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Chapitre 46 - Réagir

— Il faut que je quitte le palais.

Seulement trois jours s'étaient écoulés depuis la mort de Nessa, pourtant Alisée avait pris sa décision.

Passer ses nuits à pleurer avec Danila et tenter de soutenir Drew ne servait à rien. Prétendre que tout allait s'arranger, non plus.

Chaque minute de plus passée dans ce château était du temps perdu, alors que désormais, celui-ci jouait sûrement en leur défaveur.

— Quoi ?

Adrian la fixait d'un air incrédule, comme s'il croyait à une mauvaise blague. Par miracle, elle avait croisé Isabella un peu plus tôt, et avait sauté sur l'occasion pour lui signifier qu'elle souhaitait parler à son père. La princesse s'était d'abord montrée peu encline à l'écouter, mais face à sa farouche détermination, n'avait pu que céder.

La belle vampire et le roi s'étaient donc retrouvés à la bibliothèque, près du petit salon de lecture où elle avait l'habitude de se poser. Or cette fois, Alisée restait plantée sur ses pieds, devant un souverain à la mine défaite.

— Je vais m'absenter pendant quelques temps, annonça-t-elle d'un ton sans appel. J'ignore quand je reviendrai, mais...

— Vous avez perdu la tête ? l'interrompit-il, les yeux écarquillés. Le royaume est un bazar absolu, et encore je reste poli. C'est tout sauf le moment de...

— Justement, si, c'est exactement le bon moment, le coupa-t-elle fermement. Je ne veux pas attendre qu'une personne de plus meure avant de réagir.

Sa voix avait immanquablement tremblé, cependant elle se força à ravaler ses larmes naissantes.

Dès qu'elle fermait les paupières, des images de Nessa, soit vêtue de sa jolie robe de mousseline rose, soit maculée de liquide rouge séché, affluaient à son esprit. Voir une autre domestique venir prélever son sang chaque début de nuit lui fendait le coeur, de même que savoir Drew incapable de sortir de sa chambre. La moindre splendide tenue lui rappelait ses heures d'essayages passées en compagnie de la Neutre, qui se débrouillait toujours pour lui dénicher les plus belles merveilles de la Cour.

Néanmoins, ce n'était pas en pleurant qu'elle rendrait justice à la jeune fille.

— Je sais comment retrouver les véritables coupables de tout cela, déclara-t-elle comme Adrian la fixait tel un chien battu. Vous et moi savons que ce n'est pas Branwell, mais tant que nous n'en aurons pas les preuves irréfutables, le peuple refusera de nous croire.

Effectivement, la rumeur que le chef des McLawrence était responsable du meurtre d'une pauvre femme de chambre s'était répandue comme une traînée de poudre. Le cadavre retrouvé devant sa porte avait tout pour l'accuser, surtout que selon de nombreux témoignages parus dans la presse, la mort de sa soeur avait considérablement altéré sa "stabilité mentale", déjà quelque peu "défaillante".

Malgré tout, il persistait à clamer son innocence. Et aussi surprenant que cela pouvait paraître, Alisée le croyait.

Elle n'était pas la seule, puisque d'après Danila et d'autres racontars, tous les dirigeants évoquaient l'idée d'un coup monté.

Un coup monté qui portait ses fruits, puisque tous les McLawrence réclamaient la tête de leur chef. Ainsi avait-il été conduit en détention dans les geôles du palais, ce qui permettait à la fois de répondre à la colère générale et de l'en protéger.

— Et vous pouvez m'expliquer comment vous comptez vous y prendre ? s'enquit Adrian, sceptique. Sans vouloir vous offenser, des centaines de soldats et d'enquêteurs sont en train de s'échiner à la tâche. Il n'y a aucune trace d'effraction dans le château et...

— Le meurtrier peut très bien être un infiltré, que ce soit un domestique ou un faux courtisan. Je suis convaincue qu'il ou elle a tué Nessa et s'est arrangé pour faire porter le chapeau à Branwell. Et cette même personne devait espionner Beatricia, ce qui l'a amenée à découvrir sa relation avec son demi-frère.

Elle se croyait au coeur de l'un de ses romans à énigme, sauf qu'elle aurait préféré que la fiction ne dépasse jamais la réalité.

— Nous ne pouvons pas encore le prouver, mais je suis sûre que toutes ces histoires ont une même origine, soutint-elle. Des individus conspirent dans l'ombre afin de faire tomber les chefs de clan et nuire à l'autorité de la monarchie.

Il croisa les bras sur son torse et soupira en baissant la tête.

— Vous avez probablement raison, cependant en tant que roi, je ne peux pas clamer cela haut et fort. À ce stade, nous ne pouvons ni écarter, ni privilégier aucune piste, surtout une aussi... inquiétante que celle-ci.

Ses yeux revinrent se planter dans ceux d'Alisée.

— Vous ne m'avez toujours pas dit comment vous entendez mettre la main sur ces potentiels complotistes.

La vampire se força à soutenir son regard. Elle savait quelle allait être sa réaction, toutefois rien ne pourrait la faire changer d'avis.

— Je ne peux pas vous le dire, personne ne doit savoir où je vais. Je vous demande simplement de m'attribuer à un clan. N'importe lequel. Il faut que je puisse me balader dans le royaume sans risquer d'être prise pour une Sans-Clan par vos soldats.

Comme prévu, la surprise s'imprima d'abord sur son visage, avant d'être vite remplacée par de l'agacement.

— Vous croyez vraiment que c'est le moment de me faire des cachotteries ? J'ai déjà assez de préoccupations comme ça. Si en plus je dois passer mon temps à me demander où vous êtes, dans quel état vous êtes, je... Je vais définitivement perdre l'esprit.

Ces mots la touchèrent plus qu'elle ne l'avait anticipé. L'idée qu'elle puisse le rendre si vulnérable faisait gonfler son coeur autant qu'elle le serrait.

— Je vous promets que je reviendrai, s'adoucit-elle en résistant à l'envie de s'approcher de lui. Il faut juste que vous me fassiez confiance.

— J'ai confiance en vous, affirma-t-il avec une sincérité déconcertante. Mais pas en ces espèces de dégénérés qui rodent dehors et qui pourraient vous faire du mal.

Si tant de choses n'avaient pas été en jeu, l'entendre prononcer de telles paroles aurait ébranlé sa conviction.

— Beatricia et Nessa ont été tuées dans l'enceinte du palais, lui rappela-t-elle. Même si la sécurité ici a encore été renforcée, je ne pense pas me mettre plus en danger à l'extérieur.

Il grogna et ébouriffa ses courts cheveux blonds, dont les reflets dorés étaient accentués par les chandelles des étagères. Alisée se souvint de leur douceur sous ses doigts, puis chassa aussitôt ce souvenir et les sensations qu'il entraînait. Hors de question de partir sur ce terrain-là.

— Et qu'est-ce qui vous dit que Branwell n'est pas le coupable ? la confronta-t-il finalement.

Elle fronça les sourcils, perdue.

— Vous avez un doute à son sujet ? s'étonna-t-elle.

— Moi, non. Par contre, cela me surprend que vous le disculpiez si vite, surtout sachant ce qu'il faisait avec sa soeur. Vous n'avez même pas cru une seconde qu'il ait pu perdre le contrôle et s'en soit pris à la première Neutre qui passait ?

L'immortelle eut la nette impression qu'il cherchait à lui retourner le cerveau.

— Il n'aurait jamais laissé le corps devant sa porte. Et de toute façon, j'ai appris qu'il n'avait pas si mauvais fond. Même désespéré, je ne pense pas qu'il aurait été capable de commettre un tel acte.

Ce fut au tour du roi d'afficher un air perplexe.

— Je sais que Beatricia et lui n'avaient aucun lien du sang, précisa-t-elle. Pourquoi ne me l'avez-vous pas dit, d'ailleurs ?

Une irrépressible once de reproche transparaissait dans sa voix. D'après les dernières paroles énigmatiques de Branwell à propos de Sa Majesté, elle supposait qu'il était déjà au courant. Et puis, comme il te l'a dit un jour, il sait absolument tout sur tout le monde...

— Parce que... Parce que vous m'aviez dit que vous ne vouliez plus en entendre parler, alors...

— Vous vous moquez de moi ? s'exclama-t-elle, ayant bien décelé sa gêne. Dites plutôt que c'est vous qui les empêchiez d'être ensemble !

En réalité, il ne s'agissait que d'une supposition presque ironique. Toutefois, le regard fuyant d'Adrian la lui confirma.

Bouche bée, elle le fixa avec effroi, attendant des explications qui se firent désirer.

— Vous... C'est vous qui avez interdit leur relation ? murmura-t-elle, incapable d'y croire. Pour... Pourquoi avez-vous...

— Il vaut mieux que vous ne vous mêliez pas de ça, grommela-t-il en se pinçant l'arrête du nez. Ils n'étaient et ne sont pas des anges.

— Mais c'est à cause de toute cette histoire qu'ils sont devenus ce qu'ils sont ! protesta-t-elle. Transformer leur liaison en quelque chose de criminel les a rongés et...

— Figurez-vous que je leur ai laissé le choix ! tonna-t-il, si fort qu'elle en sursauta.

Ses iris à l'océan orageux se rivèrent aux siens et elle se figea. Jamais elle ne l'avait vu aussi furieux, que ce soit contre elle ou quelqu'un d'autre.

— Beatricia et Branwell m'ont été offerts par leurs propres parents, qui étaient des vampires à moitié fous, commença-t-il en faisant un pas vers elle. Ils venaient de découvrir que leurs enfants respectifs, qu'ils avaient eus avant leur transformation, entretenaient une relation depuis plusieurs années. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça ne leur a pas plu. Le père de Beatricia les a forcés à boire du sang d'immortel, puis a battu Branwell à mort en obligeant sa fille à regarder. Dès qu'elle détournait les yeux ou qu'elle le suppliait d'arrêter, il le frappait encore plus fort pour qu'elle l'entende hurler. Et la mère l'a laissé tuer son propre fils.

Les mains d'Alisée se mirent à trembler.

— Quand le père en a eu terminé avec Branwell, il a brisé la nuque de sa fille. Comme ils étaient devenus des vampires, il me les a fait expédier en offrande afin de s'en débarrasser et dans le même temps, continuer d'assurer un clan à lui et sa femme. Il m'a laissé une lettre dans laquelle il me révélait leur liaison, ainsi que leur soi-disant "lien de parenté". Cela m'a un peu intrigué, donc j'ai commencé à fréquenter Beatricia, qui à l'époque, passait son temps à pleurer ici-même.

Il désigna la bibliothèque d'un grand geste. La réserviste se rappela qu'il y avait déjà fait allusion, lorsqu'elle s'était vexée qu'il "répète" avec elle la même histoire qu'avec la Blackfire.

— Elle ignorait que je savais que Branwell et elle avaient un passif. À leur arrivée, ils m'avaient raconté être de parfaits inconnus l'un pour l'autre, ayant simplement été choisis comme cadeaux par des vampires qu'ils ne connaissaient pas. Ils ne témoignaient d'aucune marque d'affection devant moi, donc j'ai voulu avoir le coeur net sur ce qu'il en était. Je leur ai tendu un... piège.

Il baissa une seconde les yeux, mal à l'aise. Sa colère s'atténuait au fil de son récit, cependant sa voix demeurait tendue.

— J'ai invité Beatricia dans ma chambre, puis ai fait venir Branwell et... Je leur ai demandé s'ils étaient partants pour une sorte de pl... Euh... Enfin, de vous savez quoi.

Alisée était à deux doigts de se laisser défaillir sur le fauteuil derrière elle.

— Branwell était d'abord méfiant, mais Beatricia a réussi à le convaincre. Il m'a clairement fait comprendre qu'il ne me ferait rien et je lui ai dit que ce n'était pas grave, qu'il n'avait qu'à...

— Épargnez-moi vos détails, l'arrêta-t-elle, la tête au bord de l'explosion.

Par pitié, que quelqu'un te vienne en aide...

— Ex... Excusez-moi, bref, je... Nous ne sommes pas allés jusqu'au bout, rassurez-vous, reprit-il à toute vitesse. J'ai rapidement saisi qu'ils étaient davantage intéressés l'un par l'autre que par moi, ce qui est un fait assez rare pour être... Passons, s'interrompit-il face à son regard noir. Je ne vous détaille pas tout, mais au final, j'ai eu la confirmation que je voulais et je leur ai fait lire la lettre du père de Beatricia. Elle s'est mise à pleurer et ils m'ont juré qu'ils n'avaient pas le moindre lien du sang. Branwell m'a raconté leur histoire et m'a même autorisé à voir le souvenir de leur rencontre, quand ils avaient quinze ans. Je les ai cru, puis leur ai soumis une petite proposition...

Elle prit une inspiration, s'attendant au pire.

— Je leur ai dit que j'aimerais les nommer tous les deux chefs de clan, mais à une condition. Qu'ils disent à tout le monde qu'ils étaient demi-frère et demi-soeur, sans avoir le droit de préciser quoi que ce soit.

La vampire sentit des larmes lui monter aux yeux, sans qu'elle ne puisse d'abord se les expliquer.

— Et ils ont accepté, conclut-il.

Il enfonça ses mains dans ses poches et un silence plana, durant lequel Alisée tenta de trouver un sens à tout cela. Or elle doutait qu'il y en ait un.

— Pour... Pourquoi leur avoir imposé cette condition ? osa-t-elle toutefois l'interroger, la gorge atrocement serrée. Pourquoi ne pas les avoir autorisés à vivre leur histoire telle qu'ils l'entendaient, tout en les laissant diriger leur clan ?

La mâchoire d'Adrian se contracta imperceptiblement.

— Parce que j'avais besoin d'un moyen de pression sur eux, avoua-t-il, la tête basse. Afin de les contrôler.

Cette fois, une perle salée roula sur la joue de l'immortelle. Il ne s'en rendit pas compte et poursuivit :

— Beatricia et Branwell avaient une soif de pouvoir sans bornes, doublée d'une ruse qui pouvait se révéler très utile en politique, mais également se retourner contre moi. Après avoir été si impuissants face à leurs parents, seul leur désir de vengeance et d'être au sommet de l'autorité comptait. Je n'y suis pour rien s'ils ont décidé d'y sacrifier leur relation.

Elle laissa échapper un petit rire étranglé, qui le fit se redresser.

— Vous n'y êtes pour rien, vraiment ? ironisa-t-elle. Vous rendez-vous au moins compte du choix que vous les avez obligés à faire ?

À la vue de ses yeux marron larmoyants, une ombre passa dans ceux du roi. Néanmoins, sa dureté ne l'abandonna pas totalement.

— Croyez-moi, quoi que vous en dise Branwell, ils ne sont pas tant à plaindre que cela. Si vraiment, au bout de quelques siècles, ils avaient souhaité tout quitter et partir vivre leur vie dans je ne sais quel village de la Terre des Loups, ils l'auraient pu. À la place, ils sont restés ici à profiter de toutes les joies de la Cour.

Certes, elle ne pouvait nier la véracité de ses propos, surtout en ce qui concernait la nécessité d'avoir un coup d'avance sur les deux chefs. En témoignait la petite "épreuve de loyauté" subie par Alisée lors de son arrivée, qui montrait clairement leur propension à défier Sa Majesté. Malgré tout, elle restait persuadée qu'Adrian aurait pu éviter d'en arriver à un tel chantage, quitte à ne jamais les nommer dirigeants.

Toute cette malignité, cette perfidie, ces coups bas... Ç'en est beaucoup trop pour toi.

Le monarque dut le comprendre, car il n'ajouta plus rien. L'emportement passé, il paraissait regretter de lui avoir relaté tout cela.

La vampire, elle, en dépit de son trouble, était satisfaite d'avoir démêlé la vérité.

— Vous m'excuserez, mais j'ai des valises à faire, murmura-t-elle en se détournant.

— Où diable voulez-vous partir ? se réagaça-t-il d'un ton qui fit serrer les poings d'Alisée. Il est hors de question que je vous laisse quit...

— Alors quoi, vous allez m'enfermer dans un cachot ? explosa-t-elle. Me garder ici comme votre prisonnière ? Parce que c'est ce que je suis pour vous, non ? Une prisonnière que vous habillez de belles robes, mais qui doit vous donner son sang et obéir à chacun de vos ordres !

Sûrement ne se serait-il pas davantage décomposé si elle lui avait envoyé un coup de poing.

La douleur qui miroita à la surface de ses yeux lui déchira le coeur, néanmoins elle ne put réprimer les mots qui débordaient de ses lèvres :

— Vous ne pouvez pas me demander de continuer à jouer les poupées bêtes et dociles, pendant qu'une autre personne innocente risque d'être assassinée ! Je refuse de...

— Et si je vous demande d'être ma nouvelle cheffe de clan ?

Elle se coupa net, peu certaine d'avoir bien entendu. Au regard intense d'Adrian, elle comprit qu'elle ne venait pas de rêver.

— Cela fait quelques jours que j'hésite, mais je crois que de toute ma vie, j'ai rarement eu autant confiance en quelqu'un, déclara-t-il, catégorique. Et aujourd'hui plus que jamais, j'ai besoin de m'entourer de personnes telles que vous.

Choquée, elle ignorait par quel miracle elle tenait encore sur ses jambes.

— Je... Je n'en serai pas capable, je...

— Bien sûr que si. À votre avis, pourquoi vous ai-je un jour fait assister à l'un de nos conseils ? Dès que nous avons commencé à passer un peu de temps ensemble, j'ai vu à quel point vous étiez intelligente, et cela n'a fait que se confirmer par la suite. Je sais que vous n'approuvez pas nos manières de faire, cependant...

— Non, vous n'avez rien compris, l'interrompit-elle. Je n'en serai pas capable, car il est hors de question que je participe à toutes vos petites machinations.

Elle n'essuya même pas les larmes qui poursuivaient leur progression sur ses joues.

— Pourquoi partez-vous, dans ce cas ? Pourquoi chercher à m'aider si...

— Je ne cherche pas à vous aider. Si je veux que ces potentiels traîtres à la Couronne soient arrêtés, c'est uniquement car ils ont tué Nessa et ruiné la vie de Drew. Pas parce que je souhaite défendre votre système.

Sa voix était plus tranchante qu'espéré, toutefois elle n'en tira aucune satisfaction. Elle finit de toute façon par se briser :

— Et... Et si je pars, c'est aussi car... Car j'ai besoin de prendre du recul. Que ce soit par rapport à la Cour ou... Par rapport à vous et moi.

Nouveau coup. Encore plus violent que le premier, peut-être.

Un frémissement agita les mains d'Adrian, en même temps que tout éclat désertait son regard.

— S'il vous plaît, l'implora-t-il dans un souffle, je...

— Je vous ai distrait et empêché d'être lucide par rapport au sort de Beatricia et...

— Ce n'est pas à vous d'encaisser la responsabilité de cela, je n'aurais jamais dû vous dire...

Alisée l'arrêta d'un geste tremblant.

— Ce n'est pas à vous d'encaisser cette responsabilité non plus, le rassura-t-elle. Malgré tout, je suis trop dépassée, pour le moment.

Elle prit une inspiration difficile, puis murmura :

— Je suis capable de vous comprendre, Adrian. Je crois vous comprendre, même. Mais toutes ces ombres qui vous entourent et vous obligent à commettre des choses malsaines et horribles... Je ne sais pas si je peux les surmonter.

Et c'était pour cela, qu'elle pleurait.

Elle ne pouvait exiger de lui qu'il soit toujours juste et irréprochable, elle avait même cru parvenir à l'accepter tel qu'il était, seulement... Cela lui devenait trop éprouvant.

Qu'elle passe au-dessus d'actes commis mille huit cents ans plus tôt et qu'il regrettait coulait de source, mais tout ce qu'il continuait d'accomplir au nom de son titre...

À l'heure actuelle, elle ignorait vraiment s'il lui était possible d'y faire face.

Les yeux rivés sur le parquet, elle tourna les talons et quitta la pièce sans laisser au roi le temps de la retenir. Les couloirs atteints, elle se força à réprimer les sanglots qui enflaient dans sa poitrine, puis tâcha de se reprendre en main.

Elle ne devait pas perdre de vue son objectif.

Sa Majesté ne l'aiderait pas à l'accomplir, tant pis. Il lui fallait passer à la seconde alternative. Aussi tordue soit-elle.

D'un pas moins décidé qu'elle ne l'aurait voulu, elle descendit jusque dans le hall. En chemin, elle s'arrêta devant un miroir et constata que les traces de ses récents pleurs se distinguaient nettement. Elle ne s'y attarda pas, n'ayant plus de temps à perdre avec ses états d'âme.

Les poings serrés, Alisée s'approcha d'une petite porte gardée par deux soldats, qui la considérèrent de haut en bas.

— J'aimerais m'entretenir avec monsieur McLawrence.

Ils froncèrent les sourcils dans un mouvement parfaitement synchronisé.

— À quel sujet ? s'enquit l'un d'eux.

— Je viens de la part du roi, afin d'informer monsieur McLawrence des dernières nouvelles en provenance de son territoire.

Bien que son ton fut assez convaincant, ils conservèrent leur air suspicieux quelques instants.

— Vous êtes celle qui a accompagné Sa Majesté à l'opéra, n'est-ce pas ?

Elle acquiesça. Avec sa robe rouge, elle avait difficilement dû passer inaperçue...

— Quelqu'un va vous guider jusqu'à sa cellule.

Ils déverrouillèrent la porte, derrière laquelle se trouvaient encore deux autres gardes. Ayant certainement suivi la conversation à travers le battant, l'un fit un signe de tête à la réserviste, l'invitant à le suivre.

Ainsi descendirent-ils en silence les interminables escaliers menant aux cachots. Le trajet fut encore plus long que dans les souvenirs de la vampire, lorsqu'elle était venue assister à l'interrogatoire des quatre loups-garous. Elle repassa devant la fameuse porte en bois qui renfermait les réserves de poudre, puis après quelques centaines de marches, atteignit le tunnel de pierre desservant les cellules.

Seuls un homme et une femme en uniformes noirs y vadrouillaient. Ils ne réclamèrent aucun compte au soldat qui escortait Alisée, se contentant de le saluer respectueusement.

— Pourrais-je avoir la clé du cinquante-deux ? demanda le garde.

Ses collègues obtempérèrent, puis la réserviste le suivit jusqu'à un battant en métal noir, qui s'ouvrit en grinçant. Elle ne put s'empêcher de songer à Adrian et ses quatre-vingt-dix-neuf années d'emprisonnement...

— Allez-y, la réveilla son escorte.

Elle s'avança et découvrit une cellule plutôt spacieuse, aux murs en roche claire. Branwell était tranquillement allongé sur une couchette en bois suspendue par des chaînes, les mains derrière la tête. De la surprise put clairement se lire sur son visage quand Alisée fit son entrée, toutefois il demeura muet.

— Appelez-moi lorsque vous aurez fini ou... si vous avez besoin d'aide, marmonna le soldat.

Sur ce, il referma la porte, laissant l'immortelle seule avec le chef de clan.

— Si j'avais su que je devais me faire emprisonner pour que vous me rendiez visite, je me serais fait accuser de meurtre plus tôt...

Un sourire narquois l'égaya un instant, mais il disparut bien vite. Le McLawrence semblait en meilleur état que la dernière fois qu'elle l'avait vu, cependant il n'était plus que l'ombre de celui qu'elle connaissait autrefois.

— J'aurais besoin que vous me rendiez un service, lança-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.

Il haussa les sourcils.

— Moi ? Vous devez être sacrément désespérée. Sans vouloir vous offenser, vous avez mauvaise mine, du reste...

— J'ai peut-être un moyen de vous sortir d'ici, le coupa-t-elle fermement. Mais pour cela, il faudrait que vous m'attribuiez à un clan. Chez les Tanner, de préférence, sinon n'importe lequel conviendra.

Il ricana et se détourna d'elle afin de contempler le plafond.

— Vous croyez vraiment que je suis en position de vous attribuer où que ce soit ? Pourquoi n'allez-vous pas demander à votre roi chéri, ou ne serait-ce qu'à Jae-Sun ? Vous vous entendez bien avec sa petite louve de compagnie, non ?

L'envie de l'insulter de tous les noms la démangea, néanmoins elle se contint.

— Le roi est contre mon départ et ne doit pas savoir où je vais. Jae-Sun aurait trop de scrupules à agir dans son dos, alors que vous, je sais que vous ne répéterez rien. Surtout que c'est aussi dans votre intérêt.

Branwell émit un faux sifflement impressionné.

— Ma parole, vous êtes une sacrée conspiratrice ! railla-t-il. Malheureusement pour vous, il se trouve que je me fiche de continuer à croupir ici... Rien ne m'attend dehors, donc autant que mon règne s'achève maintenant.

Elle retint à grand peine un grognement d'exaspération. Pourquoi diable faut-il qu'il perde sa légendaire ambition pile quand tu en as besoin ?

— Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour Beatricia, insista-t-elle. C'est un peu compliqué à vous expliquer, mais j'ai de bonnes raisons de penser que ceux qui vous ont fait accuser de meurtre sont les mêmes qui l'ont tuée. Si vous m'aidez, je parviendrais peut-être à retrouver ces coupables.

Il la considéra une seconde avec sérieux, puis leva les yeux au ciel.

— Permettez-moi de vous dire que vous avez de sacrées tendances mélodramatiques, soupira-t-il. En dépit de mon incommensurable bonne volonté, je ne peux vraiment pas vous attribuer à un clan. Avec la crise actuelle, toutes les places ont été bloquées et aucun nouvel individu ne peut rejoindre un groupe.

La vampire laissa ses épaules s'affaisser. Le mauvais sort jouait-il contre elle ? Elle allait finir par croire au retour des sorciers...

— Malgré tout, si vous tenez tant que ça à quitter le palais et ne pas risquer d'être prise pour une Sans-Clan, il y a peut-être une solution... Un peu bancale, certes, mais c'est toujours mieux que rien.

Il marqua une pause et d'un regard noir, elle le pressa d'en venir au fait.

— Il existe déjà une McLawrence qui porte le même prénom que le vôtre, avec un "z" à la place du "s". Si un soldat en patrouille cherche à contrôler votre identité, dites tranquillement votre nom et jouez la pimbêche outrée qu'on lui demande de se justifier. Tant que vous n'allez pas sur mon territoire, vous pouvez être à peu près sûre que cela fonctionnera.

À peu près, releva-t-elle intérieurement. Au pire serait-elle conduite à la Frontière où vagabondaient les âmes en peine...

— Vous êtes certain de l'existence de cette "Alizée McLawrence" ? se permit-elle de douter. Vous vous souvenez vraiment du prénom de tous les membres de votre clan ?

Il éclata d'un rire qui ne sonna qu'à moitié juste.

— Elle était dans mon lit il y a deux mois, donc à moins d'avoir été victime d'une sorte d'hallucination très développée...

Ayant obtenu ce qu'elle voulait, Alisée prit sur elle pour ne pas commenter et le remercia du bout des lèvres. Lui-même n'ajouta plus rien et la laissa silencieusement quitter sa geôle, toujours étendu sur sa couchette.

La vampire remonta les marches en compagnie du garde, pressée de quitter ces sous-sols et surtout, de préparer ses bagages.

Demain soir, Alizée McLawrence partirait en voyage sur le territoire du clan Tanner. S'il le fallait, elle arpenterait chaque taverne, même les moins fréquentables, à la recherche d'une personne bien précise.

Une personne à laquelle elle n'aurait jamais pensé devoir s'en remettre, mais qui pourtant, représentait peut-être son unique espoir de mettre un terme à ce qui se tramait dans l'ombre.

Parce qu'elle comptait bien découvrir pourquoi Kristal ne répondait plus à ses lettres.

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