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Chapitre 19 - L'explosion

En se rendant dans les jardins, Alisée avait espéré y trouver le calme et l'air frais. Elle ne pensait pas pouvoir être si bien exaucée.

La pleine lune éclairait de sa douce lumière des bosquets déserts, seulement peuplés par les quelques insectes qui y butinaient. En cette nuit de mi-printemps, ils fourmillaient gaiement parmi les bourgeons, appréciant l'absence de courtisans brailleurs. Le bourdonnement des abeilles parvenait avec insistance aux oreilles de la belle vampire, en un son qui d'ordinaire, l'aurait vaguement agacée. Or elle y prêtait si peu attention qu'elle ne l'entendait même pas.

À vrai dire, elle n'avait presque aucune conscience de ce qui l'environnait.

Cela devait au moins faire deux heures qu'elle déambulait à travers ces végétaux, plongée dans la pénombre. Pas la moindre lanterne ne brillait sur les petits arbustes. Seul l'éclat du parfait disque argenté au-dessus de sa tête lui permettait de ne pas se prendre les pieds dans des racines, ou de se jeter dans un buisson.

Cependant, elle doutait que même une chute soit suffisante pour la réveiller.

Elle venait de passer la journée entière à lire, relire et encore relire les fiches fournies par le bureau des archives. Elle ignorait combien de fois elle avait vérifié chaque date de naissance, chaque description, chaque date d'arrivée... Il existait des Damien McLawrence, Tanner, Blackfire, Manawé, ainsi que d'autres qui n'avaient jamais été attribués à un clan. Certains vivaient tranquillement sur le territoire de leur groupe, tandis que d'autres étaient morts ou disparus.

Hélas, sur les neuf, aucun ne correspondait au frère d'Alisée.

Il arrivait que certaines informations coïncident, avant qu'une irréfutable incohérence ne balaye ses espérances. Bien sûr, il se pouvait que quelques-unes soient erronées. Mais au fond d'elle, la réserviste sentait que lorsqu'elle tenait une fiche entre ses mains, il ne s'agissait pas de celle de son aîné.

Ainsi, il n'existait absolument pas la plus petite trace du passage de Damien sur la Terre des Vampires. Impossible de savoir ce qu'il était devenu après que quatre-vingt-deux ans plus tôt, sa cage se soit éloignée de celle de sa soeur.

Cette dernière ne ressentait pas la moindre émotion. Du moins, aucune à laquelle elle pouvait attribuer un mot. Son trouble ne s'incarnait pas par des larmes, car ses yeux restaient étonnamment secs. Tout ce qui lui restait était le vide.

Un affreux vide qu'elle ne parvenait à exprimer.

Étant donné que lire était hors de ses capacités, elle avait machinalement quitté sa chambre dès le prélèvement de Nessa terminé. Elle n'avait même pas senti la lame de la domestique contre son poignet et n'avait pu échanger avec elle que de simples salutations. Face à sa léthargie, la Neutre ne l'avait ni questionnée au sujet de son escapade à Mendoza, ni à propos des résultats de ses recherches. Elle était juste partie après lui avoir assuré être là en cas de besoin.

À présent, Alisée voguait à travers les jardins. Danila était introuvable, mais de toute façon, elle ne se sentait capable d'aucune conversation. En vérité, elle ne se sentait capable de rien du tout, pas même de penser.

Elle se rendit à peine compte qu'elle atteignait une partie reculée des jardins, depuis laquelle on pouvait presque entièrement admirer le lointain château. Quand elle passa un portillon en ferraille rouillée, le désagréable grincement qu'il émit en s'ouvrant ne suffit à l'inquiéter.

Ce n'est que lorsque quelques mètres plus loin, elle se retrouva face à d'immenses rosiers, que sa conscience trouva la force de s'intéresser à ce qui l'entourait.

Si elle avait déjà eu l'occasion de voir des roses au cours de sa longue vie, celles qui s'offraient à elle en cet instant les lui firent toutes oublier. De par leur taille ou leur feuillage, les arbustes différaient tous les uns des autres, mais comportaient un point commun : celui d'être fleuris par un nombre incalculable de fleurs. Les couleurs de ces dernières variaient en des dizaines de teintes, allant du blanc le plus immaculé au rouge le plus profond. Bien qu'il devait être encore plus beau sous l'éclat du soleil ou de ne serait-ce qu'un meilleur éclairage, ce spectacle réussit à fasciner Alisée.

S'approchant de l'un des rosiers, elle observa la brise balayer lentement une fleur jaune. Malgré son calme, le vent détacha l'un des fragiles pétales de sa corolle, l'emportant avec lui dans un doux sifflement. Elle put le suivre du regard pendant quelques secondes, jusqu'à ce qu'il s'envole trop haut, vers la voûte étoilée.

Elle ignora pourquoi, mais cette vision fit rouler une larme sur sa joue.

En dépit de son corps mort déjà glacé, elle ressentit une vague de froid l'assaillir, que même le feu d'une cheminée n'aurait pu réchauffer. Des images de Damien se mirent à défiler dans son esprit, alimentant les perles salées qui tombaient de ses yeux.

Tu ne peux pas arrêter de lire cinq minutes ? lui demandait-il toujours lorsqu'elle restait assise à côté de lui pendant des heures, aussi muette qu'une tombe. Et toi, tu ne peux pas lâcher ton violon trente secondes ? lui rétorquait-elle sans lever les yeux de son livre. Pour l'embêter, il se mettait alors à jouer un air si entêtant qu'il rendait toute lecture impossible. S'ensuivaient ensuite des chamailleries, qui finissaient en éclats de rire. Car lui mieux que quiconque parvenait toujours à la faire sourire. Même lorsque, une fois adolescents, il se mettait à la taquiner avec son fiancé. Tu sais, tu es vraiment difficile, fit-il mine de la sermonner un jour qu'elle se plaignait de son promis. Si tu ne veux pas de lui, moi je l'épouse sur-le-champ. C'était d'ailleurs ce jour-là que...

— Comment trouvez-vous mes fleurs ?

Cette voix la fit sursauter, l'extirpant de ses lointains souvenirs avant qu'ils ne l'ensevelissent. Elle essuya tant bien que mal ses joues d'un revers de la main, puis prit une inspiration afin de se calmer.

— Bon... Bonsoir, Votre Majesté, bredouilla-t-elle d'une voix moins tremblante que ce qu'elle aurait pu être.

Elle se retourna vers le roi sans croiser son regard, priant pour que l'obscurité dissimule ses yeux rougis. Il dut cependant remarquer son trouble, car elle sentit le scintillement de ses iris peser sur elle.

— Les rosiers ne sont pas faciles à entretenir, reprit-il pourtant comme si de rien n'était. Il faut les tailler, les arroser quand il ne pleut pas, mettre de la paille sur certains pieds en hiver...

La réserviste serra les poings. Elle avait tout, sauf la patience d'entretenir une conversation ridicule avec lui. D'autant plus depuis qu'elle avait assisté à ce sordide conseil des chefs de clan.

D'autant plus depuis qu'elle savait qu'elle ne retrouverait jamais son frère.

— Enfin, j'imagine que mes histoires de jardinage n'intéressent que moi, déclara le roi en venant à côté d'elle pour admirer les roses jaunes. Chaque fois que j'en parle à Isabella, elle lève les yeux au ciel, puis s'en va. 

Alisée ne répondit rien. Un silence tomba, pendant lequel la vampire tenta de refouler les sanglots qui enflaient dans sa gorge. Sentir le monarque si proche d'elle ne l'aidait pas à s'apaiser. Au contraire, autre chose que de la peine commençait à croître en elle. Un sentiment beaucoup plus violent, qu'elle n'avait d'abord pu délier de sa tristesse.

À présent, il menaçait de la ravager à la moindre étincelle.

— Avez... Avez-vous obtenu les informations que vous cherchiez, aux archives ? lui demanda finalement Adrian d'une voix inhabituellement mal assurée.

Encore une fois, elle demeura silencieuse. Ses ongles s'enfoncèrent avec force dans ses paumes, y creusant des croissants de lune sanguinolents.

— J'espère au moins que Duncan n'a pas été trop désagréable avec vous, fit-il en approchant sa main des roses pour arranger quelques branches. Il peut paraître assez... bourru quand on ne le connaît...

Il s'interrompit, ayant sûrement senti le sang qui s'écoulait des mains de l'immortelle. Cette dernière ressentait à peine la douleur, incapable d'ôter ses griffes de ses blessures. Elle gardait les yeux rivés sur l'une des fleurs, ses pieds aussi plantés dans le sol que les arbustes autour d'elle.

— J'ignore ce que vous avez appris, mais vous faire du mal comme ça n'est pas la solution, déclara-t-il avec une froide sévérité qui attisa les nerfs d'Alisée.

— Ah oui ? rétorqua-t-elle en lui faisant enfin face. Alors quelle est-elle, cette solution ? Dites-le-moi, je vous en prie, vous qui semblez en avoir une à tout !

Elle le laissa affronter son regard certes chargé de larmes, mais aussi bouillant de rage. Car c'était bien cela qui coulait dans ses veines. De la colère et de la rage pures.

La surprise se lut sur le visage d'Adrian lorsqu'il vit le réel état de la vampire, ainsi qu'un semblant... d'effroi ? Quoi que ce fut, ces sentiments disparurent aussitôt, remplacés par un masque de dureté.

— Si c'est par rapport à ce que l'on vous a raconté lors du conseil, sachez que je ne prends aucune de ces décisions de gaieté de coeur.

— Pourtant, vous les prenez, répliqua-t-elle aussitôt.

Quelque chose en elle avait cédé, bouleversant toute une éducation de bonnes manières, de retenue, de maîtrise de soi... Désormais, peu lui importait de s'adresser au roi. Aussi beau était-il, les traits parfaits de son visage ainsi éclairés par le clair de lune, l'homme qui se tenait devant elle ne méritait pas une once de respect.

— Vous croyez sincèrement que diriger un royaume peuplé d'immortels est facile ? l'interrogea-t-il avec un calme détonnant. Sans vouloir offenser votre amour pour les romans aux intrigues royales, vous n'avez pas la plus petite idée de tout ce que cela implique.

— Je sais, affirma-t-elle sans se démonter. Malgré tout, je ne comprends pas comment un monarque peut volontairement laisser le chaos se propager dans son propre peuple, rien que pour remédier à des problèmes de surpopulation. Je suis peut-être naïve, idéaliste, stupide, ou même les trois à la fois, mais je suis certaine qu'il doit exister un autre moyen que ces méthodes de lâche. 

Venait-elle de traiter éhontément le roi des vampires de lâche ? Il fallait le croire. Au fond, peut-être n'était-ce pas sa bienséance, mais son instinct de survie qui l'avait abandonnée.

En dépit de tout cela, elle soutint le regard de l'insulté, qui semblait avoir du mal à lui rendre la pareille.

— Vous avez raison, il existe un autre moyen, déclara-t-il cependant, son calme devenu glaçant.

Il laissa s'écouler un court silence, avant d'ajouter :

— La guerre. Contre les loups-garous. Faites-moi confiance, il n'y a pas plus efficace pour faire considérablement baisser la population. Chez une espèce comme chez l'autre.

Elle resta muette, loin de flancher pour autant.

— Il me suffirait d'un claquement de doigts pour en déclencher une, poursuivit-il d'un ton aussi venimeux que le sifflement d'un serpent. Isabella préférerait d'ailleurs largement cette méthode à celle que nous employons actuellement. Les combats feraient rage, et alors ce ne serait pas les vies de quelques personnes qui seraient sacrifiées, mais celles du monde entier.

Il fit un pas vers elle, d'une lenteur féline, réduisant la distance qui les séparait.

— Plus le moindre village paisible, plus le moindre coin de paix, plus la moindre existence sereine... Est-ce réellement cela que vous voulez, mademoiselle Alisée ?

N'importe qui se serait courbé face à une telle réponse et l'intensité avec laquelle elle avait été prononcée. Or l'interpelée n'en fit rien.

— Tout ce que je souhaitais, commença-t-elle d'une voix plus claire qu'elle ne l'avait espérée, c'était retrouver le frère qui s'est sacrifié pour moi plus de quatre-vingts ans plus tôt, en acceptant de vous être offert à ma place. Sauf qu'à cause de votre politique de tri, comme vous le dites si bien, il est sûrement désormais mort !

Elle aurait juré voir Adrian ciller. Néanmoins, il continua de soutenir son regard. Lorsqu'il reprit la parole, toute dureté et malveillance l'avaient déserté.

— J'ignorais que vous cherchiez votre frère, avoua-t-il en fronçant les sourcils.

Voyant qu'elle entrouvrait les lèvres pour riposter, il s'empressa de poursuivre :

— À votre avis, pourquoi existe-t-il des registres de mes anciens cadeaux, dans la bibliothèque ? Pourquoi les archives du royaume sont-elles aussi fournies ?

La colère avait beau l'empêcher de réfléchir correctement, le cheminement parvint à se faire dans son esprit. Se pouvait-il que...

— Je sais que ce système d'offrande engendre des séparations. J'ai donc mis en place le maximum pour qu'au final, ces personnes puissent se retrouver.

Ce qu'il pensait être une révélation capable de la calmer obtint l'exact effet inverse :

— Il n'y aurait pas besoin de tout cela si les gens n'étaient jamais amenés à se séparer ! répliqua-t-elle, outrée. Vous rendez-vous compte de tout le malheur que vous causez, rien que pour assoir votre pouvoir et établir un prétendu ordre dans vos clans ? Ce "système d'offrande" oblige les vampires à se liguer les uns contre les autres. Sans parler des jeunes Neutres qui sont enlevés aux leurs rien que pour être transformés, puis ensuite vous être offerts !

À présent qu'elle était lancée, plus rien ne pouvait l'arrêter.

— Si vous ne forciez pas vos sujets à vous offrir des "cadeaux" afin d'accéder à un clan, alors jamais mon frère et moi n'aurions été enlevés, jamais il n'aurait supplié nos ravisseurs de le choisir lui plutôt que moi, jamais nous n'aurions été séparés et jamais je n'aurais eu à accepter de venir ici pour le retrouver !

Elle sentait que de nouvelles larmes — de tristesse, de rage, de désespoir — n'allaient pas tarder à ressurgir. Du sang continuait toujours à s'écouler de ses paumes meurtries, tombant en fines gouttes près des rosiers.

Implacable, le roi ne la quittait pas des yeux.

— Je suis désolé pour vous et votre frère, fit-il avec une sincérité déconcertante. Mais les choses sont ainsi. Ce système, tout comme toutes les autres politiques de ce royaume, ont été mis en place pour de bonnes raisons, et ne vous vexez pas si je dis qu'elles vous dépassent.

De peur d'aller trop loin, elle hésita à prononcer les mots qui la brûlaient. Or de toute façon, n'avait-elle pas franchi les limites depuis bien longtemps ? Quitte à ce qu'il lui coupe la tête au lever du jour, autant lui dire entièrement ce qu'elle avait sur le coeur.

— Co.... Comment pouvez-vous vous regarder dans une glace après tout ce que vous faites ? murmura-t-elle d'une voix brisée.

Pour la première fois, il se déroba à son regard afin de lever les yeux au ciel, mais Alisée aurait juré voir ses mains frémir.

— Je vous en prie, épargnez-moi vos grands élans dramatiques, grommela-t-il, sa rudesse revenue. Vous ne pouvez pas non plus me reprocher tous les malheurs du monde... Vous avez dit avoir "accepté" de m'être offerte. Vous auriez pu y échapper, donc ?

— Votre palais était le dernier endroit où je savais que mon frère avait été emmené. Du moins, je croyais le savoir...

— Vous croyiez le savoir ? répéta le monarque en laissant échapper un petit rire. Vous dites qu'il s'est sacrifié pour vous il y a plus de quatre-vingts ans, que vous avez été enlevés ou je ne sais quoi... Mais êtes-vous seulement sûre qu'il a été transformé en vampire ?  

Elle s'apprêta à répliquer que oui, elle en était certaine, lorsqu'elle se rendit compte que ce n'était pas le cas.

Durant le voyage qui avait suivi leur enlèvement, Alisée et Damien, enfermés dans leurs cages, avaient entendu leurs ravisseurs discuter entre eux. D'après ce qu'ils avaient compris, les hommes avaient été engagés par un riche vampire souhaitant renouveler son offrande au roi, ce qui lui permettrait d'encore appartenir à son clan. Il les avait payés une fortune pour lui trouver un "cadeau impossible à refuser", ce qu'étaient incontestablement Damien et sa soeur.

Même s'ils ne devaient ramener qu'un seul Neutre, les ravisseurs avaient jugé bon d'embarquer les deux qui leur étaient tombés sous la main. L'un serait pour le vampire qui les avait missionnés, tandis que l'autre serait une sorte de "bonus" qu'ils pourraient revendre à qui voudrait bien d'un magnifique Neutre. À l'époque, la jeune fille qu'était Alisée avait été terrifiée à l'idée d'être offerte au monarque. Son frère lui-même refusait que sa soeur connaisse un tel destin, alors il avait tenté de négocier avec les ravisseurs pour faire office de cadeau.

Bien qu'il ait obtenu gain de cause, mille choses avaient pu se produire avant qu'il ne soit offert à Sa Majesté. Il avait d'abord fallu qu'il parvienne jusqu'à la Terre des Vampires sans mourir de faim ou de soif, qu'il soit jugé "impossible à refuser" par l'immortel qui avait engagé les ravisseurs, qu'il soit transformé, qu'il...

Tout cet océan d'incertitudes finit d'engloutir la réserviste. Elle se sentit submergée par une nouvelle vague de détresse, plus dévastatrice que jamais.

— Vous voyez, vous n'êtes sûre de rien, reprit le roi comme elle demeurait silencieuse. Vous pouvez m'accuser de ce que vous voulez, mais je n'y suis pour rien si vous avez été si désespérément naïve. Comment avez-vous pu croire retrouver la trace d'un homme que vous avez perdu il y a plus de quatre-vingts ans ?

Son insupportable condescendance fut l'ultime déclencheur d'un raz-de-marée incontrôlable.

— Justement si, je peux vous accuser de tout ! explosa Alisée, toutes barrières tombées s'il en restait encore. J'ignore la manière dont vous êtes devenu le premier maudit de ce monde, si ces roses ont seulement une signification, fit-elle en désignant les vaines fleurs qui les entouraient, mais le vampirisme est responsable d'absolument tout ! Vous avez réussi à réduire toute une espèce en quasi-esclavage, avez bouleversé le cours de millions d'existences, avez détruit la mienne...

Des perles salées ruisselaient sur ses joues, sa voix se brisait un peu plus à chaque parole, mais elle se contenait depuis déjà bien trop, trop longtemps :

— C'est à cause de vous si j'ai tout perdu. Ma famille, mon frère, mon fiancé, un nombre incalculable de personnes que j'aimais et même mon...

Impossible de prononcer le mot. La main qu'elle passa, par réflexe, furtivement sur son ventre parla pour elle.

Elle eut beau aussitôt se tordre les doigts, son geste n'échappa pas à Adrian. Tout éclat s'éteignit dans le regard de ce dernier, alors que la jeune immortelle faisait un pas en arrière. Elle aurait juré le voir esquisser un mouvement dans sa direction, mais elle continua à reculer, soudain vidée de toute énergie.

La vague passée, un nouveau silence insoutenable tomba.

Les bourdonnements des insectes parvenaient à leurs oreilles comme de très loin. Complètement sonnée, Alisée avait l'impression d'avoir été noyée sous des trombes d'eau glacée. Des sanglots obstruaient toujours sa gorge, mais ses larmes s'étaient brusquement taries. Si elle avait pu détourner ses yeux du sol, elle aurait vu à quel point le roi était encore plus assommé qu'elle. Incapable d'articuler le moindre son, il ne cessait de la regarder, figé par une émotion indéchiffrable.

Ne pouvant soutenir cette tension plus longtemps, la vampire trouva la force de murmurer :

— À présent, j'aimerais être seule.

Puis elle s'éloigna, chancelante, loin des si beaux rosiers.

— Et puis-je savoir où vous allez ? s'enquit-il comme elle prenait la direction opposée à celle du château, s'en allant vers un bois qui bordait les jardins.

— Qu'est-ce que ça peut vous faire ? s'agaça-t-elle, sans se retourner.

Elle voulait juste s'éloigner le plus loin possible de lui, de ce palais, de ces vampires corrompus jusqu'à la moelle...

— Dois-je vous rappeler que c'est la pleine lune ?

— Et alors ? rétorqua-t-elle en poursuivant sa route, approchant la lisière de la forêt. Grâce à vous, nous sommes sur la Terre des Vampires, je ne risque pas de voir un loup traîner aux environs !

— Très bien, comme ça si on retrouve un tas de cendres, je saurai de qui il s'agit !

Elle accéléra le pas sans plus lui répondre. Elle quitta bientôt les allées dégagées des jardins pour s'enfoncer dans un sentier bordé par les arbres. Ici, le calme devint d'autant plus saisissant, uniquement perturbé par ses pieds lorsqu'elle marchait sur des brindilles. En levant la tête, elle vit le ciel noir se découper à travers les hauts branchages, tout comme les étoiles et le disque argenté. La lumière blanche de ce dernier parvenait à peine jusqu'aux sous-bois, plongeant la forêt dans un noir presque complet.

Cette pénombre n'arrêta pas Alisée, qui poursuivit son chemin, malgré les végétaux se prenant dans ses jupons. Où allait-elle, exactement ? Aucune idée. Désormais, sa vie n'avait plus la moindre ligne d'horizon à suivre. Plus personne ne tenait à elle en ce monde ou du moins, quand bien même l'une d'elles serait toujours vivante, elle ne la retrouverait jamais. Comme elle l'avait si ardemment dit au roi, il ne lui restait plus rien.

Après une telle déferlante d'émotions, elle se sentait épuisée. Voilà ce que c'était que de passer ses journées au milieu de fictions afin d'étouffer la réalité. Lorsqu'on finissait par être obligé de l'affronter, elle nous engloutissait.

Des milliers de souvenirs auxquels elle se refusait de penser défilaient dans l'esprit de la vampire, accentuant un peu plus sa détresse. Sa mère biologique qui les avait abandonnés, elle, son père et Damien. Ses petits frères et soeurs qui dansaient joyeusement autour d'elle lors d'une fête de village. Son ancien fiancé qu'elle croyait pourtant avoir oublié. Sa traversée du désert enfermée dans une cage. Sa vente lorsque Dame Miranda l'avait acquise. Ce riche loup-garou qui était prêt à la racheter et avec lequel elle avait failli fonder sa propre famille... Il faut que tout s'arrête, il faut que tout s'arrête, se répétait-elle alors que toutes ces réminiscences remontaient à la surface.

Elle ne regardait même pas où elle mettait les pieds, ses yeux endoloris après toutes les larmes qui s'en étaient écoulées. Elle n'avait même plus le réflexe de respirer, sa poitrine bloquée par ce trop-plein d'émotions insoutenable. Il faut que tout s'arrête. Il faut que tout s'arrête.

Au fond d'elle, elle espérait voir le soleil se lever entre les arbres. Ses jambes finirent par s'arrêter et elle releva de nouveau la tête vers le ciel. La lune y brillait toujours, insolemment inoffensive... ou presque.

Car quand Alisée se détourna d'elle, son regard rencontra des iris bleu foncé, scintillant dans l'obscurité.

Elle crut d'abord qu'il ne s'agissait que de son esprit troublé qui lui jouait des tours, mais elle devina bientôt le contour d'une tête d'animal au pelage gris. Un grattement se fit entendre sur sa droite, puis sur sa gauche, où deux autres pairs d'yeux la fixaient. Un grognement vibra dans son dos, la dispensant de se retourner pour vérifier ce qu'elle croyait avoir deviné.

Au moins quatre loups-garous l'encerclaient. Et elle se trouvait seule et désarmée au beau milieu d'une forêt.

Tout compte fait, il fallait croire que la lune l'avait prise en pitié.

Note de l'auteure :

Gnéhéhé, que des vampires ce n'est pas assez drôle, il fallait bien qu'on retrouve des petits loups-garous, non ? 😇

J'espère que ce chapitre vous a plu, c'est vraiment l'un de ceux que j'ai préféré écrire ! (Et oui que voulez-vous, j'aime les grandes disputes dramatiques... ❤️)

De manière générale, j'espère que l'histoire vous plaît et que vous arrivez à peu près à tout suivre (j'avoue qu'il y a pas mal de personnages et de trucs un peu compliqués... surtout que même notre petite Alisée nous avait caché des choses 😅), n'hésitez pas à me poser des questions dès que vous êtes perdus ! ^^

Merci d'être là et à très vite pour le prochain chapitre... avec un peu d'action, enfin ! ❤️

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