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Chapitre 34 - Cadeaux empoisonnés

— Heureusement que je ne suis plus une louve, car je suis sûre que toute cette poussière m'aurait déclenché une crise d'allergie ! se plaignit Danila en fronçant le nez.

Et ce n'était pas Alisée qui allait la contredire. Étant donné qu'en attendant des nouvelles de Kristal, elle se retrouvait complètement désoeuvrée, Adrian lui avait suggéré de poursuivre ses recherches de Cordes cassées, le fameux livre exclusif d'Amy Melton. Le roi s'était souvenu d'une petite réserve située dans les étages supérieurs de l'aile ouest, que les jeunes vampires pouvaient fouiller sans risquer de tomber sur de nouveaux objets trop personnels...

Seulement, cette petite pièce obscure, où s'entassaient mille coffres en bois, était un véritable nid de saletés. Des toiles d'araignées pendaient le long des murs d'un beige sale, si bien que la réserviste avait fini par tomber sur l'une des tisseuses. Son hurlement avait entraîné celui de l'ancienne louve, puis elles avaient fini par se moquer d'elles-mêmes.

— Nous devrions faire le ménage plutôt qu'une fouille, plaisanta Alisée. Je suis certaine que des souris et des rats ont élu domicile au fond de ces caisses.

— Au moins ne gênent-ils personne tant qu'ils restent ici... Beatricia et Branwell devraient prendre exemple.

Elles gloussèrent et prirent leur courage à deux mains afin de soulever un nouveau couvercle, aux planches rongées par les insectes. Un tas de vieux papiers s'entassaient dans le contenant, ce qui les encouragea à soulever précautionneusement les feuilles.

— Seule la Lune sait ce qui se cache là-dessous, marmonna Danila.

Si aucune bête sauvage ne leur sauta dessus, elles ne mirent pas davantage la main sur un livre. Les papiers étaient à peine lisibles, l'encre s'étant effacée avec le temps. Pourquoi le monarque ne brûlait-il pas ces documents inutiles ? Il a de la chance d'habiter un château et non pas une vieille bicoque biscornue...

Les immortelles s'occupèrent donc chacune de deux nouveaux petits coffres. La plus vieille tomba sur des masques tout abîmés, l'autre sur de la porcelaine ébréchée, bien loin de celle qu'elle avait cassée.

— Si je la fais "accidentellement" tomber par terre, tu crois que le roi te réinvitera dans les cuisines, cette fois ? sourit-elle malicieusement.

Alisée prit une inspiration poussiéreuse et se félicita de ne pas lui avoir touché un mot de sa dernière visite aux appartements royaux... Cet entretien au-dessus du vide aurait alimenté bon nombre de ses taquineries.

— Non, mais peut-être que le gâteau qu'il t'offrira sera au chocolat empoisonné, répliqua-t-elle avec un clin d'oeil.

— Oh, ne me parle pas de chocolat ! C'est l'aliment qui me manque le plus ! Quand tu vois que j'ai vomi toutes les fois où j'ai essayé d'en remanger... Jae-Sun a même voulu me faire tester le chocolat chaud sanglant, sauf que c'était absolument immonde. 

Son amie voulait bien la croire.

— D'ailleurs, lors du bal, tu as laissé entendre que tu étais morte en buvant du cidre, commença-t-elle lentement, de peur de la mettre mal à l'aise. Que s'est-il passé, au juste ? Tu n'es pas obligée de m'en parler si cela te dérange, bien sûr, s'empressa-t-elle d'ajouter.

Mais Danila balaya ses inquiétudes d'un geste.

— Oh, ne t'en fais pas, je suis étrangement à l'aise avec le fait de parler de ma "mort"... Un peu trop peut-être, même.

Elle parut se remettre en question un court instant, puis reprit :

— En fait, je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé. J'étais à une réception donnée sous une petite terrasse abritée, à la lisière d'une forêt de la Terre de l'Émeraude. Elle avait été organisée par ma tante, comme un dernier "test" avant que je ne prenne mes fonctions d'alpha et... Tout se passait bien, jusqu'à ce que je boive un verre de cidre, puis... J'ai un énorme trou de mémoire. Je me souviens à peine du moment où Jae-Sun m'a trouvée au beau milieu de la neige et demandé si je voulais bien devenir une vampire.

Voilà qui était plus qu'étrange...

— Tu es certaine qu'il s'agissait simplement de cidre ? s'enquit Alisée, même si elle se doutait que la concernée n'avait pas dû l'attendre pour y réfléchir. Normalement, ce n'est pas ce qu'il y a de plus fort... Je ne vois pas comment cela aurait pu te provoquer une amnésie et encore moins te tuer.

— Crois-moi, Jae-Sun m'a posé au moins un milliard de questions à ce sujet, et je peux t'assurer que c'était du cidre. Il pense que quelqu'un a rajouté quelque chose dans mon verre, mais je ne vois pas pourquoi...

La réserviste faillit lui rappeler qu'à l'époque, elle était une alpha, et donc sûrement quelqu'un d'assez exposé aux jalousies et autres convoitises. Peut-être avait-elle des ennemis dont elle ne soupçonnait pas l'existence, à commencer par des personnes qui auraient eu des différends avec sa tante et se seraient rabattues sur sa nièce. Néanmoins, comme elle n'en avait en réalité aucune idée, elle préféra ne pas l'inquiéter inutilement.

Et puis de toute façon, maintenant que le mal était fait, qu'est-ce que cela aurait changé ?

— Au final, cela a été une bonne chose pour tout le monde, fit Danila en haussant les épaules. La Terre de l'Émeraude se porte bien mieux sans moi, et inversement...

— Je suis sûre que tu aurais malgré tout parfaitement bien assuré ton rôle, tenta de la convaincre son amie.

L'ancienne louve esquissa un petit sourire, mais secoua tristement la tête.

— Enfin, peu importe, conclut-elle en retrouvant son entrain. Nous ne le saurons jamais et tant mieux. Et toi, comment t'es-tu un beau jour réveillée avec d'adorables canines ?

Alisée détourna aussitôt le regard, envahie par une soudaine sensation de malaise. Des souvenirs émergèrent des tréfonds de sa mémoire, jusque-là enfouis sous des couches et des couches d'histoires fictives, issues de ses innombrables lectures. Elle s'obligea à ne pas clore ses paupières, derrière lesquelles auraient défilé des choses qu'elle ne souhaitait pas revoir. Ne pas y penser, ne pas y penser.

Tu... Je suis désolée, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, balbutia Danila, ayant remarqué son trouble. Nous pouvons parler d'autre chose, ou juste continuer à chercher le livre en sil...

— Non, l'interrompit-elle un peu brusquement. Non, ne t'inquiète pas. C'est simplement que... J'essaye toujours de tout faire pour ignorer ce souvenir, mais lorsqu'il revient je... Je n'arrive jamais à contrôler les émotions qu'il entraîne.

Une telle obstination à jouer les autruches en devenait presque ridicule, cependant jusque-là, elle n'avait pu se résoudre à affronter ce sombre passage de son existence. Un passage peut-être encore plus terrible que son enlèvement et celui de son frère, bien qu'il soit difficile d'établir une telle "échelle d'horreurs".

Danila ne paraissait trop savoir quoi dire ou quelle réaction adopter, alors Alisée prit sur elle pour se maîtriser et ne pas laisser les ténèbres de son passé la submerger.

— Tu m'as raconté ton histoire, déclara-t-elle doucement. Je crois qu'il serait normal que tu entendes la mienne et... Je pense même que cela pourrait me faire du bien d'en parler.

En vérité, elle n'avait jamais eu le courage d'en discuter avec qui que ce soit. Évidemment, il était hors de question d'en toucher un mot à Kristal. Néanmoins, sûrement aurait-elle pu trouver une oreille attentive en l'une des Neutres qui s'étaient succédé au manoir de Dame Miranda.

Seulement, elle avait préféré conserver tout cela au fond d'elle, dans l'espoir que si elle ne mettait pas de mots dessus, elle pourrait faire comme si ce moment ne s'était jamais produit. Or au contraire, l'ignorer n'avait fait que le rendre plus sensible et douloureux.

Son amie s'assit au bord d'un imposant coffre en bois et l'invita à prendre place à ses côtés. Elle posa près d'elles le chandelier qui les éclairait, apportant un peu de chaleur au milieu de cette obscure petite pièce. Les mains posées sur ses genoux, Alisée ne put empêcher ses doigts de chiffonner le tissu de sa jupe rose foncé.

— Je... Je ne sais même pas par où commencer...

Danila posa avec douceur une main sur la sienne, mettant ainsi fin à l'agitation frénétique de ses phalanges.

— J'imagine que tu es devenue une vampire lorsque tu vivais en tant que Neutre chez Dame Miranda, ton ancienne propriétaire, c'est ça ?

Reconnaissante qu'elle l'aide à trouver un point de départ, elle hocha la tête.

— Cela faisait cinq ans qu'elle m'avait achetée et que je lui fournissais mon sang tous les jours, en plus d'effectuer d'autres tâches ménagères ou des commissions au village. Je commençais à m'y habituer, mais... Elle était parfois prise d'accès de violence dès qu'il m'arrivait de rentrer en retard quand je devais aller faire des courses et...

Elle frissonna au souvenir de ses prélèvements de sang interminables. Les canines de la vieille vampire s'enfonçaient si profondément dans son poignet qu'il lui semblait parfois qu'elle allait perdre son bras.

— Quand j'avais le malheur de me plaindre ou d'émettre une remarque, elle me rappelait que lors de ma vente, j'avais failli être achetée par une maison close ou un riche vampire qui me voulait uniquement pour que je sois son jouet et... Enfin, tu as compris. Elle voulait donc que je la considère comme ma "sauveuse", ce qui en soit, n'était pas entièrement faux...

La main de la jeune immortelle se resserra sur la sienne et elle n'osa pas lever les yeux vers elle. Elle fixa le parquet sale, honteuse du destin qui aurait pu être le sien. Adolescente, sa beauté lui avait permis de se trouver un fiancé afin de protéger sa famille, sauf qu'une fois entrée dans l'âge adulte et laissée à la merci de ce monde pervers, elle s'était révélée être une malédiction.

— Comme elle réclamait souvent que je lui apporte toutes sortes de choses du village, poursuivit-elle, cela me permettait de quitter le manoir et faire quelques rencontres. Un jour, un commerçant a refusé de me vendre une paire de gants réclamée par Dame Miranda, car il venait d'augmenter le prix et elle ne m'avait pas donné assez pour le payer. Je savais qu'elle serait affreusement en colère si je ne lui ramenais pas ce qu'elle voulait, alors je me suis presque mise à fondre en larmes. Un client qui faisait la queue derrière moi est intervenu et a complété la somme qu'il me manquait. Je l'ai remercié peut-être un milliard de fois et en échange, il m'a simplement demandé si je voulais bien boire un thé avec lui.

Au souvenir de ce moment précis, elle réprima un léger sourire nostalgique.

— Il s'agissait d'un très riche loup-garou, un fils des plus éminents marchands de la capitale. Il a été adorable pendant ce rendez-vous et... Cela va te paraître horrible, et ça l'est, mais... Il m'est venu à l'idée que si je réussissais à le séduire, peut-être ferait-il quelque chose pour me racheter à Dame Miranda.

Aujourd'hui encore, elle se dégoûtait elle-même. Jamais elle n'aurait pensé être désespérée au point d'abuser de ses charmes sur un pauvre jeune homme plein de bonnes intentions. Hélas, en ces temps-là, elle s'était imaginé que si elle parvenait à le faire succomber, jusqu'à ce qu'il se décide peut-être à l'épouser, elle aurait les moyens d'entreprendre un voyage sur la Terre de l'Ambre, où elle espérait retrouver sa famille.

Et aidée par un miracle, il se pouvait aussi qu'elle mène des recherches afin de savoir ce qu'était devenu Damien, cinq ans après qu'il ait été mené sur la Terre des Vampires.

— À ta place, n'importe qui aurait fait pareil, la rassura Danila. J'ose à peine songer à ce que devait être ta vie chez Dame Miranda.

— D'autres Neutres ont plus tard vécu la même chose que moi, pourtant aucune n'a délibérément choisi de jouer la carte de la séduction, se désola-t-elle en conservant le regard baissé. Je me suis arrangée de manière à recroiser plusieurs fois ce loup-garou, puis nous avons commencé une vraie... relation.

Elle se souvenait avoir également eu des scrupules par rapport à Colin, son ancien fiancé, ayant presque l'impression de le tromper. Malgré tout, au fil des mois, elle avait fini par éprouver des sentiments sincères pour Terence, le riche loup-garou.

— Bien sûr, Dame Miranda ignorait absolument tout et il ne fallait en aucun cas qu'elle l'apprenne. J'inventais je ne sais combien de prétextes afin de me rendre au village et je craignais toujours de rentrer en retard ou d'éveiller ses soupçons. Au bout d'environ six mois, le loup m'a annoncé qu'il voulait racheter mon titre de propriété. Il savait que ma propriétaire ne me laisserait pas partir sans qu'il n'ait payé une somme plus que conséquente, donc il lui a proposé... soixante mille pièces d'or.

— Soixante mille ? répéta l'ancienne louve, ahurie. Mais... J'avoue ne pas y connaître grand-chose, mais je crois que c'est au moins le quadruple du prix moyen d'un Neutre !

Alisée eut à nouveau un sourire triste.

— Lorsqu'il a enfin annoncé ça à Dame Miranda, nous étions certains qu'elle allait accepter. Elle avait beau déjà être riche, personne n'aurait refusé une telle somme, surtout qu'au fond, elle me détestait. Cependant, elle a décliné son offre et... Il a vraiment tout fait pour la convaincre, mais pas une fois elle n'a laissé entrevoir la possibilité de me laisser partir.

La dureté glaçante de la vieille vampire lui revint à l'esprit. Elle revoyait encore son petit rictus malfaisant, alors que le pauvre Terence tentait par tous les moyens de la persuader. À un moment, ses yeux verts si perçants avaient rencontré ceux de la jeune Neutre. Cette dernière avait de suite compris que quoi que lui dirait le loup, jamais elle ne se déferait de sa possession.

— Je m'attendais à ce qu'il persévère davantage, seulement au final, il m'a juste dit qu'il ne voulait pas se torturer avec une histoire impossible et qu'il préférait rompre maintenant.

— Quoi ? s'écria Danila dans un grand élan d'indignation qui accomplit l'exploit d'amuser la vampire. Euh, désolée... Je ne veux pas le juger, mais...

Elle ne termina pas sa phrase et Alisée laissa enfin leurs regards se croiser. Celui de la plus jeune exprimait déjà une profonde tristesse. Est-ce vraiment une bonne idée de lui raconter la suite ?

— Ne t'inquiète pas, avec le recul, je comprends complètement pourquoi il a agi de cette façon. C'était peut-être même la meilleure décision de sa vie. J'étais son unique source de problèmes et tenir tête à Dame Miranda aurait sûrement causé sa perte.

Il y a soixante-dix-sept ans, elle n'avait pas pleinement conscience de la cruauté sans limites de sa propriétaire. Désormais, elle imaginait aisément ce qu'il serait arrivé à Terence si sa menace avait perduré.

— Il n'empêche que pendant les jours qui ont suivi, je me suis sentie affreusement mal. J'avais la tête qui tournait, des nausées, me mettait subitement à pleurer... J'ai mis cela sur le compte du désespoir, sans penser une seconde à...

Elle s'interrompit et son amie serra davantage sa main, ayant certainement en partie deviné la suite.

— Dame Miranda s'est montrée extrêmement calme, continua-t-elle du mieux qu'elle le put. Je m'attendais à recevoir la pire des punitions après le départ de Terence, or elle m'ignorait totalement. Elle voyait pourtant que j'étais dans tous mes états et on aurait presque dit qu'elle avait pitié de moi. Elle a même dû remarquer que je n'arrivais plus à trouver le sommeil car un soir, elle est venue m'apporter une tisane afin de "calmer mes nerfs". J'ai hésité à la lui renvoyer à la figure, mais je me sentais tellement mal que... j'ai fini par tout boire.

Elle se souvenait encore du goût métallique qui lui était resté au fond de la gorge après avoir pris cette soi-disant "verveine". Il lui était tout simplement venu à l'esprit que la vampire avait dû mélanger la plante à quelques autres herbes, sans songer à un ingrédient beaucoup plus dangereux...

— Dès que j'aie eu terminé ma tasse, Dame Miranda s'est approchée de moi comme pour me la reprendre, sauf que...

Ses mains se libérèrent instinctivement de celles de Danila et vinrent couvrir sa nuque. Le craquement qu'avait produit cette dernière lorsqu'elle s'était faite briser par la vieille immortelle résonnait encore dans ses oreilles. Le dernier bruit que tu as entendu en tant que Neutre.

— Je... Je suis bien sûr morte sur le coup, déclara-t-elle d'une voix éraillée. Il m'a fallu au moins une journée avant de me réveiller, puis j'ai immédiatement compris ce... Ce que j'étais devenue.

À peine ses paupières ouvertes, elle s'était brusquement redressée dans son lit et avait machinalement massé sa nuque douloureuse. Ce simple geste lui avait fait comprendre que si elle était toujours en état de l'effectuer, alors il y avait un problème.

Était ensuite venue la sensation d'être plongée dans un bain glacial, celle d'avoir un affreux vide à l'intérieur de la poitrine, d'entendre les moindres bruits avec une précision et un volume décuplés... Cependant, tous ces maux n'étaient que de légers désagréments face à l'atroce douleur qu'avait ressentie Alisée au niveau du ventre. Un coup de poignard ne lui aurait sans doute pas fait plus mal.

— La seconde d'après, j'ai également compris... pourquoi je m'étais sentie aussi mal pendant les jours précédents.

Elle n'avait pas terminé sa phrase que déjà, Danila la prenait dans ses bras, n'ayant pas besoin de plus de mots. Bien que son corps soit aussi froid que le sien, elle apprécia cette douce étreinte, reconnaissante de pouvoir compter sur un tel soutien.

Aucune larme ne vint naître aux coins de ses yeux. Ce souvenir était sans doute le plus terrible de son long siècle de vie, mais avec le temps, elle avait fini par se résoudre à l'idée que les choses étaient peut-être mieux ainsi. Dame Miranda n'aurait jamais accepté de la laisser avec son enfant, si celui-ci était venu au monde. Que serait-il devenu ? Des fois, elle s'imaginait que Terence aurait sûrement consenti à l'élever, quitte à ce qu'il soit séparé de sa mère pour toujours. Or elle ne pouvait en être certaine.

Néanmoins, avoir conscience de tout cela n'atténuait pas sa douleur. Ce jour-là, elle avait compris de la plus rude des manières ce qu'elle avait perdu... et ce qu'elle ne retrouverait jamais. Envolés, ses espoirs de fonder une famille bruyante, chamailleuse, mais par-dessus tout aimante, telle que celle formée par son père, sa belle-mère et ses frères et soeurs. Car si elle avait toujours rêvé de grands voyages, elle s'était plus tard rendu compte que cela ne servait à rien si elle n'avait personne avec qui les partager.

— Je me sens encore plus égoïste que je ne le suis de m'être tant plainte devant toi, commença Danila en se détachant doucement d'elle. J'étais presque soulagée lorsque je suis devenue une vampire, alors que toi tu...

— Nous n'avons pas tous les mêmes vies et heureusement, la coupa Alisée avec un vague sourire. Le vampirisme a... quasiment détruit la mienne, tandis qu'il t'a permis d'échapper à un destin dont tu ne voulais pas.

L'ancienne louve entrouvrit les lèvres, mais ne trouva rien à répondre. Ses émeraudes exprimaient une infinie compassion, ainsi qu'une ombre d'effroi.

— Co... Comment cette Dame Miranda a-t-elle pu faire une chose pareille ? Est-ce qu'elle savait que...

Elle ne termina pas sa phrase, ce qui n'empêcha pas la réserviste de saisir où elle voulait en venir.

— Non, la rassura-t-elle. Du moins, je ne le crois pas. Je ne le savais pas moi-même, comment l'aurait-elle pu ? Quand elle est revenue dans ma chambre afin de voir si je m'étais bien transformée, elle a immédiatement vu le sang partout et paraissait sincèrement choquée. Cependant, elle n'a fait aucun commentaire et m'a simplement évitée lorsque j'ai essayé de lui sauter dessus.

Sa volonté de tuer quelqu'un n'avait jamais été aussi forte qu'à ce moment. La vision de la vieille vampire lui était insupportable. Elle voulait qu'elle paye pour tout ce qu'elle avait fait, lui arracher ses petits yeux verts perçants... Pourquoi ? lui avait-elle hurlé en tentant vainement de l'atteindre, assaillie de vertiges dus à sa nouvelle condition. Pourquoi ne pas m'avoir vendue à Terence si c'est pour ensuite me transformer ? La réponse s'était révélée claire et nette.

— Elle m'a dit que je lui étais utile en tant qu'immortelle car... elle savait que si elle devait un jour retourner sur la Terre des Vampires, le roi ne pourrait jamais lui refuser le cadeau que je représentais.

Ainsi, même si Terence ou un autre avait proposé tout l'or du monde à Dame Miranda, en aucun cas elle ne se serait séparée d'Alisée. Le sacrifice de Damien était censé l'éloigner du monarque, or au final, elle se retrouvait malgré tout destinée à lui être offerte.

— Elle m'a prévenue qu'à la moindre fuite, à la moindre tentative de lui faire du mal, mes petites soeurs, Nehanda et Malaïka, seraient tuées. C'est là qu'elle m'a montré la lettre écrite par l'une des jumelles, qui prouvait bien qu'elle les avait retrouvées.

Danila en restait sans voix. Pour quelqu'un d'aussi doux et adorable qu'elle, une telle cruauté incarnée en une personne devait lui être difficilement concevable. 

— Tu... Tu as donc ensuite passé des décennies à vivre sous son toit tout en contrôlant ta haine à son égard ? finit-elle par s'horrifier. À ta place, j'en aurais été incapable.

Alisée soupira en perdant son regard sur l'une des caisses de la petite réserve.

— Crois-moi, plus d'une fois j'ai failli dépasser les bornes et elle savait toujours comment me rappeler à l'ordre... Mais avec le temps, j'ai fini par me rendre compte que je ne valais pas tellement mieux qu'elle.

Face à l'incompréhension de son amie, elle se lança :

— Des années plus tard, une Neutre au service de Dame Miranda s'est elle aussi retrouvée enceinte. Sauf qu'elle est morte peu après la naissance de son bébé, une petite fille, que l'autre vieille vipère a décidé de garder pour faire d'elle notre nouvelle réserve de sang. J'aurais pu l'aider, décider de m'en occuper comme de mon propre enfant, au lieu de quoi... Je l'ai laissée subir je ne sais combien de maltraitances, sous prétexte que j'avais peur que Dame Miranda se venge sur mes nièces.

Or en réalité, il lui était parfois plus facile de ne rien faire pour cette pauvre petite Neutre qui n'était pas sa fille, plutôt que de prendre sa défense. Certes, elle avait quand même fait des choses pour elle, mais sûrement pas autant qu'elle l'aurait pu.

— Alors là, je t'interdis de te comparer à cette... Cette sangsue maléfique ! s'exclama Danila. Tu n'as rien à voir avec elle et je trouve qu'au final, elle s'en tire beaucoup trop bien ! Ne pourrais-tu pas demander au roi de la bannir de son clan ou je ne sais quoi ? Jae-Sun connaît Benjamin, le chef des Tanner, je suis sûre qu'il pourrait s'arranger afin qu'il lui arrive quelques gentils petits problèmes...

Sa suggestion réussit à faire glousser Alisée, en dépit de sa mélancolie due au souvenir de tout ce qu'elle lui avait raconté.

— Je ne veux plus me préoccuper d'elle et crois-moi, revenir sur la Terre des Vampires lui a déjà été une assez bonne punition.

Et puis se venger ne lui ramènerait pas sa famille, ni ne la ferait redevenir une Neutre.

— En tout cas, reprit la belle immortelle en serrant sa main, je suis soulagée d'avoir pu en parler à quelqu'un. Garder tout cela pour soi pendant des décennies n'aide pas vraiment à prévenir les... débordements, disons.

Sa crise dans les jardins, lors de l'une des dernières pleines lunes, où tout était violemment remonté à la surface, constituait un bon exemple.

— Quant à moi, je suis heureuse que tu me fasses suffisamment confiance pour m'en avoir parlé, lui sourit Danila. Personne ne devrait avoir à vivre cela, surtout en étant aussi seule.

La réserviste la remercia silencieusement, puis après une longue inspiration, se leva du coffre en bois.

— Nous étions venues ici afin de trouver un livre, et voilà que nous sommes parties en thérapie et récit de vie improvisés ! Ce n'est pas comme ça que nous allons avancer, fit-elle mine de déplorer.

Ce pauvre Cordes cassées allait décidément rester perdu jusqu'à la fin des temps !

— Peut-être que le roi l'a trouvé avant nous et va te l'offrir dans trois jours, pour la Journée des Boîtes, supposa l'ancienne louve en se levant à son tour.

Alisée resta sceptique à l'évocation de cette "Journée des Boîtes", ce qui rappela à son amie qu'elle ne connaissait pas encore tout du palais.

— Oh oui, je ne t'en ai jamais parlé ! Tous les ans est organisée une nuit spéciale, avant laquelle chaque courtisan se réveille avec une petite boîte posée devant la porte de sa chambre. Elle contient une surprise, qui peut être aussi ridicule qu'une allumette, ou aussi précieuse qu'une montre à gousset décorée de diamants. L'année dernière, j'ai reçu une chaussette sale, maugréa-t-elle en levant les yeux au ciel.

Encore une stupide fantaisie de la Cour, à placer au même niveau que l'anniversaire de Beatricia, les Jeux de Mendoza, ainsi que le bal d'été...

— Et... En quel honneur reçoit-on ces cadeaux ?

— Il n'y a pas d'occasion particulière, répondit Danila en haussant les épaules. Les boîtes sont distribuées de manière complètement aléatoire et même les domestiques en reçoivent. C'est toujours drôle de voir qui tombe sur les "leurres" et qui décroche le gros lot. On raconte que cette année, une pierre très rare va être mise en jeu, mais si tu veux mon avis...

Tandis qu'elles poursuivaient leurs recherches avec plus ou moins d'assiduité, l'ancienne alpha se lança dans mille conjectures au sujet de ce fameux "gros lot". Selon elle, des places en loge royale pour assister à l'opéra qui devait avoir lieu d'ici deux semaines étaient plus probables.

Les jours suivants, Alisée entendit parler de cette Journée des Boîtes à chaque détour de couloir, tout le monde étant curieux de découvrir quel allait être son cadeau. Ils n'ont vraiment rien d'autre à penser, se désolait-elle avec néanmoins un certain amusement, elle aussi commençant à se prendre au jeu. Les domestiques paraissaient sincèrement apprécier cette tradition du palais, ceux-ci ayant autant de chances que les chefs de clan de recevoir un "vrai" présent.

— L'an passé, j'ai reçu un joli chapeau de paille décoré d'un magnifique ruban, lui raconta Nessa un soir qu'elle lui prélevait son sang. J'imagine que vous ne vous en souvenez pas, mais c'est celui que je portais lors des Jeux de Mendoza. Eh bien, figurez-vous qu'à la place d'un accessoire raffiné, mademoiselle Blackfire a découvert une souris dans sa boîte ! On raconte que même son frère s'est moqué de sa crise d'hystérie !

Sur le coup, la réserviste s'était esclaffée. Cependant, quand arriva enfin le soir de l'événement tant attendu et qu'elle trouva une minuscule boîte blanche devant sa porte, elle espéra qu'il ne s'agissait pas d'un petit rongeur à longue queue...

Elle défit le soigneux ruban violet qui entourait le contenant, puis souleva délicatement le brillant couvercle cartonné. Au lieu d'un petit animal, elle découvrit un écrin en velours noir. Surprise, elle le sortit avec précaution, avant de l'ouvrir.

Le boîtier manqua de lui échapper des mains lorsqu'elle découvrit un fin anneau d'or, serti d'une pierre violette.

Cette dernière étincelait malgré la pénombre du seuil de la porte, capturant la lumière du couloir et de la chambre. Bien que cette gemme ne soit associée à aucune meute de loups-garous, Alisée l'identifia aussitôt : une améthyste. Infiniment rare, infiniment fascinante, infiniment belle... Si elle resta d'abord en admiration devant cette bague, un autre sentiment ne tarda pas à l'envahir. Distribués de manière aléatoire ? Mon oeil !

Elle referma l'écrin d'un claquement sec, puis décidée, se mit en route vers les appartements du roi.

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