Partie 6
Sara grimaça alors que le médecin finissait de lui mettre en place l'attelle. La radio avait décelé qu'elle s'était déboité l'épaule dans sa chute.
- Vous savez, moi je n'ai jamais aimé les baignoires...conclut le médecin.
Sara la regarda en fronçant les sourcils avant de se rappeler. Elle avait dit qu'elle avait fait une chute dans les toilettes.
- la prochaine fois faites attention...
- promis.
- on peut y aller.
Elle regarda Médoune un moment. Il semblait nerveux et avait fourré ses mains dans ses poches. Il évitait de la regarder. Elle se leva alors en grimaçant.
- je vous remercie docteur Sarr. Je reviens donc la semaine prochaine pour un contrôle.
- c'est ça même...
Elle se tourna vers Médoune.
- on y va chéri...
Dans la voiture, il régnait un silence de mort. Sara n'avait pas vraiment envie de parler. Et Médoune apparemment pas non plus. Comme d'habitude. Elle préférait rester dans sa bulle. Et réfléchir. Elle était perdue et ne comprenait pas les réactions de son mari. Pourquoi réagissait-il toujours aussi violemment. Elle devait peut-être se faire une raison et ne plus rien tenter. Se contenter juste de vivre comme frère et sœur. Alors qu'elle brulait de désir contenu pour lui.
- Sara...ma fille...tu vas mieux ? tu ne souffres pas trop...
Maman Mado les attendait sur le perron de la maison et avait accouru dès qu'elle avait vu la voiture se garer. Ce matin, quand les douleurs se sont intensifiées, elle avait été obligée d'en parler à Médoune qui était resté enfermé dans l'autre chambre toute la nuit, sans venir s'enquérir de son état. Il l'avait alors rapidement amené à l'hôpital après avoir prévenu sa mère. L'air inquiet de maman Mado la fit sourire. Elle était au bord des larmes.
- Non Maman, je vais très bien...ils m'ont donné des calmants. Je me suis juste déboité l'épaule...
- Mais comment tu t'es fait cela ?
Sara osa un regard vers Médoune qui était sorti de la voiture, mais ne disait toujours rien.
- En tombant dans les toilettes. J'ai...glissé en sortant de la baignoire.
- Mon Dieu...ma chérie...
Sa belle-mère l'entraina dans sa chambre et l'aida à s'installer sur le lit. Avant qu'elle ne comprenne, elle revint avec un plateau de petit déjeuner. Elle écoutait ses conseils, quand Médoune réapparut dans l'embrasure de la porte, élégamment vêtu.
- Je vais au boulot.
La présence de sa mère le poussa à s'approcher encore
- heu...tu as pris tes médicaments chérie ?
- Non j'attends de manger d'abord. Mais vas-y. je vais tout de suite appeler au bureau pour dire que j'ai un repos médical.
Médoune hochait simplement la tête, avant de se retourner et disparaitre. Heureusement la présence de maman Mado presque toute la journée l'obligea à penser à autre chose. Le soir, alors qu'elle était dans sa chambre, elle entendit Médoune rentrer et s'activer longtemps dans la cuisine. Un bon moment après, pensant qu'il viendrait la voir, elle n'entendit plus de bruit. Elle se leva alors et tomba sur Médoune qui tenait une tasse de thé, s'apprêtant à entrer dans l'autre chambre. C'était plus qu'elle ne pouvait supporter.
- Mon état de santé t'intéresse si peu...murmura-t-elle dépitée.
- heu...tu vas bien ?
Elle sentit les larmes monter et sans un mot tourna les talons pour retourner dans sa chambre. Au bout de quelques minutes, elle sentit une présence dans sa chambre et se releva. Il était debout au pied du lit.
- je t'ais pourtant tout expliqué...murmura-t-il doucement la voix légèrement tremblante.
Elle secoua la tête
- Non, tu ne m'avais pas expliqué ça. Tu ne m'avais pas dit qu'il y avait cette rage au fond de toi. Que je devais être toujours confronté à cette violence quand...quand...
- Je...suis désolé.
- Comme toujours Médoune. Mais, je crois qu'on a fait tous les deux une erreur. Je...on va arrêter toute cette mascarade.
- c'est tellement plus compliqué que tu ne le crois Sara...
- alors explique-moi. Parle-moi Médoune. Je suis capable de comprendre, de t'aider, de te soutenir. C'est ce que je t'ai promis, dit-elle dans un sursaut. Mais je ne peux pas lutter contre quelque chose que je ne connais pas.
A présent, elle était convaincue qu'il y avait quelque chose de plus grave, de plus profond en lui. Ses réactions étaient démesurées.
Il garda le silence. Un long moment. Complètement sourd aux battements frénétiques du cœur de Sara qui attendait, espérait une réponse, quelque chose qui puisse lui permettre de comprendre, de le comprendre, de l'aider. Mais rien ne vint.
- il est tard. Tu ne peux pas partir à cette heure. Finit-il par lâcher.
Sara poussa un soupir sourd et baissa les épaules. Dépitée.
- tu veux vraiment que je parte ? murmura-t-elle.
Il s'assit sur le lit à côté d'elle et garda encore le silence un moment. On n'entendait que leur respiration lourde, comme si l'air ne circulait plus dans la pièce.
- tu sais que non, mais que veux-tu que je fasse Sara. Je n'ai pas de pouvoirs pour changer les choses. Je suis impuissant. Et quoi que tu puisses vouloir, ça restera le problème. Je ne pourrais jamais te satisfaire sur le plan sexuel. J'essaie au maximum de te rendre heureuse et je pensais que je m'y prenais bien. Les explications que je pourrais te donner ne changeront rien aux choses. Je ne serais pas cet homme qui te fera l'amour...
- je ne te demande pas cela. Je ne te demande rien de sexuel. Mais qu'est ce qui s'est passé pour que tu réagisses comme cela ? Ce n'est pas la première fois que tu es violent avec moi Médoune. Je ne veux pas arriver à avoir peur de toi. Je ne comprends pas Médoune.
Il soupira.
- moi non plus...je te jure que je ne sais pas Sara, dit-il simplement avant de se lever et de sortir lentement de la chambre, la laissant encore plus perdue.
Elle ne ferma pas l'œil de la nuit et la passa à réfléchir. Encore et encore. Elle ne voulait pas partir. C'était sûr. Elle ne pouvait pas laisser Médoune comme cela. Elle se devait de l'aider parce qu'elle l'aimait. Malgré tout. Elle l'aimait.
Le lendemain, elle ne trouva pas Médoune dans la maison à son réveil. Elle voulait aller au travail, mais maman Mado débarqua encore, l'obligeant à rester chez elle. Le soir, elle prépara un succulent diner et attendit l'arrivé de son chéri qui arriva tard et accroché au téléphone. Il lui lança un rapide bonjour avant de s'assoir sur la table. Sara lui prépara son thé.
- et ta journée ?
- cava...Ya Paul qui demande de tes nouvelles.
- Ah oui...il m'a même appelé. Il m'a promis de passer demain diner ici.
- Ok...
Elle prépara le diner et s'installa à ses côtés. Il raccrocha finalement alors qu'elle finissait de mettre le plat devant lui et de prendre place en face.
- Salut...dit-elle simplement avec un petit sourire forcé.
- salut. Heu...que me vaut tout ceci ? J'ai l'impression que c'est plutôt moi qui doit me faire pardonner.
Il évitait de la regarder et eut l'air de se concentrer sur son plat. Il mangeait lentement, et Sara sentit une gêne entre eux.
- j'ai aussi peut être ma part de responsabilité dans tout cela, murmura-t-elle
Encore un silence.
- je suis désolé pour hier Sara. Au risque de me répéter encore, je m'en veux de t'avoir embarqué dans toute cette histoire. Vraiment. Et je suis désolé pour hier.
Elle le regarda et involontairement son cœur se gonfla d'amour pour lui. Malgré tout ce qui s'était passé, malgré tout ce qui allait venir, elle savait qu'elle n'était pas vraiment prête pour le laisser, pour baisser les bras. Non. Elle gardait au fond d'elle cet espoir qu'un jour tout ceci s'arrangerait.
- ce n'est rien...murmura-t-elle en s'avançant lentement vers lui.
Il se leva en même temps et la prit tendrement dans ses bras.
- Mon cœur...murmura-t-il doucement contre son oreille.
Incapable de parler, elle se contenta de sourire et de se serrer encore plus dans ses bras
- tu vois que tu es en train de me changer. Maintenant je demande pardon quand j'ai tort, dit-il en s'éloignant légèrement
Elle sourit et en voulant faire un mouvement grimaça, se souvenant de son épaule. Il la lui toucha délicatement
- tu as mal ?
Elle secoua la tête.
- Non, ça va.
- et malgré cela tu es là avec moi...je...je...suis désolé.
- arrête Médoune. Je t'ai dit que ce n'est rien...
Il y eut un petit silence et elle le vit froncer les sourcils
- En fait...je...ne supporte pas le contact avec les femmes...commença-t-il comme s'il se parlait à lui-même. Je veux que tu me comprennes. C'est douloureux...dans ces moments je vois...une chose...terrible...
Sara fronça les sourcils, et le cœur battant, elle lui toucha lentement le bras.
- tu vois quoi ?
Il la regarda sans vraiment la voir et son téléphone sonna à ce moment, semblant le réveiller.
- Oui...Rosalie...Oui, je suis chez moi...ah...ah tu es avec la mère à côté...Ok, j'arrive
Rosalie. Sa cousine.
- Hé Rosalie est là. Viens on va lui dire bonjour...
Non, elle voulait surtout continuer sa conversation avec lui
- Médoune...tu disais tout à l'heure que tu voyais une chose terrible. C'est quoi ?
Il soupira
- Sara, laisse tomber mon amour. Viens, on va voir Rosalie.
Elle insista encore, en vain. Elle se retrouva donc toute la soirée à supporter Rosalie, tripoter son mari. Elle semblait être la seule à remarquer son manège et comme il se faisait tard, elle demanda à se retirer pour aller dormir, encore perturbée par sa conversation avec son mari.
Intriguée, elle passa presque toute la nuit à repenser à ce qu'il venait de lui dire, peut-être inconsciemment. Il avait peut-être des visions, il voyait peut-être des choses surréalistes. Ça expliquerait peut-être son attitude. Forte de cette certitude, elle se rendit chez ses parents le lendemain, espérant trouver une solution. Elle trouva sa mère un peu malade qui se plaignait de ne plus la voir souvent.
- les filles sont ingrates. Depuis que tu es mariée, tu ne viens plus voir tes parents...
- maman...ça fais à peine une semaine qu'on était là Médoune et moi.
- Moooo...c'est un mois que tu as transformé en une semaine comme cela. Tu n'as pas honte.
- en plus, papa me chasse comme la peste quand il me voit ici...
- hiii...ton père mome, il a des liens de parenté avec Hitler. Ne l'écoute pas.
Sara éclata de rire, sous le regard amusé de son jeune frère qui les menaçait de dénonciation. Elle le renvoya subtilement en l'envoyant lui chercher une commission. Elle avait besoin de parler à sa mère.
- maman, ces temps-ci je fais des rêves bizarres...commença-t-elle. Elle avait réfléchi durant tout le trajet à comment aborder le sujet sans parler réellement du problème.
Comme elle l'avait espéré, elle vu un petit air de panique s'afficher sur le visage de sa mère. Les mamans s'inquiètent toujours pour leur enfant. Et elle savait qu'elle la toucherait.
- quel genre de rêves ma fille ? Ne me fais pas peur.
- je ne sais pas exactement maman. J'oublie toujours de quoi il s'agit. Mais je crois qu'il vaut mieux que tu me mettre en rapport avec Serigne Ka, celui chez qui tata Kiné te demande toujours de venir parce qu'il a des dons extraordinaires....
Oui, elle n'avait aucune idée de là où elle pouvait se tourner pour chercher une solution à son problème. Elle n'a jamais fréquenté de marabout et c'était bien la première fois que cette idée s'infiltrait dans a tête. Mais elle voulait savoir.
- Sara, tu sais que je n'aime pas trop aller voir les marabouts. Et tu sais que je ne fréquente pas souvent Serigne Ka. Il est trop bizarre. Si tu fais des rêves bizarres, fais des prières avant de te coucher, dis à ton mari aussi d'en faire pour toi. C'est la meilleure protection.
- je sais maman, mais ça persiste et je commence à avoir peur. J'ai peur maman.
- ta tante a la langue pendue ma chérie. Elle va s'empresser d'aller dire à tout le monde que nous sommes en train de marabouter ton mari et tu sais qu'elle entretient aussi de bonnes relations avec ta belle-mère.
Sara se mit à réfléchir et mesura tout d'un coup l'ampleur que tout ceci pouvait avoir. Et puis si le marabout se mettait à parler, à révéler des choses. C'était risqué.
- tu as raison. Non laisse tomber maman. Je vais faire des prières et ça va aller.
Elle discuta encore avec sa mère et la rassura qu'elle n'avait aucun problème dans son ménage. Comme d'habitude, elle lui demanda si elle n'était pas enceinte et la même réponse tomba. Quand elle rentra, elle trouva Médoune en grande discussion avec sa mère. Elle resta un moment avec eux avant de retourner chez elle. Elle reçut un appel de Sophie et resta de longues minutes à discuter avec sa meilleure amie. Lui parler lui faisait toujours du bien, même si elle ne lui parlait pas vraiment de ses problèmes. En discutant, elle lui fit le même coup que sa mère et lui parla de ses soit disant cauchemars. Elle savait que Sophie était très portée sur ces choses-là et elle espérait qu'elle l'y aiderait. Et effectivement, elle lui parla de sa dernière trouvaille qui se trouvait dans une localité assez éloignée de Dakar. Pleine d'espoir, elle écouta Sophie lui vanter les gros talents de ce dernier. Sara avait alors pris un bloc note pour prendre le numéro de téléphone qu'elle venait de lui dicter.
- tu prends le numéro de qui ?
Elle se tourna et vit Médoune penché sur le feuille qu'elle venait de remplir.
- heu...c'est un...oncle de Sophie, bafouilla-t-elle en s'éloignant.
Il ne pipa mot et lui proposa de sortir diner dehors pour décompresser un peu et changer d'air.
- ton geste d'hier m'a vraiment touché et...je t'avoue que tu m'as perturbée. Je m'attendais à ce que tu partes et je crois que je viens de me rendre compte à quel point j'ai une femme magnifique.
Sara se contenta de sourire, le cœur débordant d'amour et surtout convaincu qu'elle était sur la bonne voie. Elle alla se changer rapidement, se faisant toute belle pour sortir avec son chéri qui n'hésita pas à la complimenter avant de lui offrir un magnifique collier en or.
- Médoune...c'est trop beau...
- Rien n'est trop beau pour toi ma belle...dit-il en déposant un petit baiser sur ses lèvres.
Ils s'observèrent un moment, un sourire aux lèvres.
- Jamais je n'aurais imaginé qu'un jour je m'attacherais ainsi à toi Sara.
- Même quand on se mariait.
- même quand on se mariait.
Au moins, il avait été sincère et seul le présent l'intéressait maintenant. Il l'aimait. Et c'était tout ce qui comptait pour elle pour le moment. Une fois au restaurant, ils discutèrent de tout et de rien, et Médoune riait aux éclats des blagues douteuses de sa femme
- c'est bon mon cœur...je te dis que tes blagues sont tellement nazes...
- et pourquoi tu rigoles alors, demanda-t-elle, en retenant un fou rire
- Bah justement parce que c'est tellement pas drôle...
Un regard et ils éclatèrent de rire sans vraiment trop savoir pourquoi. Le bonheur devait avoir ce visage.
- SARA ???
Cette dernière leva la tête en entendant appeler son nom et se figea en reconnaissant celui qui venait de l'interpeller.
- Saliou...
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Médoune Ndiaye
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Médoune regardait Sara se lever, visiblement perturbée. Saliou. Il avait entendu ce nom, mais ne savait pas vraiment qui il était.
- j'ai reconnu ton rire au fond de la salle. Ça fait un bon bout de temps...et tu es toujours aussi...
- Heuuu....je te présente mon mari, l'interrompit Sara, encore plus perturbée.
Médoune commençait à s'énerver.
- Médoune, je te présente Saliou...heu...c'est mon...heu...
- un ancien ami...ou ex-ami...
Et soudain, il se souvient. Saliou. Son ex copain. Celui qui voulait épouser Sara. Il se leva et toisa le gars un moment. Ce dernier soutint son regard et Médoune reconnut que c'était un bel homme. Et une grosse bouffée de jalousie l'envahit. Pour la première fois de sa vie. Pour une femme. Et il n'aimait pas ce sentiment.
Se forçant à sourire, il lui tendit la main
- Médoune Ndiaye...
Un petit silence s'intalla
- Sara, ça me fait vraiment plaisir de te revoir. Et j'en profite pour te féliciter pour ton mariage.
- heu...merci Saliou...et comment vas ton épouse ?
-ex-épouse...
Encore un silence. Médoune regardait sans intervenir ce dialogue entre sa femme et son ex copain.
- Je...ne savais pas que tu...enfin...je suis désolée. J'espère que...
- Bon Sara...on y va...
Médoune se retenait. Difficilement. Il n'aimait pas ces instants ou il se contrôlait difficilement. Il avait des envies de cogner quelque chose tellement il ne se contrôlait plus. Mais maintenant avec Sara, il voulait changer. Mais il se sentait ridicule. Il n'aimait pas la voir discuter avec un autre homme. Il avait l'impression qu'elle cherchait autre chose. C'était plus fort que lui.
- Médoune...tu roules trop vite...
Dans sa colère, il ne s'était pas rendu compte qu'il avait mis le pied sur l'accélérateur. Heureusement qu'il faisait nuit. Mais, il ne répondit pas à Sara et se concentra plus sur sa conduite. Une fois à la maison, il était tellement énervé qu'il se dirigea dans les toilettes pour prendre une douche et calmer ses nerfs. Il aurait aimé avoir plus de maitrise, mais c'était incontrôlable. En sortant des toilettes, il trouva Sara assise sur le lit, l'air soucieux. Elle se leva doucement et s'approcha de lui.
- Médoune...pourquoi tu es dans ces états ?
Il eut envie de la gifler, mais se retint.
- Sara c'est bon...je n'ai pas envie de parler. Sinon, je pourrais dire ou faire des choses que je vai regretter et....je n'en ai pas envie. Donc je t'en prie, fiche-moi la paix...
- Mais pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai encore fait Médoune ?
- QUOI ???
Il se retenait encore. Mais avait crié tellement fort qu'elle avait sursauté.
- Médoune...calme-toi. J'ai rencontré mon ex au restaurant...mais et après ?
- Tu te fous de moi Sara. Tu crois que je n'ai pas remarqué vos regards...tous ces sous-entendus... » Je suis divorcé » « ha je ne savais pas » Merde à la fin
Il la vit se décomposer radicalement et reculer, comme choquée. Mais il n'en avait cure. Il avait tout vu. Et si elle se comportait ainsi avec tous les hommes.
- Médoune...comment tu peux dire une chose pareille...
- COMMENT...tu penses que je ne sais pas que tu as besoin d'un homme. Tu penses que je ne sais pas que tu as besoin de...sexe. Ce que moi je ne peux te donner Sara. Mais quand tu l'affiche ainsi, évite de le faire devant moi.
Il l'observa et remarqua ses yeux pleins de larmes. Il en avait marre. Il se retourna brusquement et sortit de la chambre. Il avait besoin de se ressaisir. Il venait de se rendre compte qu'il aimait cette femme. Et ça ce n'était pas prévu. Mais il l'aimait. Et ça l'énervait. Une rage folle. Il se sentait prisonnier dans son propre corps. Tout ce qu'il avait réussi à contenir, à retenir pendant des années, s'était réveillé. Pendant des années, il n'avait éprouvé de désir pour une femme. Et depuis quelques temps, ça revenait. Il aimait sa femme et la désirait. Mais il ne pouvait rien. Il se sentait comme un affamé qui ne pouvait manger malgré la nourriture devant lui. Il rêvait de lui faire l'amour. Il rêvait d'eux tout nus, faisant des choses tellement délicieuses qu'il n'avait pas envie de se réveiller. Mais c'était des rêves. Et tout ceci l'énervait. Surtout quand il voyait sa femme se comporter ainsi avec un autre homme.
- Médoune...
Il se retourna et la vit s'approcher de lui, la mine défaite.
- Médoune...je n'ai pas besoin d'un homme. Médoune quand est-ce que tu comprendras que c'est toi que j'aime Médoune.
Il ferma les yeux et détourna la tête, meurtri.
- Médoune...si j'avais besoin de cela, je ne serais pas resté. Mais...je préfère vivre ainsi avec toi que...d'être une pute avec un autre.
Il ne disait toujours rien quand il sentit qu'elle lui touchait le bras doucement.
Il se retourna. Il devait la libérer. Elle devait partir. Il ne supportait plus cette situation.
- Va-t'en Sara. Va-t'en...Tôt ou tard, tu iras chercher cela dehors. Et je refuse d'être un cocu. NON. FICHE LE CAMP
Il avait crié pour se retenir de la tirer dehors. Mais elle n'avait pas bronché, comme si elle commençait à s'habituer à ses crises.
- Je n'irais nulle part Médoune...je t'aime. Donne-moi une raison de partir et je partirais.
Il y eu un silence. Un long silence ou il ne savait pas vraiment quoi faire. Mais Sara tourna lentement les talons et sortit du salon. Il se retrouva à rigoler nerveusement, avant de prendre les clés de sa voiture et de sortir. Il avait besoin de décompresser.
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Sara
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Sara sursauta en sentant quelqu'un se glisser sous la couette et se coller à elle.
- chérie...
Elle soupira. Partagée entre soulagement et inquiétude. Depuis qu'elle l'avait entendu sortir de la maison, elle s'était préparée à que Médoune lui fasse la tête des jours et se demandait si elle pourrait supporter tout cela. Donc, elle était perdue et attendait, immobile. Elle le sentit se coller à elle et glisser sa main lentement sur son corps avant d'arriver à ses seins. Elle n'avait rien porté en se couchant, se contenta juste de garder son slip. Et en se collant à elle, il s'en était vite rendu compte.
- Tu n'as rien porté ? l'entendit-il murmurer
Elle retint un sourire.
- Non, je m'attendais à dormir seule.
Il se tut.
- Je t'aime Sara.
Il avait murmuré à son oreille. Tout doucement. Comme s'il ne voulait pas qu'elle l'entende. Son souffle sur son oreille. Sa main sur son corps. Elle frissonna. De plaisir.
- pourquoi tu me demandes de partir alors ? murmura-t-elle sur le même ton.
Subtilement, il la fit se retourner lentement et dans la pénombre de la chambre, légèrement éclairée par la faible lueur de la veilleuse, elle distingua ses traits tirés. Elle avait juste envie de le prendre dans ses bras.
- Parce que je sais que tôt ou tard tu partiras...
Elle sentit son cœur se briser. Si seulement il savait. Si seulement il voulait comprendre qu'elle n'avait aucune envie de partir. Elle soupira et se colla à lui encore plus, passant sa jambe sur lui, collant ses seins à sa poitrine, son ventre au sien et déposa sa main sur sa joue.
- Médoune Ndiaye...comment je dois faire pour que tu comprennes que...
- Oui, je comprends Sara. Je comprends que tu m'aimes. Maintenant. Pour le moment tu m'aimes. Mais un jour tu voudras connaitre le plaisir charnel, un jour tu voudras un enfant, des enfants. Et moi...jamais je ne pourrais te donner cela Sara.
Sara se contenta de déposer un baiser sur ses lèvres. Elle en avait assez d'expliquer encore et encore.
- et si on vivait le temps présent...si...on profitait de ces moments où on s'aime tout simplement. Ou je ne te demande pas...de plaisir charnel, ni de bébé. Je veux juste être heureuse avec toi Médoune.
- Sara, cette vie ne peut pas te rendre heureuse. Je le sais.
- tu n'en sais rien. Laisse-moi une chance. Et puis je suis sûre qu'on peut faire quelque chose pour te soigner...
Il rigola tristement
- c'est cet espoir qui te fait rester ?
Elle ne répondit pas un moment.
- Médoune...je sais que tu es allé voir pleins de médecins, mais ça peut être quelque chose d'autres. De plus...mystique...
Il fronça les sourcils
- mystique ?
Sara bougea pour se donner une contenance.
- je ne sais pas Médoune. Je te demande. Ça peut aussi être lié...à ton état. J'ai entendu tellement d'histoires qui parlent de djinn qui empêche à un homme d'être virile ou à une femme d'enfanter. Et la dernière fois, tu disais que tu voyais...
- Arrête. Arrête. Sara, je te préviens. Et pour ces choses-là, ça sera la dernière fois que je te préviens. Je ne veux pas de ces choses-là sous mon toit. Jamais. Jamais.
Sara sentit sa voix trembler légèrement.
- pas de marabout, pas de mystique chez moi. Et je ne ferais aucune concession sur cela. Si c'est le seul moyen pour guérir, je ne guérirais donc jamais. Et si c'est cela qui te fais rester ici, tu peux partir maintenant Sara.
Sara garda le silence un long moment.
- tu m'as compris Sara ?
Elle hocha lentement la tête. Elle ne comprenait pas pourquoi il s'entêtait ainsi. Surtout qu'elle était convaincue que la solution se trouvait là-bas. Mais elle ne voulait plus de problème.
- tu étais parti ou ? dit-elle lentement pour changer de sujet
Il l'observa encore un moment, la sondant sûrement pour être sûr qu'elle avait bien compris.
Finalement il sourit et l'attira encore contre lui avant de l'embrasser, la faisant plonger brièvement dans un tourbillon de plaisir. Elle gémissait sourdement dans ses bras quand tout à coup il s'interrompit, la laissant tremblante de désir, insatisfaite. Mais elle ne dit rien et se contenta juste de se blottir dans ses bras en soupirant, le cœur lourd.
- c'est difficile pour moi aussi Sara...
Elle ne savait quoi dire, mais elle avait mal. C'était dans ces moments qu'elle avait des doutes. Pas sur son amour pour lui. Non. Mais plus sur sa capacité à supporter cela.
- je sais mon cœur. Mais ce n'est rien. Passe une bonne nuit.
Les jours suivants, ils furent plus soudés que jamais et Sara eut droit à toutes sortes de démonstrations d'amour de la part de son mari. Elle était toujours étonnée de la façon dont il pouvait lui montrer qu'il tenait à elle. Qu'ils soient en public ne le dérangeait pas et il ne se gênait pas pour la prendre dans ses bras, déposer des petits baisers sur son front, lui caresser la joue, la regarder avec un air qui ferait tomber à la renverse une nonne. Et ce sont ces petites attentions qui lui donnaient le courage de rester, de se dire qu'elle ne devait rien regretter et surtout qu'elle devait le soutenir et rester à ses côtés malgré tous les sacrifices que cela incombait, les frustrations qu'elle devait ravaler.
Malgré les menaces de son mari, elle était quand même décidée à ne pas baisser les bras et peut-être arriver à trouver une solution au problème de Médoune. Et c'est ainsi qu'elle appela le fameux marabout de Sophie. Elle était convaincue que le blocage était d'ordre mystique. Elle hésita un bon moment, se rappelant des menaces de Médoune, mais se convainquit que si cela pouvait permettre de le guérir...elle ne faisait rien de mal. Donc elle l'appela donc un jour, alors qu'elle était en pause.
- Serigne Sylla, je m'appelle Sarata. C'est Sophie qui m'a mis en rapport avec toi.
- Haa...Sophie. C'est une cliente. Kou bakh. Je la considère comme ma fille donc ses amies sont aussi mes enfants. Elle m'a effectivement appelé pour me dire qu'elle allait me mettre en rapport avec une de ses amies et qu'elle est ta sœur.
Il réussit à mettre Sara en confiance et Sara lui expliqua les relations particulières qui l'unissaient à Sara. Après plusieurs minutes de salamalecs, elle relata brièvement le motif de son appel.
- je me suis mariée il y a quelques mois et...heu...enfin...maintenant, je voulais juste une séance de...voyance.
- tu as des problèmes avec ton mari ? demanda-t-il
Elle hésita.
- heu...non...afin...je ne sais pas. C'est pourquoi je voulais que vous consultiez l'avenir pour moi serigne.
- Bien sûr ma fille. Je consulte toute la famille de Sophie. Je les ai aidés à plusieurs reprises à faire face à des catastrophes qui devaient leur arriver.
- Bien sûr Serigne...sauf que...avec moi j'aimerais vraiment beaucoup de discrétion. Mon mari est...réfractaire à tout cela et je ne voudrais en aucune façon qu'il soit au courant de tout ceci.
- Ne t'inquiète pas ma fille. Moi je suis très discret.
Elle en doutait et voulait même interrompre la séance. Mais se retint. Elle devait aller au bout. Elle voulait savoir. Elle n'avait pas l'habitude et c'était même la première fois qu'elle se prêtait à ce genre d'exercice.
- il faut m'envoyer par western 30000 francs. C'est beaucoup mais dans certaines situations, il ne faut pas regarder l'argent mais juste le résultat que tu vas avoir.
Il lui fit un long discours sur le fait qu'il n'accordait aucune importance à l'argent mais que se sont ses djinns qui le réclamaient. Elle sortit faire la transaction sans hésiter, pleine d'espoir. Après lui avoir communiqué les noms des parents de Médoune et des miens, il lui demanda cependant de le rappeler le lendemain car il devait passer la nuit pour faire la prière de consultation.
Le lendemain matin, alors qu'elle était au travail, ce dernier la bipa à plusieurs reprises et elle sortit pour l'appeler, après s'être assuré qu'être suffisamment éloignée des oreilles indiscrètes.
- ma fille, j'ai consulté tes affaires. Mais tu es venu au bon moment. Ton mariage était sur le point de casser. Il faut que tu te protège. Toi et ton couple, commença-t-il sur un ton grave.
Sara sentit son cœur sur le point de lâcher.
- comment ça ? demanda-t-elle la voix tremblante
- heureusement que tu m'as appelé. Les choses allaient encore plus se compliquer pour toi.
- ...
- ton mari t'aime et toi aussi tu l'aime, mais des gens se mettent entre vous.
- des gens ?
- ta belle-mère et aussi des membres de la famille de ton mari veulent vous voir séparer....
A ce moment Sara bloqua. Sa belle-mère ? tata Mado l'aimait tellement. Comment pouvait-il dire cela. Surtout qu'il ajouta encore des choses tellement bizarres qu'elle ne comprenait plus rien.
- elle fait mine de t'aimer mais en fait, elle ne veut pas te voir. Et c'est pourquoi tu te dispute toujours avec ton mari.
- heu...et pour mon mari ?
- il est sous l'emprise de sa mère. Et tant que tu ne feras rien, ça ira de mal en pis.
- je...c'est tout ? Il n'a pas de...enfin, je ne sais pas...vous n'avez rien vu d'autres ?
- Sara, je t'ai tout dit. Tout vient de ta belle famille. Si tu fais ce que je te dis, tu verras les résultats sous peu, sinon, les problèmes que tu commences déjà à avoir vont s'envenimer.
Elle ne savait pas comment demander directement les causes du problème de Médoune. Et puis il pourrait le répéter à Sophie. Et peut-être qu'il avait tout deviné et mettait tous les problèmes dans le même sac même si elle avait du mal à croire tout ce qu'il venait de lui dire. Mais dans cette histoire, ses craintes se limitaient à des suppositions et elle pensait vraiment que ce marabout détenait des pouvoirs qui pouvaient lui permettre de solutionner ses problèmes.
- qu'est-ce que je dois faire ? demanda-t-elle ans un soupir de résignation
Il se mit à lui énumérer une liste de sacrifices qu'elle devait d'abord effectuer et lui permettre selon ses dires d'accéder aux dossiers de Sara. Des bols de bouilles de mil, du lait, des bougies, des poulets de différentes couleurs, de la cola, un bélier...Elle en eut le tournis et il lui proposa de les lui faire les sacrifices pour être sûr que tout serait fait correctement. La somme qu'il lui demanda d'envoyer était exorbitante mais il mit Sara en confiance en lui assurant qu'au terme de son traitement, elle verrait une évolution positive de ses relations avec son mari. Ceci l'encouragea et sur le champ, alla prendre son sac pour se rendre à la banque, retirer l'argent et lui envoyer.
Les jours suivants, il l'appelait presque tout le temps pour soit disant lui dire l'état d'évolution des sacrifices. Elle avait tellement peur que Médoune ne se doute que quelque chose qu'elle supprimait les traces de ses appels et parfois éteignait son téléphone le soir de peur qu'il ne soit tenté de l'appeler. Comme elle ne savait pas mentir, ni cacher des choses, elle avait en permanence une peur panique que Médoune ne découvre tout ce qu'elle faisait dans son dos. Mais que faire.
Quant à sa belle-mère, presque inconsciemment, elle se mit à prêter attention à ses moindres faits, mots et gestes. Chaque matin, elle lui laissait les clés de son appartement pour que la bonne nettoie et fasse la vaisselle. Mais depuis que Sylla lui avait parlé, quand elle rentrait, elle se mettait à fouiller tous les coins, pensant trouver des gris-gris et elle en arriva à faire exprès de partir avec ses clés pour ne pas lui donner l'occasion d'entrer chez elle. Parfois, elle se raisonnait en disant qu'une mère ne serait jamais capable de faire cela à son fils, mais toujours Sylla appelait dans la journée, pour lui demander d'être prudente, et elle replongeait. Inconsciemment. Presque sans le vouloir, elle évita sa belle-mère. Les paroles de ce marabout lui revenaient en mémoire et même si tata Mado n'a jamais eu de comportement qui puisse la convaincre qu'elle ne l'aimait pas. Mais le doute était tellement pernicieux. Tellement sournois. Elle s'en voulait de penser cela. Quand Sylla lui envoya des bouteilles par l'intermédiaire d'un de ses disciples, en lui demandant d'en asperger les alentours de la maison pour soit disant éliminer tous les mauvais sorts qui y sont enterrés, elle hésita vraiment, se demandant si tout cela en valait la peine. Elle garda donc les bouteilles dans un endroit que Médoune ne fréquentait jamais...la buanderie. Malgré ses hésitations, elle se promit de trouver le moment propice pour le faire et ayant toujours au fond d'elle ce sentiment de culpabilité, mais également cet espoir que tout pourrait s'arranger pour Médoune.
Un samedi, quelques jours après, elle décida de se faire violence et lui proposa de lui préparer un succulent riz au poisson. Ses cousines lui avaient promis de venir passer la journée avec chez elle et Sara avait décidé d'aller organiser cela dans le bâtiment de sa belle-mère. Celle-ci était très contente et quand Sara lui proposa de préparer elle-même le repas, elle refusa.
- ma fille chérie, tu dois être fatiguée après toute la semaine de travail. Va te reposer, les filles vont cuisiner. Et puis tu auras des invités, vas te faire belle et...
- mais non tata Mado, je t'en prie, ça me fera plaisir voyons...
Après de fermes discussions, Sara entra dans la cuisine et tata Mado prit une chaise pour s'installer à côté d'elle pour l'aider malgré le refus de cette dernière. Elles discutèrent légèrement et Médoune choisit ce moment pour venir. Il afficha une mine tellement joyeuse qu'il les fit rire.
- les deux femmes de ma vie.
Il entra et tira Sara à lui pour déposer un bisou sur sa joue.
- Médoune arrête, je ne sens pas la rose, protesta-t-elle
Sans plus l'écouter, il posa sa bouche sur la sienne en un léger et tendre baiser.
- Médoune, mais laisse la fille tranquille.
- c'est ma femme maman...
- ça tout le monde le sait. Et je confirme que tu as une femme magnifique mon fils. Je ne regrette nullement de l'avoir fait entrer dans cette maison. Elle me considère comme sa mère et m'estime au plus haut point. Je crois si Khady, ma petite dernière, revenait à la maison et que le Bon Dieu me donnait un petit fils, je pourrais mourir tranquille.
Les paroles de tata Médo la touchèrent et elle sentit des larmes pointer. Des larmes de honte pour tout ce qu'elle a eu à penser d'elle ces derniers jours. Médoune sentit son trouble et quitta sa femme pour aller enlacer sa mère.
- tu es en train de la faire pleurer maman...et pour Khady, je t'assure que j'y suis...on la retrouvera.
Khady. A chaque fois que maman Mado parlait de sa fille cadette, elle était dans tous ses états. Cette dernière passait son temps à fuir sa famille et à changer de ville à chaque fois que Médoune arrivait à la localiser. Elle était en France, mais personne ne savait exactement ce qu'elle faisait et les rares nouvelles qu'on avait d'elle venait de ses quelques amies que Médoune avait réussi à localiser. Elle avait entamé une carrière de mannequin et personne ne pouvait réellement dire ce qu'elle faisait. Donc l'évocation de son nom rendit triste tata Mado qui elle aussi essuya rapidement quelques larmes avant de serrer Sara dans ses bras.
Passé ce moment de tendresse, Médoune tira aussi une chaise et se joignit à elles, passant plus son temps à donner des bisous à Sara sous les protestations de sa mère. La préparation du repas se déroula donc dans une ambiance tellement joyeuse, surtout quand les deux nièces de tata Mado firent leur apparition. Tata Mado en profita pour inviter ses sœurs, tata Valérie et tata Maguy à venir déguster le bon plat de Sara. Elles l'adoraient et lui apportèrent de beaux tissus. La journée de passa merveilleusement bien et l'ambiance était au top. Ses cousines Fatou et Diarra furent tellement bien accueillies qu'elles ne purent s'empêcher de donner des conseils à Sara.
- Sara, ta belle-mère est une femme magnifique et ça se voit qu'elle t'aime. Ton mari mome n'en parlons même pas. Gorgorloule.
Elles lui avaient ramené des pots d'encens qui embaumait la pièce d'une bonne odeur et un petit sachet qu'elles lui conseillèrent d'ouvrir le soir. Médoune les déposa et elle en profita pour mettre un peu d'ordre dans ses affaires. Elle ouvrit le fameux sachet et trouva à l'intérieur des nuisettes...enfin des bouts de tissus qui la firent rigoler et aussi des petits sachets de thé contenu dans un emballage en chinois. Elle ne comprenait pas, mais se doutait bien que c'était un truc aphrodisiaque. Elle vit un petit papier écrit par Fatou qui lui disait de l'appeler le lendemain pour lui dire comment s'était passé sa nuit. En souriant, elle laissa le thé sur la table et s'en alla cacher le reste dans un coin de son armoire. Elle en profita pour prendre une longue douche et prit une des bouteilles de Pa Sylla et s'en aspergea le corps, craignant que Médoune ne se doute de quelque chose. Quand Médoune rentra, il était déjà un peu tard et ils reportèrent leur idée de sortir un peu. Elle se coucha sur le champ sans l'attendre et quelques minutes plus tard, il la rejoignit dans la chambre. Elle était à moitié endormie
- c'est toi qui a acheté le thé dans la cuisine ? demanda-t-il au moment ou il se glissait sous la couette
- huummm
- il est succulent
- hummmm
Elle fut réveillée plus tard par les mouvements frénétiques de Médoune sur le lit. Apparemment il n'arrivait pas à dormir et bougeottait sans cesse.
- tu vas bien chéri ? Finit-elle pas demander, lasse de sentir le lit bouger sans cesses sous ses mouvements
- je ne sais pas. J'ai chaud...répondit-il en se redressant.
Sara était encore à moitié endormie et soupira
- va prendre une douche mon cœur, murmura-t-elle en essayant d'ouvrir les yeux. Il se leva et se dirigea vers les toilettes. A ce moment, Sara ouvrit complètement les yeux, se demandant si elle était bien réveillée ou si elle rêvait toujours. Mais elle avait l'impression que Médoune était...en érection. Elle se redressa et allait l'interpeller au moment où il entrait dans les toilettes. Non, elle devait être en train de rêver. Elle resta assise un long moment à observer la porte des toilettes. Trop longtemps. Elle se leva finalement pour aller frapper légèrement à la porte.
- ça va ? demanda-t-elle doucement
- oui oui...
Elle attendit quand même derrière la porte et Médoune ne se décidait pas encore à sortir après une bonne demi-heure
- si tu ne sors pas maintenant, je te jure que je vais défoncer la porte Médoune.
Elle l'entendit rire.
- j'aimerais bien voir ça.
Quelques minutes plus tard, il ouvrit la porte, une serviette sur les épaules, le corps encore humide. Instinctivement, elle baissa le regard. Tout semblait normal.
- qu'est ce qui t'es arrivé ? demanda-t-elle
- si je savais. J'ai eu des maux de tête et une bouffée de chaleur incompréhensible. Mais là ça va. Je dois sûrement être fatigué aussi.
Sara se contenta de hocher la tête en se demandant si elle avait rêvé ou pas. Puis son esprit s'accrocha au bain qu'elle avait pris et au talisman qu'elle avait glissé sous le lit. Et si...et si...perturbée, elle se recoucha et se blotti dans ses bras.
- j'ai eu peur mon cœur, murmura-t-elle en lui caressant lentement les abdos du ventre. Elle se redressa pour l'embrasser d'abord lentement puis plus fiévreusement. Mais rien ne se produisit. Médoune la repoussa lentement en se relevant, lui disant qu'il voulait aller boire de l'eau. A son retour, il lui déposa un chaste bisou sur le front et se blottit de son côté, sans plus. Elle avait tellement de questions, mais se retint. Elle devait continuer le traitement de Pa Sylla. Apparemment ça marchait.
Les jours suivants, elle prit les bains de son marabout et ne cessait de lui envoyer l'argent qu'il lui demandait, étant convaincue de l'efficacité de ses produits. Sans vraiment de preuves tangibles, mais juste cette vision furtive. Et elle s'y accrochait. Elle avait aspergé toute la maison du produit du marabout sans compter les talismans qu'elle avait enfoui un peu partout sur les recommandations du marabout. Elle s'en voulait de cacher tout cela à son mari, mais se disait toujours qu'il guérirait et à ce moment, elle lui révélerait tout. Elle attendait juste le bon moment. Un après-midi qu'ils étaient à la plage, dans un endroit assez calme, elle se changea et revêtit un magnifique maillot. Malgré son insistance, Médoune ne voulut pas l'accompagner dans l'eau et elle se résolut à y aller seule. Dans l'eau, elle se fit aborder par un monsieur qui se montra très charmant au début. Elle lui fit savoir gentiment qu'elle était avec son mari.
- il doit être fou de laisser sa femme seule...Moi si j'avais une femme comme vous, je ne la laisserais pas seule une seule minute.
Ennuyée, elle regarda du côté de Médoune et se rendit compte qu'il les observait, immobile. Elle voulut s'éloigner mais il lui prit doucement le bras.
- je m'appelle Djiby. Et j'aimerais vraiment vous connaitre un peu mieux.
- mais je viens de vous dire que je suis mariée, répondit-elle en fronçant les sourcils.
Il se contenta de sourire et Sara retira prestement son bras avant de s'éloigner. Médoune l'observait, mais derrière ses lunettes noires, elle ne pouvait voir l'expression de son visage.
- l'eau est bonne ? demanda-t-il tranquillement
- oui...
Elle s'attendait à une petite crise de jalousie, mais il ne dit rien de plus et changea de sujet en lui proposant une bouteille de soda bien fraiche. Elle oublia rapidement l'incident et ils discutaient tranquillement quand une femme vint à leur rencontre avec un plat contenant des cauris et les interpella.
- mousser et madame voulez-vous que les cauris lorgnent votre avenir ? demanda-t-elle avec un grand sourire.
Sara regarda Médoune qui avait littéralement changé de visage. Sara sentit que si elle le laissait parler ça allait dégénérer. Elle s'empressa de décliner gentiment
- Merci maman. Une autre fois peut-être
- ce n'est pas chère...
- vous êtes sourde ou quoi ? Elle a dit qu'on ne voulait pas faire cela, s'écria Médoune, hors de lui.
Sara lui saisit le bras pour essayer de le calmer. La dame s'empressa de s'éloigner sans demander son reste.
- ces soi-disant voyants m'énervent. S'ils pouvaient prédire l'avenir et apporter des solutions, ils ne seraient pas là à soutirer des sous aux honnêtes gens pour leur mentir sur leur avenir.
- tu n'as jamais essayé d'explorer cette piste pour ton...problème.
Il soupira et secoua la tête.
- ce n'est pas la première fois que tu m'en parles mais c'est la dernière fois que je te réponds pour cela. Je n'aime pas les charlatans Sara. Je n'ai pas été éduqué comme cela. Encore une fois, je te répète que mon problème n'à rien avoir avec ces choses-là.
- ...
- et toi ? J'ai côtoyé ton frère et ta maison pendant des années ma chérie et je sais que ta mère est comme la mienne. Ton frère n'a jamais mis de gris-gris et je n'ai jamais entendu ta mère en faire cas. Et je ne comprends pas pourquoi tu insistes pour me parler de ces choses.
Sara sentit son cœur s'emballer et elle détourna le regard.
- Non, je ne crois pas à ces choses bébé. Mais je dois t'avouer que parfois je me demande si tous tes problèmes n'ont pas des causes surnaturelles. Surtout que tu me dis souvent que la famille de ton père sont...
- NON...encore une fois Sara non. Si tu te disais simplement que je suis malade, et que cette maladie est incurable, peut-être que tu vivrais mieux avec.
-...
- encore une fois, je sais que ce n'est pas facile et je te jure que je ferais tout ce que je peux pour te faciliter la vie avec moi. Et si un jour tu me manifestes l'intention de vouloir partir...
Elle sursauta et le regarda. Il avait baissé d'un ton et la regardait tristement
- je n'oserais pas te retenir Sara. Je ne serais pas si égoïste pour te retenir dans ce ménage...J'accepterais tout ce qui pourra te rendre heureuse.
- Médoune...s'il te plait.
Sans attendre la suite, sans se soucier du monde autour d'eux, il se pencha et lui saisit délicatement les lèvres en un léger baiser qui la fit frissonner. Mais elle demeura pensive. Il prenait vraiment mal ces histoires mystiques et elle avait peur qu'il ne découvre tout ce qu'elle était en train de faire. Elle préféra chasser ces pensées de sa tête et se promit de mettre un terme à ses relations avec Pa Sylla si dans les semaines à venir, elle ne voyait toujours pas de résultats. Non, elle ne ferait jamais rien qui puisse mettre en péril son ménage.
Et puis, plus le temps passait, plus elle ne voyait pas vraiment de changement. Malgré tout ce qu'elle investissait dans les bains et talismans que le vieux lui envoyait, rien ne changeait du côté de Médoune. Il ne supportait toujours pas le contact physique avec Sara, se limitant à de petits câlins sans suite. Elle en était finalement arrivée à ne rien demander, se contentant d'investir des sommes d'argent et d'attendre patiemment le résultat, même s'il tardait à venir.
Dans le même temps, elle avait réussi à convaincre Médoune d'accepter qu'elle change de travail. Elle se plaisait dans la société, mais elle avait postulé à un autre poste qui était beaucoup plus intéressant. Et là où elle était, on la considérait comme l'épouse de l'ami du patron et on ne reconnaissait pas son travail à sa juste valeur. Et cela la frustrait au plus haut point, même si elle n'osait pas en parler à Médoune. La réponse positive de la société la poussa à enfin parler à Médoune des frustrations qu'elle vivait dans la société. Au début, il ne voulait rien entendre, lui disant qu'elle n'avait qu'à être sourde et muette aux contestations, mais elle savait comment s'y prendre avec lui. Elle savait comment jouer avec sa fibre sensible et l'amener à accepter qu'elle aille pour l'entretien d'embauche.
Comme elle s'y attendait, au vue de l'ascension fulgurante de la société, on lui répondit rapidement et favorablement après d'autres entretiens avec les dirigeants de la société, elle accepta le poste de responsabilité dans la prestigieuse société de télécommunication.
Malgré encore les faibles réticences de son mari, elle commença son nouveau travail. Elle avait en charge tout un département et devait manager une équipe constituée de jeunes très dynamiques et qui l'adoptèrent facilement. Elle s'adapta donc très rapidement et prit ses marques dans la société. Les premiers jours, elle passa son temps à éplucher les dossiers pour s'imprégner et terminait assez tard. Médoune passait parfois la prendre, et la soutenait comme il pouvait. Pendant tout ce temps, elle ne cessait de recevoir des bouteilles et autres talismans de Pa Sylla qui disait lui greffer aussi des choses pour faciliter son travail.
Mais de ce côté, plus le temps passait, plus elle doutait de ses compétences et était de plus en plus convaincue qu'elle avait rêvé cette nuit-là. Mais elle ne savait pas comment se sortir de ce cercle. Surtout qu'elle n'en avait parlé à personne sauf peut-être à Sophie qui savait juste que Pa Sylla lui faisait des trucs pour son ménage. Tout aurait pu être si simple si un jour à la pause, elle n'avait pas décidé de sortir manger. D'habitude, elle se faisait toujours un petit sandwich, mais ce matin, elle était en retard et était obligé de sortir pour se chercher à manger. Oui, tout aurait pu tellement simple si en sortant, elle n'était pas tombée sur Saliou. Tout serait si simple s'il ne s'était pas décidé à la suivre en discutant de tout et de rien.
- tu as vraiment embellie Sara...répéta-t-il encore
- arrête de me dire ce genre de chose Saliou. Mon mari n'apprécierait pas. Et je suppose que ta femme non plus, dit-elle légèrement agacée
Il soupira et regarda ailleurs.
- Sara, je sais que ça peut paraitre indécent, mais depuis que je t'ai revue la dernière fois au restaurant, je n'arrive pas à te sortir de ma tête. Je sais que tu es mariée et que...
-ARRETE...
Cette fois, elle était vraiment agacée.
- écoute, je ne redis plus jamais ce genre de choses Saliou. Plus jamais. Je suis mariée et j'aime mon mari. Je...
- Sara...ne le prend pas mal. On a quand même vécu des choses très intenses ensemble. Il était question de mariage.
- oui, mais tu as préféré bouder, aller épouser une autre femme au lieu de te battre pour tout cela.
- tu es toujours fâchée ? c'est cela ?
Sara rigola nerveusement. Elle commença à en avoir marre de tout cela.
- Non, j'ai dépassé cela. Je n'en suis plus au même stade que toi.
Elle était amoureuse de son mari et même s'il fut un temps, elle éprouvait des choses pour Saliou, maintenant ce n'était plus le cas. Donc elle prit cette rencontre le plus légèrement du monde, même si elle sentait le regard insistant de Saliou sur elle. Elle lui précisa bien qu'elle était mariée et qu'elle aimait son mari par-dessus tout.
Le soir, elle voulut expliquer à son mari qu'elle avait rencontré son ex, mais elle se ravisa et de toute façon, même si les bureaux de Saliou étaient relativement à proximité des siens, elle décida que de toute façon, elle ne sortirait plus, donc, elle ne voyait pas l'utilité d'en parler. Ça faisait beaucoup de chose qu'elle cachait à son mari, et elle culpabilisait. Surtout que son chéri ne lui cachait rien du tout. Mais elle aurait dû se douter que dans ce genre de chose, tout finit par se savoir, que tout finit par éclater...et pas toujours dans la meilleure des façons...
- Sara...si tu as une minute, je voudrais te parler...
Sara s'arrêta sur le pas de la porte et se retourna vers sa belle-mère. Elle venait de rentrer et était passé comme d'habitude lui dire bonjour. Mais depuis quelques temps, elle avait remarqué que cette dernière était un peu froide. Elle en avait pas fait cas et se disait qu'elle se faisait peut-être des idées.
- je... enfin, je suis là maman...c'est à propos de quoi ?
Sa belle-mère soupira et se leva lentement avant d'aller ouvrir son armoire et de sortir des bouteilles, une à une. Elle reconnut les bouteilles que lui envoyait pa Sylla et qu'elle gardait dans la buanderie de sa maison. Elle écarquilla les yeux et faillit s'évanouir. Après cela, elle le vit ouvrir son armoire et sortir un petit talisman. Celui-là même qu'elle avait enterré la semaine passée à l'entrée. Elle garda le silence, incapable de sortir le moindre mot.
- ma fille peux-tu m'expliquer tout ceci ?
- ...
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