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Chapitre 61 - Fin de chanson

Alisée ne se souvenait quasiment pas de sa mère. Si elle savait ce à quoi elle ressemblait, c'était uniquement grâce au minuscule portrait conservé par son père. Or, au-delà de la simple apparence physique, l'énergie qui se dégageait de sa tante lui évoquait celle qui l'avait abandonnée.

Maintenant qu'elle faisait face à cette femme qui lui était bel et bien familière, elle comprenait pourquoi elle l'avait tant troublée, dans la taverne. Qu'elles le veuillent ou non, quelque chose les liait.

— Il me semble que tu t'appelles Alisée, n'est-ce pas ? reprit Valérie en levant fièrement son menton. Tout est un peu flou dans ma mémoire, tu m'excuseras si je me trompe...

À son petit regard perçant, l'interpellée comprit qu'elle savait très bien ne commettre aucune méprise.

— Comment savez-vous qui je suis ? s'enquit la réserviste sur le même ton dédaigneux.

Sa tante éclata de rire. Derrière elle, de nouveaux hommes étaient arrivés, dissimulant dans l'ombre des armes ensanglantées. Il en suffirait de quelques autres pour qu'ils se retrouvent en supériorité numérique, ou au mieux, à égalité avec la troupe du roi.

— Je t'ai reconnue dès que ton regard a croisé le mien, au Rocher du Vieux Ben. Je ne sais pas si on te l'a déjà dit, mais tu ressembles énormément à ton cher frère...

Alisée se raidit et la main d'Adrian se resserra autour de la sienne.

— Sans compter la beauté dont tu as hérité d'Hortense, ajouta la femme avant de se tourner vers Jae-Sun. J'imagine que tu ne dois pas dormir sur tes deux oreilles, avec le meurtre de la mère de ton chéri qui pèse sur ta conscience...

Une dangereuse flamme s'alluma dans les yeux du Song.

— Je n'ai fait que tuer sa meurtrière, répliqua-t-il. L'unique chose qui m'empêche d'être tranquille, c'est le fait de ne pas vous savoir morte avec elle. Mais croyez-moi, vous allez bientôt la rejoindre.

Valérie s'esclaffa, imitée par ses disciples.

— Oh, que de menaces ! feignit-elle de s'émouvoir. J'imagine que je devrais en trembler de peur...

Son regard moqueur s'attarda ensuite sur les doigts entremêlés d'Alisée et Adrian.

— Voyez-vous cela, s'amusa-t-elle en inclinant la tête. Cette Dame Miranda ne s'était pas trompée à ton sujet...

La concernée sentit un frisson remonter le long de son échine et les surprenants battements de son coeur s'accélérèrent. Comment a-t-elle pu faire le lien entre toi et Dame Miranda ? L'attention que sa tante porta soudain sur Kristal fit office de réponse.

— Si tu savais à quel point nous te surveillions, ma pauvre petite... Ton ancienne propriétaire était venue me dire qu'elle t'avait surprise à envoyer des lettres au palais. Plus particulièrement, à la vampire qu'elle avait offerte comme réserviste à Sa Majesté... Une certaine Alisée, dont elle m'a aussitôt fait partager l'image à travers un souvenir.

Celle qui était désormais une Neutre prit sur elle pour ne pas trembler, alors que les pièces commençaient à se recoller dans son esprit désordonné.

— Dame Miranda m'a dit qu'elle te connaissait bien, ma chère Alisée. D'après elle, il suffit qu'un homme fasse briller de jolis diamants ou de belles pièces d'or sous ton nez pour que tu écartes les cuisses. Je constate qu'elle disait la véri...

— À votre place, je me la fermerais tant qu'il est encore temps, la coupa le roi.

Son ton en aurait découragé plus d'un, or Valérie ne cilla pas.

— Quand je t'ai vue aux côtés de cette mijaurée de serveuse, j'ai immédiatement compris ce que tu trafiquais. Sauf qu'au lieu de directement régler son compte à cette traîtresse, je me suis dit que je pourrais tirer la situation à notre avantage...

La petite rousse se figea.

— Vous... Vous avez fait exprès de parler devant moi de la date de la soi-disant attaque ?

— Autrement, crois-tu vraiment que nous t'aurions laissée gagner le château si facilement ? Nous contrôlons absolument tout, au cas où tu l'aurais oublié.

Si Kristal parut choquée de ne pas avoir si bien joué les espionnes, Alisée se contenta d'accuser le coup. Après tout, elle avait déjà envisagé la possibilité que les partisans du Feu Nouveau aient sciemment parlé devant la serveuse.

— Peut-être que vous contrôlez tout, intervint Adrian, mais vous ne pouvez pas dire que vous aviez prévu que nous redevenions tous des Neutres... Êtes-vous certaine que votre projet de rébellion ne vous ait pas dépassée ?

Le sourire de la femme se fana imperceptiblement, néanmoins elle ne perdit rien de son apparente satisfaction.

— Qu'importe, fit-elle en haussant les épaules. Le résultat est celui que nous voulions. Puisqu'il n'y a plus de vampires, il n'y aura plus de chefs de clans.

Un drôle d'éclat brilla dans ses yeux marron, tel un dangereux signal d'alarme.

— Et bientôt, il n'y aura plus de roi non plus.

Elle n'attendit pas la fin de sa phrase pour bondir sur Sa Majesté. Par réflexe, il lâcha la main d'Alisée, qui leva aussitôt son épée pour lui venir en aide. Or un homme qui se tenait derrière Valérie la prit pour cible, la menaçant d'un dangereux poignard en bois. Même si elle ne craignait plus cette matière autant que lorsqu'elle était immortelle, éviter un mauvais coup bien placé serait préférable. Elle tâcha donc de l'esquiver, tout en brandissant plus ou moins adroitement son arme.

Si elle parvint à ne pas la faire tomber, elle échoua à atteindre son assaillant. Déjà qu'elle ne brillait pas par ses qualités de combattante quand elle était dotée de force surnaturelle, elle était à présent encore plus maladroite. La migraine qui la tenaillait toujours ne l'aidait pas.

Heureusement, son adversaire était encore plus gauche qu'elle. Il visait comme s'il venait de boire deux bouteilles de gnôle et ne faisait que pousser des cris primitifs. Elle réussit à l'assommer d'un rude coup de lame porté à sa tempe.

Elle remarqua alors que les combats avaient éclaté partout dans le couloir, les rebelles paraissant bien décidés à ne laisser en vie aucun habitant du palais. Jae-Sun et la princesse se démenaient avec deux femmes en tuniques pourpres, tandis que quelques hommes occupaient Kristal et les domestiques. Les gardes étant eux-même débordés par leurs propres opposants, ils ne pouvaient venir en aide aux autres. Adrian se s'était pas déplacé très loin d'Alisée, toujours aux prises avec Valérie et d'autres combattants.

Elle accourut vers lui, bien décidée à affronter sa tante. Celle-ci lui tournant le dos, elle voulut la prendre par surprise, or la femme fit volte-face à l'instant où elle dressait son épée.

— Ta mère ne t'a donc jamais dit qu'attaquer par l'arrière était une méthode de lâche ? se permit de la narguer Valérie, bien qu'elle soit désarmée.

— Il faut dire qu'elle ne brillait pas par son courage, cracha-t-elle.

Sa tante éclata de rire. Même ce son rauque lui était familier. Sûrement Hortense devait-elle avoir la même manière de s'esclaffer.

— Il faut malgré tout un sacré cran pour tirer sur son fils, tu ne crois pas ? la provoqua de nouveau la meneuse des rebelles.

Cette fois, la réserviste — ou ancienne réserviste, puisque le roi ne boirait sans doute plus jamais son sang — ne se donna pas la peine de répliquer. Animée par une rage comme elle en avait rarement ressenti, elle sauta à la gorge de la femme. Elle parvint à la faire tomber au sol, mais dans son élan, perdit son arme. Tant pis, tes ongles feront l'affaire, trancha-t-elle en enserrant la gorge de Valérie.

Loin de s'inquiéter, sa tante laissa échapper un supportable rire étouffé.

— Tu... Je sais que... Tu ne me feras rien, articula-t-elle piteusement.

Alisée sentait son sang pulser dans ses veines, vibrant d'une brûlante colère qui l'encourageait à raffermir sa prise.

— Pourquoi ma mère nous a-t-elle abandonnés pour vous ? siffla-t-elle entre ses dents. Pourquoi a-t-elle tué mon frère, pourquoi...

Elle s'interrompit, Valérie suffoquant toute seule avec ses gloussements.

— Est-ce... Est-ce si difficile que cela de... De te dire qu'elle ne vous a jamais aimés ?

Sa nièce voulut l'étrangler un peu plus, mais l'essoufflement et la fatigue la gagnaient déjà. Son coeur battait si fort qu'elle craignait qu'il explose, cependant, face à l'une des personnes qui avait détruit la vie de son frère, rien n'aurait pu la calmer.

— Elle ne pouvait pas nous détester à ce point, nous ne lui avions rien demandé et...

— Peut-être, la coupa-t-elle dans un hoquet. Mais elle non plus... Elle non plus ne vous voulait pas.

Elle prit une inspiration sifflante, avant d'ajouter :

— Tu aurais été capable de tout... pour ton frère, n'est-ce pas ? Eh bien, elle... Elle a été capable de tout pour moi.

Et comme Alisée avait légèrement desserré ses doigts endoloris par l'effort, elle en profita pour la faire basculer sur le côté. Inversant leurs positions, Valérie la plaqua au sol de tout son poids et commença à l'étrangler.

Elle ignorait si cela était le fait de sa nouvelle condition, mais une brusque vision la projeta des années en arrière, lorsque ses ravisseurs l'avaient attaquée dans le désert. Maintenant qu'elle ne pouvait plus compter sur sa force de vampire, elle éprouvait le même sentiment d'impuissance que des décennies plus tôt.

Or il n'était pas question qu'elle redevienne cette Neutre faible et vulnérable.

Elle se débattit du mieux qu'elle put et plia ses genoux, avant d'envoyer de violents coups de pied dans les tibias de sa tante. Cette dernière poussa un cri et libéra le cou d'Alisée, qui vint planter son poing dans sa mâchoire. Elle sentit la douleur irradier dans ses phalanges, cependant il lui en aurait fallu davantage pour l'arrêter.

Toutefois, alors qu'elle se relevait en toute hâte, elle ne vit pas Valérie ramasser l'épée qui traînait à côté d'elle. La lame fendit l'air avant qu'elle ne puisse réagir et vint creuser une entaille au niveau de sa cuisse. Un glapissement lui échappa sous le coup de la violente brûlure, mais elle ne se laissa pas abattre.

Son opposante étant toujours au sol, elle s'aida de sa jambe indemne pour la maintenir plaquée contre le parquet. Elle laissa son pied s'enfoncer près de la gorge de la femme, qui ne tarda pas à suffoquer. Sentant les muscles de sa tante se relâcher, Alisée sauta sur l'occasion pour lui arracher l'épée.

— Lorsque vous la reverrez, ne dites surtout pas bonjour à ma mère de ma part, siffla-t-elle.

Et avant que Valérie ne puisse répliquer, elle abattit le pommeau de l'arme sur sa tête. Cela ne suffit pas à la tuer, mais simplement à l'assommer, ce qui était mieux que rien.

L'envie de lui régler son compte une bonne fois pour toutes la tenailla. Néanmoins, si sa mère avait réussi à tirer sur son propre fils, elle ne se sentait pas capable d'égorger sa tante, en dépit de tout le mépris que lui inspirait celle-ci.

Se désintéressant du corps inanimé qui reposait à ses pieds, elle chercha Adrian du regard, tout en pressant sa plaie à la cuisse. Le sang imprégna sa pauvre robe jaune, déjà témoin des précédentes effusions d'hémoglobine. Elle repéra le roi non loin d'elle, qui essuyait la lame de son épée contre la chemise de sa victime. Autour d'eux, les domestiques étaient parvenus à prendre le dessus sur les rebelles, étant plus habitués qu'eux à se contenter de leur forme de Neutre.

— Tout... Tout va bien ? s'affola Adrian en se précipitant vers elle. Qui est-ce qui...

— C'est supportable, ne t'inquiète pas.

En réalité, entre la douleur de sa blessure et celle qui lui vrillait le crâne, elle se sentait au bord du malaise.

— Eh, vous ! cria-t-il ensuite à l'intention de Drew qui se démenait avec un dernier forcené. Laissez tomber, il faut partir !

Le valet ne s'arrêta que lorsque son adversaire s'écroula. Était-il mort ou assommé ? Impossible de le dire. Alisée vit son ami murmurer quelque chose. Sans doute doit-il penser à Nessa... D'ailleurs, depuis combien de temps a-t-elle été assassinée ? La main du monarque qui vint reprendre la sienne empêcha sa migraine d'empirer.

Il entraîna tout le groupe vers le grand hall, tout en prenant soin de fermer des portes derrière eux. Si leurs assaillants se réveillaient, ils mettraient un certain temps avant de briser les battants.

Ils traversèrent l'aile est en prenant garde à ne pas faire trop de bruit, au cas où d'autres partisans du Feu Nouveau traîneraient dans les parages. Même s'ils se dépêchaient, Alisée eut le temps d'entrevoir des tableaux déchirés, des éclaboussures de sang sur les murs dorés, d'énièmes corps sans vie sur lesquels coulait la cire des chandelles... Le château n'avait presque plus rien à voir avec celui qu'elle connaissait.

Elle faillit pousser un soupir de soulagement lorsqu'ils atteignirent le hall, mais retint son souffle en entendant des éclats de voix. Ils attendirent avant de descendre les grands escaliers, qui les mettraient dangereusement à découvert.

— Je crois reconnaître monsieur McLawrence, chuchota une femme de chambre.

Comme ils se tenaient cachés derrière un mur, Adrian prit le risque d'avancer sa tête afin de voir ce qui se passait en contrebas. Il ne dut repérer aucune menace, car il fit signe aux autres d'avancer.

Les oreilles de la domestique ne lui avaient pas fait défaut, puisque Branwell et un groupe de soldats se trouvaient effectivement au bas des marches. À l'entente des nouveaux venus, ils levèrent leurs armes, avant de les abaisser en les reconnaissant.

— Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer ce qui se passe ? fit le chef de clan en laissant ses épaules s'affaisser. Nos coeurs se sont-ils vraiment remis à battre ou suis-je à ce point devenu fou ?

Avec ses vêtements lacérés et rendus raides par le sang, il était en aussi piteux état que le reste de sa troupe, qui se réduisait à une dizaine de gardes.

— Tu ne rêves pas, il semblerait que je sois revenu d'entre les morts et que nous soyons tous redevenus des Neutres, déclara le roi en descendant les escaliers.

Pour la cuisse blessée d'Alisée, chaque marche était plus difficile que la précédente, mais elle ne broncha pas. Branwell ouvrit la bouche, certainement afin de poser une centaine de questions, mais Adrian le devança :

— Où en sommes-nous au niveau des combats ?

Le McLawrence parut prendre sur lui pour ravaler ses interrogations.

— Ces fous se sont éparpillés partout dans le château, surtout dans l'aile ouest. C'est une véritable pagaille et...

— Parfait, le coupa le roi. Lance le signal pour rappeler les soldats et fais-les évacuer. Que tout le monde s'en aille et gagne la forêt au plus vite.

— Quoi ? se stupéfia Branwell. Nous venons de voir deux loups filer vers les jardins et...

— De quelles couleurs étaient-ils ? demanda aussitôt Jae-Sun.

L'interpellé fronça les sourcils, trouvant sûrement cette question inopportune compte tenu de la situation.

— Un blanc et un brun, répondit-il toutefois. Ils nous ont regardés de leurs gros yeux verts et sont partis. J'espère que tu ne veux pas savoir s'il s'agissait de mâles ou de femelles, car je n'ai pas eu le temps de regarder leur...

— Cela nous suffira, je te remercie, l'interrompit Adrian. Maintenant, partez tous.

Tout le monde le fixa d'un drôle d'air, hormis la princesse qui blêmissait au fil des secondes. Jae-Sun la soutenait toujours, malgré sa propre mauvaise mine.

— Sauf votre respect, Votre Majesté, nous n'allons tout de même pas leur céder le palais, protesta un garde. Nous pouvons encore prendre le dessus et...

— Ne vous inquiétez pas, nous ne leur cédons rien.

La perplexité générale redoubla, cependant il se garda de leur fournir des explications. Il fit signe à la foule de se dissiper et après quelques secondes d'hésitation, celle-ci s'exécuta. Soldats et domestiques prirent la direction des jardins, jusqu'à ce qu'il ne reste que Jae-Sun, Branwell, Kristal, Alisée, la princesse et le roi. Ce dernier se dirigea vers la petite porte menant aux cachots, qui s'ouvrit sans un bruit. La réserviste, qui le suivait, le vit attraper une sorte de clairon caché derrière le battant et le lancer au McLawrence.

— Va dehors et sonne-le, lui ordonna-t-il. Les gardes sauront qu'ils doivent se retirer des combats.

Après un dernier moment d'incertitude, le chef de clan obéit et s'en alla. Adrian se tourna ensuite vers les autres.

— Rejoignez tout le monde dans la forêt, leur indiqua-t-il. Surtout, ne trainez pas aux abords du château, il n'y a que dans les bois que vous serez en sécurité. Je viens vous retrouver dès que je peux.

Il libéra la main d'Alisée et dépassa l'embrasure de la porte, mais sa fille l'arrêta.

— Il est hors de question que tu y ailles tout seul. Je te suis, que tu le veuilles ou...

— Isabella, tu ne seras jamais capable de remonter les escaliers, contra-t-il. Je te promets de ne rien faire de stupide et...

— De toute façon, je viens avec lui, décréta la réserviste.

Et sans lui demander son avis, elle attrapa une torche et le dépassa pour commencer à descendre les marches. En dépit de ses protestations, elle ne s'arrêta pas, si bien qu'il fut obligé de la suivre. Elle entendit le battant se fermer derrière lui et ils se retrouvèrent seuls.

— Tu dois absolument partir avec les autres, lui intima-t-il en la rattrapant. Tu n'as aucune idée de ce que je m'apprête à faire, il faut que tu...

— Justement, je ne te laisserai pas faire n'importe quoi. Pourquoi diable veux-tu aller dans les cachots ?

Cela devait sans doute être à cause de sa migraine et de sa cuisse toujours sanguinolente, mais elle commençait à s'imaginer qu'il gardait enfermé une espèce de monstre ou elle ne savait quelle absurdité de ce genre.

— Nous n'allons pas dans les cachots, la détrompa-t-il sombrement.

N'y comprenant décidément rien, elle le laissa la doubler et grimaça de douleur alors que le sang coulait le long de sa jambe. Heureusement pour elle, ils ne descendirent effectivement pas jusqu'en bas. Un son de clairon leur parvint, signe qu'ils n'étaient pas si loin de la surface. Ils s'arrêtèrent devant une porte de bois cadenassée, qu'elle savait avoir déjà vu. Néanmoins, elle ne parvenait pas à se rappeler ce qu'il y avait au-delà.

— Je ne sais plus ce que j'ai fait des clés, grommela-t-il en se grattant la tête.

Il vérifia entre les interstices des pierres, puis proféra un juron. Il tenta d'envoyer un coup de pied sur le battant, mais ne réussit qu'à se faire mal.

— Ma force surnaturelle me manque déjà, marmonna-t-il.

Alisée soupira et s'approcha avec son épée. Elle fit signe au roi de se reculer, puis envoya plusieurs coups de pommeau répétés sur le cadenas. À force d'efforts, celui-ci finit par céder. Adrian laissa échapper un sifflement impressionné.

— J'espère que ce n'était pas ma tête, que tu imaginais à la place de ce pauvre cadenas...

Pas la sienne, non. Par contre, celles d'Hortense, Dame Miranda et Valérie... Elle s'abstint de toute réponse et le précéda dans la pièce. Sa torche éclaira une sorte de remise, où brillèrent les cercles métalliques de ce qu'elle crut d'abord être des tonneaux de vin.

— Euh... Ce n'est pas parce que tu viens de redevenir un Neutre que tu dois te soûler comme un...

— Ce n'est pas de l'alcool, la contredit-il.

Sceptique, elle s'avança un peu plus. Un frisson la secoua lorsqu'elle découvrit des pistolets et fusils accrochés aux murs, jusque-là dissimulés par l'obscurité.

Un voile se leva dans son esprit, révélant une information qu'elle avait oubliée : les réserves de poudre du royaume étaient entreposées sous le palais, ici-même.

Bouche bée, elle observa Adrian gratter au milieu de petites étagères, à la recherche d'elle ne savait quoi. À ses pieds, la quantité de barils était telle qu'Alisée n'osait pas les compter. Même si elle ne connaissait rien au domaine de la pyrotechnie, elle ne doutait pas qu'une infime étincelle soit suffisante pour faire tout exploser. La torche qu'elle tenait était déjà un loup dans la bergerie...

— Peux... Peux-tu me dire ce que nous faisons là ?

Elle commençait à le deviner, cependant... Non, cela ne se peut pas.

— Isabella et moi avions mis en place un plan, au cas où je viendrais un jour à disparaître, déclara-t-il sans cesser de remuer des emballages non identifiés. Comme elle refusait de prendre ma suite et de devenir reine, nous avions convenu que si je mourais, elle mettrait un terme définitif à la monarchie. Le royaume tomberait avec moi.

Il avait parlé si vite que ses paroles avaient encore plus de mal à faire sens.

— Tu... Tu veux dire en... En faisant exploser le château ?

Son silence fit office d'acquiescement.

— Mais... Mais tu n'es pas mort, pourquoi voudrais-tu commettre une chose pareille ?

À croire que lui aussi était ravagé par une migraine qui dévastait son bon sens.

— Parce que tout est fini, répondit-il en se baissant pour inspecter d'autres étagères. Il n'y a plus de vampires, donc je ne suis plus roi.

Elle resta quelques secondes muette, incapable de formuler la moindre pensée.

— Qu'a... Qu'allons-nous tous devenir ? réussit-elle enfin à balbutier. Si le royaume est désormais peuplé de Neutres et qu'il n'y a personne pour le diriger, que va-t-il se passer ?

Les derniers événements étaient trop récents pour qu'elle prenne conscience de toutes leurs conséquences, néanmoins elle devinait que le plus gros de la pagaille était encore devant eux... Adrian laissa échapper un petit rire, puis finit par se tourner vers elle.

— Je n'en ai aucune idée, avoua-t-il avec un drôle de sourire effronté. Tout ce que je sais, c'est que ce ne sont plus mes affaires.

Elle devait le dévisager avec stupéfaction, car lorsqu'il reprit, sa voix se fit plus calme.

— J'ai passé plus de la moitié de mon existence à jouer le rôle de roi des vampires. Maintenant que nous sommes tous mortels, il est hors de question que je consacre ma dernière vie à gérer les problèmes du monde entier.

Alisée sentit son coeur se gonfler quand il ajouta, une douce étincelle dans le regard :

— Je pense que nous aurons mieux à faire.

Elle lui rendit son sourire, quoique avec une légère hésitation.

— Tu es vraiment certain que tout faire exploser soit une bonne idée ? s'enquit-elle, perplexe.

Maintenant qu'elle savait ce que contenaient ces tonneaux, il lui tardait de déguerpir...

— Non, mais je crois de toute façon que nous allons devoir laisser tomber, soupira-t-il en se réintéressant à ses étagères. Isabella et moi n'avions pas prévu qu'à ma mort, nous redeviendrions tous des Neutres. Elle était censée pouvoir utiliser sa vitesse surnaturelle afin de s'enfuir d'ici, après avoir allumé une mèche. Or tous les fils que nous avons sont trop courts pour que nous tentions d'en allumer un en haut des escaliers.

Lui et sa fille sont décidément fous, songea-t-elle, bien que ce ne soit pas vraiment une révélation. Il n'y avait qu'eux pour vouloir faire sauter leur propre palais !

— Ce n'est pas grave, s'impatienta-t-elle en lui attrapant le bras. Partons d'ici et...

— Je vais m'en occuper, intervint une voix.

Adrian et Alisée se tournèrent vers la porte, où venait d'apparaître Jae-Sun.

— Pendant que je l'accompagnais dehors, Isabella m'a avoué ce que vous comptiez faire, leur indiqua-t-il comme ils le fixaient avec étonnement. Si l'on veut être certains que cela fonctionne, il faut que quelqu'un reste ici pour mettre le feu aux tonneaux.

Le calme avec lequel il parlait n'aida pas la réserviste à saisir l'ampleur de ses propos. Heureusement, le roi fut un peu plus réactif.

— Jae-Sun, je refuse que tu te sacrifies bêtement pour...

— Ce n'est pas un sacrifice, le coupa-t-il d'un ton tranquille. Les responsables des meurtres de Noah, ainsi que d'un trop grand nombre de personnes, ont infesté ce château. Lorsqu'il explosera, ils périront avec lui.

Aucune haine ne l'animait. Simplement une détermination et une résolution inébranlables.

— Mais... Vous n'aurez jamais le temps de remonter, tenta-t-elle de le raisonner. Vous mourrez aussi et...

Ses doux yeux bruns croisèrent les siens. L'émotion qu'elle y lut fit naître un nouveau noeud dans sa gorge.

— Je mourrais en sachant que ma mort a plus ou moins servi à quelque chose. Et même si elle est complètement inutile, j'espère enfin retrouver celui que j'aime.

De nouvelles larmes — au moins les millièmes de la journée — perlèrent sur les joues d'Alisée.

— Nous... Nous sommes redevenus mortels, murmura-t-elle. Vous pouvez tenter de profiter de ces dernières années et...

Son sourire infiniment triste la réduisit au silence.

— Je ne pense pas que l'avenir me réserve encore quoi que ce soit et du reste, je ne le demande pas. Je sais que les meilleurs moments de ma vie sont derrière moi et cela me va très bien.

Que répondre à cela ? Que dire, d'autant plus lorsqu'une part de l'ancienne vampire le comprenait ? Si Adrian ne s'était pas réveillé et s'il avait succombé au venin de loup-garou, elle aussi aurait voulu mourir. Elle l'avait souhaité, même, pendant les instants où elle avait cru le perdre à jamais. Neutre ou pas, elle aurait refusé de connaître un futur sans lui.

Cela faisait plus de soixante ans que Jae-Sun avait perdu Damien. Soixante ans qu'il ne devait que lui tarder de le rejoindre. Pourtant, il avait réussi à attendre, et entrevoyait enfin la perspective de le retrouver.

— Et... Et Danila ? bredouilla-t-elle cependant. Elle est déjà redevenue une alpha, cela va la briser si vous...

Elle repensa à la douce innocence, ainsi qu'à l'éclat qui brillait toujours dans les émeraudes de son amie. L'idée qu'il puisse s'éteindre lui était insupportable. Elle aurait voulu tout faire afin de la préserver des ténèbres de ce monde, seulement... Tôt ou tard, même les plus douces créatures devaient y être confrontées.

— Je ne me fais aucun souci pour elle, sourit-il tendrement. Elle est persuadée qu'elle aurait été la plus mauvaise des alphas, mais la vérité, c'est que les Loups de l'Émeraude seront chanceux de l'avoir. Peu de loups, surtout dotés d'un tel pouvoir, sont capables de se contrôler comme elle sait le faire.

Il baissa les yeux un instant, avant de les relever vers Alisée.

— Dites-lui... Dites-lui que grâce à elle, j'ai pu passer ces quatre dernières années aux côtés d'une personne merveilleuse et exceptionnelle, reprit-il d'une voix un peu rauque. Après Noah, je ne pensais pas avoir l'occasion d'en rencontrer une autre, pourtant j'ai eu cette chance.

La gorge toujours nouée, elle donna sa torche à Adrian pour s'approcher de Jae-Sun et lui prendre les mains. Malgré la sérénité de l'ancien chef de clan, elle pouvait voir des larmes voiler son regard.

— Je suis désolé d'avoir tué votre mère et... de n'avoir rien pu faire pour sauver votre frère, chuchota-t-il.

Elle se força à prendre une inspiration, afin de déclarer calmement :

— J'aurais voulu qu'il connaisse une fin plus douce, mais... Pour ce qui est des vingt-deux années qu'il a passées avec vous, je n'aurais pas pu lui souhaiter mieux.

Il lui sourit, puis lui pressa doucement les mains. Quand il la relâcha, elle commença à s'éloigner à regret, or il la retint juste avant qu'elle ne franchisse la porte.

— Une dernière chose, à propos de Danila, ajouta-t-il avec une certaine gravité. Si jamais elle doit revenir sur la Terre de l'Émeraude, dites-lui de ne faire confiance à personne. Je ne pense pas qu'elle soit morte à cause d'un simple verre de cidre, si vous voyez ce que je veux dire...

Elle hocha la tête, étant bien de son avis. Vint ensuite au tour d'Adrian de lui faire ses adieux. Il essaya une ultime fois de le faire changer d'avis, mais n'insista pas, le comprenant sûrement mieux que personne. Avec une peine tangible, il lui demanda de déclencher l'explosion d'ici dix minutes.

Alisée et le roi se décidèrent finalement à gagner les escaliers. Avant d'entamer la douloureuse montée des marches, elle jeta un dernier regard à Jae-Sun. Celui-ci lui adressa un sourire confiant, puis se perdit dans la contemplation de sa montre à gousset au verre brisé par les combats.

Si Adrian ne l'avait pas encouragée à le suivre en lui caressant doucement les doigts, elle ignorait si elle aurait eu le courage de laisser le Song.

Le chemin jusqu'à la surface lui parut interminable. Des larmes obstruaient sa vision et elle tarda à se rendre compte qu'elles n'étaient pas que dues à sa tristesse. Elles venaient aussi de sa brûlante blessure à la cuisse, qui transformait chaque marche en épreuve. Bien qu'elles ne soient pas très hautes, la suivante était plus infranchissable que la précédente.

— Nous y sommes presque, tu vas y arriver, ne cessait de lui répéter Adrian.

Lui-même avait le souffle court, ayant perdu l'habitude de fournir de tels efforts.

La porte menant au grand hall finit par se dessiner et ils s'empressèrent de la pousser. Ils redoutèrent un instant de se retrouver face à de nouveaux ennemis, or les lieux étaient déserts. Ils se précipitèrent du mieux qu'ils le purent vers les jardins, où des soldats en uniformes déchirés fondaient en direction de la forêt. La cime des arbres de celle-ci était visible au-delà des bosquets, mais l'orée des bois leur paraissait à des centaines de lieues.

— Ne t'en fais pas, ce n'est pas très loin, l'encouragea-t-il alors qu'elle prenait de grandes inspirations sifflantes.

Il la tira doucement par la main pour l'inciter à courir, cependant elle croyait tomber à chaque pas. Sa tête lui tournait, aussi bien à cause de ses maux de tête que de ses larmes, ainsi que du sang qu'elle perdait. Le liquide chaud coulait le long de sa jambe meurtrie, dont elle sentait la plaie s'ouvrir un peu plus à la moindre foulée.

— Ne... Ne m'attends pas, je... Je vais te retarder, bégaya-t-elle.

Si elle l'avait pu, elle se serait écroulée au pied d'un arbuste. Or Adrian ne la lâchait pas, l'interdisant de ne serait-ce qu'envisager cette possibilité.

— On va y arriver, il... Il doit nous rester quelques minutes.

Elle l'entendit maugréer quelque chose à propos du temps qu'il aurait dû donner à Jae-Sun, sans saisir exactement ce qu'il disait. La brise fraîche de cette fin de nuit d'automne refroidissait sa peau, la vrillant de picotements auxquels elle n'était plus habituée. L'air qui s'engouffrait dans ses poumons lui semblait glacé et rétrécissait sa gorge déjà nouée.

À un moment, elle trébucha contre une racine ou elle ne savait quel obstacle qu'elle n'avait pas vu. Elle se rattrapa de justesse, aidée par Adrian qui n'était pas en meilleur état qu'elle. Son essoufflement était tout aussi audible que celui de la Neutre, voire pire encore.

Lorsqu'ils dépassèrent enfin les rosiers royaux, ils comprirent qu'ils approchaient de la forêt. Malgré elle, Alisée ralentit encore le pas.

— La... Toute la falaise va s'effondrer... Y compris ici, la prévint-il en la tirant pour qu'elle accélère. Il n'y a que dans la forêt que...

Sa respiration coupée ne lui permit pas de terminer sa phrase. Elle aurait voulu lui répéter de la laisser, de ne pas l'attendre, mais expirer un seul mot lui était impossible.

Elle se força encore à mettre un pied devant l'autre, tout en espérant que cette foulée serait la dernière qu'elle aurait à faire. Prise dans cette tempête de larmes et de douleur, seule la main d'Adrian lui permettait d'avancer et de ne pas se laisser emporter par les ténèbres.

Quand les arbres ne se retrouvèrent plus qu'à une dizaine de mètres d'eux, elle se laissa envahir par l'espoir que leur lutte était enfin terminée. Plus que dix pas, plus que neuf, plus que huit, énumérait-elle intérieurement.

Or à l'instant où elle décomptait le cinquième, elle sentit une brusque onde de force la projeter en avant.

Une détonation assourdissante vrilla ses tympans, juste avant que sa tête ne vienne heurter le sol.

Note de l'auteure :

Bon, désolée, j'avoue que je n'épargne pas trop les persos en ce moment, heureusement que c'est bientôt la fin, sinon ils se seraient tous mis en grève... 😅

Si tout va bien, on se retrouve dimanche pour le dernier "vrai chapitre", puis le samedi 5 pour l'épilogue, qui marquera la toute fin de l'histoire ! Bisous ! ❤️

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