Partie 2
5 ANS PLUS TARD....
Sara regardait encore sa montre. Elle était fatiguée et hésitait encore à se rendre à son cours. Le téléphone du service sonna à nouveau et elle décrocha en essayant de donner à sa voix un peu d'entrain.
- Société Générale (pub gratuite) bonjour...
Elle était en stage depuis bientôt 3 mois et on l'avait placée à l'accueil. Elle devait en même temps écrire son mémoire et suivre ses cours. C'était laborieux et elle était tout juste épuisée. Mais elle tenait bon. Après avoir raccroché avec le client, elle rangea ses affaires, et repris son maquillage.
- slt chérie...
Elle leva la tête et sourit. Saliou. Son chéri. Il était passé la prendre.
- Tu as finalement pu te libérer...dit-elle en se levant et lui souriant joyeusement
- oui...je leur ai dit que mon amour était fatigué et n'avait pas la force d'aller prendre un taxi. Bien sûr on me taxe de chauffeur de circonstance, mais bon, j'assume
Sara éclata de rire et prit son sac avant de prendre congé de ses collègues qui ne manquèrent pas de la taquiner sur son Saliou, que tout le monde connaissait maintenant. Il la déposa à son école et elle s'efforça tant bien que mal de suivre son cours qui se termina 3 heures plus tard. En route pour chez elle, elle reçut un message de Saliou. Il était trop adorable. Ils étaient ensemble depuis bientôt un an et formaient un couple très fusionnel. Elle repensa à tout le chemin qu'elle avait dû parcourir pour accepter d'être avec lui. Oui, malgré ses bonnes résolutions, il lui avait fallu beaucoup de temps pour accepter qu'elle ait enfin tourné la page Médoune. Mais tout était tellement simple avec Saliou. En plus leur déménagement dans un autre quartier avait facilité les choses. Son père maintenant à la retraite avait décidé de rejoindre sa propre maison, construit sur des années. La séparation avec les voisins avaient été douloureuse, mais finalement n'avait pas changé grand-chose puisque les quartiers n'étaient pas si éloignés.
Sara qui avait obtenu son bac avec brio n'avait pas voulu continuer ses études à l'extérieur, ne voulant pas laisser sa mère et surtout la plupart de ses camarades de classe étaient inscrites dans cette prestigieuse école au centre-ville. Donc elle a réussi à convaincre son père de la laisser à Dakar où elle menait une vie tranquille. Arrivée enfin chez elle, elle traina les pieds en se plaignant et en se dirigeant vers le salon
- mammmaaannn, je suis lààà....
Mais elle se figea sur le pas de la porte....
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- slt Médoune...dit-elle en s'avançant lentement et en tendant la main au beau jeune homme qui s'était levé.
Il prit sa main avec un grand sourire et la tire à lui avant de lui coller une grosse bise sur la joue
- Sarataaaa...mais comment tu vas ? s'écria t-il, l'air enjoué.
- heuu...bien et toi ? Elle essayait rapidement de se donner une contenance. Pourquoi son cœur s'emballait ainsi ? pourquoi, elle n'arrivait pas à réfréner tout ce déferlement de sensation qu'elle avait à le revoir ?
- la semaine passée...
-ok...
Ils étaient toujours debout et Sara avait du mal à quitter des yeux son beau visage. Lui aussi l'observait avec un petit sourire et il y eut un petit moment de flottement. Elle en profita pour essayer de se reprendre, en respirant sourdement, pour se calmer. Dire qu'elle pensait que tout ce torrent qui courait en elle était mort et enterré...ou du moins oublié. Mais non. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir encore son cœur battre à la folie.
- heuu...tu as vu ma mère ? demanda-t-elle doucement pour combler ce vide qui s'était installé entre eux
- Sarata, tu es rentrée...
Elle se retourna et vit sa mère arriver avec un plateau de rafraichissement. Elle l'aida à le mettre sur la table
- oui je viens d'arriver.
- tu as dit bonjours à Médoune. Ndeyssane. C'est mon fils. A chaque fois qu'il vient, il passe, malgré qu'on n'habite plus le même quartier.
- Hiii tata, toi aussi. Ça ne change rien. Répondit ce dernier.
Et s'en suivit tout un échange de civilités qui permirent à Sara de s'éclipser lentement, le cœur toujours battant. Elle prit sa douche en pensant toujours à lui et en fermant les yeux pour avoir encore gravé dans sa tête son visage. Décidemment. En sortant et en voyant que son chéri lui avait envoyé des messages, elle s'en voulut. Non, elle n'avait pas le droit de penser à lui. A ce Médoune qui il y a quelques années lui avait bien fait comprendre qu'il était juste son grand frère. Et rien de plus. Non, elle n'avait plus de droit de revenir en arrière, de replonger dans ses délires enfantins, de croire à des choses uniquement inscrit dans les contes de fées pour enfants. Elle avait grandi maintenant.
Après avoir fait ses prières, elle allait appeler Saliou, quand elle entendit sa mère l'appeler. Sans prendre la peine de se débarrasser de ses habits de prières et de son voile, elle sortit et tomba sur Médoune qui apparemment était sur le point de partir.
- Sara, j'ai dit à Médoune que tu fais un stage dans une banque et depuis qu'il est là, il attend un virement qui tarde à venir. Il faut l'aider waayyy.
Elle s'avançait lentement, évitant presque de le regarder.
- Tu travailles dans quelle banque ?
Elle se troubla légèrement et faillit se gifler tellement le trouble qu'elle ressentait l'énervait.
- Heuu...je suis à Société Générale...
- c'est tant mieux...je suis là-bas aussi...
- et c'est quoi le problème ? demanda-t-elle hésitante en s'approchant de lui légèrement.
Médoune se mit à lui expliquer brièvement qu'un de ses collaborateurs lui avait fait un virement depuis la France mais qu'il y'avait trop de lenteurs. Son conseiller ne lui disait rien de concret et il ne comprenait pas grand-chose. En l'écoutant, elle ne put s'empêcher de remarquer ses belles lèvres bouger. Elle détourna le regard et soupira pour cacher son trouble.
- heuu...en fait, je ne fais qu'un stage. Mais, tu peux passer demain à l'agence. Je demanderais à ma chef de voir cela pour toi et peut-être qu'elle pourra t'aider
- why not...je passerais toujours pour voir. En tout cas merci pour tout ma saraaatttaaaa.... dit-il en l'enlaçant tendrement, la gênant et surtout emballant son pauvre cœur.
Elle se dégagea lentement et bafouilla des paroles incompréhensibles avant de disparaitre. Se réfugier dans sa chambre après de rapides salutations. Le parfum de Médoune était encore collé dans ses habits et elle le renifla béatement avant de secouer la tête, dans l'espoir de se ressaisir. Elle ne l'avait pas revue depuis le jour ou il l'avait déposé chez elle. Les jours suivants sa déconvenue, elle n'était pratiquement pas sortie de peur de le croiser dans le quartier et quand il était venu pour dire au revoir, elle s'était arrangé pour sortir et ne revenir que quand elle était sûr qu'il était rentré. Sa mère lui avait alors transmis les salutations de ce dernier et avait même parait-il pris son numéro pour l'appeler. Tout cela l'avait presque laissé de marbre, étant encore trop déçue. Oui, la pilule avait été très difficile à avaler.
Et maintenant, ans après, elle n'avait pas le droit de tout faire revivre. Non, pas le droit de se mettre dans ces états pour lui. Il avait été suffisamment clair. Il la considérait comme sa petite sœur un point c'est tout. Elle prit son téléphone et appela Saliou. Comme d'habitude, il réussit à la faire rire, la taquinant avant de parler plus sérieusement
- Sara, je sais que ce n'est peut-être pas le moment, mais je voudrais que tu saches que je t'aime.
- moi aussi...murmura-t-elle hésitante.
- écoute-moi. C'est la première fois que je ressens cela pour une fille. Je n'ai pas envie de te perdre. Je viens de parler avec ma mère et je voudrais que juste après ton mémoire, on puisse concrétiser tout cela.
Sara garda le silence un moment, surprise et ne sachant que dire. Sur le coup, elle pensa à Médoune et essaya de refouler cette pensée.
- Saliou...je...je...Tu as parlé à ta mère ? Concrétiser quoi ? Bafouilla-t-elle
Il sourit
- je sais, je te prends par surprise. Mais c'est venu comme cela au détour d'une conversation. Et tu sais que je ne cache rien à ma mère. Elle a remarqué que je durais avec toi et ça ne m'arrive pas souvent donc...Elle m'a refilé quelques conseils que j'ai l'intention de suivre à la lettre. Je voulais attendre le weekend, pour t'inviter au restau et en parler tranquillement, mais tu me connais. Je suis impatient.
Sara réprima un sourire, encore sous le choc.
- je ne sais pas quoi te dire Saliou.
- mais au moins, tu veux m'épouser ? N'est-ce pas ? demanda-t-il sur un ton anxieux
- heu...
- Non non...je recommence...Sarata Niang veux-tu m'épouser ?
Elle ne put s'empêcher de sourire.
- tu es trop bête. Tu me demande ça comme cela au téléphone ?
- on reprend ça demain autour d'un bon diner alors ? Tu sais j'ai des arguments....très tentant pour te convaincre tu sais ?
Son sourire s'agrandit
- et qui sont ? Tu sais je ne suis pas facile à convaincre.
- des bisous sur ton oreille par exemple...murmura-t-il sur un ton câlin
Elle sourit. Elle ne supportait pas qu'on la touche à l'oreille. Ça chatouillait.
- Non non s'empressa t-elle de rajouter, en riant franchement
- alors ? Ça veut dire que tu acceptes maintenant de m'épouser ? dit-il sans se départir de son sérieux.
- Heuu...je...ne sais pas trop. Mais...
- Sara...
Elle se ressaisit. Non ce n'était pas la bonne réponse. Ils étaient ensemble depuis un an. Elle était sûre de ses sentiments. Rien ne devait la perturber.
- oui, oui mon chéri...bien sûr...dit-elle en éclatant de rire.
Malgré son approbation, elle ne savait pas vraiment ou elle en était. Surprise. Trop surprise par cette demande. Elle n'avait jamais songé à cela. Saliou était un homme magnifique, galant, charmant et elle se sentait tellement bien avec lui. N'importe quelle femme voudrait être avec lui. Parfois elle se demandait comment il pouvait s'intéresser à elle. Elle se trouvait tellement...banale, à la limite un peu enrobé. Même si tout le monde lui affirmait le contraire. Surtout Saliou qui disait adorer ses formes. Elle était convaincue de son amour pour elle, mais elle...surtout après avoir revu Médoune se demandait si les sentiments qu'elle avait pour Saliou égalaient la folie sentimentale qu'elle éprouvait à l'époque pour son voisin. Mais, elle refoula vite cette pensée. Saliou était l'homme qui lui fallait. A un détail près.
Un gros même. Qui pour le moment n'avait pas encore trouvé solution à ses yeux. La seule et unique fois ou il était venu chez elle, lors des présentations, elle avait senti sa mère se crisper. Plus tard, elle l'avait appelé et elle lui a encore demandé de lui préciser le nom de famille de Saliou. Mboup. Oui, Mboup. Et encore une fois, elle avait vu le visage de sa mère de crisper avant de lui demander s'il était casté. Bien sûr, elle n'en savait rien et sa mère s'était alors lancée dans un long discours, lui précisant qu'il était hors de question qu'elle sorte avec un casté. Sara n'avait pas répondu et n'avait jamais eu le courage de demander à Saliou si ou non il était casté, se contentant de demander à droite et à gauche si le nom « Mboup » renvoyait à une quelconque caste. Et elle avait presque toujours la même réponse. Oui.
Pour ne plus s'attirer les foudres de sa mère, elle trouvait toujours des prétextes pour éviter que son chéri ne vienne à la maison. Evoquant parfois la jalousie maladive de son père, ou encore les talents de râleuse de sa mère. Et Saliou, avait toujours été compréhensif. Depuis un an qu'ils étaient ensemble, il comprenait que des parents puissent protéger une fille aussi belle et gracieuse. De son côté c'était le contraire. Toute sa famille la connaissait. Ses sœurs l'appelaient souvent et de temps en temps il lui passait sa maman. Elle passait là-bas de temps en temps et tout le monde l'adorait. Et c'était tout à fait normal qu'aujourd'hui, il veuille plus qu'une simple amourette. Mais c'était trop rapide.
- Sara...
- oui, répondit-elle en sortant de sa rêverie
- tu ne me réponds ? Ça te dirais que je passe ce week-end chez toi...de manière plus officiel...comme cela tes parents ne te reprocheront rien. Je ne suis venu qu'une fois et j'aimerais bien faire plus ample connaissance...puisque...enfin...
- je ne sais pas...et si on en parlait...disons nous deux d'abord....avant d'en parler aux parents. Enfin à mes parents...
Saliou sourit.
- tu es surprise. Je comprends. Tu as raison. Parlons en plus amplement quand on se verra avant d'en parler aux parents. Ça marche comme ça ma chérie ?
Il y eut un petit silence entre eux, ou Sara accepta lentement, avant que Saliou ne détente l'atmosphère avec ses blagues pourries. Finalement, ils s'envoyèrent des milliers de bisous avant de raccrocher, laissant Sara pensive et soucieuse.
***************
- Sara, il y a Mr Ndiaye qui te demande...
Sara fronça les sourcils et se demanda qui cela pouvait bien être.
- Mais on est en pause...soupira-t-elle en regardant amoureusement son sandwich. Elle avait faim...
- il insiste en disant que c'est toi qui lui a demandé de passer...
Elle sursauta. C'était Médoune. Elle se leva brusquement, manquant de tomber.
- Allo Sara ? Tu es là...
Elle s'affola un moment avant de se ressaisir.
- Oui...attend je descends.
Ce foutu sandwich pouvait attendre finalement.
Elle refit rapidement son maquillage, se regarda encore dans le petit miroir avant de descendre. Elle était bien habillée d'une petite robe droite qui épousait ses belles formes voluptueuses et qui lui arrivait juste au-dessus des genoux. Dans sa précipitation, elle avait oublié de mettre la petite veste qui accompagnait la tenue. Elle l'aperçut en bas, élégamment habillé d'un jean et d'un polo.
- hé la petite, dit-il en souriant.
Elle essaya de sourire en s'approchant lentement. Il lui fit une bise, la faisant frissonner légèrement.
- Salut...heuu...désolé mais on est en pause et ma patronne est sortie...
- je sais...j'ai trop trainé en ville puis avec les embouteillages...
Elle se contentait de sourire en le regardant, ne sachant quoi lui proposer, trop perturbée.
- puisque tu es en pause, allons manger....je meurs de faim...
- heuuu...je...
Elle perdit ses mots...
- écoute ce n'est pas une demande c'est un ordre. Viens.
Il lui saisit fermement la main et l'entrainait vers la sortie. Elle protesta disant qu'elle n'avait pas son sac ni son portable, mais il avait toujours réponse à tout. Elle se retrouva à le suivre dans les ruelles de Dakar à la recherche d'un restaurant. Finalement, ils entrèrent dans un fast food et s'installèrent l'un en face de l'autre. Elle ne sut ou poser son regard, tellement, elle était mal à l'aise. Elle se baissa donc sur le menu, l'air très concentrée sur les variétés qu'on proposait. Médoune, lui, la regardait en parlant, ne se doutant pas une seule seconde du trouble qui l'habitait. Il parlait des changements qu'il avait remarqués, louant les efforts du nouveau gouvernement. Sara se contentait de sourire, en acquiesçant ou en répondant par monosyllabe. Du moins au début. Sans trop savoir comment, elle se retrouva à sourire de ses anecdotes, puis à rire de ses remarques. C'était bien la première fois qu'elle était aussi à l'aise avec lui. Et elle s'en voulut. Bizarrement. Elle ne devait pas être comme cela avec lui. Pas avec tout ce qu'elle ressentait encore pour lui. Mais elle se laissa quand même aller. Légèrement.
Plus tard, ils retournèrent à l'agence et Sara le mit en rapport avec sa chef, qui lui promit que le nécessaire sera fait pour que virement soit disponible rapidement. Il partit donc en la remerciant et en lui promettant de passer à la maison un de ces jours. Elle se surprit à sourire béatement tout le reste de l'après-midi en repassant en boucle leur conversation. Même Saliou remarqua sa bonne humeur quand il vint la chercher et le mit sur le compte de leur conversation de la veille.
Bien sûr, en cours de route vers son école, ils en discutèrent encore et Sara lui promit d'en parler à ses parents et ainsi baliser le chemin. Il lui fit pleins de promesses quant à leur vie future et elle ne sut quoi répondre. Tout cela semblait tellement beau. Un moment, elle voulut aborder le problème de caste, mais n'osa pas. Elle ne savait comment le dire, sans vraiment le frustrer, sans vraiment qu'il comprenne que ça risquait de poser problème. Elle préféra donc se taire pour ne pas gâcher l'instant présent ; cet instant qu'une femme ne vit peut être qu'une fois. Se faire demander en mariage, recevoir des vœux pieux de la part de l'homme aimé. Elle suivit à peine ses cours, son esprit virevoltant entre Saliou, ses parents, le mariage et même Médoune de temps en temps. Mais à chaque fois, elle faisait tout pour ne pas penser à ce dernier. Il représentait l'intrus dans sa vie.
Plus tard, chez elle, elle appela sa copine Sophie qui était maintenant en France pour lui en parler et surtout lui parlé de ses craintes. Elles discutèrent longtemps.
- tu penses vraiment que ta mère va s'opposer à votre mariage parce qu'il est casté ? demanda t'elle
- je ne sais pas Sophie. Mais la dernière fois, elle m'a fait un long discours sur cela. Je...de toute façon je vais l'inviter à diner samedi et après, je parlerais à ma mère.
- il faut te battre pour lui ma chérie. C'est un homme bien et être casté ne veut rien dire du tout. C'est juste des foutaises.
- je sais, mais tu sais, les parents ont parfois des idées tellement arrêtées sur ces considérations
Elles continuèrent à discuter encore longtemps, avant qu'elle ne raccroche pensive. Sans le vouloir, ses pensées dérivèrent lentement vers Médoune. Elle avait tellement de fois rêvé de se marier avec lui. Maintenant qu'elle savait que c'était impossible, elle essaya de s'imaginer sa vie avec son Saliou, tellement gentil, tellement drôle, tellement amoureux. Elle savait qu'il pourrait la rendre heureuse. Mais elle ne put s'empêcher de superposer cette vie à celle qu'elle aurait pu avoir avec Médoune. Elle s'endormit la tête pleine de rêves.
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- Mboup Mboup...et la famille ? demanda sa mère le visage fermé
- tout le monde va bien maman. Tenez, c'est pour vous, dit Saliou en remettant respectueusement le carton contenant les pâtisseries qu'il avait acheté en chemin.
- merci...répondit mère Fatou tout aussi sèchement avant de se retirer dans le salon, les laissant dans le séjour. Sara était nerveuse et gênée. L'accueil qu'avait réservé sa mère à Saliou était glacial. Ce matin, quand elle l'avait prévenu de la visite de ce dernier, elle a juste demandé si c'était celui qui avait Mboup comme nom de famille. A la réponse positive de sa fille, elle avait juste serré les lèvres sans rien ajouter. Et maintenant, Sara mesurait tout le sens de ce silence, somme toute très expressif. Restée seule avec son chéri, ce dernier lui fit un sourire tout aussi crispé en lui prenant la main
- ca va ma chérie ? demanda-t-il
Elle se contenta de hocher la tête en souriant et sachant que personne ne pouvait les voir, elle approcha lentement son visage et posa délicatement ses lèvres sur les siennes
- Sara, ta mère...
- elle ne viendra pas, répondit-elle en continuant sa douce caresse.
Sans résister, il voulut insister, mais elle s'écarta légèrement en souriant.
- arrête toi aussi...
- c'est toi qui a commencé, répondit-il avec un sourire coquin en lui tirant la joue ;
Elle voulait surtout détendre l'atmosphère, surtout après l'accueil que lui avait réservé sa mère. Saliou ne semblait cependant pas s'en formaliser tant que cela et ils discutèrent un moment avant que sa cousine Coumba ne vienne leur tenir compagnie. Plus tard en le raccompagnant, il demanda après sa mère pour lui dire au revoir et comme quand il venait, elle se montra particulièrement froide, créant cette fois un petit malaise entre eux. En le raccompagnant à sa voiture, il préféra en plaisanter
- ta mère pense surement que je suis venu pour m'amuser avec toi. Elle est jalouse je comprends...
Sara essaya de sourire.
- oui ma mère est comme ça. Et puis comme je te l'ai dit, tu es le premier garçon qui vient me voir, donc c'est normal qu'elle le prenne un peu...heu...enfin, avec le temps ça ira...
- quel temps ? Je t'ai dit que je ne suis pas là pour m'amuser. Je vais t'épouser Sara. Et comme cela, elle n'aura plus de raison de se montrer si sévère avec moi...n'est ce pas.
Sara sourit et après un bref bisou sur le bout des lèvres, elle entra dans la maison. Elle trouva sa mère qui l'attendait de pied ferme au salon
- Sara...
- Oui maman.
- viens, on va parler...
Elle s'approcha lentement et au regard de sa mère comprit que ça n'allait pas être facile.
- Sarata Niang, Sarata Niang, je ne suis pas ton égale...
Le cœur battant, la tête baissée, elle s'installa sur le fauteuil en face du sien.
- j'ai cru que j'avais été suffisamment claire avec toi la première fois que tu as amené cet homme dans la maison. Jusqu'à preuve du contraire les Mboup sont des castés. Ni dans la famille de ton père, ni dans la mienne, personne n'a osé faire entrer un casté. Tu ne seras pas la première et je ne te laisserais jamais faire.
Sans trop savoir pourquoi, elle eut un sentiment de révolte. De quel droit sa mère jugeait-elle Saliou comme cela. Comme s'il était porteur d'une tare ou d'une maladie. Elle ne comprenait décidemment pas.
- mais maman, il vient d'une famille respectable. Son père était professeur d'université, aujourd'hui à la retraire et sa mère sage-femme d'état. Il a un travail décent et je peux t'assurer que c'est un homme très correct.
Elle parlait en se disant qu'avec tous ses arguments, sa mère changerait peut-être d'avis, aurait une meilleure opinion de son chéri. Mais elle gardait le visage toujours fermé.
- Sara, je ne te parle pas de cela. Je te parle de sa caste. « aye gnégno lagnou » rajouta t-elle en élevant la voix...
Sara regarda sa mère sans vraiment comprendre.
- Et après ? s'il est casté ça change quoi ? répondit-elle sur le même ton.
C'était la première fois qu'elle parlait ainsi à sa mère. Elles n'ont jamais eu de problème et cet échange commençait à dépasser les bornes. Sara n'aimait pas manquer de respect à sa mère
- Sara c'est à moi que tu parles comme cela ?
Elle sentit les larmes monter aux yeux en voyant l'expression d'incompréhension sur le visage de sa mère.
- maman, pardon, mais je viens de te dire que ses parents sont des intellectuels. Ils ne...
Sa mère ne la laissa pas finir.
- SARATA, je ne te demande rien. Et je ne le redirais plus. Tu as intérêt à mettre fin à cette relation. Et tout de suite. Et je ne veux plus qu'il mette les pieds dans cette maison. C'est à cause d'un homme que tu me manques de respect ? Que tu me crie dessus. Hannn ????
Sara regardait sa mère en secouant tristement la tête, les larmes coulant lentement sur ses joues.
- maman, jamais je n'oserais te crier dessus. Je voulais juste t'expliquer. C'est lui que j'aime, ... il dit qu'il veut m'épouser...il a parlé à ses parents et...
Sa mère se leva furieusement.
- je ne le répéterais pas Sara...murmura-t-elle, sur un ton menaçant en la pointa du doigt.
Sara se retrouva seule au salon et ne sut que penser de toute cette situation. Elle avait donné sa parole à Saliou. Comment pouvait-on expliquer à une personne qu'on ne peut pas l'épouser tout simplement parce qu'il est casté ? C'était quoi ces foutaises ? Elle secoua la tête quand elle sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Un numéro privé. Elle préféra ne pas prendre. Elle n'avait d'ailleurs pas le cœur à parler. Plus tard, elle reçut un appel de son chéri mais prétexta des maux de tête pour écourter la conversation, trop honteuse et surtout le cœur trop lourd.
*********
Les jours suivants furent moroses. Sara faisait tout pour éviter sa mère. Elle ne savait plus quoi faire. En désespoir de cause, elle avait appelé Souleymane aux Etats-Unis pour lui en parler et essayer de trouver du secours. Il lui promit de parler à sa mère. Mais les jours suivaient et sa mère était toujours aussi fermée, preuve qu'elle ne changeait pas d'avis. Sara était perdue car elle ne savait quoi dire à Saliou. Il était sur son petit nuage et parlait en permanence de leur vie à deux, de leur mariage, de son amour pour elle. Sara avait parfois honte. Honte de ses parents. Saliou remarquait son air absent mais préférait mettre cela sur le compte de son stress pour son mémoire.
Elle était perdue dans ses pensées et sursauta quand le téléphone sonna.
- Sara, Mr Ndiaye demande à te voir...
Sara sentit son cœur s'emballer un bref moment avant de se ressaisir et de descendre le rejoindre. Il était bientôt l'heure de la descente et elle se demandait ce qu'il faisait ici.
- Médoune ?
Il se retourna et lui envoya son plus beau sourire. A tomber. Mais elle essaya de garder son calme. En vain. Pourquoi cet homme lui faisait tant d'effet.
- Sara...comment tu vas.
Il se pencha pour déposer un bisou sur sa joue, le piquant avec sa petite barbe naissante. Il lui expliqua qu'il avait à plusieurs reprises essayé de l'appeler mais elle ne prenait jamais. C'est à ce moment qu'elle fit le rapport avec les appels masqués qu'elle recevait.
- en fait c'était juste pour te remercier pour tout car finalement le virement est arrivé.
Sara lui sourit, soulagée.
- je suis vraiment contente pour toi alors, répondit-elle
Il la fixa un moment. Trop long. Elle se figea et ils se regardèrent un moment. Il sourit nerveusement.
- Heu...en fait je voulais également remercier Mme Sylla...
- ha... mais elle est sortie. Dit-elle en haussant les épaules.
- ha dommage. Donc tu la remercieras de ma part.
- je n'y manquerais pas, répondit-elle simplement
Il y eut un moment de silence. Un flottement ou Sara sentit qu'il hésitait à lui dire quelque chose.
- heu...Sara je peux te parler un moment.
Elle ne comprit pas et le regarda perdue. Médoune, lui parler ? Mais de quoi ?
- heu...rien de grave rassure-toi.
Elle lui demanda de le suivre dans son bureau avant de lui demander de prendre place. Il hésita encore.
- heuu...en fait c'est Souleymane qui m'a appelé, commença-t-il hésitant
Sara sentit son cœur battre plus vite et détourna le regard, honteuse, ne voulant pas admettre que Souleymane lui ai parlé de son problème. Elle garda donc le silence attendant la suite.
- écoute, je suis vraiment désolé pour tout. En fait, Souleymane voulait que je parle à ta mère car il l'a fait et elle ne semblait pas bien prendre les choses. J'allais le faire, mais je me suis dit qu'avant que m'immiscer comme cela dans tes affaires, il vaut peut-être mieux que je t'en parle et qu'on voie la meilleure stratégie à adopter pour essayer de convaincre tes parents.
Sara gardait toujours le silence, incapable d'avoir une pensée cohérente. Elle allait tuer Souleymane. C'était décidé.
- tu sais, moi aussi je n'ai jamais compris ces histoires de caste et entre nous je trouve que c'est du n'importe quoi. On ne peut pas juger une personne ou encore la rejeter pour une histoire de nom de famille. C'est tout simplement...ridicule.
Sara essaya de sourire, mais à la place sortit une grimace qu'elle savait bizarre. Elle s'arrangea sur sa chaise et s'installa un long silence.
- Sara, je peux peut-être parler à ta mère si tu veux...reprit Médoune sur un ton conciliant.
Sara releva la tête et le regarda un moment. Elle n'avait jamais été aussi gênée de sa vie et ne sut même pas quoi dire.
- Médoune, vraiment je te remercie. Heuuu...Souleymane a cru bien faire en te demandant d'intervenir, mais...heu...j'aimerais que tu restes en dehors de cela.
Cette fois ce fut au tour de Médoune de garder le silence et de regarder Sara d'un air étonné. Elle haussa les épaules, cherchant ses mots. Elle se leva finalement, trouvant sa chaise trop petite.
- écoute, on n'a jamais été vraiment très proche...et ça me gêne énormément qu'on en soit à discuter de ce genre de chose...
Médoune sourit et se leva à son tour pour s'approcher d'elle pour lui prendre gentiment les mains. Il n'aurait pas dû. Elle sentit son cœur repartir en vrille et des sensations bizarres l'envahir. Elle avait juste envie de fuir tellement elle avait peur qu'il ne remarque le trouble qu'il pouvait lui inspirer.
- Sara voyons...Même si on n'a pas été très proche, je te considère comme ma petite sœur. Je ne souhaite que ton bonheur et....
Sara secoua la tête et retira ses mains. Cette fois, il avait remarqué son trouble et fronça les sourcils.
- Sara...
- Médoune...
Ils avaient parlé en même temps et elle fourra ses mains dans ses poches nerveusement.
- je sais que tu me considère comme ta petite sœur, mais je ne...suis pas ta petite sœur. Et c'est pourquoi j'ai quand même beaucoup de scrupules à parler de ce genre de choses avec toi.
Encore un petit silence et elle le vit froncer les sourcils, l'air de réfléchir.
- Donc tu ne me considère pas comme ton grand frère ?
La question la prit de court et elle ouvrir la bouche pour répondre, mais elle croisa son regard et soupira...
- Non pas vraiment...disons que je te considère plus comme...un ami de la famille...
Il rigola franchement
- bah dis donc...je ne sais pas trop comment considérer cela, mais saches que moi, je tiens beaucoup à toi et je t'ai vu grandir et je te considère comme ma sister...
Elle ne répondit pas et ne s'attendit pas aussi à ce qu'il s'approche d'elle et la prenne dans ses bras. Doucement. Elle se laissa aller, surprise, le cœur battant. Elle huma son délicieux parfum et sentit contre elle ses bras musclés, sa chaleur masculine. Elle ferma les yeux un moment. Trop court. Il s'écarta rapidement.
- Tu es trop chou Sara...en tout cas saches que je suis là et si jamais tu as besoin de moi n'hésite pas...OK...et je souhaite que cette histoire se décante rapidement et que tu sois heureuse.
Elle hocha juste la tête cherchant à se dédouaner...
- en fait, ma mère est très...carrée sur ce point. Je...ne pense pas que tu puisses y remédier. Mais je te remercie quand même.
Médoune haussa les épaules
- mais si tu aimes vraiment cet homme et que tu penses que ça en vaille la peine, bat-toi. Parle à tes oncles, tes tantes. Ils t'aideront peut-être.
Sara le regardait sans répondre. Si seulement il savait. Elle ne put s'empêcher d'apprécier son beau visage, ses belles lèvres roses, ses sourcils bien dessinés. Elle secoua brusquement la tête pour revenir à la réalité, comme prise en faute. Mais que lui arrivait-il donc.
- tu as raison. Je verrais ce que je peux faire. Encore merci Médoune.
Il lui proposa de la déposer chez elle, mais elle refusa fermement, lui disant qu'elle avait quelques courses à faire en ville, à quelques mètres. En fait, elle voulait réfléchir. Il se passait tellement de choses dans sa vie dernièrement.
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Les jours suivants, elle se consacra à la finalisation de son mémoire. C'était le plus important. Plus important que ce tandem dilatoire qui la secouait tout le temps. Médoune la troublait encore et chaque instant elle revivait leur conversation. Il hantait de nouveau ses rêves, tandis qu'elle devait trouve une solution pour se marier avec un autre homme. Mais la différence c'était que cet homme l'aimait. Et c'était sur cela qu'elle devait se concentrer. Saliou l'aimait. Et il le lui montrait tous les jours en patientant et en la soutenant pour la préparation de sa soutenance. Il lui avait préparé ses présentations, et l'aidait à réviser les textes. Mais jamais pendant tout ce temps, elle n'osait lui parler de l'opposition catégorique de ses parents à leur projet de mariage.
Le jour de sa soutenance, sa mère avait invité ses amies parmi les quelles tata Mado, la maman de Médoune. La soutenance se déroula très bien et elle répondit aux questions du jury avec une grande aisance. Saliou était dans la salle ainsi qu'une de ses sœurs. A la fin de la soutenance, elle vit ce dernier aller vers sa mère avec sa sœur et Sara eut peur. Quand elle s'approcha, ses craintes se confirmèrent.
- Ah...je pensais que Sara vous en avait parlé...l'entendit-il dire à sa mère, avant de lui jeter un regard perdu.
- Non, Sara ne m'a rien dit de votre éventuelle visite avec vos parents après la soutenance et elle n'ose même pas le faire, dit-elle sèchement avant de tourner le dos.
Saliou et sa sœur se tournèrent vers elle, attendant une réponse.
- Sara...je peux te parler...dit Saliou, le ton soudain très grave.
- Heu...On peut en parler plus tard...
Elle vit la contrariété dans son visage et celui de sa sœur et eut honte. Tellement honte. Elle le regarda s'éloigner, les épaules affaissées. Elle vécut à peine le reste du cocktail, recevant machinalement les félicitations de ses amies, de ses tantes, de ses cousines, le cœur lourd.
************************
- Et alors ? Oui je suis casté...ET ALORS ?
- Saliou, je t'en supplie calme-toi. Je suis venue pour qu'on discute calmement et qu'on essaie de trouver une solution. Je t'aime et...
Mais il ne l'écoutait plus. Trop énervé. Et dire qu'elle avait décidé de venir le trouver chez lui pour lui parler tranquillement. Elle avait juste eu le temps d'aller se changer chez elle et de prétexter un diner avec ses copines pour pouvoir sortir de chez elle.
- haaaa...c'est pourquoi ta mère me minimisait tout le temps, c'est pourquoi, elle ne me considérait pas, me répondant à peine quand je lui parlais...
- Saliou...Je suis venu te dire pourquoi pour le moment ma mère s'oppose au mariage. Mais je suis convaincu qu'en lui parlant on pourrait la convaincre. Mon amour pour toi est plus fort que tout et...
- Non merci. Ko bègne bène, mou bagne la fouk...ta famille ne m'aime pas, je vous déteste encore plus. Nous les Mboup on est des nobles. Casté, mais ohh combien noble...On ne manque de rien. On ne quémande rien à personne. Vous ne valez pas mieux que nous.
- SALIOU...
Elle avait légèrement crié pour se faire entendre. Elle ne comprenait pas sa réaction disproportionnée. Surtout qu'elle partageait le même avis que lui sur ces histoires de castes.
- Va t-en
Le ton était sec et le visage fermé. Elle secoua lentement la tête.
- Pas avant que tu ne te sois calmé...Je veux qu'on discute.
- je ne discute pas avec quelqu'un qui me minimise....
Elle se leva lentement et se mit en face de lui, l'obligeant à le regarder.
- Saliou, je t'aime. Je t'en supplie écoute-moi. Je ne te minimise pas. Tu me connais. Les parents peuvent parfois être...compliqués mais c'est à nous de les amener à accepter ce que nous voulons...on doit se battre...
Il y eut un silence ou elle sentait encore la respiration sourde de Saliou. Il l'observait. Mais avec une expression qu'elle ne lui connaissait pas.
- OK...maintenant va-t'en...
Elle soupira, fatiguée. Elle ne comprenait pas qu'il puisse réagir ainsi. Elle prit son sac et se dirigea vers la porte. Elle croisa Diarra, la sœur de Saliou. Elle était presque à la porte et n'avait pas du rater une miette de leur conversation. Le regard méchant qu'elle lui lança ne lui laissa pas un doute.
En attendant le taxi devant la porte, elle entendit encore des éclats de voix et comprit que c'était Saliou qui expliquait leur problème à sa mère et ses sœurs. Et chacun y allait de son commentaire. Elle préféra s'éloigner lentement. Elle était convaincue que passé la phase de colère, Saliou reviendrait. Il fallait juste patienter.
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Elle le fit en appelant quand même de temps en temps. Quand il refusait de raccrocher, elle appelait son ami Ablaye qui comme elle, était convaincu qu'il reviendrait à la raison.
Surtout qu'elle ne sentait tellement coupable. Elle savait qu'il l'aimait et elle en était à ne plus savoir l'état de ses sentiments pour lui. Mais elle ne voulait pas que les choses se passent ainsi entre eux. Après tout c'est son premier homme, son premier baiser, son premier je t'aime. Et tout cela lui manquait. Donc, elle ne voulait pas que ça se termine et gardait espoir. Jusqu'à ce dimanche soir, alors qu'elle regardait la télé avec sa maman au salon, elle reçut un message de Saliou. Simple. « Mr et Mme Mboup vous remercie pour votre présence à leur cérémonie de mariage». Elle du lire une bonne dizaine de fois le message, avant de le comprendre. Mais ne l'accepta pas. Elle appela de suite son ami Ablaye qui ne put que lui confirmer la nouvelle en précisant que c'était une de ses cousines et qu'il est convaincu que Saliou a fait cela sous le coup de la colère. Elle ne répondit pas et retourna au salon, l'esprit vide.
- Il se passe quelque chose ? demanda sa mère en la voyant revenir, le visage défait.
Elle secoua la tête.
- Non, rien...Saliou s'est marie aujourd'hui, dit-elle simplement
Sa mère garda le silence un moment
- c'est tant mieux Sara...ton père n'aurait jamais accepté ce mariage de toute façon.
- et pour quelles raisons ? Quand est ce que tout cela va cesser ? Saliou était quelqu'un de bien et on s'aimait. On ne peut pas rejeter une personne comme ça, seulement sur la base de son nom de famille...
Sa voix se brisa, mais elle refoula les larmes qu'elle sentait monter. Non, elle ne pleurerait pas.
- c'est plus profond que ça....
Elle ne voulut pas en savoir plus et sortit se promener. Elle avait envie de respirer car elle étouffait. C'était injuste. Juste injuste. Et puis Saliou aurait quand même pu lui en parler. Après une heure de marche, elle retourna sur ses pas et arriva devant chez elle au même moment ou Médoune garait sa voiture devant la porte.
- Héé Sara, j'ai de la chance aujourd'hui...
Il sortit en tenant un gros sachet.
- tu pourrais donner cela à ta maman. C'est ma mère qui m'a...
Il s'interrompit soudain, la regardant
- ca va toi ?
Tout à coup, elle sentit ses larmes monter. Sans qu'elle ne puisse les retenir.
- oui ça va, dit-elle en essuyant rageusement les larmes avant de saisir le sachet.
Mais Médoune n'avait pas lâché et continuait à la regarder.
- Sara...qu'est-ce qui se passe ? Insista-t-il
Elle ne put répondre, se contentant juste d'essuyer ce flot de larmes qui refusait de tarir. Elle se retrouva dans ses bras, balançant légèrement dans un air de réconfort. Elle arrêta rapidement de pleurer, prenant surtout conscience de ses bras autour d'elle, de son parfum, de son souffle sur sa tempe. Elle s'écarta.
- ce n'est rien. Je suis désolée. Je...suis un peu malade et...
Elle bafouillait.
- Sara...qu'est ce qui se passe ? C'est en rapport avec ton petit ami là ?
Elle hésita un moment avant de hocher la tête.
- il s'est marié, murmura-t-elle
- Haaaa.
Il y eu silence.
- tu sais, je pense qu'il est bien bête ce monsieur.
Elle le regarda un moment avant d'éclater de rire. Il en fit de même.
- voila...au moins un sourire.
- Merci. Je suis désolée. Mais...c'est juste que je ne m'y attendais pas. Mais...
- Mais tu surmonteras. La vie est ainsi faite...
Elle hocha la tête et se retrouva à discuter avec lui une dizaine de minutes sur les déceptions dans la vie. Tout cela lui semblait tellement bizarre. Finalement Médoune prit rapidement congé après lui avoir confié son colis et avec la promesse de l'appeler pour prendre de ses nouvelles. Ils en profitèrent donc pour échanger leurs numéros.
Après deux jours de déprime et un mois de repos, elle se ressaisit et décida d'avancer. Son stage était terminé et elle refit son CV, bien décidée à se trouver un boulot. En allant chercher son attestation à son école, elle fut surprise de voir à sa sortie, Saliou, discutant tranquillement avec une de ses camarades Sonia qui était au courant de toute l'histoire. Elle hésita entre les dépasser ou quand même rester digne et le saluer. Elle opta pour la deuxième.
- Bonjour...
Saliou se redressa et elle le vit baisser rapidement les yeux quand leurs regards se croisèrent. Sonia avait disparu, les laissant seuls.
- Sara...comment tu vas ?
- Bien et toi ?
Un silence. Il évitait toujours son regard.
- Toutes mes félicitations. Ablaye m'a dit que tu t'étais marié...finit-elle par lâcher.
Elle voulait paraitre légère, mais c'était raté. Elle était encore touchée par cette histoire et sa voix trembla.
- Monte, je veux qu'on parle...lui proposa Saliou, la voix triste
Elle rigola nerveusement.
- Non, je crois qu'on n'a plus rien à se dire maintenant. Je pensais que tu avais des sentiments pour moi, mais je me suis rendu compte que...
- Sara...ne dis surtout pas cela. Il faut que je t'explique que je me suis marié sur un coup de tête. Mais...c'est toi que j'aime...et tu le sais...
C'était plus qu'elle ne pouvait en entendre. Elle rigola nerveusement.
- Saliou, arrête. Je t'en prie. Je n'ai même pas envie d'en parler. Mais je te préviens de ne même pas essayer de t'aventurer dans ce genre de choses avec moi. N'essaie même pas...
Sans attendre, elle lui tourna le dos et avança rapidement pour prendre un taxi.
Arrivée à la maison, elle trouva Tata Mado en grande discussion avec sa mère.
- Sara, viens dire bonjour à ta tante, lui cria cette dernière.
La maman de Médoune était comme d'habitude bien apprêtée.
- Ma tata Adorée...sourit Sara en lui faisant la bise.
Tata Mado la prit dans ses bras.
- tu as maigri, c'est quoi ? Le chômage ?
Sara éclata de rire.
- tu dis ça pour me faire plaisir. Ou alors ta vue commence à baisser tata. Je suis toujours aussi enrobée...
Sara n'était pas vraiment grosse, mais avait des formes très voluptueuses qui la complexaient.
Elle resta un moment à discuter avec elle.
- comment va Médoune, finit-elle par demander, pensant qu'il était peut-être rentré. Elle n'avait plus eut de ses nouvelles depuis la dernière fois. Et jamais elle n'avait osé l'appeler.
- Oh...je ne le vois presque plus. Il avait ouvert une boite ici depuis quelques temps déjà, mais il a décidé maintenant de s'y consacrer entièrement. Donc il a élargi les domaines et agrandi la boite. Ce qui fait que je ne le vois presque pas...
-Haaa...dit-elle seulement, retenant juste qu'il était encore ici.
- Mais au fait, si tu as un CV, donne-le, je vais lui proposer de te prendre puisque tu viens de terminer.
Sa maman appuya cette idée, et avant qu'elle ne parte, elle réussit à photocopier tous les documents avant de lui remettre...sans grande conviction. Médoune n'accepterais jamais de la prendre.
Mais elle s'était trompée. Ou alors Tata Mado avait un pouvoir de persuasion magnifique. En tout cas, une semaine plus tard, on la contacta et elle passa un entretien rapide qui déboucha sur un stage de 6 mois. Déçue car pensant avoir au moins un contrat, elle accepta quand même et se retrouva au service financier de l'entreprise de Médoune sans jamais avoir à le rencontrer.
Elle dut jongler entre le stress d'un nouveau boulot et les coups de fils incessant de Saliou et de son ami Ablaye. Mais elle ne décrochait jamais. Sauf un jour ou en ayant marre, elle prit et lui cria de ne plus jamais l'appeler. Saliou l'écouta déverser sa bile avant de lui demander pardon et de reconnaitre qu'il s'était marié sous le coup de la colère. Sara finit par le supplier, en lui disant qu'il avait pris sa décision et que dorénavant, elle voulait juste qu'elle le laisse en paix. Il refusa, disant l'aimer, disant qu'elle lui manquait, que ses baisers lui manquaient. Sara finit par raccrocher, bien décidée à tourner la page. Définitivement.
******************
Les semaines passaient tranquillement. Les jours succédaient aux jours et elle s'accrochait à son travail. Les weekends, quand elle n'avait pas de programmes particuliers avec ses amies, elle restait chez elle, à regarder la télévision avec sa mère et sa cousine. Même son petit frère Elhadj, qui était maintenant un adolescent sortait avec ses amis. Sa cousine aussi avait un petit copain officiel qui était en France et s'apprêtait à l'épouser. Un soir qu'ils regardaient la télé, sa mère s'inquiétait de sa situation de célibataire à son âge et elle ne se gêna pas pour lui dire que c'était eux qui ne voulaient pas qu'elle se marie. Sa mère avait alors préféré garder le silence pour ne pas envenimer les choses et Sara s'était enfermé dans un silence buté, les larmes aux yeux, avec cette impression brulante que ses parents venaient de gâcher sa vie.
- Demain dimanche, j'ai une commission pour tata Madeleine, interrompit finalement sa mère en changeant de sujet. Et puis depuis que tu as commencé à travailler, tu aurais dû aller la voir. Après tout c'est son fils qui t'a recruté. Ne serait-ce que par reconnaissance, tu aurais dû lui rendre une petite visite de courtoisie.
- maman, tu sais que je n'ai pas vraiment le temps. Mais demain j'irais la voir et lui amènerais la commission, dit Sara en se levant finalement pour aller se coucher.
Le lendemain, elle se fit toute belle et pria le ciel ne pas rencontrer Médoune sur place. Elle retrouva son ancien quartier et ne manqua pas de saluer quelques connaissances qu'elle rencontra. Elle sonna à la porte de chez Médoune et attendit. Par manque de chance c'est ce dernier qui lui ouvrit la porte.
- Sara ? demanda-t-il étonné de la voir
- heuu...oui. Répondit-elle hésitante. C'est ma mère qui m'a envoyé et...heu j'ai une commission pour tata Madeleine.
Il la fit entrer en lui expliquant qu'elle était sortie mais était juste chez une voisine.
Il la laissa un moment seule au salon avant de revenir s'installer en face d'elle et de l'observer un bon moment.
- tu vas penser que je ne suis pas gentil. Depuis la dernière fois, je n'ai même pas cherché à savoir comment tu allais, commença-t-il
Sara sourit et baissa la tête.
- ce n'est rien voyons. J'avais juste un petit coup de blues sur le coup, mais après c'est passé. Merci quand même...
- c'est super alors. J'imagine que ça ne doit pas être facile de traverser une déception amoureuse.
Sara leva la tête et haussa les épaules.
- ca va...ca fais quand même bientôt 3 mois dit-elle en souriant.
- tant que cela ? Le temps passe vite. Mais vous les filles vous prenez tout tellement à cœur..
- toi on dirait que tu n'as jamais eu de déception amoureuse ? demanda-t-elle intriguée.
Elle le vit se troubler légèrement avant de sourire et de hausser les épaules
- tu sais, moi je surmonte rapidement les choses et ce sont des détails tout ça.
Sara continua à le regarder
- tu penses que l'amour c'est des détails. C'est pourquoi tu n'es toujours pas marié ? Lâcha-t-elle avant de le regretter.
Cette fois, ils se regardèrent un long moment. Sara se troubla et regretta d'avoir posé la question. C'était des choses assez personnelles.
- excuse-moi...je suis trop...
- curieuse, termina t-il
Il sourit. Gêné.
- c'est possible. Je n'ai jamais eu le temps pour cela...
Encore ce regard appuyé. Sara sentit son cœur s'accélérer.
- Sara ma fille...
Elle se leva et embrassa chaleureusement tata Madeleine
- tata Mado...si tu savais comme tu m'as manqué dit-elle avec un grand sourire
- écoute-moi ce gros mensonge. Tu n'as plus le temps de venir voir ta tata chérie maintenant. Répondit tata Mado faussement vexée.
Elle la charia encore avant de l'enlacer encore tendrement. Tata Madeleine avait toujours été tellement gentille avec elle. Et ce de tout temps. Elle s'en voulut même de ne pas toujours trouver le temps pour venir lui rendre visite. Sara lui remit le sachet que lui avait donné sa mère. C'était un magnifique voile qui provenait des marchandises que vendait sa mère. Tata Madeleine s'extasia en remerciant sa mère.
- elle trouve toujours des prétextes pour me faire des cadeaux. Vraiment ta maman, je ne sais pas quoi faire d'elle.
Elles discutèrent légèrement de son travail sous l'œil satisfait de Médoune qui ne participait pas à la conversation. Jusqu'à ce que sa mère se tourne vers lui et le doigt menaçant
- toi j'espère que tu t'occupes bien de ma fille et que tu ne la fatigue pas trop au bureau. Sinon rek tu auras affaire à moi. Tu m'as compris.
Médoune prit un air condescendant.
- bien sûr maman. Mais demande-lui si je la fatigue...
Sara secoua la tête
- en fait, je ne l'ai jamais vu...avoua-t-elle.
- c'est normal. Je ne viens presque pas au bureau. Mais à partir de la fin du mois j'y serais. Tu me verras plus souvent.
Ils rigolèrent ensemble un bon moment avant que tata Madeleine ne pose la question qui tue.
- mais Sara, qu'est-ce que tu attends pour te marier. Je suis sûre que tu chasses tous les hommes qui viennent.
Sara, sans s'en rendre compte jeta un rapide coup d'œil à Médoune qui venait aussi de relever la tête pour la regarder. Furtivement.
Elle se contenta de sourire, gênée.
- tu es toute belle ma fille. Ne fais pas comme Médoune qui a décidé de me laisser mourir sans que je ne voie mon petit-fils.
- maman...tu parlais de Sara...pourquoi mon nom s'est glissé dans votre conversation.
- Médoune ne te fous pas de moi. Sara parle-lui. Peut-être que tu pourras le faire réagir. Tu ne penses pas qu'il est temps qu'il se marie. Même Souleymane s'est marié et lui il est encore là. A chaque fois il me sort des arguments qui ne tiennent pas. Et...
Médoune se leva en soupirant, interrompant sa mère en l'enlaçant et en posant un doigt sur sa bouche.
- c'est bon maman, je me marierais un jour, c'est bon...
Sara éclata de rire, devant le regard menaçant que venait de lancer tata Madeleine à son fils qui se leva et prit congé rapidement avant de disparaitre.
- tu vois. Il me fait toujours cela.
Sara rigola encore et n'échappa pas bien sûr à la question de sa tante qui ramena sur le tapis, le sujet de son mariage tardif.
- prie pour moi tata, je veux bien me marier. Mais je n'ai pas encore trouvé. Si je trouve un prêt à se marier avec moi, ne t'inquiète pas, je me marierais.
Elle reçut sa part de sermon avant de prendre congé, et de faire le tour du quartier pur dire bonjour à ses quelques connaissances.
************
- Médoune, je suis sérieuse. Arrête de me dire tout le temps que ça viendra. Je suis ta mère et je ne veux que ton bien. A chaque fois que je te parle mariage, tu as le même ton, tu me minimise, tu ne veux même pas m'écouter.
- Mamannn, s'il te plait....je suis fatigué. Et si on en parlait une autre fois.
Oui, Médoune était fatigué. Il avait passé la journée à rencontrer des partenaires. Son entreprise prospérait et il était satisfait. Il avait plus qu'il n'espérait et était à la tête d'une société très florissante. Tout serait tellement parfait s'il n'y avait pas eu...
Il interrompit ses pensées quand il vit des larmes perler sur les beaux yeux de sa mère.
- maman...mais qu'est-ce que tu me fais là. Dit-il en l'enlaçant tendrement.
- Médoune, tu es mon fils unique. Ta sœur est sur une mauvaise pente et tu le sais. Depuis qu'elle est en France, elle n'en fait qu'à sa tête et personne ne peut la raisonner. Je n'ai plus que toi. Et c'est déjà une honte pour moi. Tout le monde dit que ton père se retourne dans sa tombe à cause de l'éducation que je vous ai donnée. J'ai eu tellement de mal à m'intégrer dans la famille de ton père. Tellement. J'ai tout entendu, mais j'ai toujours tenu bon. Après le décès de ton père, ils n'ont pas arrêté et maintenant ils rejettent toute cette méchanceté sur toi dit-elle en essuyant ses larmes.
Oui, Médoune savait que sa mère avait souffert. Toute la famille de son père s'était opposée à cette union. Sa mère était une capverdienne qui aimait son père à la folie. Elle avait changé de religion, adopté la culture de son mari et fait tellement de sacrifice pour son ménage. Mais n'avait jamais su trouver grâce aux yeux de sa belle-famille qui ne cessait de lancer des piques à la moindre occasion.
- maman, ne les écoutes pas...tu ne manques de rien. Tu veux que je te paye des vacances en France. Tu pourras te reposer et t'éloigner de tous ses tracas.
- Non, je ne veux rien. Je veux juste que tu réfléchisses à ma proposition. J'ai remarqué les regards que tu échangeais avec Sara. C'est une fille bien, de bonne famille. En plus elle est très belle et polie et je suis sûre qu'elle ferait une épouse formidable.
- mais maman, Sara je la considère comme une petite sœur...protesta-t-il
- vous n'avez aucun lien de parenté.
- et quelles sortes de regards je lui lançais ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
- au moins, je n'ai pas vu l'air embêté que tu prenais à chaque fois que tu voyais une fille ici. Tu lui tenais même compagnie avant que j'arrive. Toi. Tenir compagnie à une fille. C'est à marquer dans le livre Guinness. Tu sais que je m'inquiète vraiment pour toi mon fils ? Qu'est-ce que tu as ?
Médoune éclate de rire. Un rire nerveux. Détourna le regard. Se leva. Mit ses mains dans ses poches pour cacher le léger tremblement.
- tu exagères.
Il réfléchit rapidement. Pensa à Sara. Il devait quand même reconnaitre que Sara était une très belle femme. Et avec des formes....voluptueuse à souhait. Mais il n'avait pas le droit. Il ne pouvait pas. Pas à elle. La sœur de son meilleur ami. Mais sa mère était aussi là et plus les années passaient, plus elle s'inquiétait et se posait des questions. Pourtant, il aurait pu lui parler. Elle comprendrait, l'aiderait peut-être....
- promet-moi au moins d'y réfléchir mon fils, supplia-t-elle
Il sourit et sortit prendre l'air...
*************
Quelques semaines plus tard
*************
Sara reprit sa trousse de maquillage, se regarda à nouveau dans le petit miroir de son poudrier, refit machinalement son maquillage, les sourcils froncés. Elle ne comprenait toujours pas. Après la pause, la secrétaire de Médoune l'avait fait appeler parce que ce dernier voulait lui parler. Et sans détour, après les salutations d'usage, il lui avait juste demandé si elle avait un programme ce soir et qu'il souhaitait qu'ils dinent ensemble. Surprise, elle était restée silencieuse, ne sachant que dire et ne comprenant pas le sens de son invitation. Il l'avait à peine regardé quand il lui demandait cela, semblant très occupé par ce qu'il lisait sur sa machine. Son silence à du l'intriguer et il avait levé la tête pour la regarder
- Tu as entendu ce que je viens de te demander Sara ?
Ils se regardèrent encore un moment.
- Oui...mais heuu...je ne comprends pas vraiment. Tu veux qu'on dine ensemble pourquoi ? demanda-t-elle, hésitante, mesurant après coup l'absurdité de sa question.
Médoune rigola et se détendit sur sa chaise.
- je n'ai pas le droit de t'inviter à diner joli demoiselle...dit-il avec un sourire en la regardant fixement, semblant s'amuser de son trouble.
« Joli demoiselle ». Elle fronça les sourcils.
- Si bien sûr dit-elle hésitante
- Dans ce cas, je passerais te prendre chez toi vers 20 heures. Ça te va ?
Depuis, elle était intriguée, ne comprenait pas. Et quand elle en avait parlé à sa mère, bizarrement, elle avait paru à peine surprise que Médoune l'invite à diner. Encore plus troublant pour Sara. Surtout qu'elle voyait souvent tata madeleine appeler sa mère et elles se mettaient à discuter pendant de longues minutes. Elle se demandait vraiment si elle n'avait pas fait une bêtise à son travail et avait passé l'après-midi à revoir ses dossiers, à ranger, se disant que Médoune allait surement lui poser des questions et comme les deux familles se connaissaient, il voulait prendre des gants.
- Sara, Médoune est là...
Elle sursauta et sentit son cœur s'accélérer. Elle prit son sac et se regarda encore dans le grand miroir. Elle avait mis une robe noire qui lui moulait légèrement le corps, faisant sortir subtilement ses formes. Elle s'était toujours trouvé un peu grosse et les régimes qu'elle s'imposait parfois ne faisait pas disparaitre les rondeurs bien placées. Pour cacher ses épaules dénudées, elle avait juste pris un foulard en soie bleue assortie à ses chaussures à talon. Elle sortit et trouva Médoune en grande discussion avec sa mère. Qu'est-ce qu'il était beau dans sa tenue décontractée, trop craquant. Surtout qu'il lui lança un regard...tendre quand elle apparut sur le pas de la porte, hésitante. Déconcertée. Troublée. Elle se reprocha son trouble, mais ne put réprimer les battements frénétiques de son cœur. Elle salua timidement et écouta quelques minutes la conversation entre Médoune et sa mère, comme toujours très animée. Après quelques minutes, Médoune demanda théâtralement l'autorisation à sa mère de l'amener avec la promesse de la ramener avant minuit. Instinctivement, Sara se demanda ce qu'il pouvait bien se dire tout ce temps. Mais elle le suivit quand même et découvrit la nouvelle voiture qu'il avait ramenée.
- elle est très belle ta voiture, ne peut-elle pas s'empêcher de dire, ébahie.
- une nouvelle acquisition...elle te plait ?
Elle se contenta de hocher la tête, trouvant le ton trop, beaucoup trop...bizarre. Tout le trajet, elle garda le silence écoutant la radio qui diffusait de la bonne musique douce. Médoune aussi ne disait rien, fredonnant de temps en temps et jetant parfois des coups d'œil furtif du côté de Sara.
Une fois dans le restaurant super huppé, ce silence se poursuivit juste entrecoupé par quelques formules de politesse de Médoune essayait en vain de la mettre à l'aise. Cette ambiance se poursuivit encore et ils commandèrent en silence, et en attendant leur plat, Sara évita de regarder du côté de Médoune, observant des poissons qui paressaient dans un aquarium à côté d'elle.
- Sara...
Elle sursauta et le regarda, et commença à perdre ses moyens face à ce beau visage qui l'observait fixement.
- Oui...murmura-t-elle.
- tu comptes passer ta soirée à regarder ses poissons ? demanda-t-il en souriant.
- heu...Non...dit-elle hésitante en s'arrangeant sur son siège.
- tu dois surement te demander pourquoi je t'ai demandé de venir ici.
Elle continua à le regarder, l'air apeuré. Elle se doutait que c'était à propos du travail car elle ne voyait pas d'autres raisons.
- heuu...je suppose que c'est à propos de...heuu...de mon travail. Je...enfin...
Elle baissa la tête, ne sachant quoi dire.
- ton travail ? Pourquoi ? Tu as des problèmes ? demanda-t-il intrigué
Elle le regarda à nouveau, ne comprenant pas.
- Non, mais je pensais que tu avais peut être des choses à me reprocher et que...
Elle fut interrompue par le rire de Médoune
- tu penses que je t'ai amené ici pour te parler de travail ? demanda-t-il quand il se calma.
Sara haussa les épaules.
- alors pourquoi ?
Les plats arrivèrent et Médoune attendit que le serveur s'éloigne pour reprendre la parole
- je me suis juste rendu compte que je n'ai aucun savoir vivre. Depuis que tu m'as raconté tes peines de cœur avec ton « ex », je ne me suis pas soucié de savoir ou est-ce que tu en étais et si tu t'en étais remise. Demanda-t-il en prenant lentement ses couverts et en gouttant le plat en regardant Sara.
Elle perdit la voix, le regardant en se demandant s'il était normal. Depuis quand Médoune s'intéressait à ses peines de cœurs. Ce n'était pas au-delà des limites qu'il lui avait fixé il y a quelques années ?
- manges avant que ça ne refroidisse c'est délicieux...
Elle se ressaisit et prit sa fourchette, sans répondre et plonger le nez dans le plat et manger en silence.
- Sara ?
Elle leva la tête.
- tu ne comptes pas me répondre ?
Elle ne comprenait pas à quoi il jouait et commençait à en avoir un peu marre. Elle posa lentement la fourchette.
- Médoune, je dois t'avouer que je suis un peu perdue. Depuis ce matin, je pensais que j'avais fait une grave faute au travail, raison pour laquelle tu m'as appelé ici pour...enfin. A part cela, je ne voyais vraiment pas de raison pour que tu m'invites à diner. Si c'est pour mes peines de cœur, je ne suis pas très convaincu que ça soit un sujet qui t'intéresse vraiment...
Il y eut un petit silence.
- tu te trompes...ce qui te touche m'intéresse beaucoup.
Sara faillit boire de travers, entrainant un petit sourire de Médoune.
- arrête de faire cette tête Sara...
- et toi arrête de te moquer de moi. Je...Je...mais qu'est ce qui t'arrive ? loula dale ? tu as pris quelque chose avant de venir ?
Médoune éclata de rire.
- Sarata Niang...Bon, je vais arrêter de tourner autour du pot. As-tu quelqu'un dans ta vie actuellement...
- hhaa...mais en quoi cela t'intéresse...
- répond-moi d'abord et je te dirais.
- Non, dis-moi...sinon je ne te réponds pas Médoune...
Il la regarda avec un petit sourire.
- ce n'est pas courant de t'entendre m'appeler par mon prénom...
Cette fois, elle n'en avait pas de doute. Il était en plein opération séduction. Il avait murmuré cette dernière phrase sur un ton...Ou alors elle devenait folle, ou alors elle redevenait l'adolescente amoureuse transie qui attendait le moindre signe de lui. Non, Elle avait réussi à surmonter cela. A tourner la page Médoune. Elle ne devait plus se faire d'idées maintenant. Elle rigola nerveusement.
- Bon, je crois que je vais y aller. Dit-elle en faisant mine de se lever. Je...
Il la retint par la main. Fermement.
- Non s'il te plait. Je te demande juste de m'écouter. Ce que j'ai à te demander est très important.
Elle s'assit, étonnée par l'air sérieux qu'il prenait d'un coup.
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