2. Le Choixpeau magique
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Sarah fut violemment projetée au sol. L'herbe douce de la fin d'été amortit sa chute, tel un léger matelas déposé ici à son attention. Des cris de joie se firent entendre à quelques mètres. Elle leva la tête et vit des dizaines d'enfants traverser la cour extérieure du château. Pas de doute : elle était bien arrivée le jour de la rentrée. Mais en quelle année ? Sarah se leva et s'épousseta, lorsqu'elle entendit un léger tintement métallique. Elle ne l'avait pas remarqué, mais à son cou se balançait un petit pendentif couleur de bronze. En son centre, un minuscule sablier... elle le rentra dans son haut et avança ; soudain, une main lui agrippa le bras. Un vieil homme au crâne parsemé de cheveux, de la même couleur argentée que son épaisse moustache, sortit de l'ombre et lui lança :
— D'où tu viens toi, et pourquoi t'es pas avec les autres ? Tu tentais de t'échapper, hein ? Racaille ! Viens, cria-t-il en lui tordant davantage le bras, on va voir le directeur !
— Mais – Monsieur, s'il-vous-plaît, balbutia Sarah, je crois devoir être placée dans une maison...
— Taratata ! Suis-moi sans faire d'histoires, grogna-t-il, ou je te fais récurer les toilettes pour le reste de ta scolarité ! Ça me fera des vacances...
Le vieux moustachu, qui s'avérait être le concierge et garde-chasse de l'école, traîna Sarah jusqu'aux marches du château, et lui fit traverser le hall d'entrée. Le vieillard se faisait appeler Rufus Sancejouche, même si personne ne pouvait affirmer que c'était là son vrai nom. Malgré son apparence chétive, il était d'une vigueur étonnante. Autour d'eux, il n'y avait personne ; l'école paraissait déserte. Pourtant, un lointain bruissement se faisait entendre.
— Vous... vous me faites mal ! s'exclama Sarah en sentant s'accentuer la douleur de son bras.
— Je m'en fiche ! beugla le concierge.
Malgré tout, il desserra légèrement son étreinte. Une fois arrivé au bout d'un long couloir, le vieil homme lâcha Sarah pour prendre un énorme trousseau ; il se mit chercher la clé qui permettrait d'ouvrir une petite porte, devant eux. À la lumière des torches accrochées aux murs du couloir, Sarah put observer son visage : il avait les traits durs et un long nez, enlaidi par une vilaine cicatrice à la forme sinueuse. Ses épais sourcils broussailleux cachaient en partie des yeux bleus profonds, que le temps n'avait pas terni. Il marmonnait de temps en temps « Non, pas celle-là... » et des « Argh... non plus... » ; Sarah lui demanda poliment :
— Puis-je vous aider ?
Elle le regretta aussitôt.
— Mêle-toi de tes affaires ! beugla-t-il. Tu vas en profiter pour t'échapper, je le sais ! Tais-toi et ne bouge pas !
Sarah obéit, sans vraiment comprendre pourquoi il était aussi soupçonneux. Elle leva la tête et observa le couloir. Le plafond s'élevait à plusieurs mètres de hauteur, et de nombreuses voûtes s'étendaient de chaque côté du couloir, dans un mélange de style gothique t roman. Sur les murs, les torches accrochées éclairaient la pierre d'une lumière chaude et irrégulière. Sarah n'était jamais venue ici.
— Ah ! La voilà ! Suis-moi, toi, grogna le vieux moustachu.
Il ouvrit la porte et entra dans une petite salle aux murs décorés d'innombrables tableaux, représentant sorciers et sorcières de tous temps. Des braises dormaient dans le foyer d'une grande cheminée, au centre de la pièce. Au plafond se balançait un lustre somptueux aux quelques chandelles fondues, dont la lumière vacillait avec les mouvements des deux sorciers. Sancejouche s'arrêta de nouveau devant une porte, de l'autre côté de la salle, et en chercha la clé dans son trousseau. Alors qu'il faisait tinter le métal, une sorcière desséchée se réveilla dans son tableau et demanda à Sarah d'un air compatissant :
— Il t'a punie ?
— Je ne sais pas, répondit la jeune fille, je venais d'arriver et... il m'a empoignée...
— Elle essayait de s'enfuir ! grogna le concierge.
— C'est ça, c'est ça, tu t'en prends aux innocentes maintenant ? lança-t-elle avec réprobation.
À ce moment, un gros sorcier avec une moustache de morse apparut dans le cadre de la sorcière. Il portait une veste d'un vert impérial, ouverte sur un veston vert bouteille. En-dessous, une chemise d'un blanc immaculé était boutonnée jusqu'à son cou, laissant apparaître un goitre flasque. Depuis le veston, on pouvait voir pendre une minuscule montre à gousset.
— Par pitié, faites moins de bruit, rouspéta-t-il, j'ai entamé ma nuit, moi !
Drôle de tenue pour dormir, pensa Sarah.
—Pardon, répondit la vieille sorcière, mais je suis exaspérée. Ce rustre n'a aucune tenue.
— C'est une peinture qui me dit ça, ricana Sancejouche.
— Violette, laisse ça et va te coucher, bâilla-t-il en sortant du tableau.
La sorcière salua tristement Sarah et sortit à son tour, laissant la toile vide. Le concierge trouva enfin sa clé et ouvrit la porte. Il empoigna à nouveau le bras de la jeune fille et tous deux entrèrent dans une salle immense, éclairée par des bougies qui flottaient dans les airs. La salle ressemblait à une petite cathédrale mais, au plafond, au lieu de voûtes, il y avait le ciel... pourtant, Sarah savait que le plafond était fermé : il s'agissait d'un plafond magique, qui montrait le ciel au-dehors. Ce soir-là, un ciel sans nuages laissait voir de nombreuses étoiles. Sarah baissa la tête et observa le reste de la pièce : tous les professeurs étaient assis à une longue table, dos aux fenêtres, dans ce qui aurait pu être le chevet de l'église. Devant eux étaient attablés des dizaines et des dizaines d'enfants et d'adolescents en train de discuter, répartis sur quatre immenses tables ; c'était la Grande Salle. À travers la pièce, la jeune fille remarqua des fantômes qui volaient et dansaient. L'un d'eux retint son attention : flottant au-dessus d'une des quatre grandes tables, une fraise autour du cou, il s'amusait à décrocher sa tête de son corps, comme un chapeau, devant les visages ébahis ou dégoûtés des élèves. L'homme semblait très fier de ce talent.
Le concierge, toujours en tenant fermement le bras de Sarah, s'avança vers la table des professeurs, et passa près d'eux sans leur adresser un regard. La sorcière n'en connaissait qu'un seul : son nez aquilin, ses lunettes en demi-lune et ses yeux d'un bleu perçant étaient reconnaissables, même à travers le temps. Du moins, c'est ce qu'elle croyait, car elle ne connaissait pas son identité ; un professeur, visiblement, mais qui... ? Sancejouche s'arrêta près d'un homme très âgé, petit et ridé, mais qui imposait le respect en un regard. Il portait une robe satinée et un chapeau pointu, aux bords blanchis par l'usage.
— Monsieur Dippet, haleta le concierge, j'ai trouvé une élève qui tentait de s'échapper du château. Mais pas de panique, ricana-t-il fièrement, je la tiens... qu'est-ce que j'en fais ?
— Merci, Rufus, vous pouvez me la laisser, nous allons discuter...
Le concierge s'éloigna, l'air un peu frustré de ne pas pouvoir punir d'élève dès la rentrée. Le directeur s'approcha de Sarah et lui demanda gentiment :
— Bonjour, jeune fille. Est-il vrai que vous tentiez de vous enfuir du château ?
— Mais... non ! Je venais d'arriver, se défendit-elle, le Choixpeau magique doit me répartir dans une maison !
Sarah manqua tomber à terre et se retint à la table des professeurs. À présent, la tête lui tournait. Tout se faisait flou, tout tournait, mais, autour d'elle, personne ne semblait rien remarquer. Quand elle revint à elle, le directeur la regardait de son air strict.
— Tu es Sarah Watson ? demanda-t-il, intéressé.
La jeune fille acquiesça, surprise qu'il n'ait rien dit lorsqu'elle avait posé sa main sur la table.
— Dans ce cas, répondit-il, tu peux rejoindre tes camarades près du Choixpeau. Le professeur Slughorn t'appellera et tu iras t'asseoir sur le tabouret, là-bas. Entendu ?
— Oui, merci.
Sarah s'éloigna du directeur et rejoignit les élèves de première année qui attendaient d'être appelés. Comme ils lui paraissaient petits ! En entrant, elle n'avait pas remarqué Slughorn, ni les jeunes sorciers. Sûrement le professeur les lorgnait-il en jugeant s'ils pourraient un jour lui apporter gloire, mérite ou reconnaissance.
En voyant arriver une adolescente parmi ces jeunes sorciers au chapeau pointu, une rumeur parcourut la salle. Tous étaient étonnés : que faisait-elle ici ? Elle aurait dû être avec ceux de sa maison, assise à bavarder ! Un jeune homme brun et longiligne regarda un instant le phénomène puis se détourna, indifférent.
Quand le concierge et Sarah étaient entrés, la chanson du Choixpeau magique avait déjà pris fin. Un tonnerre d'applaudissements s'était sûrement fait entendre jusque dans l'entrée du château ; maintenant, la répartition avait commencé. Le professeur Slughorn tenait entre ses mains boudinées un long morceau de parchemin et appelait les élèves par ordre alphabétique. Il tournicotait une mèche de sa moustache jaune foin en examinant les noms figurant sur la liste, le regard aiguisé. Lorsque le petit homme lut le nom « Black », ses yeux étincelèrent : ce fut avec un sourire mielleux qu'il accueillit l'enfant ; quel ne fut pas son plaisir d'entendre le Choixpeau crier : « SERPENTARD ! », puis de voir le jeune Black rejoindre fièrement la table des Serpentard, où l'attendaient plusieurs membres de sa famille. En revanche, lorsqu'il appela « Stainwright, Erica », son visage ne bougea quasiment pas ; seul un mince sourire entendu traversa ses bajoues rougeâtres. Puis, lorsqu'il appela un né-moldu, au nom tout à fait commun, son ton était quasiment neutre – il agissait d'étranger à étranger –, ne portant guère attention au garçon ; sans se douter que celui-ci occuperait un jour l'un des postes les plus importants du Ministère de la Magie.
Lorsqu'il prononça le nom « Sarah Watson », le petit homme s'attendait à tout, sauf à ce qu'une élève de quatrième année s'avance vers le tabouret... Il lança un regard inquiet au directeur, qui lui fit signe que tout était normal. Quand la jeune fille s'installa sur le petit tabouret, tout le brouhaha qui résonnait dans la salle cessa. Être envoyé dans une maison en quatrième année, ça n'arrivait pas tout le temps !
Slughorn posa le Choixpeau magique sur la tête de Sarah et s'écarta, tentant de cacher sa curiosité. Une fente se dessina dans le tissu rapiécé – le vieux chapeau se courba et réfléchit longuement.
— Mon enfant... tu n'es pas comme les autres, marmonna-t-il. Jamais je n'ai eu affaire à une adolescente qui vienne d'aussi loin... ta maison, murmura-t-il, ta maison... tu as le courage, l'intelligence...
Il replongea dans l'esprit de Sarah, et toute la salle resta suspendue à ses lèvres, ou plutôt ce qui lui servait de bouche, sans toutefois pouvoir entendre un mot de ce qu'il disait à la sorcière ; en réalité, sans même savoir si le Choixpeau communiquait avec Sarah par la parole ou par la pensée.
— J'ai... quelque chose à faire, je crois, murmura la jeune fille. Une mission à accomplir, mais...
— Je le vois aussi, la coupa le Choixpeau. Sais-tu quelle mission ?
— Je... j'ai beau chercher, répondit-elle après un long silence...
— Cherche encore, tu peux peut-être te rendre la tâche plus simple...
Alors, Sarah entrevit une forme. Les yeux fermés à s'en froisser les paupières, elle réalisa, un court instant.
— Oui.... oui ! s'il-vous-plaît, dit-elle, envoyez-moi à...
— SERPENTARD ! s'écria le Choixpeau.
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