Chapitre 3
Mon sommeil fût agité et ma nuit se résuma à de courtes périodes de repos, entrecoupées de rêves, plus étranges les uns que les autres, et de réveils en sursaut, trempée de sueur. À croire que le choc de ma Sélection ne passait vraiment pas. Je sortais donc très tôt du lit, le soleil était à peine levé, vaseuse et un peu perdue. Je ne me souvenais pas de la plupart de ces cauchemars, seulement un seul persistait à me rester en tête, ce qui était d'autant plus agaçant que je ne le comprenais pas du tout. Dès que je fermais les yeux, j'entrevoyais cette obscurité qui avait accompagné ma nuit, une sphère noire se mouvant, grandissant, devenant de plus en plus sombre.
Seule une douche bien chaude réussit à complètement me sortir de ma torpeur nocturne. En m'observant dans le miroir, je pus constater que la marque blanche d'hier avait totalement disparu. Mon visage n'en avait gardé aucune trace. Eveillée comme je l'étais, il n'en suffit pas plus pour me demander si la journée d'hier n'avait pas seulement été un cauchemar, malheureusement elle semblait trop réelle dans mon esprit pour en être un. Le déni n'avait jamais été mon truc. Je tentai de ne pas faire trop de bruit, pour ne pas réveiller la maison, ce qui échoua. Quand je descendis les escaliers, Maman m'attendait assise sur un fauteuil de notre petit salon, enveloppée dans une robe de chambre à motifs. Des cernes pendaient sous ses yeux qui semblaient éteints : apparemment je n'étais pas la seule à avoir mal dormi. Aucune ne prononça un mot - il n'y en avait pas besoin - elle ouvrit simplement les bras, et j'allais me nicher à l'intérieur, comme quand j'étais enfant. Nous essayâmes de rattraper un peu de notre nuit, ou du moins de nous reposer, jusqu'à ce que l'heure sois décente pour petit-déjeuner.
Le soleil filtrait à travers la fenêtre de la cuisine, celle située au-dessus de l'évier, illuminant la pièce d'une lumière orangée. Ma mère s'affaira à une pâte à crêpe (puisque nous avions du temps à tuer) pendant que j'épluchais des oranges pour un jus de fruit frais. Aujourd'hui, un de mes derniers jours, nous nous étions mises d'accord silencieusement pour préparer un véritable petit déjeuner, digne d'un hôtel. Après une heure de cuisine, où nous n'avions toujours prononcé aucun mot, chacune étant déjà bien trop occupée avec ses propres pensées, et une table remplie de nourriture, ma mère me demanda de « réveiller » Tom. Bien entendu, il ne dormait plus depuis longtemps. Mais Maman lui avait appris à rester dans sa chambre sans faire trop de bruit jusqu'à une heure raisonnable ou jusqu'à ce qu'on vienne le chercher, nous permettant ainsi de nous reposer quelque peu le samedi matin.
« Alors, que veux tu faire pendant ces cinq jours ? questionna finalement ma mère en empêchant Tommy de tartiner trop de Nutella sur sa crêpe, On a le temps de tout. Je peux trouver un voyage de dernière minute, ou acheter des billets pour Disney, il paraît qu'il fait beau lundi, ou encore Beauval si tu en as envie, même si on perdrait du temps en route...
- Maman, Maman, la coupais-je, Calme-toi. Je n'ai pas besoin de tout ça. Vraiment. Il y a encore une semaine, j'aurais certainement sauté de joie que tu me proposes tout cela mais... Plus maintenant. Tout ce que je veux, c'est profiter de vous. Je veux... passer quelques jours simples. En simplicité. »
Je fis une pause pour former ma prochaine phrase.
« Après tout, je pense que les choses simples et normales vont cruellement me manquer dans les prochains mois, ajoutais-je en souriant, Et puis... Tu sais ce qui me ferait vraiment plaisir ? J'aimerais revoir tout le monde. Ma Christine, Grand Pa Archie ainsi que Mamie Rose et Papy Henri. Je ne les ai pas vu depuis un petit bout de temps maintenant, à cause du lycée. Je voudrais qu'ils soient au courant, et pouvoir leur dire au revoir...
Tom réagit tout de suite aux prénoms et se mit à geindre qu'il voulait les voir aussi. Ma mère accepta, en disant que c'était toujours un plaisir de recevoir de la famille, et qu'elle les appellerait cette après midi pour trouver une date. Le premier couple habitait en Alsace, ce qui leur ferait un peu de déplacement mais ils acceptaient toujours, quant aux deux autres, ils n'habitaient qu'à une petite heure.
« Tu comptes retourner au lycée lundi ? »
En vérité, la question m'avait déjà effleuré l'esprit, mais ne possédant aucune réponse je l'avais bien vite expédié. Je ne savais vraiment pas... Cela valait-il le coup ? Qui m'attendait là-haut ? Sûrement pas grand monde. Néanmoins, je ne pouvais pas partir comme ça, sans rien dire. Même si elle n'était pas la meilleure des personnes - qui l'était ? - Katryn ne méritait pas que je l'abandonne ainsi, sans explication. Et puis, je m'entendais bien avec Jim aussi.
« Je... Je ne sais pas trop. Il faut bien que je leur dise au revoir, mais quand on voit comment certains Choisis sont traités... Cela fait un peu peur. Je ne pense pas perdre mon temps là-bas plusieurs jours, je préfère largement rester à la maison et être avec vous. Mais... Je ne sais pas... »
Maman me fit un sourire encourageant.
« Ecoute ma chérie, je vais fermer le cabinet mardi et mercredi pour pouvoir rester avec toi jusqu'au bout. Lundi je suis en visite à l'hôpital Jacques Monod, à Etretat, dans la section psychiatrique. Je ne peux pas annuler. Tu devrais aller au Lycée Lundi, parler avec tes amis, leur faire tes adieux, ou leur faire comprendre que tu ne reviendras pas si tu refuses de leur dire pourquoi. Il ne t'arrivera rien si tu t'adresses à des personnes de confiance, tes amis... Il est important de fermer toutes les portes de ton ancienne vie si tu souhaites profiter de la seconde que l'on t'offre. »
Ma mère était psychologue, et possédait son propre cabinet, donc elle pouvait aménager son emploi du temps lors d'évènement exceptionnel comme celui-ci. C'est ce qui expliquait aussi qu'elle me sorte des phrases philosophiques comme celle-ci... Enfin, tous les psys n'étaient pas comme ma mère.
« Oui, okay, je... Je vais faire ça. »
J'irai en cours lundi, et « fermerai les portes ».
***
La journée passa vite, beaucoup trop vite. Je ne la vis pas défiler. Pour le plus grand bonheur de Tom, j'avais décidé que cette journée lui serait consacrée. La matinée fût occupée par diverses jeux, de la bataille Playmobil, au circuit de voiture en passant par le cache-cache dans le jardin. L'après-midi, je l'emmenais, avec l'accord de ma mère, au parc pas très loin de la maison, et lui payais une glace ainsi qu'une boite énorme de lego dans une supérette. Pendant que lui passais la « meilleue jounée avec sa gande soeu qu'il aime », moi j'emmagasinais un maximum de souvenir de lui. Ses cheveux blond électrisés par le tobogan, son sourire avec deux dents en moins, sa façon de sauter les « r » dans n'importe quel mot. A la fin de la journée, on avait un Tommy comblé. Quant à moi, j'étais épuisée (un enfant de six ans c'était vraiment dur à gérer pendant une journée complète) mais heureuse. Vraiment heureuse.
Le lendemain, Dimanche, après une nuit tout aussi catastrophique, Maman insista pour nous emmener au restaurant, notre préféré, celui dans la petite ruelle du centre-ville où s'y asseoir signifiait faire partie de la famille. Nous étions des habitués, car tous les anniversaires de notre petite famille étaient fêtés ici. Phil, le patron, un petit homme un peu enrobé et aux longs cheveux noirs toujours très fermement attachés, nous avait vu grandir mon frère et moi et il avait été un des meilleurs amis de mon père, je le considérais comme un oncle. Chose dont j'étais dépourvue : ma mère était fille unique, et le frère de Papa n'a pas vécu plus de quelques mois après sa naissance... Insuffisance respiratoire, ses poumons étaient trop petits. Mamie Christine n'en parlait jamais, Papa non plus.
Nous nous assîmes dans la chaleureuse salle, composée de petites tables pour trois ou quatre personnes et de luminaires qui donnaient un air tamisé au tout. Tommy s'empara de la carte, avant de se souvenir qu'il ne savait pas encore lire, ronchonna, puis demanda de l'aide à Maman. Phil passa nous dire bonjour personnellement avant de retourner en cuisine en s'excusant. Il y avait pas mal de monde aujourd'hui. Cependant il prit le temps de nous présenter son nouveau serveur, Éric, qui était en apprentissage depuis quelques temps. Quelques minutes de discussion courtoises plus tard, ils nous laissèrent choisir nos plats tranquillement.
« La dinde est une pépite, me souffla Phil avec un clin d'œil en m'embrassant sur le front. »
Il sourit malicieusement puis disparut derrière la porte rouge des fourneaux.
Quand Éric revint pour prendre nos commandes, je n'hésitais pas une seconde : il fallait être fou pour ne pas écouter les recommandations de Phil en matière de nourriture. J'étais persuadée que cette « paupiette de Dinde, sauce champignon, accompagné de légumes de saison » serait délicieuse. Notre serveur s'adressa tout d'abord au benjamin - qui fit un effort pour articuler le « r » de « frites » - puis à ma mère qui choisit un poisson aux agrumes (ce qui eut pour effet de me faire grimacer, les agrumes, sérieusement ?). Mais quand Éric se tourna vers moi et qu'il me demanda mon choix, je n'eus pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il s'exclama :
« La Dinde et un thé glacé pour la Demoiselle, ça marche ! Tout ça arrivera dans quelques minutes ! »
Il s'éclipsa en cuisine alors que je restais bouche bée. Je n'avais pas parlé, si ? Je ne me souvenais pas avoir prononcé un mot ! Je tournais la tête vers ma famille, les yeux ronds, mais aucun des deux ne semblait avoir remarqué quoi que ce soit. Ma mère encourageait mon frère à déchiffrer des mots de la carte, ni elle ni lui n'avait relevé ce qui venait de se passer.
Peut-être que Phil avait dit à Éric que je prendrais ce plat-là ? Mais je n'avais rien précisé concernant le thé glacé... Après tout, je prenais toujours cette boisson. Il devait simplement lui avoir précisé. Rien de plus.
Le manque de sommeil commençait à me rendre paranoïaque...
***
Le reste du repas se déroula normalement. Aucun évènement étrange à déclarer, ce qui renforçait l'idée que j'avais fait une montagne de pas grand-chose. Néanmoins, je ne rapportai ce hasard à personne. Comme espéré, la dinde fût sublime, ainsi que tout ce que nous dégustâmes après. Je fis, dans ma tête, une mention spéciale à mon dessert : un tiramisu revisité aux fruits rouges. A tomber.
Phil nous fît promettre de revenir, tel était le rituel, j'eus un sourire pincé à sa phrase, en pensant que moi je ne reviendrais jamais. Alors je le pris dans mes bras un peu plus longtemps que d'habitude en le remerciant de tout ce qu'il avait fait pour nous. Il fût étonné de mon geste mais me rendit mon étreinte qui sembla lui faire chaud au cœur. En remontant en voiture, Maman me lança un regard désolé, rempli de compassion.
« Tu leur expliqueras ? demandais-je, après quelques mètres parcourus, Tu leur diras pourquoi je ne viens plus les voir s'il te plait ? Je... Je n'ai pas la force de le faire moi-même. Phil, et les autres... »
Elle me regarda grâce au rétroviseur. Elle hocha douloureusement la tête. Je savais que ce que je requérais était égoïste. Ma mère n'aurait certainement pas envie de ressasser tout ça après mon départ. En lui demandant ça, je lui imposais de revivre ma perte à chaque personne à qui elle expliquerait.
« Oui, ne t'inquiète pas, je ferais tout le nécessaire. Tu as le droit de ne pas endurer tout ça, tu n'as que cinq jours ma chérie, ne te tracasses pas d'accord ? J'irais à la mairie quand tu seras... Partie. »
Chaque Choisis devait se déclarer à la mairie de son lieu de vie, dans un délai de deux semaines après la semaine de Sélection, cela permettait de légaliser la situation. Ainsi l'absence à l'école était justifiée. Ensuite, tous les dossiers, papiers officiels ou autre concernant l'enfant était remis à la famille : ils pouvaient en faire ce qu'ils voulaient. Mais, en quelque sorte, c'était comme si le Choisi disparaissait totalement, aux yeux de l'Etat il n'existait plus. Une compensation financière était envoyée à la famille chaque mois, environ une centaine d'euros. Je ne savais pas trop pourquoi, car un enfant ne rapportait pas d'argent... Enfin, ça, c'était le système français, tous les pays ne marchaient pas comme nous. La plupart des états européens suivaient notre exemple mais c'était tout.
J'avais entendu dire qu'en Inde, là où les Choisis étaient les mieux traités, la famille concernée grimpait les échelles sociales. Elle devenait riche, tout lui était accordé, car, selon les croyances, elle avait donné un ou une Elu à son pays, c'était un honneur. Pour les mères surtout.
Alors que dans certains pays du tiers monde, surtout les moins développés, les Choisis étaient plutôt des pestiférés, qu'il fallait abandonner pour éviter de s'attirer le mauvais œil, la malchance, le diable, ou encore Satan... Ils étaient rejetés par la population, certains s'en prenaient même physiquement à eux. C'est là que la plupart des accidents avaient lieux. Personne ne savait comment, ni pourquoi, mais il arrivait souvent des choses étranges aux Sélectionnés. Évènements naturels comme un orage ou une tornade particulièrement puissante, ou totalement fantasmagoriques tel des gens devenant fous ou des « dédoublements ». Bien entendue, il ne fallait pas croire tout ce qu'il se disait : les menteurs étaient partout, que ce soit pour se rendre intéressant (les médias raffolaient de ces « incidents ») ou simplement par haine. Mais il y avait de quoi s'inquiéter tout de même. Et dire que je stressais pour une histoire de commande dans une brasserie en Normandie. En ce moment même, des adolescents comme moi vivaient peut-être quelque chose de dix fois pire.
Maman nous ramena à la maison en quelques minutes dans notre petite Clio violette. Tom partit directement dans sa chambre, apparemment le jouet que je lui avais offert hier était « génial, taup bien, supè ». De mon côté, je m'effondrais dans un des fauteuils du salon, totalement happée par la digestion de ce repas sûrement trop conséquent. Le reste de l'après midi fût simple, comme je l'aimais. Ma mère fît un peu de ménage dans lequel je l'aidais du mieux que je pus, puis elle joua quelques mélodies à notre vieux piano trônant dans un coin de la pièce. J'aurais aimé apprendre, j'avais toujours dit que je le ferais un jour « quand j'aurais le temps ». Mon dieu que je l'aurais eu ce temps, avant.
Enfin, vers dix-sept heures, elle nous servit deux tasses de thé fumant, comme elle l'avait appris dans son éducation british.
« Je vais aller voir Papa, annonçais-je entre deux gorgée d'« Hibiscus et grenade de l'ancien temps », le prévenir, et ça fait un bout de temps que ce n'est pas moi qui a nettoyé la tombe. Je prendrais des roses blanches chez Maria en passant.
- Tu veux que je t'accompagne ? Le cimetière est un peu loin. »
Elle semblait soucieuse, des plis barraient son visage sous le froncement de ses sourcils.
« Non, ne t'inquiète pas, il fait jour et ma marque n'est pas réapparu depuis vendredi soir. On est à Dickerville Maman, si les gens savaient ils ne feraient que me regarder de travers. »
Un silence se fit, où elle se mordilla la lèvre, absolument pas convaincue.
« Ne me dit pas que tu as regardé ce reportage hier ? Sur un Choisis au Mali ? »
En observant le programme télévision hier soir, j'avais vu que ce style d'émission passait toute la semaine. N'importe quoi.
Elle baissa les yeux, coupable.
« Maman ! Tu sais bien que c'est des conneries ! Les médias en rajoutent toujours, de plus ils n'ont aucune preuve. Les Choisis ne témoignent pas, ils ont autre chose à penser.
- Je sais, je sais... Mais je n'arrivais pas à dormir, et je suis tombée dessus par hasard. Imagine qu'il t'arrive quelque chose, que tu te fasses agresser ! »
Je poussais un soupir désespéré. Elle devait vraiment être secouée par la situation pour réagir comme cela, d'habitude ma mère n'était pas aussi stressée.
« Bon, mettons les choses au clair. Je n'ai pas plus de chance de me faire agresser qu'il y une semaine, les gens ne peuvent pas savoir que je suis Choisi ; si ça peut te rassurer j'ai toujours sur moi le spray au poivre que Papa m'avait donné. Donc détend toi. Je vais aller au cimetière, et il ne se passera rien du tout tout, okay ? »
Elle hocha la tête. Sur ce petit discours, je bus la dernière gorgée de mon thé, enfilait manteau et chaussures et ouvrait la porte.
« Fait attention à toi, ma chérie...
- On habite en France, merde !
- Angie ton langage ! l'entendais-je crier en fermant la porte mais je pu apercevoir un petit sourire sur ses lèvres. »
***
« Cela fait quelques semaines que je ne suis pas venue te voir, désolée. Il y a eu les vacances, la reprise, la rentrée, tout ça... J'espère que tu me pardonnes. D'ailleurs, tu aurais adoré la Guadeloupe. C'était magnifique, Tommy s'est fait un copain et voulait ramener un crabe mais ce n'était pas possible... Je ne me suis pas baignée mais la plage était sublime. Maman a dit que l'eau était chaude. Et, ça y est, je suis en première, première S ! Tu serais certainement désespéré en voyant mon emploi du temps, toi qui aimais me voir lire. Là, la plupart des choses que je vois ont un rapport avec les chiffres, non plus les lettres. Mais je continue à explorer tous les horizons, comme tu me l'as demandé, alors je continue à lire, et à écrire, de temps en temps. Je pense que j'aurais aimé faire L, malheureusement vu mes compétences en langue, c'était perdu d'avance. Je crois que je ne sais toujours pas me présenter en anglais... Tu rirais en entendant mon accent. Ce n'est pas faute de travailler pourtant.
Tommy, lui, en rentré en CP, il apprend à lire. Il grandit un peu plus chaque jour, si tu savais comme le temps passe vite... Mamie Christine dit qu'il te ressemble de plus en plus, elle a raison. Il ne pose pas trop de question pour l'instant, le ciel lui convient, alors avec Maman on ne précipite pas les choses.
Je suis venue te voir car il s'est passé quelque chose cette semaine, vendredi... J'ai vu une Arabesquine, et elle était là pour moi. Au début j'ai nié, mais j'ai dû me rendre à l'évidence : je suis Choisie Papa. Je vais devoir partir moi aussi, comme toi. Maman va encore perdre quelqu'un, et Tom se sentir encore plus seul. Je m'en veux tu sais, comme si c'était ma faute : je culpabilise. Je vais les abandonner. Tom va perdre sa sœur en plus de son père. Et dans quelques années, ils ne se souviendra ni de l'un ni de l'autre. J'ai peur pour Maman, peur qu'elle ne soit plus aussi forte qu'il y a quelques années. La vie n'est pas juste avec elle, elle est même cruelle. Maman ne mérite pas ça. Tom non plus.
Mercredi, je vais partir. Et je ne reviendrais sûrement jamais. Personne n'est jamais revenu de là-bas. Je ne sais même où c'est là-bas, je ne sais même pas ce que je vais y faire, là-bas. Je ne sais rien, et je déteste ça. Quelque chose me dit que ce n'est que le début en plus.
Il n'y a qu'une chose dont je suis certaine : je ne mourrais pas, du moins pas pour ce choix merdique. Je ne serais pas lâche, la peur de l'inconnue ne vaut pas qu'on meurt pour elle. Et toi, toi tu as été courageux jusqu'au bout, alors moi aussi je le serais. Parce que je veux que tu sois fier de moi.
Tu veilleras sur eux Papa ? Bien sûr que tu le feras, tu le fais depuis toujours, je le sais. Je t'aime Papa, infiniment à jamais et pour toujours. »
J'essuyais mes larmes d'un revers de manche, reniflai et déposais le bouquet de roses blanches sur la tombe désormais propre et débarrassé de ses quelques mauvaises herbes.
Mon choix était fait. J'étais Choisie, et j'affronterais cette situation avec courage et force, comme mon père avait affronté les bombes des terroristes en Lybie. Il sera fier de moi.
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