3. La proposition du directeur
Illustration réalisée par Sol-Eva
— Merci, murmura la jeune fille.
Elle rejoignit sans tarder la table la plus à droite, sous les acclamations de ses camarades. Le directeur se leva, quitta la table des professeurs et avança jusqu'à un haut pupitre doré, surmonté de deux aigles aux ailes recourbées (tellement grands que le vieillard paraissait encore plus petit qu'il ne l'était). D'un geste, Dippet fit taire toute la salle.
— Bienvenue à Poudlard, chers élèves. Certains d'entre vous arrivent cette année, d'autres nous quitteront en juillet. Quoi qu'il en soit, je vous souhaite à tous une très belle année ici. Puissiez-vous apprendre et vous épanouir dans un cadre qui convient à tous.
Il se tut un instant.
— Je fais également remarquer que nous avons aujourd'hui eu un Chapeauflou, dit-il avec un léger sourire énigmatique... n'est-ce pas, mademoiselle Watson ? Et maintenant, que le festin commence !
Aussitôt, toutes sortes de plats apparurent sur les tables. Des cuisses de poulet, des croque-monsieur, du bouillon et des gratins... peu importait l'époque, les repas à Poudlard étaient toujours aussi somptueux !
À côté de Sarah était assise une jeune fille aux cheveux bruns noués en deux fines tresses. Elle avait la peau claire et de beaux yeux en amande ; dans ses iris se mélangeaient un vert pomme et un marron noisette. La jeune fille demanda à Sarah :
— Salut, comment tu t'appelles ?
— Sarah Watson. Enchantée.
— Enchantée, je suis Jasmin Manson ! J'entame ma quatrième année ici. Comment ça se fait que le Choixpeau magique ne t'attribue ta maison que maintenant ? T'as pas onze ans, quand même !
— Non, j'entame ma quatrième année aussi, répondit Sarah. Mais je n'étais pas élève à Poudlard, avant.
— Où étais-tu scolarisée ?
— Ça ne te regarde pas, désolée, dit-elle avec peine.
— D'accord... déglutit Jasmin, qui aurait espéré en savoir plus. Ne t'inquiète pas, je n'insisterai pas.
Les deux sorcières commencèrent à manger, buvant entre deux bouchées une gorgée de jus de citrouille. Une fois sa coupe vidée, Sarah voulut se servir de l'eau, mais la carafe était trop loin.
— Euh... excuse-moi, dit-elle à un sorcier brun, peux-tu me passer le pichet ?
Il lui tendit sans un mot. En levant les yeux vers lui, elle découvrit un regard glaçant et s'empressa de prendre la carafe. Elle se servit puis continua de manger, évitant de regarder dans sa direction. Elle connaissait ce regard... mais où l'avait-elle vu ?
Après le dîner, les Serpentard se levèrent pour se rendre dans leurs dortoirs respectifs, menés par les préfets. Devant le grand escalier, Jasmin Manson alla retrouver une petite sorcière à la chevelure d'un roux flamboyant, mais elles se séparèrent rapidement : la rouquine monta les marches avec les élèves de la maison Gryffondor, tandis que Jasmin avança vers les sous-sols de l'école, le visage assombri, seule parmi la foule de Serpentard. Quand Sarah allait suivre le reste du groupe, Armando Dippet l'arrêta :
— Pouvez-vous me suivre jusqu'à mon bureau, s'il-vous-plaît ? J'aimerais que nous discutions un peu. Jedusor, dit-il à l'adresse du garçon qui avait donné le pichet à Sarah, suivez-nous. Vous conduirez mademoiselle Watson jusqu'à votre salle commune.
— Bien, professeur, répondit poliment le garçon.
Les trois sorciers se mirent en route vers le bureau du directeur ; à peine eurent-ils commencé à monter les marches du grand escalier de marbre qu'une ribambelle de bobines de fil leur passa entre les jambes, surprenant les quelques élèves à la traîne. Sarah manqua tomber, mais elle se rattrapa de justesse à la rampe lisse et froide de l'escalier. Un caquètement sonore retentit depuis le plafond.
— Alors la nouvelle, on tient pas sur ses jambes ? s'esclaffa une voix criarde, sans que Sarah ne puisse voir à qui elle appartenait.
— Peeves, ça suffit, dit le directeur d'un ton sec. Laisse la jeune fille tranquille et va faire tes mauvais tours ailleurs. Nous n'avons pas ton temps.
Alors, une forme se dessina dans les airs. Un petit homme apparut, le regard noir et méchant. Il portait une chemise à fleurs et un chapeau de bouffon serti de grelots. Il flottait dans les airs et Sarah pensa d'abord à un fantôme, mais le bonhomme n'était pas aussi translucide que les autres esprits qui hantaient le château.
— Peuh ! Rabat-joie, cracha-t-il avant de traverser le plafond, faisant tinter les grelots de son couvre-chef.
— Voici Peeves, l'esprit frappeur du château, expliqua le directeur en avançant à nouveau. Il apparaît et disparaît quand ça lui chante, et passe son temps à embêter les autres. Fais toujours attention à toi, on ne sait jamais quel mauvais coup il prépare.
— D'accord, répondit Sarah, peu rassurée, je serai prudente...
Ils traversèrent un large couloir aux murs ornés de torches, qui éclairaient d'une lumière chaude et hésitante les nombreuses statues posées de chaque côté du chemin. Le directeur s'arrêta devant une gargouille de pierre, qui lui demanda d'une voie râleuse :
— Le mot de passe ?
— Vert gallois, répondit le directeur.
La gargouille s'inclina et laissa place à une petite porte en bois usé. Avant de l'ouvrir, Dippet se tourna vers le jeune homme brun, Jedusor.
— Mon garçon, attendez-nous là, lui demanda-t-il. Je compte sur vous pour être présent au retour de mademoiselle Watson. Ne vous inquiètez pas, nous ne serons pas longs.
Jedusor se contenta d'acquiescer.
— Bien. Suivez-moi, jeune fille.
Il avança, Sarah sur les talons. Derrière la porte, dans une haute et large cage d'escalier, de dressait un majestueux griffon doré qui gardait un escalier en colimaçon aux murs de pierre nue. Lorsque Dippet posa le pied sur la première marche, le griffon ouvrit les ailes et l'escalier se mit à monter tout seul : les marches s'élevèrent en tournant comme un tire-bouchon pour atteindre une autre porte en bois, que le directeur ouvrit. Sarah s'engouffra derrière lui dans une large pièce meublée de quelques objets, tant merveilleux que mystérieux – elle eut l'impression que, depuis sa dernière visite, certaines choses avaient disparu... remarque idiote puisque, évidemment, elle n'était jamais venue ici auparavant. Le directeur se dirigea vers un grand bureau encombré de tas de papiers ; le débarrassa un minimum puis s'installa, et invita Sarah à faire de même.
— Mon enfant, commença-t-il, je sais que vous ne pouvez retourner en France, et que de toute façon rien ne vous retient là-bas.
Sarah voulut le contredire, mais, faute d'arguments, elle resta silencieuse. Dippet poursuivit :
— J'ai moi-même acheté vos fournitures scolaires, mais je ne pourrai pas subvenir à tous vos besoins éternellement. J'ai donc une proposition à vous faire, dut-il en inclinant étrangement la tête. Accepteriez-vous de travailler dans l'établissement ?
Devant le regard confus de Sarah, il expliqua :
— Par exemple, nettoyer, assister les elfes de maison à la cuisine ou aider le garde-chasse... en dehors de vos heures de cours, cela va de soi ! Nous pouvons bien sûr demander aux commerçants de Pré-au-lard s'ils ont besoin d'une employée, si vous préférez. Pré-au-Lard est le seul village sorcier de Grande Bretagne, ajouta-t-il. C'est un lieu de loisirs pour les élèves et le personnel de l'école, et...
— Je sais ce qu'est Pré-au-Lard, le coupa Sarah.
Dippet la regarda sans comprendre.
— Pardon, se rattrapa-t-elle, je ne voulais pas vous interrompre.
La phrase cassante lui avait échappé ; comment se faisait-il qu'elle connaisse Pré-au-Lard, et connaissait-elle vraiment ce village ? Dippet attendit qu'elle ait fini de s'interroger et, lorsqu'elle cessa de cligner bêtement des yeux, paupières plissées, il lui adressa un petit sourire courtois.
— Je vous laisse réfléchir à ma proposition, mais ne tardez pas. Avez-vous des questions ? demanda-t-il aimablement.
— Les cuisiniers du château sont-ils vraiment des elfes de maison ?
— Bien sûr, que croyez-vous ? Ils sont Ils sont même très doués.
— Je m'en doute, mais ce n'était pas le sens de ma question... travaillent-ils dans de bonnes conditions ? Sont-ils payés ?
Le directeur eut un petit rire et, devant la mine sévère de Sarah, répondit :
— Les elfes de maisons ne désirent pas être payés. La reconnaissance est leur seul motif. Allez donc vous coucher, jeune fille, dit-il en riant.
— Bonne nuit, répondit Sarah en se levant.
Elle traversa la salle en observant chaque recoin de cet étrange endroit. Les murs étaient recouverts de portraits d'anciens directeurs (elle ne savait pas pourquoi, mais elle en était convaincue). Un seul lui sembla familier : Fineas Nigellus Black, qui ronflait doucement dans son. Les tableaux qui ornaient les murs avaient quelque chose de différent, ils lui paraissaient plus ternes que la dernière fois qu'elle était venue ici ; Sarah divaguait à nouveau : elle ne s'était jamais rendue dans cette pièce.
Lorsqu'elle sortit du petit passage, Jedusor l'attendait toujours, adossé au mur.
— Tu as fini ? dit-il d'une voix neutre, douce aux oreilles de Sarah.
Elle acquiesça. Le garçon se redressa et partit sans bruit, d'un pas assuré. Sarah s'efforça de marcher à la même vitesse, en restant toujours derrière lui. Ses cheveux bruns bouclaient légèrement et sa nuque était d'une pâleur singulière. Il était grand et longiligne, et sa silhouette dessinait une ombre inquiétante sur le mur du couloir. Sarah aurait pu rester longtemps à l'observer, lorsqu'il rompit le silence en demandant doucement, d'un air intéressé :
— De quoi avez-vous parlé, avec le Choixpeau magique ?
— Euh... de maisons, répondit-elle, prise de court.
— Pendant tout ce temps ?
— Oui, il se... il se demandait dans quelle maison me placer.
— Et il a choisi Serpentard ? demanda Jedusor, sceptique.
— Qu'insinues-tu ? se défendit Sarah, un peu vexée, qu'est-ce que tu insinues ?
— Rien, rien, répondit-il avec un rictus que Sarah ne put voir, avant de redevenir silencieux.
— Eh bien, quelle maison aurait-il dû choisir, alors ? insista Sarah, irritée.
— Mh... je t'aurais plutôt vue à Serdaigle, ou bien... à Gryffondor, acheva-t-il d'un ton dédaigneux.
— As-tu quelque chose contre eux ?
— Qui donc ? demanda Tom d'un air innocent.
— Les Gryffondor, enfin ! s'exclama Sarah en perdant patience.
— Non, non...
— Tu n'as que ça à dire ? fit-elle remarquer, espérant le sortir de son indifférence.
— Toi, qu'as-tu à dire ? rétorqua-t-il en se retournant soudainement.
Sarah s'arrêta et lui fit face. Sous ses airs de premier de la classe, ce n'était pas un gentil... en le regardant, elle réalisa qu'il était très beau ; une beauté froide, inaccessible. De nombreuses filles étaient probablement secrètement éprises de lui, et Sarah imagina sans mal le jeune homme refuser froidement leurs avances. Sa question l'avait frappée de plein fouet. Elle avait des tas de choses à dire mais, dans l'instant, rien ne lui vint ; c'était comme si son esprit ne contenait rien, ne savait rien. Rien. Seul ce mot apparaissait.
— R... rien, répondit-elle d'une voix sans timbre.
— Bien, conclut-t-il, satisfait, avant de se remettre en marche.
Les deux sorciers descendirent le grand escalier, esquivant les bobines de fil que Peeves avait lancé quelques dizaines de minutes plus tôt. Sarah sortit sa baguette et murmura : « Locomotor ! » en direction du désordre ; aussitôt, le fil s'enroula sur lui-même en pelote et les bobines partiellement déroulées se reconstituèrent d'elles-mêmes, puis l'ensemble vint se poser au coin de l'escalier, près de l'une des rampes.
— Nous n'avons pas le droit d'utiliser la magie en dehors des cours, dit Jedusor en continuant de descendre les marches du grand escalier.
— Je préfère agir avant que quelqu'un ne tombe réellement, répliqua Sarah. Rien ne t'empêche de le rapporter au professeur Slughorn.
Le jeune homme resta silencieux ; Sarah sourit dace à cette petite victoire. À l'entrée des cachots, il la prévint simplement :
— Retiens bien.
Tous deux s'engouffrèrent alors dans le labyrinthe de galeries qui serpentait sous le château. Sans un mot, ils avancèrent dans d'étroits tunnels peu éclairés, bifurquant de temps en temps, d'un côté ou d'un autre, traversant des couloirs toujours plus longs. Sarah trouva le trajet interminable. Pourtant, à un moment, Jedusor s'arrêta devant un mur de pierre nue, à l'allure tout à fait ordinaire.
— Nous y sommes, déclara-t-il.
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