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Chapitre 43 - La meilleure des nuits ?

Alisée mit un moment à retrouver ses esprits, complètement hébétée par les images qui venaient de l'emporter. Oubliant qu'elle était assise sur une balustrade à cinq cents mètres au-dessus du vide, elle se laissa un peu aller en arrière. Par réflexe, Adrian lui attrapa le bras et elle sursauta.

Il dut mal interpréter sa réaction, car dès qu'elle fut stable, il la libéra en fuyant son regard.

Rosa-Maria. La sorcière. La rose. Les cadavres. La vampire se repassait en boucle toutes ces bribes de souvenirs qui ne lui appartenaient pas, tentant d'y dénicher un quelconque sens. Or elle avait beau essayer de recoller les morceaux, trop de choses lui échappaient.

— De... Depuis quand les sorciers existent-ils ? s'étonna-t-elle.

Le roi se redressa brusquement vers elle, ne s'étant sûrement pas attendu à ce qu'elle commence par là.

La réserviste restait cependant ahurie quant à la possibilité qu'il existe une autre espèce surnaturelle. Les sorcières et sorciers vivaient seulement dans ses romans, sans même vraiment faire partie des légendes populaires. Personne ne sous-entendait que de tels mages soient un jour apparus, ni ne terrorisait les enfants avec des histoires à leur sujet.

— Euh... Eh bien, bégaya-t-il, décontenancé. Ils existaient avant que... Avant que je ne les tue tous.

— Oh.

Ce simple son fut tout ce qu'elle put articuler.

— Il n'y en avait qu'une dizaine, expliqua-t-il avec précaution, surpris par son calme apparent. Cela m'a occupé pendant quelques siècles, mais...

Il n'alla pas plus loin, comme trop honteux pour l'admettre une nouvelle fois.

Alisée ne savait que dire. Elle ignorait même quoi penser.

L'idée qu'il ait éradiqué toute une espèce aurait dû l'horrifier, pourtant... Elle se tenait toujours assise à moins d'un mètre de lui.

— Je... J'imagine que d'une certaine manière, le monde se porte mieux sans... Sans ces personnes capables de faire ce que... Ce que cette horrible femme vous a fait.

— Vous la trouvez "horrible" ? se stupéfia-t-il.

Il semblait à deux doigts de se pincer afin de vérifier qu'il ne rêvait pas. Ou plutôt, non. Il semblait à deux doigts de la pincer afin de la ramener à la réalité.

— Bien sûr, affirma-t-elle malgré tout. Jamais elle n'aurait dû vous donner cette rose.

Le monarque la considéra pareil à si elle avait perdu sa santé mentale.

— C'est moi qui lui aie demandé de tuer le fiancé de ma soeur, lui rappela-t-il, sceptique.

— Certes, mais... Elle aurait dû vous raisonner, au lieu de vous faire tomber dans un piège et utiliser ses pouvoirs pour commettre le mal.

Elle-même se demandait si elle ne perdait pas la tête, à ainsi jouer les avocats du diable. Néanmoins, cette sorcière lui paraissait tout aussi coupable qu'Adrian, voire bien davantage.

— Ma fille m'a dit quelque chose de similaire, lorsque je lui ai tout raconté. À la différence près que selon elle, quelqu'un aurait dû tuer Jacinta bien avant moi...

Contre toute attente, elle donna presque raison à la princesse.

— Et... Vous avez évoqué le terme "d'humains", reprit-elle avant qu'un silence ne s'installe. Il s'agissait de l'ancien nom des Neutres ?

Certains de ses livres se déroulant dans des mondes imaginaires utilisaient également ce mot. Il désignait toujours les créatures sans aucun pouvoir surnaturel, telles que les Neutres.

— En effet. Ce n'est que lorsque le vampirisme s'est répandu que l'appellation de "Neutres" a été préférée. Au fond, que nous soyons loups-garous, vampires ou sorciers, nous avons tous une apparence humaine.

Elle regretta de ne pas avoir de verre à proximité pour l'aider à digérer tout cela. Des sorciers. Des humains. Et demeurait un autre mystère :

— Si j'ai bien compris, le... fiancé de votre soeur était un Loup de l'Améthyste. Or que je sache, cette meute n'existe pas, si ?

Diamant, Rubis, Saphir, Topaze, Ambre, Émeraude... S'il lui révélait qu'un septième groupe vivait caché du reste du monde, elle se laissait basculer dans le vide.

— Il y a dix-huit siècles, il y avait bien des Loups de l'Améthyste. Ils occupaient le territoire qui est aujourd'hui celui des Tanner. Ils ont tous disparu au cours d'une guerre entre leur meute et les humains, ajouta-t-il comme elle fronçait les sourcils.

— Tous ? s'écria-t-elle. Vous voulez dire que des Neutres ont réussi à exterminer des milliers de loups ?

Elle voulait bien tenter de croire à l'existence des sorciers, cependant elle n'était pas non plus tombée de la dernière pluie. Autant prétendre qu'une dizaine de chiots avaient réglé le compte d'un guépard.

— Cela ne s'est pas fait en deux jours, mais en plus de mettre au point de redoutables armes en argent, les humains empoisonnaient discrètement les puits de chaque village de la Terre de l'Améthyste. L'espèce s'est éteinte au fil des années, sans que les autres meutes ne tentent quoi que ce soit pour la sauver.

L'effroi lisible sur le visage d'Alisée le fit grimacer.

— Je vous l'accorde, cette période ne respirait pas la joie de vivre... Humains et loups se haïssaient et même entre lycanthropes, la paix ne durait jamais très longtemps.

Elle songea bêtement que s'il décidait d'écrire un livre retraçant l'Histoire du monde, les bénéfices qu'il récolterait lui permettraient de nourrir son royaume pour des décennies. Elle lui souhaitait toutefois bien du courage afin de rédiger tout cela...

— Et vous, qu'avez-vous fait durant ce temps-là ? osa-t-elle demander. Vous avez combattu avec vos pouvoirs surnaturels ?

Il secoua la tête et baissa les yeux vers ses chaussures.

— J'ai vécu reclus du monde pendant au moins deux siècles. Continuer de vivre avec ma famille m'était insupportable. Je n'avais pas le courage de tout avouer à mes parents et Laetizia. Je ne pouvais même plus les regarder dans les yeux après avoir tué Rosa-Maria et... Je craignais toujours de perdre le contrôle et leur faire du mal.

Sur la balustrade, elle approcha imperceptiblement sa main de la sienne.

— Francisco était le seul avec lequel je maintenais un contact. Malgré ce que j'avais fait à notre soeur, jamais il ne m'en a voulu. Il m'a encouragé à retrouver d'autres sorciers ou sorcières qui pourraient peut-être me... "guérir" de ce qu'il m'arrivait.

Quelle situation...

— J'ai donc parcouru le royaume des humains, qui était à peine moins grand que l'actuelle Terre des Vampires. Les premières sorcières que j'ai trouvées n'ont pas été très coopérantes, alors...

Il n'acheva pas sa phrase, néanmoins elle la devina aisément.

— Au bout de quelques temps, j'ai fini par rencontrer un sorcier qui lui, paraissait désireux de m'aider. Il a reconnu le sort que Jacinta m'avait jeté et m'a expliqué que j'étais devenu un "vampire". C'était la première fois que j'entendais ce mot.

Et dire qu'il devait désormais faire partie des plus prononcés au monde...

— Grâce à un vieux grimoire, il connaissait l'unique manière de provoquer ma mort, mais ignorait exactement toutes les caractéristiques de ma nouvelle espèce. Il a tout fait afin de s'attirer ma confiance, jusqu'à me piéger pour faire de moi son... cobaye. 

Un frisson secoua la réserviste, bien que la voix d'Adrian n'ait pas tremblé.

— Il m'a enfermé dans une espèce de salle d'expérimentation et a tout mis en oeuvre afin de tester mes limites. Combien de temps pouvais-je rester sans boire de sang avant de commencer à me dessécher, est-ce que le feu était vraiment inoffensif sur moi... Enfin, je vous passe les détails.

À l'idée de tout ce qu'il avait enduré, des larmes montèrent aux yeux d'Alisée.

— Un jour, j'ai réussi à prendre le dessus sur ce détraqué. Les âmes des sorciers étaient reliées à une pierre que ces abrutis conservaient toujours autour du cou, et j'ai réussi à l'attraper. Je l'ai broyée avec ma force surnaturelle, puis ai déversé les restes dans une théière qui traînait dans la vieille maison. Je l'ai embarquée avec moi tel un trophée de chasse, en même temps que d'autres affaires. Quand j'ai retrouvé la civilisation, j'ai compris qu'une simple année s'était écoulée, alors qu'elle m'avait semblé plus longue qu'un siècle...

Il poussa un court soupir et secoua la tête comme pour se sortir de ces noirs souvenirs.

— Bref, plus d'un millénaire après, cette théière a causé quelques petits problèmes à un habitant de ce palais, mais c'est une autre histoire... En dehors de cela, plus personne n'a jamais entendu parler des sorciers.

Et si un groupe, ou ne serait-ce qu'un individu, vivait secrètement terré on ne sait où ? Elle ne se permit pas de laisser cette glaçante hypothèse dépasser sa pensée, or le roi n'était pas assez stupide pour ne pas l'avoir déjà considérée :

— Qui sait, peut-être qu'un jour l'un d'eux sortira de sa grotte ? fit-il mine de ricaner.

Cependant, aucun rire n'aurait pu sonner plus faux.

— Enfin, voilà, reprit-il sans relever la tête. Maintenant, vous pouvez voir pourquoi je suis un monstre et pourquoi je n'ai aucun droit de l'oublier.

— Non.

Cet unique mot, prononcé avec un étrange aplomb, le fit se redresser instantanément. Ses yeux osèrent affronter ceux de l'immortelle, où se reflétait une détermination brouillée par de la peine.

— Je n'ai pas changé d'avis, affirma-t-elle d'une voix grave. L'unique monstre que je vois dans cette histoire, c'est Jacinta. Ainsi que cet autre sorcier qui vous a torturé pendant un an.

Une vague d'espoir chargea le regard du roi, avant qu'il ne la refoule aussitôt.

— Ma... Ma soeur allait avoir la vie dont elle rêvait, répliqua-t-il avec difficulté. Et j'ai absolument tout brisé rien que parce que j'étais aveuglé par ma haine contre les loups-garous. Son fiancé ne lui aurait jamais fait de mal. Lorsqu'elle me l'a présenté, j'ai vu qu'il l'aimait et qu'il s'agissait de quelqu'un de bien. Cela ne m'a pas empêché de mettre au point un lâche plan pour le tuer.

Elle s'apprêta à riposter, or il la devança :

— Et le pire, c'est que je ne me suis pas tout de suite rendu compte de mes crimes. Pendant des siècles, j'ai été persuadé d'avoir agi de la bonne manière afin de sauver Rosa-Maria.

Dire ce prénom à voix haute le fit tressaillir. Il ne devait pas avoir franchi ses lèvres depuis une éternité.

Face à un homme si désarmé, si convaincu d'être aussi sombre que le ciel qui s'élevait au-dessus d'eux, il était difficile de rétorquer quoi que ce soit. Difficile, mais pas impossible.

— À l'époque où vous étiez... jeune, commença-t-elle en marquant une brève hésitation, les loups-garous semblaient terroriser les humains. Était-ce bien le cas ?

Les images et les sons qui avaient traversé son esprit demeuraient assez troubles dans celui-ci, néanmoins elle se souvenait bien d'une pensée d'Adrian. Qu'elle aille dire cela à leur tante et ses enfants massacrés par les lycanthropes, avait-il songé quand Rosa-Maria avait prétendu que Jordi savait se contrôler lors des pleines lunes.

Elle vit que cela lui coûta, mais il finit par acquiescer.

— Je ne dis pas que vous auriez dû réclamer la mort du fiancé de votre soeur, cependant, vous ne vouliez que la protéger. Comme vous le dites, vous étiez certain d'agir pour son bien et Jacinta aurait dû vous raisonner ou révéler vos plans à quelqu'un. Pas vous piéger.

Cette fois, ce fut elle qui l'empêcha d'intervenir :

— Et surtout, poursuivit-elle, je suis sûre que vous n'êtes pas le seul à avoir commis de tels actes. Je sais que vous allez me dire que vous avez causé la perte de votre soeur, et qu'il ne peut rien y avoir de pire que cela, mais certains criminels n'ont pas été condamnés pour de pareils péchés.

Jamais elle n'aurait pensé tenir un jour un discours comme celui-ci, pourtant elle en pensait chaque mot.

— Bien sûr que vous auriez dû être puni, concéda-t-elle. Peut-être même qu'être enfermé en prison toute votre vie d'humain aurait été une juste peine. Malgré tout, vous ne méritiez pas d'être maudit jusqu'à la fin des temps.

Elle remarqua à peine que la rose écarlate accrochée à sa veste ne se soulevait plus. Elle ne pouvait détacher ses iris des siens, tentant tant bien que mal de déchiffrer l'émotion qui brillait à leur surface.

Il se détourna, brisant ainsi ce troublant contact.

— En admettant que vous ayez en partie raison, comment allez-vous défendre le fait que j'ai volontairement transmis ma malédiction à d'autres individus ?

Face à son silence, il releva brièvement la tête vers elle.

— J'aurais pu vivre en ermite, or j'ai propagé le vampirisme à travers des millions d'humains. Des millions de Neutres, si vous préférez. Si cela n'est pas l'oeuvre d'un monstre, alors qu'est-ce que c'est ?

Cherchait-il réellement à ce qu'elle le déteste ? Elle allait finir par y croire.

— Pourquoi avez-vous fait cela ? l'interrogea-t-elle simplement.

Froissé qu'elle retourne la question contre lui, il se reconcentra sur le sol du balcon.

— Parce que ma fille me l'a demandé.

Elle manqua d'en perdre l'équilibre.

— Pardon ?

Elle attendit impatiemment des explications, prête à aller les arracher à la princesse s'il le fallait.

— Quand elle a approché ses vingt ans, disons qu'elle a... connu un épisode difficile, avoua-t-il à mi-voix. Grâce au sorcier qui m'avait gardé captif, je savais que mon sang pouvait transformer des humains en créatures similaires à ce que j'étais. J'avais eu le malheur de le laisser entendre devant Isabella, et elle s'est rapidement mis en tête que pour ne jamais me quitter, elle aussi deviendrait immortelle.

Seule Son Altesse pouvait prendre une telle résolution...

— J'ai évidemment refusé, mais impossible de la faire changer d'avis. Elle a commencé à me faire du chantage en ne mangeant plus rien et... Au final, je me suis retrouvé obligé d'accepter, à condition qu'elle ne soit pas la première à être transformée. Je n'écartais pas la possibilité que ce sorcier complètement fou m'ait menti et je ne voulais prendre aucun risque.

Il se passa une main sur le visage en poussant une longue expiration.

— Nous avons dû quelque peu nous mettre en danger afin de chercher des volontaires. Il était hors de question que j'inflige cela à une personne qui ne le désirait pas, mais en même temps, faire des adeptes sans risquer de finir interné était compliqué... Nous avons finalement mis la main sur des âmes désespérées prêtes à tenter le coup. Je leur ai fait boire mon sang, puis leur ai brisé la nuque et... cela a fonctionné.

Des âmes désespérées, en effet, constata-t-elle, impressionnée. Ces personnes auraient pu ne jamais se réveiller, ce qui ne les avait pas empêchées de participer à cette "expérience".

— Plus tard, nous nous sommes rendu compte que le sang des vampires transformés pouvait lui aussi engendrer d'autres immortels. L'espèce s'est propagée, tant et si bien qu'il fallait une personne pour la gouverner et la contrôler. Ma fille m'a suggéré de fonder la dynastie et la ville de "Mendoza", puis je suis devenu roi.

Ma fille m'a suggéré de fonder la maison Mendoza et d'ouvrir une boulangerie, puis je suis devenu boulanger... Rien de plus simple !

— Vous vous doutez bien que je ne vous raconte que les très grandes lignes de l'histoire, mais la finalité est la même, conclut-il. Le royaume des humains a fini par tomber, et la Terre des Vampires a pris sa place.

Imaginer que l'équivalent d'une "Terre des Neutres" ait un jour existé lui donnait presque envie d'éclater de rire. Entre cela, les sorciers, ainsi que l'origine de la transformation d'Adrian, elle ignorait quelle révélation était la plus ardue à intégrer.

— Alors, qu'en pensez-vous ? s'enquit-il sans la regarder, presque avec une once de sarcasme.

Il semblait s'attendre à ce qu'elle se lève et parte à tout moment, claquant au passage la porte-fenêtre du balcon. Or cette idée ne l'effleura pas une seconde.

— J'en pense que même si vous aviez tenu tête à Isabella, jamais vous n'auriez pu passer l'éternité seul au monde.

En dépit de la douceur d'Alisée, il laissa échapper un petit rire amer.

— Pourtant, j'y aurais bien été obligé...

Cette remarque fit émerger une nouvelle question dans l'esprit de la réserviste. Elle hésita cependant à la poser, craignant d'avoir dépassé sa dose pour cette nuit.

— Quelle... Quelle est l'exception qui pourrait entraîner votre mort ?

Et cette fois, elle ne le laisserait pas se défiler.

Puisqu'il aurait été "bien obligé" de passer l'éternité seul au monde, elle supposait qu'il ne pouvait pas lui-même provoquer sa mort. Autrement, son châtiment d'immortalité n'en aurait pas été un.

Alors que devait-il faire — ou qui devait lui faire quoi — afin qu'il meure ?

— Si je vous le dis, vous allez éclater de rire.

— Ce sera toujours mieux que de pleurer.

Résigné, il poussa un énième soupir.

— Un acte de bravoure désintéressé, articula-t-il théâtralement. Voilà ce qui pourrait me tuer.

Elle le fixa longuement et bien qu'il ne la regarde pas dans les yeux, elle eut l'étrange impression qu'il lui cachait encore quelque chose.

— "Un acte de bravoure désintéressé" ? réagit-elle enfin.

Cela pouvait impliquer un bon nombre de choses. Apporter son aide à une personne en danger, sauver une vie au péril de la sienne... Est-ce que venir au secours d'un pauvre petit chiot comptait ?

— Mais... Vous avez déjà bien dû en accomplir au cours de votre existence, non ? s'étonna-t-elle, n'y comprenant rien. Lorsque vous vous êtes laissé capturer par un ancien Grand Alpha pour qu'il libère Isabella, lorsque vous...

Lorsque vous m'avez sauvée des loups dans la forêt. Était-ce pour cela que ses blessures et sa morsure avaient mis du temps à cicatriser ? Dans ce cas, pourquoi avaient-elles fini par guérir ?

— Le problème, c'est le mot "désintéressé", avoua-t-il. Quand votre mort devient votre unique obsession, vous ne pouvez vous empêcher de vous dire que si vous accomplissez telle ou telle chose, peut-être que vous pourrez accéder à la fin que vous attendez tant. Sauf qu'à ce moment-là, votre acte devient tout, sauf "désintéressé".

Il rencontra son regard et sourit péniblement.

— Le moins que l'on puisse dire, c'est que Jacinta a pensé chaque détail de sa malédiction, se désola-t-il. Encore une chance qu'elle m'ait laissé la jeunesse éternelle, la force surnaturelle et la capacité de supporter le soleil, mais je me demande si ce n'était pas pour encore plus se moquer de moi...

Elle ne résista pas un instant de plus et posa sa main sur la sienne. Pendant une seconde, il parut sur le point de la retirer. Ne pouvant s'y résoudre, il entrelaça doucement leurs doigts.

— Je vous avais dit que vous seriez peut-être un jour la quatrième personne à connaître ce secret, déclara-t-il avec un clin d'oeil tristement dénué de malice.

Et elle lui était infiniment reconnaissante qu'il lui fasse assez confiance pour cela.

— Je... Je m'excuse encore d'être rentrée dans la pièce consacrée à... Rosa-Maria. Maintenant que je sais ce qu'elle représente pour vous, je...

— Ne vous inquiétez pas, l'interrompit-il. Vous n'avez rien fait de mal et cette pièce n'est qu'une sorte de mémorial, où je ressens parfois le besoin de me rendre. La tasse que mademoiselle Song a cassée faisait partie du même service en porcelaine que la théière où était contenue "l'âme" du sorcier. Je les garde simplement en tristes souvenirs.

Elle repensa à la si belle toile qui représentait la jeune fille blonde et un détail la froissa.

— Par quel miracle le tableau de votre soeur a-t-il résisté à presque deux millénaires d'existence ?

L'immortelle avait conscience que sa question était sûrement stupide, néanmoins elle ne comprenait pas comment des couleurs aussi splendides ne s'éclaircissaient pas avec le temps. Surtout qu'à l'époque où il avait dû être peint, les techniques de pigmentation devaient être moins développées qu'aujourd'hui, non ?

— Parce qu'il n'est vieux que d'un siècle, l'informa-t-il avec l'ébauche d'un vrai sourire. Isabella en peint de nouveaux régulièrement, à partir des souvenirs que je lui fais partager. D'ailleurs, toutes les toiles accrochées dans ma chambre sont ses oeuvres.

Décidément, entre le dôme céleste sous lequel ils avaient dansé et ces tableaux enchanteurs, la princesse cachait un sacré talent !

— La peinture est l'unique art auquel s'intéresse vraiment ma fille. À part la musique, lorsqu'elle est jouée par les Dorémi Horizons...

Il leva les yeux au ciel et l'évocation de la musique la fit songer à l'opéra. À présent qu'elle savait presque tout au sujet de Rosa-Maria, elle comprenait pourquoi cette histoire d'amour empêchée par la famille de l'héroïne l'avait bouleversé.

Et pourquoi Isabella lui avait dit qu'elle ne pouvait rien faire pour l'aider.

Or la princesse se trompait.

— Je vous remercie de m'avoir tout raconté, murmura-t-elle en serrant un peu plus ses doigts. Je sais que vous vouliez me prouver que vous êtes un monstre, mais rien de ce que vous pourrez me dire ou me montrer ne saura m'en convaincre.

Une nouvelle émotion se refléta sur ses yeux océan, réduisant les étoiles autour d'eux à la simple condition de poussière.

— Tout ce qui vous est arrivé au cours de votre vie, c'était à cause de moi, tenta-t-il de la raisonner avec la même douceur qu'elle.

Bien sûr qu'une part de vérité se cachait dans ces paroles. Elle n'était pas assez folle pour le nier. Cependant...

— Mais c'est grâce à vous si aujourd'hui, je suis là.

Et à cet instant précis, elle n'aurait voulu être nulle part ailleurs.

Adrian dut le lire dans son regard, car il réduisit un peu plus l'espace qui les séparait. Il sonda une ultime fois ses iris marron, comme pour s'assurer qu'elle désirait la même chose que lui. Puis sans plus attendre, il posa ses lèvres sur les siennes.

À ce contact — certes froid, mais follement brûlant— Alisée comprit que leur premier baiser sur le rebord de la fenêtre n'en avait pas été un. Si elle lui avait laissé le temps de l'embrasser tel qu'il le faisait maintenant, elle en aurait basculé dans le vide.

Jamais elle n'avait rencontré des lèvres à la fois si douces et enflammées, si apaisantes et étourdissantes... Emportée par cette tempête de délicieuses contradictions, une seule envie l'animait : celle d'être encore plus proche de lui.

Sans qu'il ne se détache d'elle, elle sentit qu'il quittait la balustrade pour se remettre sur ses pieds et se placer face à elle. Peu embêtée par sa jupe souple et légère, la vampire écarta les jambes et vint les enrouler autour de ses hanches. Elle laissa ses doigts agripper la nuque du roi, à la naissance de ses courts cheveux blonds. Secrètement, elle avait toujours rêvé de les caresser. Les mains d'Adrian prirent possession de sa taille, lui promettant de ne jamais la lâcher. Et c'était précisément ce qu'elle souhaitait.

À vrai dire, peut-être que la princesse ne se trompait pas complètement. Peut-être que l'aider à surmonter son passé et les ombres qui l'accompagnaient était hors de sa portée.

Néanmoins, il y avait bien une chose qu'elle pouvait faire : l'accepter tel qu'il était.

Avec un bon nombre de défauts, elle devait l'avouer. Mais ils ne surpassaient pas les incroyables qualités qu'elle avait su lui découvrir. Son humour espiègle, compensé par sa capacité à se montrer sérieux dès qu'il le fallait, sa bonté et sa générosité, bien cachées derrière son apparente désinvolture...

Toutes ces petites choses qui faisaient qu'elle était tombée amoureuse de lui.

Elle poussa un léger soupir quand Adrian fit glisser ses paumes sous ses cuisses, afin de la soulever et la faire à son tour quitter la rambarde. Bientôt, elle ne perçut plus aucune brise estivale, signe qu'il l'amenait à l'intérieur de sa chambre. Elle n'ouvrit pas les yeux pour le vérifier, resserrant encore plus son étreinte autour de lui. Ainsi dans ses bras, seulement séparés par leurs maigres couches de vêtements qui lui paraissaient pourtant bien trop épaisses, elle sentait qu'il la désirait de tout son être.

Et elle aussi brûlait d'un feu trop longtemps contenu.

Arrivés près du lit, elle lui enleva sa veste noire, puis de ses doigts frémissants, entreprit de défaire les boutons de sa chemise. Il s'écarta d'elle pour l'aider en faisant passer le tissu par-dessus sa tête. Ouvrant enfin les paupières, son regard s'attarda sur le torse aux muscles parfaits qu'elle avait entrevu quelques mois plus tôt, avant de remonter vers les yeux brillants de fièvre qui ne la quittaient pas.

— Comment suis-je censé enlever une telle robe ? murmura-t-il d'une voix rauque en reposant Alisée au sol.

Avec un petit sourire, elle attrapa sa main et la guida jusqu'à son corsage lacé à l'avant.

— Vous allez vraiment me faire croire que vous ne savez pas comment vous y prendre ?

Il lui rendit son air malicieux et l'embrassa de nouveau. Elle frissonna en sentant ses doigts s'aventurer près de sa poitrine, tandis qu'il défaisait les lacets qui retenaient sa robe. Cette dernière ne tarda pas à rejoindre la veste et la chemise, laissant la vampire en simples sous-vêtements.

Il l'allongea ensuite doucement sur le matelas, pareil à s'il se retenait de ne pas aller trop vite. Elle se démena pour retirer ses chaussures du bout des orteils, mais l'une lui résista. Mille insultes envers l'escarpin lui vinrent à l'esprit, surtout lorsque les lèvres d'Adrian la quittèrent afin qu'il puisse l'aider.

Agenouillé à l'extrémité du lit, il déposa des baisers sur ses chevilles, puis remonta le long de ses jambes interminables. Chaque parcelle de sa peau s'embrasa à son passage. Il éveillait en elle des sensations que même en un siècle, elle ne se souvenait pas avoir déjà éprouvées. De lointains martèlements sourds lui parvinrent, si bien qu'elle crut que son coeur s'était remis à battre. Un gémissement faillit lui échapper quand le roi atteignit l'intérieur de ses cuisses, à quelques millimètres du tissu de...

— Adrian, tu es là ? résonna une voix masculine, comme venue du fond d'une cave.

L'interpellé ne répondit pas et Alisée se mordit un doigt pour ne pas faire de bruit, peu aidée par les baisers brûlants qui poursuivaient leur progression.

— On a vraiment besoin de toi, il faut que tu viennes, insista la voix depuis l'autre côté de la porte. Est-ce que je peux entrer ?

Adrian poussa un grognement de rage, qui vibra délicieusement contre la chair de la réserviste. Ses lèvres se retirèrent de ses cuisses et il sauta vivement du lit, bien décidé à chasser l'intrus.

Pendant qu'il entrouvrait la porte, sans prendre la peine de remettre sa chemise, l'immortelle reprit son inutile souffle.

— Tu as intérêt à avoir une bonne raison, l'entendit-elle rugir, autrement hier soir était la dernière fois que tu te...

Le visiteur l'interrompit, or elle n'écouta pas ce qu'il dit. Elle tenta plutôt de calmer les frémissements qui agitaient son corps, mais elle savait que ce dernier réclamait encore plus. Que cet importun aille au diable ! hurla-t-elle intérieurement.

Malgré ses invectives silencieuses, de longues secondes s'écoulèrent avant qu'Adrian ne referme le battant. Ayant été trop étourdie pour prêter attention à la conversation, elle s'étonna de lui voir une mine préoccupée.

— Qu'est... Qu'est-ce qu'il se passe ? s'enquit-elle difficilement, la voix enrouée.

Elle se redressa sur ses coudes et plia un genou, dans une posture involontairement sensuelle, surtout en une telle petite tenue. Ce n'est qu'en le voyant balbutier qu'elle se rappela que ses dessous laissaient ses jambes entièrement nues, et que sa poitrine débordait largement de son corset blanc.

— Je... Euh... Le palais est en train de subir une intrusion, articula-t-il en peinant à la regarder dans les yeux.

Elle-même avait du mal à se concentrer sur autre chose que son torse, sur lequel les flammes des bougies dessinaient un jeu de lumière envoûtant.

— Quoi ? souffla-t-elle.

Il se pencha à regret pour ramasser sa chemise.

— Un groupe de vampires armé est entré dans le château. Apparemment, leur cible est Beatricia.

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