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Chapitre 22 - Souvenirs mélodieux

Être un vampire comportait un nombre incalculable d'inconvénients : ne plus jamais pouvoir connaître l'éclat du soleil, devoir se nourrir de sang, devenir stérile... Cependant, Alisée devait avouer que la cicatrisation surnaturelle constituait un avantage considérable. Au moins ne garderait-elle aucune marque physique de sa petite escapade dans les bois.

En revanche, si tout souvenir de cette sombre pleine lune avait déserté sa peau, ce n'était pas le cas de son esprit. Celui-ci ressassait sans cesse les mêmes tourments survenus cette nuit-là, de la perte de tout espoir d'un jour retrouver Damien, en passant par la dispute avec Adrian, jusqu'à l'attaque des loups-garous. Étrangement, se remémorer ce dernier événement lui causait moins de douleur que les deux premiers.

Cela faisait une semaine que tout s'était produit. Sept jours pendant lesquels elle avait tenté d'accepter qu'elle ne reverrait plus jamais son frère, en vain. Sept jours sans que sa route ne recroise celle du roi, ce qui faisait bien son affaire. Au moins ne risquait-elle pas de s'emporter contre lui une nouvelle fois, car lorsque l'idée d'avoir perdu Damien lui devenait trop insupportable, la faute retombait toujours sur le souverain. Néanmoins, une minuscule part d'elle lui était reconnaissante de l'avoir aidée. Aussi, il lui arrivait bêtement de se demander si ses atroces blessures avaient cicatrisé, alors même que la réponse ne faisait aucun doute.

Pour l'heure, sa préoccupation était de retrouver la chambre de Danila, que la jeune vampire lui avait montrée la veille. Le récit de l'agression du roi et d'Alisée par des loups s'était répandu comme une traînée de poudre partout dans le palais. Drew l'avait raconté à Nessa, qui s'était d'abord précipitée pour prendre des nouvelles de la réserviste, avant d'aller rapporter l'histoire à d'autres domestiques. Eux-mêmes l'avaient répétée aux immortels qu'ils servaient, trop heureux d'avoir une telle nouvelle à leur colporter. Il n'avait fallu que quelques heures avant qu'elle ne parvienne aux oreilles d'une Danila affolée, qui avait aussitôt traversé le palais pour venir voir son amie :

— Par la Lune ! s'était-elle exclamée en faisant irruption dans sa chambre. Est-ce vrai ce que l'on raconte ? Oh non, avait-elle soufflé en repérant la pauvre robe déchirée qui pendait sur un cintre. Tu... Tu t'es vraiment fait attaquer par des loups-garous ? Je suis tellement désolée, je...

S'en était suivie une énumération de toutes les excuses possibles et imaginables, si bien qu'Alisée avait dû attendre qu'elle se calme afin d'intervenir. Lorsqu'elle lui avait demandé pourquoi elle s'excusait alors qu'elle n'avait strictement rien à voir avec tout cela, la vampire du clan Song avait baissé les yeux en tordant ses mains.

— Eh bien... J'aurais dû être là pour toi, je savais que tu allais recevoir des informations sur les personnes que tu cherchais et je n'ai fait aucun effort... Je me sens toujours mal lors des nuits de pleine lune, ne cherche pas à comprendre, mais... Tu ne serais peut-être jamais sortie seule dans ces jardins si j'avais été là... Pourquoi as-tu fait ça, d'ailleurs ? Ce que tu as appris est donc si terrible ?

Sur le coup, la réserviste s'était sentie trop épuisée — que ce fut émotionnellement et même encore physiquement — pour lui expliquer. Cependant, dès le lendemain, elle lui avait tout raconté, sans toutefois entrer dans les détails concernant son passé et celui de Damien. Déjà que l'émotion s'était emparée de son amie quand elle lui avait avoué chercher son frère et non pas une lointaine connaissance, mieux valait lui épargner les circonstances de leur séparation.

Durant la semaine suivante, Danila ne l'avait presque pas quittée, désireuse de lui apporter son soutien et de ne pas la laisser seule. Elles passaient leur temps à la bibliothèque, ou dans la chambre de l'une ou de l'autre. Celle de la plus jeune se situait dans l'aile est du palais, près du salon de musique où Alisée l'avait rencontrée, elle et Jae-Sun. Ce dernier leur tenait compagnie de temps à autre, appréciant également la quiétude de la salle remplie de livres. Lors d'un moment où sa protégée s'était absentée, il avait présenté ses excuses à la réserviste pour ce à quoi elle avait assisté lors de la réunion des chefs de clan. Elle l'avait aussitôt rassuré, sachant très bien qu'il n'était guère le principal responsable de ces histoires.

Désormais, Alisée se rendait chez Danila pour savoir si elle avait enfin terminé sa lecture de Quatre mariages et un bain de sang. Le livre lui plaisait tant qu'elle faisait exprès de ne pas aller trop vite, surtout que l'histoire ne comportait pas de suite.

Lorsqu'elle frappa à la porte, un petit couinement digne d'un chiot lui répondit, ce qui la fit ouvrir le battant avec appréhension. Elle découvrit son amie affalée sur son lit, encore en chemise de nuit, en train d'essuyer à l'aide d'un mouchoir les pauvres larmes qui tombaient de ses yeux.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? s'alarma aussitôt Alisée en accourant vers elle.

Le livre fermé qui gisait à côté de Danila lui donna bien vite une réponse.

— Je... Je l'ai juste terminé, balbutia-t-elle d'une voix rauque. Pourquoi m'as-tu fait lire un livre pareil ? Je t'avais dit que je n'aimais pas les fins tristes !

Perplexe, Alisée s'assit sur le bord du lit à la couverture bleue, dont la teinte s'assortissait à la perfection avec le reste de la pièce. Celle-ci se décorait de jolis murs azur agrémentés de motifs d'étoiles dorées, ainsi que de croissants de lune. Avec les jolies bougies allumées dans les candélabres d'argent, on se serait cru au coeur de la plus lumineuse des nuits.

— Mais... La fin n'est pas triste, puisque Dame Caroline finit avec John. N'était-ce pas ce que tu souhaitais ?

— Bien sûr que si ! Seulement, je ne voulais pas non plus que le vieil abruti avec lequel Caroline devait se marier meure ! Tu te rends compte, ces vampires qui l'ont vidé de son sang le jour de son mariage ? C'est affreux ! S'il n'était pas mort, Caroline aurait pu se marier avec lui et...

Elle s'engagea dans une plaidoirie enflammée pour défendre ce pauvre fiancé de l'héroïne, qui effectivement, était mort juste avant de prononcer ses voeux. Ce drame avait fait prendre conscience à Caroline qu'elle ne devait plus attendre afin de dévoiler ses véritables sentiments à John, qui lui-même s'apprêtait à épouser une ancienne amante. Après s'être tournés autour pendant absolument tout le roman, ils finissaient par reconnaître leur amour mutuel, sous une pluie de pétales de fleurs de cerisier.

Pouvait-on trouver plus niais ? Absolument pas.

— Ce n'est pas une fin heureuse ! se lamentait pourtant Danila. Je ne voulais pas que le fiancé meure, surtout pas de cette façon. Caroline n'aurait pas dû attendre sa mort pour se rendre compte qu'elle faisait n'importe quoi en l'épousant ! Franchement, je trouve la moralité plutôt discutable...

Énoncé comme cela, elle n'avait pas tort...

— J'avoue que tu as peut-être un peu raison, approuva Alisée. Mais que veux-tu, ce sont les choix de l'auteure... Et puis, c'est quand même mieux que rien si John et Caroline finissent ensemble, non ?

— Après avoir tué le fiancé, les mettre ensemble était bien le minimum que l'auteure pouvait faire ! s'exclama la jeune vampire. Déjà que je me sens comme après la séparation des Dorémi Horizons, je n'imagine même pas dans quel état j'aurais été si en plus chacun repartait de son côté !

Son amie fronça les sourcils, ne comprenant pas la signification de ces "Dorémi Horizons". Pour toute réponse, elle lui désigna un tableau accroché sur le mur pile en face de son lit.

— C'était le meilleur groupe de musiciens du monde entier, expliqua-t-elle en jetant son mouchoir à côté d'elle pour tripoter une mèche de ses cheveux bruns. Ils venaient jouer au palais tous les ans, lors de l'anniversaire de la princesse Isabella.

Intriguée, Alisée se leva et observa la toile, qui représentait cinq jeunes hommes aussi beaux les uns que les autres, posant fièrement à côté de leurs instruments respectifs. Pendant une courte seconde, le stupide espoir que Damien puisse faire partie de ce groupe l'avait animée. Après tout, puisqu'il peut être partout... Hélas, aucun de ces musiciens ne lui ressemblait, que ce fut de près ou de loin.

— Son Altesse les adorait, continua de raconter Danila en se redressant. Quand ils venaient en spectacle ici, on voyait qu'elle était vraiment heureuse. Leurs compositions sont tellement magnifiques, si seulement tu pouvais les entendre ! Forcément, ils ne jouaient pas aussi bien que Jae-Sun, mais presque.

La réserviste ne put retenir un sourire amusé.

— Malheureusement, ils ont décidé de mettre un terme à leur carrière... Il paraît que la princesse voulait les en empêcher grâce à un décret royal, mais le roi n'a jamais accepté. Je trouve franchement qu'il exagère ! Isabella voulait juste qu'ils continuent à venir pour ses anniversaires, ça n'aurait été qu'une seule fois par an ! Nous aurions pu continuer à les voir !

— Ils sont dans ta chambre, c'est encore mieux ! la taquina Alisée en désignant le magnifique tableau.

— C'est Jae-Sun qui me l'a offert, en espérant qu'il pourrait un peu me consoler. Il m'a aussi appris à reproduire le début de l'une de leurs musiques, au piano. Il me faut environ une minute pour enchaîner entre chaque touche, mais bon...

— Tu peux me faire écouter, si tu veux, lui suggéra la belle immortelle, y voyant une occasion de leur changer les idées. Promis, je ne me moquerai pas, ajouta-t-elle comme Danila commençait à protester.

Cette dernière mit un bon moment avant de céder, puis consentit à une petite démonstration au salon de musique uniquement si personne d'autre ne s'y trouvait. Elle demanda à Alisée d'aller vérifier si c'était le cas, pendant qu'elle enfilait une tenue un peu plus décente qu'une chemise de nuit.

La vampire s'exécuta, partant d'un pas léger vers la petite pièce... jusqu'à ce que des notes de piano parviennent à ses oreilles. Et mince, fut sa première pensée, navrée que le salon soit occupé. Cependant, alors qu'elle s'apprêtait à faire demi-tour, quelque chose dans la mélodie jouée la retint.

Elle conserva ses distances avec la porte, peu encline à se faire surprendre une nouvelle fois. Son audition surnaturelle lui suffisait pour s'émerveiller du son qui s'élevait dans l'air, aussi délicat qu'une douce berceuse. La plus triste des berceuses, songea-t-elle en sentant un troublant sentiment l'envahir. Était-ce elle qui, accablée par sa mélancolie, transposait sa propre tristesse sur quelque chose qui ne l'était pas ?

Sa curiosité la poussa à se rapprocher d'un pas, simplement afin d'encore mieux percevoir cette musique enchanteresse, mais incroyablement triste. Car plus les notes s'écoulaient, plus elles se chargeaient d'une émotion certaine qu'Alisée n'aurait pu uniquement imaginer. Qui peut donc être aussi triste ? s'interrogea-t-elle. Cette question l'attira près de la porte comme un aimant. Seule la pointe de ses pieds touchait le sol, davantage par crainte de rompre l'harmonie de ce moment que par peur de se faire repérer.

Lorsqu'elle risqua un coup d'oeil à travers la porte entrouverte, elle retint son inutile souffle... et faillit pousser une exclamation de surprise.

Absorbé par son piano, Adrian laissait ses doigts courir sur le clavier, effleurant à peine les touches noires et blanches. La chandelle allumée sur l'instrument lui donnait des airs angéliques, éclairant ses cheveux dorés tout en projetant des ombres sur son visage au profil parfait. Les paupières closes, il n'avait besoin d'aucune partition pour savoir quelles notes jouer, celles-ci semblant lui venir de la plus naturelle des manières.

À le voir ainsi, nul n'aurait pu prétendre contempler le premier maudit de ce monde. Un tout autre tableau se peignait dans les yeux de la réserviste : celui du plus sombre des anges, aussi troublante qu'était cette idée.

Une fois sa surprise passée, un long moment lui fut nécessaire pour comprendre ce qui l'intriguait chez cette mélodie.

Elle paraissait destinée à quelqu'un.

Il lui aurait été impossible de l'expliquer, pourtant voilà l'impression qu'elle lui faisait. Même si elle ne pouvait voir l'entièreté du salon, elle savait pourtant que celui-ci était vide. On aurait dit que les notes répondaient aux murmures d'une personne qui lui demeurait invisible, seul le roi pouvant sentir sa présence. 

Quand la mélodie prit fin, elle flotta dans l'atmosphère pendant encore quelques instants. Le monarque resta immobile de longues secondes, les yeux toujours fermés, ses doigts gisant au-dessus des touches sans les presser, puis...

— Justement, je vous cherchais.

Alisée ne saisit pas de suite qu'il s'adressait à elle. Toujours cachée derrière la porte, elle n'osait bouger d'un pouce, se sentant telle une enfant ayant surpris une conversation qu'elle n'aurait jamais dû entendre. L'envie de s'enfuir à vitesse surnaturelle la démangeait, mais une certaine attraction la poussa à davantage ouvrir la porte pour entrer dans la pièce.

Adrian se tourna sur son tabouret de piano et lui fit face, son petit sourire habituel suspendu aux lèvres. Néanmoins, cette apparente désinvolture n'atteignait pas son regard, empreint d'une émotion indéchiffrable.

— Je... Je vous présente mes excuses, commença la réserviste en lissant des plis inexistants sur sa robe pourpre. Je ne voulais pas vous déranger, vous espionner ou...

— Oh rassurez-vous, l'idée que vous puissiez m'espionner me plaît beaucoup, l'interrompit-il avec malice.

Elle pinça les lèvres, mais ne leva pas les yeux au ciel. Malgré son espièglerie, elle devinait une certaine tension dans ses épaules, ainsi que dans sa jambe droite qu'il remuait inconsciemment.

S'il avait été n'importe qui d'autre, elle n'aurait pu retenir un compliment sur sa divine manière de jouer. Or il lui semblait que dans le cas présent, la moindre remarque à ce sujet aurait été inappropriée.

— Vous avez dit me chercher ? l'interrogea-t-elle pour en venir au fait.

— En effet, confirma-t-il en posant ses coudes sur ses genoux. J'ai repensé à ce que vous m'avez dit à propos de votre... frère.

La main d'Alisée eut beau tressaillir, elle garda toute son attention concentrée sur le roi.

— D'après les registres et vos petites recherches, reprit-il après avoir marqué une pause, aucun Damien correspondant à celui que vous cherchez n'est jamais venu au palais, c'est bien cela ?

— Il n'y a même aucune trace de lui sur la Terre des Vampires.

Le monarque fit abstraction de l'irrépressible froideur qui transparaissait dans sa voix.

— Eh bien, peut-être que Damien n'a jamais mis les pieds ici, mais que votre frère, si.

— Que... Que voulez-vous dire, au juste ? s'enquit-elle comme il ne se donnait pas la peine de préciser sa pensée.

Heureusement, il dut saisir que ce n'était guère le moment de jouer aux devinettes. Les doigts de la réserviste qui chiffonnaient avec nervosité le tissu de sa jupe en étaient un excellent indicateur.

— Pensez-vous que si votre frère m'ait réellement été offert, il ait pu changer de nom ? demanda-t-il de but-en-blanc.

Ne s'attendant pas à une telle question, elle conserva le silence, complètement déconcertée.

— Vous... Vous pensez qu'il aurait donné un faux nom en arrivant au palais, devenant ainsi introuvable sous sa véritable identité ? s'étonna-t-elle en essayant de suivre le cheminement du roi. Mais... C'est stupide, pourquoi aurait-il fait cela ?

Elle venait de perdre tous ses espoirs quelques jours plus tôt et n'avait guère l'intention de s'en créer de nouveaux fondés sur le néant.

— Je ne sais pas, je vous pose la question, déclara Adrian en haussant les épaules. Peut-être a-t-il vu sa transformation et son arrivée ici comme un moyen de repartir à zéro ? Ne cherchait-il pas à fuir quelque chose ou quelqu'un ?

— Bien sûr que non ! s'exclama Alisée sans réfléchir. Nous menions une vie tranquille et sans histoires sur la Terre des Loups de l'Ambre. Et ne me demandez pas si j'en suis certaine, car c'est le cas.

Déjà que sa vie ne comportait presque plus la moindre certitude, il n'allait pas lui mettre des doutes sur ce qu'elle savait être la vérité. Damien n'avait pas de secrets pour elle et réciproquement. S'il s'était attiré des problèmes avec qui que ce fut, elle en aurait été au courant.

— Je vous crois, fit le roi en hochant la tête. Sauf qu'il a pu s'écouler un certain laps de temps entre le moment où il a été enlevé et celui où il m'a été offert. Je ne cherche pas à vous affoler ou vous faire inquiéter pour rien, mais il se peut que le palais se soit révélé comme... un refuge ? Avec une occasion de se créer une nouvelle identité ?

Même si elle voulait y croire, la belle immortelle devait avouer que cela paraissait plus que tiré par les cheveux. Où le souverain allait-il chercher de pareilles hypothèses ?

— Ces choses se sont déjà produites, lui indiqua-t-il, pareil à s'il lisait dans ses pensées. Lorsque vous êtes arrivée à la Cour, vous auriez très bien pu prétendre vous appeler Diana, Olivia ou Beatricia... Mais j'avoue qu'Alisée vous va mieux.

L'intéressée ne tint pas compte de sa remarque, essayant de considérer son idée. Quand bien même de sombres histoires seraient arrivées à Damien, aurait-il réellement pu faire cela, sachant que par conséquent, sa famille perdrait toute chance de le retrouver ?

— Dans tous les cas, fit-elle avec amertume, nous ne sommes pas plus avancés. Admettons qu'il ait changé de nom, tant que je ne connais pas sa nouvelle identité, je n'ai aucune piste pour lancer de nouvelles recherches.

— Il se trouve que si, la contredit-il en se redressant. Car il se peut que je connaisse votre frère sans le savoir.

La réserviste cilla. En effet, si Damien avait réellement fréquenté la Cour, sa route devait forcément avoir croisé celle du roi. Il restait tout bonnement à espérer que son visage ait suffisamment marqué Sa Majesté... Connaissant son aîné et l'appétence du souverain pour les belles et beaux vampires, cela ne faisait presque aucun doute.

Elle laissa un court espoir l'envahir, avant de l'éteindre en moins d'une seconde.

— C'est possible, admit-elle. Seulement... Comment voulez-vous que je vous fasse précisément savoir de quelle personne je parle ? Vous avez dû rencontrer des milliards de personnes au cours de votre vie, ce ne sont pas de simples descriptions hasardeuses qui vous aideront à l'identifier... J'ai déjà essayé avec d'autres courtisans. Et ne me dites pas de vous peindre son portrait, j'en serais plus qu'incapable.

Que cela lui aurait été utile si elle avait su dessiner autre chose que des personnages en bâtons !

— En fait, j'y ai réfléchi et... Je crois qu'il y aurait un moyen, hésita Adrian en baissant les yeux.

Fébrile, Alisée attendit qu'il poursuive, mais il resta un long moment à observer ses chaussures. Depuis quand se montrait-il si peu sûr de lui ? s'inquiéta-t-elle. Pile au moment où elle s'apprêtait à le supplier de mettre fin à ce stupide suspense, il reprit :

— Vous... Vous pourriez me faire partager l'un de vos souvenirs.

Elle ne saisit pas immédiatement où il voulait en venir, puis se rappela d'un détail concernant les buveurs de sang : ceux dont l'âge dépassait les deux cents ans pouvaient "projeter" un moment de leur passé dans l'esprit de quelqu'un d'autre. Jamais elle n'avait expérimenté cela, étant trop jeune pour cultiver ce pouvoir et personne ne lui ayant fait partager une vision. Certains de ses livres évoquaient cette pratique, sans qu'elle ne se soit jamais bien penchée sur la question.

— Je n'ai que cent deux ans. À moins d'attendre encore quatre-vingt-dix-huit années, cette technique ne pourra fonctionner...

— Cent deux ans ? répéta le roi en portant une main à son coeur, au niveau de sa rose aujourd'hui rouge. Franchement, vous ne les faites pas ! Je vous en aurais facilement donné trois cents de plus !

Il dut comprendre que l'heure des plaisanteries n'était pas venue, car il s'empressa d'ajouter :

— Mais votre âge importerait uniquement si vous souhaitiez faire partager un souvenir à un Neutre ou un loup-garou. Étant donné que j'ai dépassé les deux cents ans depuis belle lurette, il suffirait simplement que vous m'ouvriez votre esprit afin que je puisse y accéder.

Elle fronça les sourcils, n'y comprenant strictement rien du tout.

— Comment ça "ouvrir mon esprit" ? Ce n'est pas contre vous, mais en toute honnêteté, je n'ai pas vraiment envie que vous veniez farfouiller dedans...

Et c'était le moins que l'on pouvait dire ! Elle savait cependant que si cela représentait son unique chance de retrouver son frère, elle mettrait ses effarouchements de côté, peu importait ce que le monarque pourrait voir dans sa conscience.

— Vous devriez juste vous concentrer sur un souvenir précis que vous consentiriez à me montrer, la rassura-t-il. Même si je le voulais, je ne pourrais pas accéder à d'autres images que celles que vous acceptez de partager.

Malgré toute sa bonne volonté, Alisée ne put empêcher ses doutes d'émerger. Était-il vraiment possible qu'Adrian puisse reconnaître son frère rien qu'à travers un... souvenir ? Sans doute n'y avait-il presque aucune chance pour que cette idée fonctionne, toutefois au point où elle en était, la vampire n'avait plus rien à perdre.

— Très bien, accepta-t-elle. Quand voulez-vous... effectuer cette petite promenade dans mon esprit ?

— Je n'ai rien de prévu pour le moment, alors allons-y, fit-il en se levant de son tabouret. Si je vous fais attendre une journée de plus, je crains que vous ne puissiez résister à une nouvelle balade mortelle au milieu de la forêt...

Ses paroles se voulaient légères, mais la réserviste décelait toujours dans ses yeux azur une même ombre étrange.

— Il faut que je prévienne Danila, se rappela-t-elle en faisant mine de repartir vers le battant entrouvert.

— Mademoiselle Song a déjà montré son charmant petit nez tout à l'heure, avant de repartir à pas de louve, l'informa-t-il.

Comme elle n'avait absolument rien entendu, elle se demanda s'il ne possédait pas une audition encore supérieure à celle de ses sujets... Dans l'immédiat, elle ne put davantage s'en préoccuper, trop agitée par son appréhension à l'idée de ce qui allait se produire. Sa dernière échappatoire envolée, il ne lui restait plus le moindre motif pour se dérober.

Le roi lui conseilla de fermer la porte, ce qu'elle fit en espérant que Danila n'allait pas s'alarmer ou s'imaginer des choses...

— Vous allez devoir choisir un moment très précis, lui expliqua Adrian en se rapprochant doucement d'elle. Si vous m'en laissez le droit, je pourrais entrer dans votre esprit et nous revivrons ce souvenir comme vous l'avez vécu des années plus tôt, avec votre vision des choses, vos pensées et vos... sentiments.

Revivre un souvenir. Ressentir les mêmes émotions que plus de huit décennies auparavant... En était-elle vraiment capable, surtout si Damien apparaissait ?

— Je vous dis cela pour que vous ne choisissiez pas un passage difficile de votre vie. Vous pourrez décider à tout moment de rompre la vision, mais autant que ce ne soit pas trop éprouvant pour vous.

— Ça va aller, affirma-t-elle, coupant court à sa sollicitude qui commençait à la perturber tant elle semblait véritable.

Il ne dit plus un mot et fit mine d'approcher une main du visage d'Alisée, ce qui la fit esquisser un irrépressible mouvement de recul, révélant ainsi sa tension sous-jacente.

— C'est juste pour établir un lien avec votre esprit, la calma-t-il. Je me doute que vous préféreriez vous jeter une nouvelle fois dans la gueule des loups plutôt que de me faire confiance, pourtant vous allez devoir y être un peu obligée...

Décidément, tout dans ce plan criait à la belle vampire d'y renoncer et de retourner parler groupes de musique avec Danila. Cependant, elle laissa Adrian apposer deux doigts glacés sur sa tempe, puis ferma les yeux.

Des ombres floues envahirent doucement sa conscience, signe que le pouvoir du roi commençait à opérer. Ne lui restait plus qu'à choisir un souvenir. En dépit des conseils du monarque, elle se retrouva inexorablement attirée vers une même réminiscence, enfouie dans les tréfonds de sa mémoire.

Celle à l'origine de quatre-vingt-deux ans de tourments.

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