçante sur Terre puis son visage strict se durcit. Son aura devient menaçante et un frisson glacé traverse mon épiderme lorsqu'il se rapproche de moi, me dépassant de deux têtes.
— Vous ne faites que dormir. Mettez-vous au travail, m'ordonne-t-il sans humanité.
Je tente de répliquer mais ma parole se perd dans ma gorge, étouffée par la peur. Je déglutis avant de retrouver ma place derrière le meuble boisé sur lequel trône de multiples dossiers. J'essuie d'un mouchoir en soie la sueur froide sur mon front et récupère mon Tchotki - un chapelet orthodoxe - dans mon pantalon. J'implore la protection pour Ayden et moi, une prière répétée chaque jour que Dieu fait.
Toujours inquiet, j'ouvre le tiroir du haut dans lequel se cachent quatre paquets de bonbons. Mon choix va aux bouteilles roses et bleues que je dévore en un rien de temps malgré le piquant sur ma langue.
Finaliser l'organisation de mon premier gala de charité requiert toute mon attention mais la chute d'adrénaline me replonge dans mon état initial. Les mots dansent sous mes yeux et leur sens m'échappe. En quête de soutien, je contacte de nouveau Ayden, sans réponse. Au tour de Mère et de mes meilleurs amis, même résultat. Le silence des êtres aimés est un venin qui s'infiltre dans chaque cellule de mon organisme et alimente ma plus grande crainte : l'abandon.
Bercées par le clapotis de la pluie, mes paupières brûlantes s'abaissent à la recherche d'un soulagement qui ne vient jamais.
Un son bourdonne dans mon crâne et je cligne des yeux plusieurs fois, sans comprendre où je suis. Mon corps est engourdi, comme sorti du coma. Je réalise aux moulures élégantes entourant le lustre que je suis encore coincé dans cette prison surnommée "lieu de travail".
Accoudé sur le bureau, je cale mon menton dans ma paume et éteins l'alarme de mon téléphone qui indique dix-sept heures avant de passer un énième appel dans le vide.
— Réveille-toi Ayden, soufflé-je dépité. Es-tu un bébé pour dormir toute la journée ?
L'intempérie fait rage à l'extérieur et je réalise alors avoir négligé un point important. Après une rapide recherche internet, la voix chantante d'une femme se fait entendre :
— Bonjour, école Jean de la Fontaine. C'est à quel sujet ?
— Bonjour, j'aimerai m'entretenir avec l'enseignant d'Élio Lefèvre je vous prie.
Mis en attente, je m'étire pour me soustraire à la lourdeur persistante dans mes membres.
— Bonsoir ?
La douceur de cette voix est une friandise auditive qui me ferait presque oublier mon calvaire.
— Bonjour, j'aimerai des nouvelles d'Élio. Est-il présent ?
Sa réponse positive me soulage d'un poids.
— Vous me rassurez. Je craignais qu'il aille mal.
— Mais c'est le cas.
— Est-il malade ? m'inquiété-je en me tenant droit.
Sa réponse tarde à venir et un ange passe entre nous. Sur le point de la relancer, un murmure délicat m'arrête :
— Vous... Vous aussi, vous ne voyez pas le problème ?
Sa question me déstabilise autant que le tremblement de ses mots. Élio est un enfant très timide et c'est compréhensible au vu de sa situation.
— Je... Je dois vous laisser alors...
— Attendez ! Que voulez-vous dire ? Avez-vous parlé avec son oncle ? Il est...
— J'ai du travail. Bonne journée.
Elle me raccroche au nez et j'en suis déconcerté quelques instants. Son ton hésitant est devenu abrupt à l'évocation d'Ayden.
Seigneur... Qu'a-t-il encore fait ?
Ces interrogations s'ajoutent aux nœuds dans mon esprit alors que je me dirige vers la porte, gardée par Terminator.
— Conduis-moi à l'école. J'ai un rendez-vous urgent.
L'homme de marbre ne daigne pas m'obéir, fixant un point devant lui. Recruté il y a trois semaines, il refuse de me rendre ma liberté avant dix-huit heures quarante-cinq, fermeture des locaux. Étant haptophobe, le contact physique avec autrui est source d'angoisse et je ne peux le pousser hors de mon chemin. Mes lèvres vibrent sous mon soupir d'agacement.
— Je te déteste, brute mal élevée.
Ce n'est qu'après deux heures de torture morale que je franchis le seuil de l'appartement d'Ayden. Son neveu en pyjama marinière dessine sur la table basse du salon.
— Bonsoir Élio. Comment vas-tu ? demandé-je en traversant le couloir.
J'entre sans m'annoncer dans la chambre de mon frère et veille à régler la luminosité au minimum. Les lames de trois sabres japonais luisent au-dessus de la tête de lit. Emmitouflé dans sa couette, la tranquillité d'Ayden contraste avec mon agitation intérieure.
Je m'assois près de lui et serre ses doigts dans les miens. Excepté Mère, il est le seul qui a le don de m'apaiser par le toucher. Je ferme les yeux un moment, laissant sa chaleur absorber l'angoisse qui m'étreint. Enfin serein, je remarque que son bracelet est déchargé et le branche sur son chevet où repose une plaquette de somnifère.
— C'est de ma faute, n'est-ce pas ? chuchoté-je la gorge nouée.
De la moquette au plafond, des murs à la literie, tout est noir. L'obscurité est si dense qu'elle a une texture morbide, accentuée par la pâleur de sa peau. Une vague fulgurante me ramène dans un océan de souci.
Un seul remède, les sucreries.
Il me faut manger mes émotions néfastes pour m'en défaire. Je pars fouiller la cuisine ouverte avec une impatience grandissante. Les placards claquent, les étagères se retournent mais rien. Je ne trouve rien de ma commande passée avant mon voyage. Mes mouvements deviennent compulsifs à mesure que ma frustration prend le contrôle.
Est-ce qu'Élio aurait volé ma nourriture ?
Alors que mon besoin insatisfait me pousse à le questionner, j'aperçois un post-it sur le réfrigérateur.
J'ai jeté ta bouffe de merde.
Le souffle se coupe, mes sourcils se froncent.
— Mes... Mes Dragibus... À la poubelle ?
Mon estomac réclame justice et je me précipite de nouveau dans sa chambre.
— Comment as-tu pu ?! Tu vas payer pour ton crime, annoncé-je en m'emparant d'un oreiller.
Alors que ma sentence allait s'abattre sur lui, Ayden enfouit son visage dans les plis de son cocon moelleux. Je ne peux retenir un sourire attendri devant cette scène adorable.
— Bien, je vais pardonner ta trahison mais que cela ne se reproduise plus, cher frère.
Je ressors explorer les poches des vêtements pendus au porte-manteau de l'entrée. Sitôt sa carte bancaire en main, je m'adresse à l'enfant qui n'a pas bougé :
— J'espère que tu aimes la cuisine asiatique, Élio.
J'aperçois deux paquets de tabac sur le banc TV et les récupère avant de m'installer à côté de l'enfant sage. Griffonnant une cicatrice sur le front d'un personnage, il ne réagit pas à ma présence. Muni de ses ciseaux, je découpe une à une les cigarettes, les réduisant en un monticule d'herbe hachée. Je trouve dans cette activité une satisfaction surprenante.
— Ne touche jamais à ce poison, d'accord ?
Je retire les autres dangers du logement quand arrive le dîner. Le saumon cru fondant sur ma langue et la fraîcheur du riz vinaigré est un délice. Mon bonheur n'est pas partagé par le petit blond, prostré sur sa chaise. Le menton baissé, ses lèvres sont parsemées de tâches rougeâtres. La culpabilité de ne pas l'avoir remarqué me perce le ventre et je repose mes baguettes.
— Est-ce que tu te sens mal avec nous ? J'ai discuté avec ta maîtresse et...
Il quitte brusquement la table et manque de trébucher en fuyant la pièce. Je le poursuis, alerté par ses sanglots étouffés.
— Élio ! Qu'est-ce qui se passe ? Je...
L'apparition d'Ayden, torse nu et vêtu d'un jogging m'interrompt dans mon élan.
— Un peu de pudeur tout de même ! Il y a un enfant.
Ses cheveux en pagaille, sa démarche est incertaine et je le suis dans la cuisine.
— Comment te sens-tu ? As-tu bien dormi ?
Le gargouillis de la cafetière libère un arôme amer de café qui m'est désagréable et me force à rester à bonne distance, de l'autre côté de l'îlot central.
— Tu as encore maigri... Viens manger, j'ai commandé tes sushis préférés.
Il passe une main sur sa nuque et la lumière tamisée met en valeur les contours athlétiques de son dos, lui donnant une solidité que je n'ai pas.
— Tu es le plus mature de nous deux alors cesse de m'ignorer.
Chaque seconde de son mutisme ravive mon anxiété et ma respiration en devient irrégulière.
— Ne... Ne m'en veux pas pour ton traitement. C'est pour ton bien, tu comprends n'est-ce pas ?
— Qu'est-ce que tu fous ici ? lâche-t-il sans se retourner.
Sa mauvaise humeur est palpable et ignorant la cause, je frotte le tissage bleu à mon poignet.
— Déjà cinq mois que tu es revenu et nous n'avons pas eu de vraie discussion. Je m'inquiète beaucoup, petit frère.
— On est pas frère, nie-t-il avant de boire son breuvage.
— Bien sûr que si. Nous avons été éduqué ensemble dix ans.
Sa tasse se brise sur le marbre sombre, m'arrachant un soubresaut.
— On est pas frère ! explose Ayden en me faisant face. Rentre-toi ça dans ton putain de crâne et dégage de chez moi !
Pétrifié par la rage qu'il renvoie, je suis incapable de respirer. Le bassin appuyé contre l'évier, il m'observe avec une froideur métallique. Les battements frénétiques de mon cœur me poussent à obéir mais je refuse de comprendre.
— Mais... J'ai... J'ai attendu toute la journée pour... Pour passer du temps avec toi et...
— Rien à foutre. Casse-toi.
Il ne me frappe pas, ses mots le font pour lui. Une douleur aiguë écorche mon muscle cardiaque et j'appose une main dessus pour empêcher ses morceaux de tomber, en vain. Un voile lacrymal trouble ma vue alors que mes dents s'entrechoquent.
— T'es sourd ? Dégage de ma vue avant que je te...
— Surveille tes paroles.
Arrivé par surprise, la voix autoritaire d'Érik suffit à dominer l'espace et la tension dans l'air s'électrise.
— Toi, je t'ai pas sifflé ! Retourne à la niche !
Sensible à la provocation d'Ayden, il s'approche, ses pas pesants sur le parquet et le spectre d'une altercation physique me compresse la cage thoracique. Je m'interpose entre eux :
— A-arrête... Ne-ne... Ne lui fais pas... Pas de mal.
— Prends ton chien de garde et va bégayer dehors, ricane Ayden en croisant ses bras sur ses abdominaux.
Son mépris m'étrangle un peu plus. Cette journée est un supplice, passant sauvagement d'un émoi à un autre sans répit.
Je ne sais par quel miracle je me retrouve sur le palier, précédé par mon chauffeur. Retenant mes larmes, je pivote vers mon frère, espérant qu'il m'accorde une seconde chance.
— S'il te plaît Ayden... S'il te...
La porte claque.
Notre lien fraternel vient d'être rompu par une guillotine impitoyable. Mes épaules s'affaissent et je manque de chuter à genoux. Mon cœur est réduit en lambeaux par ces montagnes russes émotionnelles et je regrette ma sieste. Mourir de fatigue aurait été bien plus doux que le chagrin qui déchire mon âme.
— Érik... Dis-moi que c'est un cauchemar... Dis-moi que je vais me réveiller dans mon bureau.
Tremblant de tout mon être, je tente un dernier appel pour être rassuré par Mère mais elle ne décroche pas. Elle ne décroche plus depuis son départ soudain du pays. Un silence assourdissant de soixante-six jours.
— Allons-y. Je vous conduis chez vous.
Mes jambes sont figées, enchaînées aux boulets du désespoir. Le corridor se referme sur moi et j'halète, piégé dans ce corps qui menace de s'écrouler.
Je suis épuisé. Épuisé et malheureux.
Pourquoi est-ce si facile pour eux de m'abandonner ?
Mes paumes pressées sur mon visage, supporter ma souffrance psychique est au-delà de mes forces. Les perles salées s'échappent et la honte écrase la tristesse. "Aucune larme doit être versée par un homme" me répétait Père. Pleurer est une faiblesse mais c'est ce que je suis, un faible. Un faible inutile et rejeté de tous.
Ma voix n'est plus qu'une plainte à peine audible :
— Dis... Dis-moi que... Érik... Je... Je t'en supplie... Dis-moi que j'ai encore ma famille... J'ai... J'ai besoin de ma famille...
Je croyais dur comme fer que nous avions laissé le pire derrière nous. Quelle cruelle désillusion. Un an et demi de remords n'était pas assez pour expier mes péchés.
*
"La plus grande souffrance est de se sentir seul, sans amour, abandonné de tous."
Mère Teresa
✿❀✿❀✿❀✿❀
Le chapitre qui m'a fait passer du rire aux larmes 💔
Pauvre Aleksander... Son trouble mental est mis en avant sans être nommé. L'avez-vous deviné ?
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Monimoni-ka
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