une lettre dans la mer de gaza
"soledad,
ce soir je pense à toi comme à un vieux film qui aurait trop tourné
tu deviens souvenir d'un vieux cinéma, je te fais fauteuil rouge décrépi, rayon de lumière où l'on voit la poussière voler.
ce soir, tu deviens fantasme chosifié, tu n'es plus femme, moi je ne veux plus l'être
je veux l'été
mais la nuit est encore longue, et de gaza à seville c'est comme si elle durait 5000 ans.
ce soir, soledad, c'est le concerto de mes mémoires,
l'hôpital à côté de chez moi vient de tomber, beaucoup de gens pleurent, et à ma fenêtre je vois comme au ciné les membres coincés sous les décombres des enfants
parce que chez moi on ne se baisse plus pour cueillir des fleurs, ça fait longtemps que la vie est réfugiée, ici il ne pousse que le poison infâme des corps qui pourrissent doucement. ma Palestine est une éponge gorgée de sang, il suinte de partout, ne peut même plus être absorbé.
alors je ne veux plus voir.
je repense à cet été, je fais passé le temps plus vite, j'attends l'implosion de mon immeuble, je veux sentir encore ce qu'a fait ton amour à mon cœur, j'essaye de retrouver tous tes sons, tous tes rires.
si je me penche au balcon, soledad, je ne te vois pas m'observer comme au jour de notre rencontre
je ne suis plus aussi jolie non plus
le temps n'a pas tant passé que ça pourtant mais j'ai l'impression d'une éternité depuis que je suis rentrée
mais j'ai pour moi l'imagination des désespérés,
le cinéma laisse place à Duras,
je nous imagine amantes d'un monde explosé,
toi Nevers moi Hiroshima
toi Seville moi Gaza
"je penserai à cette histoire comme à l'horreur de l'oubli"
tu deviens alors mon théâtre des merveilles, je te vois bolchoï-giselle, puis symphonie de Berlioz, romantique-musset
alors Duras devient lorenzaccio
moi poète, toi Aurore
"soledad, pour dormir tranquille, il faut n'avoir jamais fait certains rêves"
l'été aura été court
on aura bien profité
c'était joli, on était belle
je te transforme une dernière fois
soledad tu incarnes pour dernier rôle ma débauche arabe, je t'imagine à côté de moi, j'imagine qu'on s'aime une dernière fois comme les femmes savent si bien le faire, je t'imagine apprivoiser ta solitude, je chante ton prénom une dernière fois
la nuit ne s'arrête-elle jamais à Gaza ?"
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro